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La régénération des puits et forages

28 février 1994 Paru dans le N°170 à la page 38 ( mots)

Les puits et forages d'eau ont une durée d'exploitation limitée. Ils doivent en effet être réhabilités et régénérés périodiquement. La méthode proposée ci-après, fruit de plus de trente années d'expérience, est basée sur un procédé de nettoyage à la fois mécanique (brossage et haute pression) et chimique (injection de produit régénérant spécifique). Le diagnostic ainsi que le contrôle de la bonne exécution des travaux sont réalisés par des inspections télévisées à l'aide de caméras vidéo couleur, complétés par des essais de pompage. L'article relate la mise en pratique de ce procédé réalisée à Saint-Cyr-sur-Loire, sur deux puits à drains rayonnants.

Bien qu’exploités depuis de nombreuses années, rares sont les forages qui après une période d'utilisation plus ou moins longue, ou souvent, après une interruption prolongée du pompage, produisent le même débit pour le même rabattement que celui qui a été obtenu lors des essais à l’état neuf. Lorsque cette diminution du débit, due soit principalement à l’âge de l’ouvrage, soit à une modification du niveau de la nappe, soit à la qualité de l’eau, devient importante, l’exploitant se contente d’habitude de mettre l’ouvrage hors service. Et pourtant la cause la plus fréquente de la baisse du rendement est provoquée par le colmatage des voies d'eau de la crépine et de la formation aquifère naturelle ou artificielle (gravier filtrant calibré) adjacente.

Les incrustations qui en sont la cause, c’est-à-dire l'ensemble des matières ou corps étrangers qui se déposent, s’accrochent et s’accumulent sur les pores du terrain et de la paroi filtrante de la crépine, peuvent être classées en quatre catégories :

  • incrustations causées par les carbonates ou les sulfates de chaux et de magnésie ;
  • précipités formés par les composés ferreux ou manganeux ;
  • obstructions par la boue engendrée par les bactéries ou autres micro-organismes vivants ;
  • colmatages constitués par les matériaux fins et solides du terrain, argiles, limon, qui s’agglutinent dans les voies d’eau de la crépine et de la formation aquifère.

Il est à noter que ces incrustations n’ont rien de commun avec la corrosion, laquelle se traduit par un enlèvement de matière, destruction en un ou plusieurs points du métal de la crépine ou du tube de captage, les incrustations constituant en fait un apport d’éléments indésirables. Cependant, si pour cette raison, les deux phénomènes ne peuvent être confondus, il arrive qu’ils coexistent sur le même forage.

En conclusion, nous pouvons dire que le colmatage des forages est une réalité qui ne doit pas être prise à la légère, les incrustations se développant souvent avec une telle rapidité que rares sont les personnes qui prennent conscience de l'importance et de la gravité de ce phénomène, parce que tout simplement il n’est pas visible et, lorsqu’il est constaté, il est...

[Photo : Fig. 1 : Puits P6 : Perte de charge enregistrée après 24 heures de pompage pour un débit de 300 m³/h et un niveau statique de 3,80 m. Échelle : 0 à 8 m (de 0 à 100 %).]

Avant régénération : 20 % → 1,60 m — souvent trop tard pour intervenir efficacement.

Il existe maintenant une méthode techniquement au point permettant la régénération des puits et des forages, c'est-à-dire l’élimination rationnelle et efficace des incrustations et dépôts, surtout ceux constitués de fer et de manganèse.

Nous avons appliqué cette technique pour réaliser la réhabilitation des puits à drains rayonnants P4 et P6, situés à Tours et appartenant au Syndicat Intercommunal des Eaux de Saint-Symphorien, Saint-Cyr-sur-Loire et Sainte-Radegonde.

Le Syndicat Intercommunal des Eaux

La situation synthétique du Syndicat et de ses forages est la suivante :

@ Situation administrative et géographique :

  • - Syndicat à vocation unique (S.I.V.U.) : l'eau potable
  • - Date de création (dans sa forme actuelle) : juillet 1952
  • - Communes adhérentes : Saint-Cyr-sur-Loire, Tours (quartiers correspondants aux anciennes communes de Saint-Symphorien et Sainte-Radegonde, fusionnées avec la ville de Tours en 1964)
  • - Nombre d’abonnés : 16 500 (juillet 1993)
  • - Population desservie par le syndicat : 40 000 habitants
  • - Volume d'eau distribué en 1992 : 2 500 000 m³

@ Installations techniques :

Ressources : trois puits à drains rayonnants, forés dans la nappe alluviale de la Loire

