La réhabilitation des décharges d'ordures ménagères est une préoccupation des pouvoirs publics qui, tout en promouvant la mise en place de systèmes plus performants de traitement des déchets, souhaitent voir disparaître les " décharges de nos grands-pères ". L'étude de diagnostic dont l'objectif vise à quantifier l'impact des décharges sur les milieux est une étape préliminaire au choix et à la réalisation du type de travaux de réhabilitation qu'il convient de mener. Une fois réhabilité, le site doit faire l'objet d'une surveillance à long terme. Il convient également d'en garder la trace, la mémoire.
Préparer la fermeture des sites de décharges
Le Ministère de l’Environnement a inauguré en 1992 un programme global de relance de la politique des déchets, ayant notamment pour objectifs la récupération des emballages, la création d’unités de traitement intercommunales et la résorption des décharges traditionnelles. Sur ce dernier thème, les trois années qui se sont écoulées ont permis de faire le point et de connaître avec plus de précision l’ampleur de la tâche et des fonds à mettre à disposition de la réhabilitation de ces décharges.
Le dernier recensement disponible indique en effet qu’il reste encore plus de 4000 décharges brutes de toute taille à réhabiliter en France. Il est clair que si parmi ce nombre une grande partie correspond à des dépôts de bords de route ou à des sites recevant uniquement des déchets inertes, il existe une fraction non négligeable de sites qui reçoivent ou ont reçu des déchets de toute nature, qui présentent un risque potentiel pour l’environnement. On peut estimer qu’un quart de ces sites présente des risques qu’il conviendra de traiter par la suite.
Il importe dans un premier temps de dégager des priorités au niveau national et surtout départemental. Le travail préliminaire de répertoriage et de classification des décharges ainsi que leur hiérarchisation selon les impacts a été mené très différemment selon les départements. Peu de plans départementaux d’élimination des déchets municipaux comportent toutefois des indications bien précises sur ces sujets. Cette absence de prise en compte au niveau départemental a conduit l’Ademe à agir sur ce sujet. Un guide méthodologique de résorption des décharges au niveau départemental devrait être prochainement mis à la disposition des collectivités territoriales. Ce travail sur le « comment fait-on ? » devrait également être accompagné d’aides à la réalisation d’études et de travaux de réhabilitation de ces sites (plafond fixé à 300 kF pour les diagnostics et études, et à 1 MF pour les travaux).
Voir, Écouter et Sentir ou l’étude bibliographique et historique
La réhabilitation des décharges comporte deux phases distinctes que sont le diagnostic de l’impact sur l’environnement et la réalisation des travaux de réhabilitation (tableau I). L’objectif de la première phase de diagnostic consiste à définir et à quantifier les impacts existants sur les différents milieux (tableau II) que constituent l’eau, l’air, le paysage et l’environnement humain. On vise pour cela à établir, à partir d’une analyse de la sensibilité du milieu, les impacts et les risques présents et futurs de dégradation de l’environnement dus à la présence de la décharge. De la qualité de ce diagnostic dépend grandement l’adéquation des moyens mis en œuvre lors des travaux de réhabilitation.
Les techniques de diagnostic sont variées. Elles font appel à des études bibliographiques complétées d’interviews de personnes ayant été concernées directement ou indirectement par l’existence de la décharge (ancien exploitant, transporteur de déchets, riverain, …). Ce travail est à l’origine de la rédaction d’un cahier des charges des reconnaissances complémentaires nécessaires à mettre en œuvre qui décrit, milieu par milieu, les techniques, les objectifs attendus et les coûts des investigations de terrain (analyses de déchets, création de piézomètres, étude paysagère, modélisation de la dispersion des polluants).
Le choix du projet de réhabilitation doit être guidé avant tout par la garantie des mesures de protection des milieux et de réduction des impacts – limitation des entrées d’eau, drainage et traitement des lixiviats et du biogaz, préservation des espèces naturelles, …
Pour être à même de décider, le Maître d’Ouvrage doit connaître l’ensemble des critères de choix. Ces critères peuvent varier d’un site à l’autre. On citera par exemple le coût des travaux, le ratio réduction de l’impact/coût des travaux, la pérennité de l’installation, la facilité de mise en œuvre, …
L’exemple présenté ci-après (tableau III) présente les critères de jugement retenus pour une décharge récemment réhabilitée.
Quels travaux pour la réhabilitation ?
Le choix du type de réhabilitation ayant été fait, il convient de lancer les travaux.
