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La réhabilitation des canalisations en mauvais état

30 novembre 1979 Paru dans le N°39 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : Jean SION

L'un des problèmes les plus importants qui se pose aux responsables de l'exploitation des réseaux (en général enterrés) destinés au transport d'eau, de gaz, de produits pétroliers, de produits chimiques, ou encore d'effluents est sans conteste :

Ingénieur I.P.F.

Directeur Général de TERASTIC S.A.

L'un des problèmes les plus importants qui se pose aux responsables de l'exploitation des réseaux (en général enterrés) destinés au transport d'eau, de gaz, de produits pétroliers, de produits chimiques, ou encore d'effluents est sans conteste :

— leur étanchéité — et leur protection contre la corrosion.

En effet, que les canalisations soient en acier, fonte, ciment ou amiante-ciment, les défauts d'étanchéité et l'action corrosive des fluides véhiculés

— alourdissent les frais courants d'exploitation, — entraînent des dépenses importantes d'entretien, — parfois leur mise hors service, — et sur le plan des responsabilités, ces défectuosités peuvent avoir de graves conséquences en raison des désordres provoqués.

Pour limiter ces risques, un traitement préalable en usine des canalisations est souvent réalisé par revêtement ciment, résine époxy, polyuréthane ou produits bitumineux.

Mais les difficultés et les incidents de pose sont parfois à l’origine de désordres graves : fissurations, joints défectueux, etc. Dans ce cas aux risques de corrosion dus à l'action de liquides corrosifs s'ajoutent les conséquences des défauts d'étanchéité :

— affouillements par infiltration dans le terrain, pollution des nappes ; — ou dans le cas de conduites placées sous le niveau de la nappe phréatique, drainage du terrain et surcharge du réseau.

Il importe donc de rechercher les meilleures solutions susceptibles, au meilleur prix et avec un minimum de perturbation dans l'exploitation et dans l’environnement, de remédier à ces désordres.

Divers procédés sont actuellement susceptibles d’apporter des solutions à ces problèmes :

— les revêtements internes au mortier de ciment, — les traitements par injection, — les gainages plastiques.

Après avoir rappelé les caractéristiques des deux premières méthodes, c’est l’examen des solutions par gainage et plus particulièrement du procédé INSITUFORM* qui fera l'objet de notre exposé.

REVÊTEMENT INTERNE DES CANALISATIONS PAR ENDUIT AU MORTIER DE CIMENT

Nous ne parlerons pas du procédé par tournage mis en œuvre en usine pour le revêtement avant pose des canalisations en fonte et en acier.

Procédé par compression.

Ce procédé est limité au traitement des canalisations en fonte et en acier dont le diamètre est en général compris entre 100 et 400 mm.

La canalisation étant tronçonnée en éléments de 80 à 100 m environ, après nettoyage, on introduit à l'intérieur une masse de mortier calculée pour être en général du double du volume nécessaire au revêtement.

L'outil enduiseur est ensuite tracté à faible vitesse ; il pousse devant lui la masse semi-liquide du mortier, dont une partie est extrudée autour du cône enduiseur, et fortement comprimée sur la paroi.

Sous l'effet de la pression, le mortier pénètre dans les trous qui peuvent exister (ou s'amorcer) dans la conduite, renforçant ainsi ses possibilités de résistance à des pressions élevées.

Des canalisations fortement corrodées et percées ont ainsi parfaitement résisté à des essais à 20 bars.

Les manchettes provenant des coupes nécessaires à l'introduction des appareils et du mortier, ainsi que les coudes et pièces spéciales sont enduites sur parc et remises en place à l'aide de brides ou de manchons soudés.

Cette méthode n'est toutefois possible que dans le cas où la canalisation ne comporte ni branchements ni piquages, lesquels se trouveraient obturés par la masse de mortier sous pression.

* Procédé breveté développé en France par STECTA-TERASTIC.