  • - Puits 4 (1967) : 5 drains (Ø 200 mm) ; longueur totale des drains : 118 m ; 1 pompe 90 m³/h
  • - Puits 5 (1972) : 8 drains (Ø 300 mm) ; longueur totale des drains : 186 m ; 3 pompes 350 m³/h chacune
  • - Puits 6 (1986) : 5 drains (Ø 300 mm) ; longueur totale des drains : 198 m ; 3 pompes (350 m³/h, 180 m³/h, 120 m³/h)

La méthode de régénération

Afin d’éviter un manque d’eau potable et un surcoût d’exploitation consécutif à l'utilisation optimum des tarifs EDF (moins élevés en été), la régénération des deux puits P4 et P6 a été effectuée durant la période propice de mars. Les travaux ont débuté sur le P6 le 2 mars 1993 et se sont terminés sur le P4 le 24 mars 1993.

Moyens utilisés

Le matériel utilisé sur ces deux chantiers comportait :

  • - un camion porteur de 19 t équipé du matériel nécessaire au nettoyage haute pression des drains (pompe HP, tuyaux HP, poste de commande, enrouleur, etc.)
  • - un second camion porteur de 19 t équipé du matériel assurant la régénération chimique (tuyaux de refoulement souples, pompe d’injection, bac de neutralisation, pistons, etc.)
  • - une remorque équipée essentiellement de deux compresseurs à 35 bars d’un débit unitaire de 1000 l/h, d’un réservoir d’air comprimé d’une capacité de 250 l et d’une armoire électrique centralisant l'ensemble des faisceaux électriques et assurant leur protection
  • - un fourgon de 1,5 t aménagé pour réaliser les inspections télévisées (caméra, câble de 650 m, magnétoscope, moniteur-écran)

Après régénération : 11 % → 0,88 m

Méthode de travail

Le déroulement chronologique des opérations concernant la régénération du P6 comportait les opérations suivantes :

  • - Installation du chantier comprenant la mise en place du trépied, d'un treuil, du branchement électrique de l'armoire de commande et l’éclairage du site
  • - Vidange de la chambre de puits à l'aide de la pompe immergée en place
  • - Démontage des colonnes de refoulement et des pompes immergées
  • - Mise en place dans la chambre de puits d’un système de renouvellement d’air, d'une alimentation électrique en 24 V, d'une pompe d’épuisement avec conduite de refoulement

● Essais de pompage de courte durée drain par drain comprenant : mesure de débit en l/s (durée : 1/2 h par drain), de la pression et du pH

● Montage du sas drain par drain pour passage en charge des appareils de nettoyage

● Nettoyage mécanique à l'aide d'un train de brosses adapté au diamètre du tube crépiné et poussé à l'aide d'un jeu de tiges à l'extrémité amont du sas.

● Nettoyage hydraulique à l'aide de la haute pression (environ 16 h) au moyen d'un appareillage fixé sur traîneau comportant : une tête fixe à haute pression, sur laquelle sont vissées 10 buses à jet plat.

Mise en œuvre

Pour traiter correctement le tube crépiné, il est nécessaire d'utiliser des buses à jet plat placées à une distance du support de l'ordre de 20 mm, afin que les buses ne viennent pas en contact avec l'intérieur du tube qu'elles nettoient. Les 10 buses sont réparties uniformément sur le diamètre de la tête fixe et positionnées de manière à assurer la propulsion de l'appareil dans le drain (inclinaison de 20° vers l'arrière). Au départ, l'appareil est placé à l'intérieur du sas et raccordé au tuyau à haute pression. L'ensemble (sas et appareil) est fixé sur la bride de la vanne de sectionnement du drain en position fermée. La garniture d'étanchéité réglable, montée à l'arrière du sas, permet la libre circulation du tuyau HP tout en réduisant considérablement les écoulements d'eau indésirables lors des travaux.

La pression à appliquer sur le support à nettoyer est déterminée selon plusieurs critères : l'âge de l'ouvrage, la matière constituant le tube crépiné et les caractéristiques physico-chimiques de l'eau relevées sur une analyse (une teneur élevée de calcaire par exemple nécessite une pression plus forte).

L'importance et la nature des dépôts, la corrosion du tube crépiné, les réductions de diamètre, l'état général du drain, tel que l'inspection télévisée permet de le découvrir, entrent également en ligne de compte. Une cassette de l'inspection télévisée du P6 a servi à l'établissement du diagnostic. Après étude des différents éléments, nous avons fixé la pression à 300 bars en sortie de buse, avec un débit de 9 l/mn par buse, soit en sortie

[Photo : Vue du chantier]

de pompe, une pression d'environ 350 bars, la différence de pression étant absorbée par les pertes de charge (flexibles et raccords).

