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La régulation du pH des eaux de piscine par le CO2

30 octobre 1989 Paru dans le N°131 à la page 81 ( mots)
Rédigé par : P. MICHEAU

Le développement des parcs de loisirs aquatiques constaté depuis quelques années a introduit un facteur de concurrence lié à l'augmentation de densité des sites de baignade. Pour l’exploitant et le gestionnaire d'une piscine conventionnelle comme d'un parc nautique, ce phénomène a naturellement accru la préoccupation que constitue la recherche du meilleur ratio Qualité/Coût/Sécurité.

Ce compromis optimal, concrétisé par la satisfaction et le confort de l'usager, la facilité d’exploitation, la fiabilité des techniques et des produits employés nécessite en particulier une optimisation de chacune des opérations de traitement de l'eau.

Pour la correction du pH, qui constitue l'une de ces étapes, le CO₂ (dioxyde de carbone, également appelé gaz carbonique) représente une alternative aux réactifs acides habituellement employés, en apportant aux préoccupations de propreté, d'inocuité et de facilité de mise en œuvre une réponse positive.

Nous exposerons brièvement dans ce qui suit les principales propriétés de ce produit et décrirons plus particulièrement son utilisation en piscine.

QU’EST-CE QUE LE CO₂

C'est l'élément d’oxydation ultime des composés carbonés. Il est ainsi produit lors de la respiration des êtres vivants (l'air expiré des poumons en contient plus de 5 %) et de la combustion des matières organiques ou minérales.

Le CO₂ est un produit extrêmement abondant dans le milieu naturel, et qui participe de façon majeure aux échanges à la surface de la terre. Des milliards de tonnes de gaz carbonique sont réparties :

— sous forme gazeuse dans l'air (en moyenne 0,035 % dans l'atmosphère) ;

— sous forme dissoute dans les eaux (océans, rivières et eaux souterraines en contiennent plusieurs grammes par mètre cube) ;

— sous forme combinée, dans les roches calcaires.

COMMENT EST-IL OBTENU ?

Les multiples applications du CO₂ en ont justifié depuis le début du siècle la production industrielle en grandes quantités et à un haut niveau de pureté. Cette production s’appuie principalement sur la récupération d’effluents gazeux issus de l'industrie chimique, desquels le CO₂ est extrait par des procédés d’épuration et de liquéfaction.

Il est ensuite stocké et transporté à basse température sous forme liquide avant d’être utilisé, suivant les applications, sous l'une de ses trois formes :

• CO₂ liquide : à –20 °C sous une pression de 20 bars (en réservoirs isolés et réfrigérés), ou à température ambiante sous 50 bars environ (bouteilles) ;

• CO₂ gazeux : obtenu au fur et à mesure des besoins, par vaporisation du CO₂ liquide contenu dans un réservoir ou une bouteille ;

• CO₂ solide : neige et glace carbonique, à –80 °C, obtenues par détente rapide à l'atmosphère du CO₂ liquide.

Tableau I : Effets physiologiques du CO₂

Concentration en volume Effets physiologiques Observations
0,035 % Aucun Concentration moyenne dans l'atmosphère
0,5 % Aucun Valeur limite d’exposition (8 h/jour)
2 % Modification du rythme respiratoire Concentration en CO₂ de l'air expiré
5 % Activation du rythme respiratoire — Maux de tête — Pas d'effets nocifs chroniques en cas d'exposition répétée
7 % Céphalées, nausées — Perte de connaissance Concentration en CO₂ des gaz de combustion (moteurs, chaudières, …)

QUELLES SONTSES PROPRIÉTÉS ?

Le CO₂ est ininflammable, incolore et présente une odeur légèrement acide à concentration élevée. Il est plus lourd que l'air (densité 1,53). On trouvera dans le tableau 1 une indication des effets physiologiques qui découlent de l'exposition à une concentration élevée en CO₂.

Sur les plans physique et chimique, le CO₂ possède un ensemble unique de propriétés qui lui permettent d'être utilisé dans des domaines extrêmement variés.

Le tableau 2 présente quelques-unes de ces propriétés et les applications qui en découlent.

Tableau II : Propriétés et exemples d'utilisation du CO₂.

