Les solvants sont des liquides organiques qui, comme leur nom l’indique, possèdent le pouvoir de dissoudre d’autres substances.
Ces solvants peuvent être chlorés ou non. Ils sont utilisés au sein de procédés tels que rinçage, dégraissage de pièces métalliques, nettoyage, dilution, solvants de réaction ; ils sont aussi issus d’activités industrielles légères et de service (telles que les ateliers de réparation automobile) ou lourdes (métallurgie, construction automobile).
Après utilisation, les solvants contiennent des composés en solution (huiles, résines…) ou en suspension (particules métalliques, pigments de peinture…). Ils peuvent alors être détruits par incinération ou valorisés par régénération.
Les solvants usés sont assimilés à des déchets industriels spéciaux, et sont donc assujettis à trois textes principaux :
- – la loi du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux ;
- – la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement et son décret d’application du 21 septembre 1977 ;
- – la loi du 13 juillet 1992 relative à l’élimination des déchets ainsi qu’aux installations classées pour la protection de l’environnement.
Les installations de régénération sont de ce fait soumises à la loi de 1976 et cette activité est classée sous la rubrique 167 c de la nomenclature : installations de traitement de déchets industriels.
Les solvants usés sont accompagnés du bordereau de suivi de déchets industriels qui suit le déchet jusqu’à élimination ou valorisation et qui atteste de son élimination convenable.
Les solvants usés
SARP Industries, à ce jour, par l’intermédiaire de sa filiale SNF, effectue la régénération de solvants provenant en particulier des industries mécaniques, chimiques et para-chimiques, pharmaceutiques, et du traitement de surfaces.
La régénération permet la séparation du solvant des composants solubilisés. Le solvant pourra alors être de nouveau utilisé dans un procédé industriel (identique ou non à celui de la première utilisation).
Cette technique concentre les déchets et évite la destruction de produits nobles. Elle comporte une phase de distillation avec ou sans rectification, à la suite de laquelle il reste en fond de bouilleur un résidu non distillable appelé culot.
Les solvants peuvent faire l’objet de régénération à façon ou être cédés. Dans le premier cas, le solvant reste la propriété du producteur, qui récupère le solvant régénéré, le régénérateur assurant l’élimination du culot et des fractions non régénérables en centre de destruction autorisé.
Dans le second cas, le solvant est cédé au régénérateur qui le traite pour son propre compte, assure d’une part l’élimination du culot et des fractions non
[Photo : Implantations des unités de régénération de solvants (source : Syres).]
régénérables en centre de traitement autorisé et d’autre part la revente du solvant régénéré.
Les solvants ne sont régénérables qu’en fonction de critères techniques et économiques généraux et spécifiques de l'installation de régénération. Interviennent en particulier dans ces critères le rendement espéré (> 50 %), le coût d’élimination des culots, le cours du solvant neuf, la présence de composés indésirables (silicones, peroxydes, PCB, etc.).
Seule l’analyse de l’échantillon préalable permet de déterminer si un solvant sera régénérable ou non.
Chaque année, de 70 000 à 80 000 tonnes de solvants usés sont récupérées et régénérées en centres collectifs (environ 20 sites de régénération, figure 1), ce qui ne concerne pas la régénération intégrée effectuée par les utilisateurs au sein d’un procédé industriel.
Pour sa part, SNF traite annuellement 15 000 à 20 000 tonnes de solvants industriels, la répartition du tonnage selon la nature des produits étant la suivante : de 12 500 à 16 500 tonnes de produits non chlorés et de 2 500 à 3 500 tonnes de produits chlorés.
[Photo : Origines des solvants traités par SNF.]
La répartition de leurs origines est donnée par la figure 2, qui montre la part importante prise par l’industrie automobile (cf. encadré).
Les aspects techniques
La régénération de solvants utilise la distillation pour séparer les différents constituants des solvants usés. On distingue la distillation simple (blanchiment) et la distillation sur colonne (rectification ou fractionnement). Ces deux techniques utilisent le même principe : la température du solvant ou du mélange de solvants est élevée jusqu’à ce qu’apparaissent des vapeurs au sommet de l’appareil de chauffe. Ces vapeurs sont refroidies sur un condenseur où le solvant retrouve sa forme liquide.