Revêtement par centrifugation.

Cette méthode consiste à projeter avec force le mortier de ciment sur les parois intérieures de la canalisation à revêtir, préalablement nettoyée.

La machine rotative destinée à la projection est introduite et centrée dans la canalisation à remettre en état.

Le mortier est pompé dans la tête à l'aide d'un tuyau de caoutchouc H. P. raccordé à la pompe, elle-même couplée avec un malaxeur.

La tête projeteuse est entraînée soit par un moteur électrique, soit par un moteur à air.

L'ensemble machine tuyaux câbles est tiré en arrière à vitesse régulière par un treuil cabestan (fig. 1).

La vitesse de déplacement et le débit de la pompe sont réglés en fonction du diamètre de la canalisation à traiter et de l'épaisseur du revêtement désiré (de l’ordre de 6 millimètres).

Ce mode de déplacement de la machine est réservé aux canalisations d'un diamètre inférieur à 600 millimètres.

À partir de cette section et pour des diamètres supérieurs (jusqu’à 2 mètres environ) on utilise une machine auto-tractée.

Après projection l’enduit présente un aspect « peau d'orange » dont on peut parfois se satisfaire.

Il est toutefois préférable, pour améliorer les conditions d’écoulement, d’envisager un lissage qui s’effectue soit à l'aide d'un cône (dans les petits et moyens diamètres), soit à l'aide de pales lisseuses dans les plus grands diamètres.

Qualité des mortiers.

Dans tous les cas le mortier utilisé doit répondre à des normes bien définies. Le choix des sables, ciments et adjuvants ainsi que les dosages sont particulièrement rigoureux.

Rénovation des collecteurs d’égout.

Lorsque l’on se trouve en présence de collecteurs d’égout en mauvais état : buses corrodées, joints ouverts, fissures nombreuses, mais dont l’état ne justifie pas le remplacement, le procédé de revêtement par centrifugation peut être adopté pour la rénovation des tronçons défectueux.

En général, les deux méthodes centrifugation et compression sont alors combinées.

  • — Dans un premier temps, après nettoyage soigné et essorage, on projette sur les parois un mortier de ciment à l'aide de la tête tournante alimentée par pompage.
  • — Ensuite le mortier est comprimé sur les parois à l'aide d'un ballon lisseur en caoutchouc qui l'oblige à pénétrer dans les joints et les fissures.

Il y a lieu de noter que, contrairement aux conduites métalliques, il n'est pas nécessaire dans ce cas d'appliquer sur les parois de l’égout une épaisseur régulière. Le but recherché étant en effet de redonner aux tronçons traités un meilleur profil par la suppression des fissures, le remplissage des joints et par la recharge des zones corrodées.

Cette méthode, qui améliore les conditions d’écoulement et l'étanchéité des réseaux, ne peut toutefois pas s'appliquer pour des canalisations susceptibles de recevoir par infiltration des eaux en provenance du terrain.

ÉTANCHEMENT DES COLLECTEURS PAR INJECTION

Les canalisations qui passent dans la nappe phréatique sont rarement étanches et de l'eau de la nappe se retrouve à la station.

À l'inverse, il peut aussi y avoir perte d’effluents dans le sol par suite de joints défectueux, fissures, etc.

La méthode par injection* permet de remédier efficacement et de façon économique à de tels désordres.

Le travail est réalisé à partir des regards de visite, sans ouverture de fouilles, ni occupation importante du terrain en surface.

Les opérations se déroulent de la façon suivante :

  1. 1° Nettoyage très soigné de la canalisation à réparer à l'aide d’une cureuse hydrodynamique et, s'il y a lieu, de disques racleurs en caoutchouc.
  2. 2° Mise en place à l’intérieur de la canalisation, à partir d'un regard de visite, d'un ensemble constitué par une caméra et un manchon gonflable destiné aux injections. Cet ensemble est relié à deux treuils, l'un à l’avant (treuil de traction), l'autre à l’arrière (fig. 2).