Propriétés — Applications correspondantes
Gaz inerte — Extincteurs, protection des silos et des réservoirs, conservation sous gaz des aliments
Solvant — Extraction supercritique d'arômes et de principes actifs
Agent cryogénique — Surgélation rapide, transport de produits frais
Agent accélérateur de la photosynthèse — Enrichissement de l'atmosphère des serres
Agent de carbonatation — Gazéification des sodas et de la bière
Agent de reminéralisation — Ajustement de la dureté de l'eau
Agent d'acidification — Correction et ajustement du pH

UNE APPLICATION PARTICULIÈRE :LA CORRECTION DU pH DES PISCINES

Nécessité du contrôle de pH

Le contrôle du pH des eaux de piscine vise à maintenir sa valeur dans une fourchette satisfaisante à la fois pour le confort des baigneurs et pour l'efficacité des réactifs employés.

Une eau trop acide (pH < 7) ou trop basique (pH > 8,2) provoque en effet une irritation des yeux et de la peau. Parallèlement, l'efficacité de l'antiseptique est maximale dans une zone précise de pH : dans le cas du chlore, apporté sous forme gazeuse ou sous forme d'eau de javel, une diminution du pH favorise la formation d'acide hypochloreux (HClO) par rapport à l'ion hypochlorite (ClO⁻), ces deux espèces coexistant à égal pourcentage pour un pH de 7,4 à 25 °C (figure 1).

La forme HClO ayant un pouvoir bactéricide plus marqué, il s'ensuit que la dose de chlore nécessaire est minimale à pH faible.

C'est en tenant compte de cette influence du pH sur le confort de baignade et sur la qualité de la désinfection que l'on peut situer le compromis optimal dans une fourchette de 7,2 à 7,5.

S'il n'est pas régulé, le pH peut varier entre des valeurs extrêmes de 7 à 8,5, sous l'influence de plusieurs facteurs :

— qualité de l'eau d'appoint ; — nature des réactifs employés : le chlore gazeux, par exemple, apporte une légère acidité alors que l'eau de javel développe une alcalinité assez nette du fait de la soude libérée par l’hydrolyse ; — variations de fréquentation des bassins, qui modifient les doses de réactifs nécessaires et influent indirectement sur le pH.

En pratique, pour maintenir le pH dans la fourchette souhaitable, une correction acide est quasiment toujours nécessaire lorsque l'eau de javel est employée ; souvent nécessaire avec le chlore gazeux, et inutile avec le brome, qui présente un pH optimum d’activité situé plus haut que celui du chlore et qui peut même nécessiter une légère correction basique.

Acides forts ou acides faibles

Dans la majorité des piscines, c'est l'acide chlorhydrique, produit banalisé, qui est employé pour diminuer le pH. Comme tous les acides forts, son action se caractérise par :

— une variation brutale de pH de part et d'autre de la zone neutre recherchée, qui rend difficile son dosage précis (figure 2) ; — des contraintes importantes de stockage et de manipulation :   — équipements individuels de sécurité,   — bac de rétention,   — corrosion des équipements.

[Photo : Équilibre des formes du chlore en fonction du pH]
[Photo : Neutralisation d’une solution alcaline. Comparaison acide forte/acide faible]
[Photo : Installation de régulation de pH au CO₂. Schéma de principe]

— risques de dégagement de chlore en cas de mélange accidentel avec d'autres réactifs liquides.

Le CO₂, une fois dissous dans l'eau, donne naissance à l'acide carbonique H₂CO₃. Il s’agit d'un acide faible, c'est- à-dire partiellement dissocié, ce qui se traduit, pour un dosage équivalent à celui d'un acide fort, par une variation pro- gressive du pH dans la zone neutre (figure 2).

L'équivalence en apport d’acidité (H⁺) est de 0,5 kg CO₂ pour un litre d’acide chlorhydrique à 21 degrés Baumé (soit 33 % en poids d’HCl).

Mise en œuvre du CO₂

L’installation de régulation de pH au CO₂ est conçue autour de trois éléments (figure 3) :

® Stockage : La centrale d’inversion automatique

Elle est constituée de bouteilles reliées entre elles et débitant simultanément, installées en deux batteries utilisées en alternance (l'une en service, l'autre en attente). Chaque batterie correspond à une autonomie de 15 jours environ. Lorsque la batterie en service est vide, le basculement sur la seconde s’effectue automatiquement, un voyant signalant que l'inversion est survenue. Pendant la phase d'utilisation de la seconde batterie, on procède sans contrainte de temps au remplacement des bouteilles vides et au réarmement du système d’inversion.

La centrale d’inversion

® Dosage : Le tableau de régulation

Intégré au local d’exploitation, il permet le contrôle complet d’une ou plusieurs lignes d'injection, alimentées en CO₂ gazeux par la centrale d’inversion.