[Photo : Schéma simplifié de la régénération de solvants.]
Sur les appareils de rectification, une colonne à plateaux ou à garnissage surmonte l’appareil et une partie des vapeurs condensées est renvoyée en sommet de colonne pour redescendre vers le bouilleur. Dans cette opération, la vapeur montante s’enrichit en produit le plus volatil tandis que le liquide descendant s’enrichit en produit le moins volatil.
La distillation simple permet de séparer des composants de points d’ébullition bien différents. Si l’écart est insuffisant, le produit obtenu sera un mélange des composés introduits dans l’appareil. Cette technique est utilisée pour séparer les solvants des graisses, des huiles, des résines, des pigments de peinture, donc des composés non volatils, mais elle n’est en général pas suffisante, car il subsiste dans le distillat divers constituants présents dans le solvant usé, entraînés lors de la distillation simple, en particulier l’eau, qu’il convient d’éliminer. C’est pourquoi on procède ensuite à un fractionnement.
La rectification permet de séparer des solvants de points d’ébullition voisins. Elle permet donc d’obtenir des produits de plus grande pureté.
Dans les deux cas, la distillation peut être effectuée sous pression réduite pour abaisser la température d’ébullition et permettre ainsi soit de distiller plus rapidement, soit d’éviter la décomposition de produits instables à la température normale d’ébullition et qui sont présents dans le mélange.
Après distillation, la plupart des solvants doivent être séchés. L’eau est extraite par fixation sur un support chimiquement inerte vis-à-vis du solvant, en général de type tamis moléculaire.
Après séchage, les solvants sont filtrés sur une batterie de filtres de maille décroissante pouvant varier de 50 µ à 1 µ.
Il n’y a pas de limite au nombre de recyclages, les composants recyclés étant strictement identiques aux composants neufs et présentant les mêmes propriétés. On peut parfois observer sur des mélanges une variation de la composition liée aux différences de température d’ébullition des constituants et à l’introduction de solvants extérieurs apportés par le procédé.
La distillation des solvants industriels génère deux catégories de produits :
- • les produits nobles régénérés, solvants réutilisables, soit dans le procédé dont ils sont issus (travail à façon), soit dans d'autres procédés n'exigeant pas des solvants neufs ;
- • les déchets, constitués des fractions non régénérables (solvants trop visqueux, fonds de citerne ou de fûts, mélanges non séparables, eaux de décantation) et des culots de distillation destinés à l’incinération en centre de traitement de déchets industriels autorisé.
La figure 3 présente, de façon très simplifiée, la filière suivie par les solvants usés ainsi que le devenir des produits issus de la régénération.
La gestion des résidus de distillation nécessite une attention particulière : il convient de trouver le juste équilibre afin d'obtenir un rendement maximum tout en conservant des culots pompables ; la valorisation du surplus de solvant obtenu grâce à un gain de quelques points de rendement ne compense en général pas le surcoût d'élimination d'un culot pâteux ou solide par rapport à un culot liquide.
Les aspects techniques de la régénération ont beaucoup évolué depuis quelques années. C'est ainsi, par exemple, que les appareils de distillation par entraînement à la vapeur, gros producteurs d'eaux polluées, ont disparu au profit d'appareils de distillation chauffés par serpentins. Les développements visent essentiellement les deux objectifs suivants : amélioration de la qualité et protection de l'environnement (réduction des émissions et de la production de déchets). Les moyens pour y parvenir sont multiples, et on peut citer :
- • la distillation en continu ;
- • l'utilisation d'évaporateurs à film raclé – en remplacement des alambics classiques à serpentins intérieurs sujets à encrassement – permettant un meilleur taux d’utilisation des appareils et une meilleure maîtrise de la distillation et de la production de culots ;
- • l’inertage à l’azote et le traitement des “respirations” des réservoirs.