* Procédé breveté TERASTIC.

[Photo : fig. 1]
[Photo : Fig. 2]

3° L’écran de télévision placé à l'intérieur d’une camionnette-laboratoire, à proximité du panneau de contrôle des opérations d’injection (fig. 3) permet une mise en place correcte du manchon d'injection au droit des joints (ou des fissures) à étancher.

4° Le manchon est alors gonflé à une pression déterminée, en rapport avec le type de canalisation à traiter.

5° Si, après contrôle, le joint apparaît satisfaisant, le manchon est dégonflé et l’on passe au joint suivant.

Par contre, si le joint apparaît (ou se révèle après essai) défectueux, il est immédiatement injecté.

Le manchon étant maintenu gonflé, les deux composants du coulis chimique (solution A + solution B) sont injectés sous pression dans la chambre d'injection et pénètrent par l'ouverture du joint (ou de la fissure) dans le terrain environnant, créant ainsi à l’extérieur un écran étanche dont la souplesse et la stabilité garantissent une bonne tenue de l'étanchéité (fig. 2).

6° Après injection le manchon est dégonflé et déplacé. Outre le contrôle visuel du résultat, cette opération permet le décollement du petit anneau formé par le coulis qui a gélifié à l'intérieur de la chambre d'injection, et son évacuation dans les effluents.

7° Lorsque le joint est très ouvert et en particulier lorsque l'infiltration est importante, l'opération est répétée plusieurs fois avec un coulis d'injection dont le temps de polymérisation est très court (de l'ordre de 10 à 20 secondes).

Il y a lieu de noter que les matériaux utilisés dont nous avons en France l’expérience depuis plus de seize ans, notamment dans les travaux d'étanchéité de l'Usine Marémotrice de la Rance, sont insensibles aux acides, aux bases, aux hydrocarbures, aux bactéries et en général à tous les solvants connus.

[Photo : Fig. 3]

GAINAGE PLASTIQUE DE CANALISATIONS EN MAUVAIS ÉTAT

Lorsque, après inspection T.V., il apparaît que l’état de la canalisation ne permet pas d’envisager d'autre solution que son remplacement, on peut se poser la question de savoir si la mise en place à l’intérieur d'un fourreau plastique ne permettra pas de la « sauver »

— au moindre frais— et avec un minimum de perturbations dans l'exploitation et l'environnement.

Jusqu’alors, le gainage consistait à introduire dans le fourreau constitué par la canalisation ancienne défectueuse une nouvelle conduite de section plus faible en P.V.C. ou en polyéthylène haute densité.

La solution P.V.C., permet, en raccordant par collage des éléments-tulipes de faible longueur, introduits par un regard de visite, de gainer de façon économique des tronçons de faible importance.

Par contre, la solution polyéthylène H.D., qui permet de réaliser une canalisation neuve et sans joints en éléments thermosoudés, nécessite des fouilles dont l'importance est fonction de la section de la gaine et de sa profondeur.

Dans les deux cas il y a lieu de noter que la section de la canalisation sera de toute façon réduite et que de sérieuses difficultés peuvent apparaître :— s'il existe de nombreux branchements,— des changements de direction ou de pente,— ou encore des joints décalés.

La décision dans le choix de l'une ou l'autre de ces solutions ne peut donc intervenir qu’après une inspec

tion par T.V. des canalisations à réparer et une analyse technique très sérieuse du projet.

LE PROCÉDÉ INSITUFORM*

Ce procédé nouvellement introduit en FRANCE, mais couramment utilisé depuis 1971 dans une quinzaine de pays permet le gainage :

— de tous types de canalisations : grès, ciment, amiante ciment, acier, fonte, etc., même en très mauvais état ; — de toutes sections (à partir de 100 mm) ; — sans ouverture de fouilles ; — dans un minimum de temps et sans arrêt de l’exploitation ; — sans réduction notable de la section (quelques millimètres).