Il rassemble les fonctions suivantes :

  • — mise en service et arrêt de l’injection,
  • — mesure en continu du débit de gaz   injecté,
  • — réglage du débit, soit en mode auto­   matique (commande d'une électrovanne   par un pH-mètre régulateur), soit en mode   manuel par un by-pass de secours,
  • — sécurité de l'installation (soupape, cla­   pet anti-retour).

® Dissolution : L'injecteur

Le CO₂ est un gaz très soluble dans l'eau (environ 50 fois plus que les gaz de l'air oxygène et azote), mais qui nécessite toutefois la création d'une sur­ face de contact la plus élevée possible entre le gaz et l'eau pour obtenir une dissolution rapide. Dans le cas le plus courant, on réalise cette opération au moyen d’un injecteur spécifique qui dis­ perse le gaz en bulles ultrafines au point d’injection dans la tuyauterie. Ces bulles sont entraînées par l'eau circulant dans la tuyauterie et sont rapidement dis­ soutes du fait de leur rapport surface/ volume élevé.

Cependant, dans le cas où la vitesse de l’eau est insuffisante, ou si le profil de la conduite induit des risques d’ac­ cumulation du gaz dans les points hauts (bouchon gazeux), il est préférable d'uti­ liser un système autonome de dissolu­ tion, constitué d'une pompe et d'un réac­ teur d'échange gaz-liquide. Le gaz sera, dans ce cas, ajouté à l’eau du bassin sous forme prédissoute, ce qui assure une utilisation optimale du produit et élimine tout risque de perturbation hydraulique qui résulterait de son accu­ mulation dans le circuit.

[Photo : Fig. 4 — Centrale à inversion automatique (2 × 5 bouteilles). Piscine de Poissy — Île Migneaux.]

UN EXEMPLE :

DE RÉALISATION :

LA PISCINE DE L'ÎLE MIGNEAUX

À POISSY (78)

Cette piscine, située sur une île de la Seine en aval de Poissy, comprend une pataugeoire et deux bassins équipés de toboggans.

La pataugeoire, d'un volume de 20 m³ environ, a son local d’exploitation séparé des bâtiments principaux. Son traitement fait appel à l’eau de javel comme dés­ infectant.

Une installation de régulation de pH au CO₂ a été mise en place en 1988, remplaçant l’ajout ponctuel d’acide chlo­ rhydrique qui était pratiqué auparavant. L'installation comprend une centrale d’in­ version de 2 × 1 bouteille, un tableau avec régulation du dosage de CO₂ par électrovanne et pH-mètre, un injecteur de CO₂ installé sur la tuyauterie de retour d’eau vers le bassin, en aval des filtres.

[Photo : Fig. 5 — Tableau de dosage et de régulation du CO₂ à 2 voies. Piscine de Poissy — Île Migneaux.]

Le bassin couvert de 25 m et le bassin olympique extérieur ont un local d’ex­ ploitation commun, avec circuits de trai­ tement séparés.

La stérilisation est effectuée par l’eau de javel et le chlore gazeux.

La régulation de pH au CO₂, mise en service en juin 1989, comprend une cen­ trale à inversion automatique de 2 × 5 bouteilles, située dans un local extérieur.

La tuyauterie de CO₂ gazeux chemine en sous-sol et alimente sous une pres­ sion de 3 bars le tableau de dosage à 2 voies situé dans le local d’exploitation. Chacune des voies est couplée à un régulateur de pH qui commande l’ou­ verture de l’électrovanne correspondante (figure 5). Le pH de chaque bassin est ainsi régulé en permanence à une valeur de 7,3 ± 0,1.

CONCLUSION

Le CO₂, utilisé en tant qu’agent de correction du pH, présente des pro­ priétés remarquables : il s’agit en effet d’un réactif gazeux, inerte et non corrosif, qui n’acquiert les propriétés recherchées qu’après sa mise en solution dans l'eau.

Ces caractéristiques, qui sont celles d'un acide faible, offrent une précision de dosage et une sécurité d’exploitation parfaitement adaptées au traitement d'une eau de piscine.

Ces atouts majeurs ouvrent la voie à un développement de cette technique analogue à celui qu’elle a connu dans les pays anglo-saxons (R.F.A. en parti­ culier), où l'intérêt marqué pour les pis­ cines, joint aux critères d’environnement qui tendent à limiter l’utilisation des acides forts, a été le moteur du déve­ loppement de ce procédé de traitement sûr, propre et performant.

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