[Encart : Les solvants de l’industrie automobile
L’industrie automobile est consommatrice de solvants correspondant à quatre types d’activités distincts :
• les solvants de dégraissage des ateliers de mécanique (moteurs et boîtes de vitesse) ;
• les solvants de peinture “première monte”, utilisés au rinçage des lignes de peinture des carrosseries (circulating). Ce sont ceux qui représentent les plus fortes quantités (de quelques centaines à plus d’un millier de tonnes par an et par site de montage) ;
• les solvants utilisés par les équipementiers pour décaper, soit pour rincer (circuit de peinture pare-chocs par exemple), soit pour nettoyer ;
• les solvants “pièces de rechange”, utilisés par les professionnels de la réparation automobile, soit par les carrossiers pour le nettoyage des outils de peinture (diluant), soit par les mécaniciens pour le dégraissage de pièces mécaniques (dégraissant) ; ces solvants peuvent ou non être associés à une fontaine.]
Grâce à cette collaboration : c’est ainsi que nos solvants présentent aujourd’hui des teneurs en eau largement inférieures à 0,5 %, obtenues uniquement par des moyens physiques, sans addition de sel minéral.
L’objectif final est de transformer cette activité en une véritable activité industrielle afin de donner confiance aux utilisateurs et de lever ainsi les réticences encore tenaces concernant l'emploi de solvants régénérés.
Les aspects économiques
Outre l’obtention d’une qualité nécessaire, la régénération ne peut se développer qu'à condition de conserver une compétitivité économique la rendant attractive par rapport à la destruction et l'achat de solvant neuf.
Cette compétitivité reste fragile pour les raisons suivantes : la régénération, contrairement à la destruction, n'est pas aidée par les Agences de l’Eau ; certaines filières, notamment la co-incinération en cimenterie, assurent la destruction à coût très réduit, voire nul.
Par ailleurs, les efforts entrepris par la profession pour améliorer la qualité et les conditions d’exploitation se traduisent par un accroissement des charges d’exploitation et des charges financières. La régénération est ainsi devenue une activité qui nécessite d'investir, pour une unité neuve, entre 1 à 2 fois le chiffre d'affaires.
Dans cette profession, les postes importants des coûts d’exploitation se répartissent comme suit :
- • Personnel : environ 20 à 25 % soit la moyenne de l'industrie chimique ;
- • Destruction : évaluée au coût moyen de destruction multiplié par la quantité de déchets produits (culots) ; le coût de la destruction dépend du PCI et de la teneur en chlore (selon qu’on traite ou non des solvants chlorés) ; la quantité de culots dépend du rendement de la régénération ;
- • Transport des solvants usés, régénérés et des déchets ;
- • Amortissements et frais financiers variables, selon le montant et l’âge des investissements.
Conclusion
La régénération de solvants est l'une des plus anciennes activités de valorisation, existant bien avant les mouvements écologiques ; toutefois, elle reste vulnérable et doit poursuivre ses efforts en matière de qualité et de rentabilité.
SARP Industries se maintient sur cette activité depuis huit ans et souhaite y conserver sa position, convaincue que la régénération des solvants reste une activité qu’il faut promouvoir et privilégier par rapport à la co-incinération.
La régénération des solvants chlorés (ou non) de coût élevé (prix du neuf > 6 000 F/t) reste bénéficiaire, mais les tonnages sont limités par rapport à celui des solvants usuels.
Par ailleurs, le solvant de peinture, en particulier de “circulating”, malgré son faible coût, est soumis par les utilisateurs à des exigences de qualité de plus en plus élevées.
La loi de juillet 1992 donne la préférence à la valorisation. Cette préférence ne pourra toutefois se matérialiser qu'à condition que la régénération conserve sa compétitivité.
Il est donc indispensable de poursuivre l'amélioration des installations existantes afin d’achever la transformation de cette activité, autrefois artisanale et entachée d'une piètre réputation, en une véritable activité industrielle et ainsi de mieux maîtriser la gestion des déchets, la qualité des solvants récupérés, les émissions de solvants et la sécurité.