Il y a lieu de noter que ce type de revêtement qui améliore de façon sensible les conditions d’écoulement convient tout particulièrement pour la restauration et l’étanchement des collecteurs d’égouts, mais aussi pour la protection et l’étanchement de canalisations véhiculant des gaz, de l’eau potable, des hydrocarbures et des liquides agressifs.

MISE EN ŒUVRE DU PROCÉDÉ

Préparation des gaines.

Les gaines sont préfabriquées en usine à partir des feutres polyester contrecollés sur une feuille de polyuréthane (ou de P.V.C.).

Ces feutres sont cousus et soudés de façon à réaliser un tube plat étanche et souple, dont la longueur sera fixée en fonction de la longueur de la canalisation à gainer.

Le nombre de feutres constituant la gaine permet d’adapter l’épaisseur du revêtement aux conditions particulières et à l’état de l’ouvrage à réparer : section, pression de service, sous pression, etc.

Les épaisseurs courantes vont de 3 à 18 millimètres.

Avant sa mise en place dans le tronçon à réparer (ou à protéger), la gaine est remplie avec une résine polyester spécialement formulée qui imprègne les feutres de façon régulière.

Mise en place de la gaine.

Après saturation la gaine est introduite dans la canalisation à partir d’un regard de visite par la méthode d’inversion (fig. 4).

* Procédé breveté en FRANCE par STECTA-TERASTIC.

Le poids de la colonne d’eau dans la cheminée d’inversion, dont la hauteur aura été préalablement définie permet le déploiement de la gaine à l’intérieur du tronçon à réparer.

La pression de l’eau dilate légèrement la gaine et la presse sur la paroi interne de la conduite dont elle épouse toutes les formes et irrégularités.

Lors de cette opération, la résine en excès qui imprègne les feutres est extrudée dans les joints et les fissures, renforçant ainsi la résistance de la conduite d’origine.

Lorsque la gaine se trouve en place à mi-parcours, on fixe à son extrémité un tuyau de caoutchouc souple percé qui servira au pompage de l’eau chaude, et par mesure de sécurité, une corde qui devra permettre en cas d’incident grave la récupération de la gaine.

Lorsque la gaine s’est complètement déployée on protège son extrémité pour éviter toutes déchirures.

La membrane de polyuréthane se trouve alors à l’intérieur au contact de l’eau et le feutre imprégné de résine à l’extérieur en contact avec les parois de la canalisation ancienne.

Durcissement de la gaine.

Par pompage d’eau chaude dans le tuyau de caoutchouc perforé, la température de l’eau est amenée à 60 ° environ afin de déclencher la polymérisation de la résine.

Après polymérisation l’eau qui se trouve dans la gaine est évacuée, les extrémités coupées et le raccordement aux parois des regards de visite réalisé avec une pâte à prise rapide.

En quelques heures, la gaine souple à l’origine se trouve transformée en un tube neuf à l’intérieur de la canalisation ancienne.

Problème des branchements.

Avec cette nouvelle méthode de gainage, la présence de branchements particuliers n’est pas un problème.

En dessous de 700 mm de section une caméra de télévision permet la mise en place d’un outil de fraisage qui découpe la paroi au droit du branchement.

Résistance mécanique.

Plusieurs séries d'essais ont permis de constater :

  • — que la résistance du film polyuréthane était au minimum cinq fois supérieure à la résistance de l'amiante-ciment ;
  • — que la résistance à l'abrasion de la résine polyester était au minimum équivalente à celle du béton ;
  • — et qu'elle présentait une excellente tenue aux variations de température.

Résistance à la fatigue.

Les essais réalisés selon les normes britanniques ont eu pour but d’apprécier la résistance à la fatigue des gaines après polymérisation.

Fatigue due :

  • — aux vibrations (trafic)
  • — et aux variations de pression (exploitation).