Maîtrise de l’impact sur la qualité des eaux
Ces travaux représentent souvent le poste le plus important sur l’ensemble d’une réhabilitation. Des solutions de confinement partiel ou total sont le plus souvent utilisées. Elles font appel à la réalisation de couvertures de matériaux naturels (argiles, graviers) et/ou artificiels (géosynthétiques) qu’il convient de mettre en place selon des techniques éprouvées de travaux publics. Les solutions type « tranchée drainante » ou « paroi moulée » sont réservées à certains cas particuliers. Selon les contextes, il pourra être préférable de privilégier des solutions « matériaux » ou des solutions « membranes », combinées ou non à des solutions « traitement des eaux ».
La gestion des lixiviats (eaux polluées par leur contact avec les déchets) dans le cadre de la réhabilitation d’une décharge est l’un des sujets les plus critiques, car l’impact des eaux polluées sur l’environnement peut être très élevé. Les solutions habituellement retenues résultent d’une logique en deux points, basée sur la diminution du transfert de flux polluant dans l’environnement. Il s’agit donc de diminuer la quantité de lixiviats, et de les traiter pour diminuer la charge pol-
l’unité par unité de volume. La plupart des systèmes de traitement incluent un étage biologique (lagunage, bio-réacteur, …) complété, si cela s’avère nécessaire, d’un étage physico-chimique et d’un traitement final (déshydratation, incinération …). Ces traitements peuvent aussi bien être envisagés in-situ ou en station de traitement des eaux usées, selon les contextes.
Maîtrise de l’impact sur la qualité de l’air
Le biogaz issu de la fermentation de la matière organique des ordures ménagères est une source d’odeurs importantes (dues aux composés soufrés), une source de risques et d’accidents non négligeable (du fait de la production de méthane et des migrations latérales en particulier), et une cause d’asphyxie de la végétation. Il convient donc de capter ce biogaz, de le détruire ou de le valoriser. Dans le cadre d’une réhabilitation, les travaux comprennent (figure 2) :
- • l’utilisation éventuelle de puits existants ou forages de puits de pompage du biogaz avec raccordement sur l’étanchéité de surface ;
- • l’installation d’un réseau de captage conçu en forme « d’arête de poisson » ou « d’étoile » selon l’emplacement des unités de traitement ou de valorisation du biogaz ;
- • le raccordement des puits au réseau par des têtes de puits équipées de prises d’échantillon ;
- • le raccordement à une torchère, avec ou sans mise en dépression, équipée d’un système de monitoring, ou à une unité de valorisation (moteurs et alternateurs, chaudières, co-traitement des lixiviats).
Maîtrise de l’impact sur le paysage
L’intégration paysagère du site réhabilité et de ses abords est le témoin apparent de la qualité des travaux réalisés.
Les travaux d’intégration possibles (remodelage, apport de terre végétale, plantations, …) sont nécessaires pour une gestion optimale des eaux de surface. La revégétalisation est une pratique couramment utilisée. Pour une bonne réussite de tels projets, il convient successivement de lutter contre les phénomènes d’érosions, de structurer la partie superficielle du substrat, de rehausser la fertilité du terrain et enfin de stimuler la recolonisation par des flores locales.
Maîtrise de l’impact sur l’environnement humain
L’ensemble des travaux et moyens mis en œuvre concourt à la réduction de l’impact sur l’ensemble des vecteurs de pollution que sont l’eau et l’air. Des mesures complémentaires et spécifiques de réduction de l’impact sur l’environnement humain peuvent être prises dans des cas très particuliers.
Surveiller et se souvenir
La réhabilitation d’un site doit être pérennisée. Pour ce faire, il convient d’en assurer un suivi à long terme. Le suivi comprend donc la surveillance des aménagements, la surveillance des flux et des stocks, et la surveillance de l’impact du site sur son environnement (figure 3). Les effets à long terme du site sur la qualité des eaux doivent notamment être suivis de près. Les informations concernant le biogaz et les lixiviats (quantités et composition) seront nécessaires. Le coût de cette surveillance reste donc à prévoir.
Il nous faut, de plus, conserver la mémoire du site, pour ne pas l’oublier et le retrouver avec surprise bien des années après. Il doit être possible de retrouver la trace du site sur le site lui-même (indications pérennes — pancartes, signes tangibles, sculpture (?) —) et sur des supports destinés à durer et compréhensibles pour les générations à venir.