Trois séries d'essais ont permis de prouver l’excellente tenue des gaines INSITUFORM.

Souplesse.

Lors de leur mise en place, avant polymérisation, les gaines peuvent franchir sans difficultés des coudes de l'ordre de 120°.

Après polymérisation la gaine peut supporter, notamment au droit des joints, des déviations anguleuses de l'ordre de 5°.

Résistance chimique.

Les résines polyester couramment utilisées ont une excellente résistance aux agents chimiques : acides, bases ; aux hydrocarbures, aux solvants courants et à l'eau de mer.

D'après les essais réalisés et l’expérience acquise à ce jour on peut estimer que la durée de vie d'un tel revêtement sera supérieure à vingt ans.

À titre d'exemple, des revêtements réalisés il y a sept ans et soumis à l’action d'effluents abrasifs et chargés d'hydrocarbure sulfuré ne présentent à ce jour aucune attaque mesurable.

Toutefois il y a lieu de noter que dans les cas exceptionnels :

  • — produits très corrosifs,
  • — températures élevées,
  • — pressions importantes,

une étude particulière et des essais devront être entrepris.

En conclusion, nous pouvons dire que ce nouveau procédé :

  • — est rapide dans sa mise en œuvre,
  • — adaptable à toute section et à tous profils,
  • — très résistant tant sur le plan mécanique que chimique,
  • — qu'il n'apporte aucune réduction sensible de la section,
  • — qu'il assure une parfaite étanchéité tout en améliorant de façon notable les conditions d’écoulement,
  • — et enfin qu'il protège efficacement tous types de canalisations.

Toutefois, il est indispensable de noter que chaque problème posé sera toujours un cas particulier qui devra :

  • — après inspection et examen des tronçons défectueux,
  • — en fonction des éléments ci-dessus exposés,
  • — et analyse de l'ensemble des données recevoir sa solution.

Il apparaîtra alors que bien souvent des canalisations en mauvais état ne sont jamais complètement hors d'usage et que par les moyens dont on peut actuellement disposer, la plupart peuvent être rénovées rapidement de façon relativement économique et avec un minimum de perturbations tant dans leur exploitation que dans l’environnement.

J. SION.

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MÉTHODES ÉLECTROLYTIQUES DE TRAITEMENT DES EFFLUENTS

2ème Partie

Techniques électrolytiques utilisant les membranes.

Extrait d'un cycle de perfectionnement pour ingénieurs en génie chimique (C.P.I.C.).

N.D.L.R. — Dans une première partie (1), après une présentation générale, l'auteur a traité successivement des techniques électrolytiques suivantes : I : Électrocoagulation-floculation. II : Électroflottation. III : Électrodétoxication. IV : Électrochloration.

Il en arrive maintenant à d'autres techniques.

V — ÉLECTRODIALYSE

Le transport de solutés à travers une membrane se fait par diffusion. Si l'on applique, de part et d'autre de la membrane, une différence de potentiel au moyen de deux électrodes placées dans chaque compartiment, il vient s'ajouter un transport par migration des ions.

Si la membrane est sélective (membrane échangeuse d'ions) le transport sera limité à certains ions. Nous examinerons successivement l'électrolyse d'une solution d'acide sulfurique dans le cas d'une membrane inerte et celui d'une membrane ionique (8).

1. — Électrolyse à travers une membrane inerte.

Considérons que le bac d'électrolyse est rempli d'une solution d'acide perchlorique à la concentration C, chacun des compartiments (anodique et cathodique) étant séparé par une membrane poreuse inerte.

À la cathode il se produit la réaction :
nH⁺ + ne = n/2 H₂
tandis qu'à l'anode on a :
n/2 H₂O – ne = n/4 O₂ + nH⁺

À l'échange d'électrons aux électrodes correspond (en négligeant les courants de diffusion) un courant de migration, de charges négatives vers le compartiment anodique, et de charges positives en sens inverse. Chaque catégorie d'ion transporte une partie du courant total en fonction de son nombre de transport dans la solution.

(1) Voir L'EAU ET L'INDUSTRIE, no 37, 1979, page 47 et suiv.

par Michel RUMEAU Maître Assistant UNIVERSITÉ DE SAVOIE à Chambéry Laboratoire de Génie Chimique

Dans le cas des ions que nous avons considérés (H⁺ et ClO₄⁻) leur nombre de transport est respectivement environ 4/5 et 1/5. Pendant l'échange de n électrons il est donc passé 4/5 n H⁺ vers le compartiment cathodique et 1/5 n ClO₄⁻ en sens inverse.

Si l'on effectue maintenant le bilan :

Dans le compartiment cathodique nH⁺ ont disparu par électrolyse, mais 4/5 n H⁺ sont arrivés à travers la membrane. En même temps 1/5 n ClO₄⁻ sont partis à travers la membrane.

La quantité de HClO₄ dans le compartiment cathodique a donc diminué de 1/5 n.

Par contre dans le compartiment anodique, la quantité de HClO₄ a augmenté d'une même valeur.

L'électrolyse se traduit donc par un enrichissement en acide du compartiment anodique, et ceci en fonction du nombre de transports des différentes espèces.

2. — Électrolyse à travers une membrane ionique.

Si l'enrichissement du compartiment anodique est lié à la différence entre les nombres de transports des espèces cationiques et anioniques, on peut utiliser une membrane telle que ces nombres de transports soient très différents. C'est le cas des membranes ioniques.

Nous examinerons ici le cas de l'électrolyse à travers une membrane anionique.

Les ions H⁺ ne peuvent pas traverser la membrane, la migration sera alors assurée exclusivement par les ions ClO₄⁻. Dans ces conditions n H⁺ auront disparu dans le compartiment cathodique par électrolyse et n ClO₄⁻ par migration à travers la membrane, donc les n molécules de HClO₄ seront passées du compartiment cathodique au compartiment anodique.

On peut remarquer que si l'on utilise une membrane cationique on n'obtient aucun enrichissement du compartiment anodique.

3. — Electrodialyse avec deux membranes :dessalement des eaux.

Si l'on considère une cellule séparée en trois compartiments : un compartiment cathodique, séparé d'un compartiment central par une membrane cationique, lui-même séparé du compartiment anodique par une membrane anionique.

Si l'on introduit une solution de chlorure de sodium dans le compartiment central, sous l'action du champ électrique, les ions Na⁺ vont migrer vers le compartiment cathodique et les ions Cl⁻ vers le compartiment anodique. L'eau se trouvera donc ainsi épurée.

Par ailleurs, à la cathode il se forme des ions OH⁻ qui, avec les ions Na⁺, vont donner de la soude, tandis qu'à l'anode on obtient une solution d'acide chlorhydrique.

4. — Régénération des bains de décapage des métaux.

Considérons une cellule d’électrodialyse analogue à la précédente. Dans le compartiment central on va introduire par exemple une solution d’acide sulfurique provenant du décapage du cuivre. On a donc un mélange H₂SO₄ + CuSO₄ et il s’agit d’éliminer le cuivre et de régénérer l’acide sulfurique.

Les ions Cu²⁺ vont migrer à travers la membrane cationique et se réduire à la cathode. Les ions sulfate vont migrer à travers la membrane anionique et se retrouver dans le compartiment anodique et, par ailleurs, il se produit une quantité d'ions H⁺ égale (en équivalents) à celle des ions Cu²⁺ réduits.

Si, à la sortie du compartiment central, on fait alors passer la solution débarrassée du sulfate de cuivre dans le compartiment anodique, celle-ci va s’enrichir d'une quantité d’acide sulfurique égale à la quantité de sulfate de cuivre qui a disparu.

Par cette opération on peut ainsi récupérer le cuivre et régénérer la solution acide de décapage qui est recyclée.

5. — Isolation de la Magnésie à partir de l'eau de mer.

L'eau de mer, contenant du chlorure de magnésium, est placée dans le compartiment anodique d'une cellule d’électrolyse comportant une membrane échangeuse de cations. Les ions Mg²⁺ passent dans le compartiment cathodique où ils précipitent, en présence des ions OH⁻ formés à l'électrode, en donnant de la magnésie [Mg(OH)₂].

6. — Régénération des bains de chromage.

Les bains de chromage peuvent devenir inutilisables, soit à cause d'impuretés qu'ils contiennent (cations métalliques M²⁺) soit à cause de leur dilution. Une électrodialyse avec membrane cationique permet leur purification et une électrodialyse avec membrane anionique permet leur concentration, comme l'indiquent les trois figures 8.

[Photo : Trois schémas de principe du traitement des bains de chromage par purification et concentration simultanées.]

METHODES ELECTROCINETIQUES

VI — ELECTROPHORESE

Ces méthodes sont basées sur la migration des particules colloïdales, sous l'action d'un champ électrique.

Electrodécantation :

La floculation s'effectue entre deux membranes imperméables aux colloïdes. L'action du champ électrique provoque l'accumulation des ions colloïdaux au voisinage de l'une des membranes, ce qui a pour effet d’amorcer la floculation ; la décantation se fait alors au fond de la cellule.

Les membranes utilisées peuvent être empilées suivant le mode des filtres-presses ou encore sous forme de cylindres avec une électrode axiale et une électrode périphérique cylindrique.

Electro-filtration :

Les modules sont composés de deux membranes imperméables aux colloïdes, séparées par un filtre perméable qui évite le mélange des deux solutions. La solution à traiter est dans le premier compartiment et, sous l'effet de la pression, une partie de celle-ci traverse le filtre et est évacuée. La séparation est alors fonction de la différence entre la vitesse de

écoulement et la vitesse de migration électrophorétique.

Avec une tension de 25 V/an on peut traiter 80 l/h d'eaux de lavage par m² de filtre.

Avec des électrodes de 0,5 m² on peut traiter 40 m³/jour d'eaux de lavage.

L'énergie consommée est de 1 à 2 kWh par m³ d'eau.

Le montage peut être analogue à celui des filtres-presses ; il existe plusieurs installations aux U.S.A.

VII — RÉCUPÉRATION DE MATIÈRES PREMIÈRES DANS LES EFFLUENTS

En dehors des techniques déjà décrites comme la régénération des bains de décapage ou de chromage par électrodialyse, on peut également effectuer la récupération de cations métalliques par électrolyse (9, 10, 11, 12, 13).

Les cations métalliques en solution sont réduits électrochimiquement et déposés sur les électrodes. L'emploi de cette méthode est très généralisé, notamment pour la récupération du nickel, du cuivre et des métaux précieux. La concentration minimale moyenne en cations métalliques doit être de 10 g/l ; cette méthode s’accompagne ainsi souvent de préconcentration (extraction liquide-liquide, résines échangeuses d’ions). C’est donc un excellent procédé final pour récupérer un produit pur, de grande valeur. Les électrodes utilisées peuvent être en titane, en plomb, en graphite. Le tableau III résume les domaines principaux d'application de cette méthode.

[Photo : Figure 9 — Schéma de principe de la récupération de cations métalliques en solution par ultrafiltration après complexation sélective des cations métalliques par des macromolécules]

Le choix de la densité de courant appliquée et la complexation du cation métallique permettent d'obtenir le métal sous différentes formes (grenaille, poudres, etc.).

Malgré tout, la récupération électrochimique nécessite souvent une concentration préalable des solutions ; celle-ci peut se faire par échange d'ion ou par ultrafiltration après complexation par des macromolécules. Cette nouvelle technique est particulièrement bien adaptée au traitement des solutions diluées puisqu’elle peut assurer les concentrations et purifications sans changement de phase, ce qui simplifie considérablement l'appareillage et la maintenance (figure 9).

CONCLUSIONS

Les méthodes électrolytiques de traitement des eaux peuvent rendre de grands services dans la dépollution de tous les types d’eaux. Les techniques utilisées, quoique encore assez coûteuses, sont en plein développement et offrent de gros avantages, dont les principaux sont les suivants :

  • pas d’adjonction de réactifs plus ou moins toxiques augmentant la salinité du milieu, et le volume des boues formées,
  • réglage et entretien faciles,
  • grande souplesse d'utilisation,
  • adaptation aisée à des cas particuliers,
  • action rapide : temps de séjour faible.

De nouvelles techniques sont encore à l'étude, qui devraient élargir le champ d’application de ces méthodes, en particulier en milieu complexant macromoléculaire. Des techniques de stérilisation électrolytique sont également à l'étude.

ANNEXE

COÛT ÉNERGÉTIQUE D’UNE ÉLECTROLYSE

Le Faraday, qui a les dimensions d'une quantité d’électricité, a pour équation aux dimensions le produit d'une intensité par le temps.

Le watt-heure, qui est l'unité de vente de l’électricité, correspond à un travail et est le produit d'un potentiel par l'intensité et par le temps, soit d'un potentiel par une quantité d’électricité.

Le travail effectué (en watt-heure) est donc le produit d'une quantité d'électricité (en Faraday) par la différence de potentiel appliquée (en volts).

Sachant que 1 Faraday = 96 500 ampères/seconde  
= 26,8 ampères/heure.  
Il vient :

1  
1 watt-heure = —— volt · Faraday = 3 600 joules.  
26,8  

Soit 1 Faraday = 26,8 —— watt-heure.  
             volt

En ce qui concerne une électrolyse, la tension totale appliquée U est égale à la tension d'électrolyse E plus la chute ohmique u = r · i avec r = ρ · l/S, où ρ est la résistivité du milieu, l la distance entre les électrodes, et S la surface de celles-ci (anode ou cathode).

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

8. TREMILLON (J.) : « Les séparations par les résines échangeuses d'ions ». Gauthier-Villars, Paris (1968).

9. CADMAN (T.W.) et DELLINGER (J.W.) : « Techniques for removing metals from process wastewater ». Chemical Engineering (avril 1972).

10. COCHRAN (A.A.) et GEORGE (L.C.) : « Recovery of metals from a variety of industrial wastes ». Resource Recovery and Conservation.

11. BARKER (J.) : « Reclamation of material from waste waters emanating from metal finishing processes », Transaction of the Institute of Metal Finishing, Annual Conference (1974).

12. AULAS (F.), TYBURCE (B.) et RUMEAU (M.) : « Influence de la formation de complexes en solution sur le passage de solutés à travers une membrane ». Communication au Colloque du G.F.P., Nancy (novembre 1977).

13. AULAS (F.) : « Influence des réactions de complexation sur les techniques de séparation par les membranes », thèse de 3ᵉ cycle, Lyon-Chambéry (novembre 1978).

14. MAYET (J.) : « Les déchets constituent-ils des ressources en puissance ? », Bulletin Technique Suisse (11), (mai 1974).

On obtient alors :

U = E + ρ·l·I/S

L'énergie nécessaire à une électrolyse est donc :

1  
W = —— · F · (E + I·ρ·l/S)  
26,8
W : travail en watt-heure  
F : en Faraday  
E : potentiel d'électrolyse en volts  
I : intensité d'électrolyse en ampères  
ρ : résistivité du milieu en Ω·cm  
l : distance entre les électrodes en cm  
S : surface des électrodes en cm²

Cette équation permet donc d'évaluer le coût d'une électrolyse et de voir l'influence des divers paramètres sur celui-ci.

M. RUMEAU.

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