Après ouverture de la vanne de sectionnement du drain et mise en route de la pompe HP, l'ensemble de nettoyage a été propulsé au fond du drain à la vitesse contrôlée de 1 m/mn. Pour bien décolmater le tube crépiné et le gravier filtrant environnant, deux passages par drain sont nécessaires ; cette procédure a été appliquée à chaque drain.

Le brossage et le rinçage des drains qui a suivi se sont prolongés jusqu'à obtention d'une eau claire, opération qui permet d'évacuer les particules en suspension et les dépôts provenant du nettoyage haute pression tout en évitant la surconsommation de produit décolmatant utilisé pour la régénération chimique (dénommé TWB-FCM2). Ce produit biodégradable, utilisé avec succès depuis de nombreuses années dans la majorité des pays européens, a été spécialement étudié et mis au point pour effectuer la régénération des puits et forages ; il est constitué par une combinaison d'acides organiques et minéraux, agents tensioactifs, inhibiteurs de corrosion et additifs bio-dégradables. Les inhibiteurs entrant dans sa composition sont sans effet physiologique. Il est composé d'une solution liquide et d'un additif FCM2 en poudre (réducteur de fer et de manganèse). Lors de sa mise en œuvre, cet additif doit être versé directement dans la solution liquide dans la proportion d'une dose de 850 g par unité de 27,5 kg.

La quantité de décolmatant à utiliser est déterminée par la formule :

Q = V . L . C kg

V = volume d'eau (en litres) contenu dans 1 m de drain

L = longueur du ou des drains (en mètres)

C = concentration de produit minimum à retenir selon la nature et l'importance des incrustations : 20 à 30 % pour les drains de diamètre inférieur ou égal à 200 mm, 10 à 20 % pour les drains de diamètre supérieur à 200 mm.

Dans ce cas précis le calcul a donné 341 kg par drain ; la concentration utilisée était de 12 %.

Les 31 doses doivent être versées directement dans le container où se trouve la solution liquide. Un brassage manuel durant cinq minutes permet d'obtenir un mélange homogène et une solution prête à l'emploi. L'injection du produit est réalisée à l'aide d'un tuyau en PEHD de 50 mm de diamètre dont une extrémité est poussée jusqu'au fond du drain, l'autre étant raccordée à la vanne de vidange du container. À l'ouverture de celle-ci, le produit s'écoule gravitairement dans le drain (tube crépiné). Durant cette opération le tuyau est extrait lentement du drain afin de répartir uniformément la solution régénérante (341 kg) sur toute sa longueur.

Le temps de contact après injection est de 12 heures au minimum.

Après ouverture des drains pour rinçage et le pompage des eaux dans une bâche souple de 10 m³, il est procédé à la mesure du pH et à la neutralisation du liquide avec un produit neutralisant. Les eaux de rinçage neutralisées (pH compris entre 6,5 et 7) sont ensuite rejetées dans la Loire.

Un brossage drain par drain et un dernier passage de l'appareil haute pression permettent de supprimer d'éventuelles incrustations « ramollies » au cours de l'opération.

Un essai de pompage de courte durée est ensuite pratiqué dans chaque drain (8 h par drain), avec mesure de débit et de pression, ce qui permet également le rinçage final des drains.

Inspection télévisée

L'inspection télévisée de chaque drain est effectuée à l'aide d’une caméra immergée, en couleur, IBAK du type RAX 11B, avec objectif axial-radial. La caméra, fixée sur un traîneau, est déposée à l’intérieur du sas. La garniture d’étanchéité placée à l'arrière de l’écluse assure le passage du câble (alimentation électrique et commandes) et des tiges permettent de diriger la caméra vers le fond du tube crépiné. L’ensemble (sas et caméra) est fixé sur la bride de la vanne de sectionnement du drain en position fermée. Le montage terminé, l‘opérateur ouvre la vanne et l'eau pénètre dans le sas. L’avance de la caméra, manuelle, est réalisée à l'aide de tiges de 1 m de longueur vissées bout à bout et poussées par l‘opérateur. Toute la longueur du drain est ainsi inspectée.

La caméra, grâce à son balayage radial de 360°, permet, pendant l'inspection vidéo, de vérifier systématiquement les parois intérieures du drain. Des photos de points précis sont prises sur l’écran du moniteur et sont incorporées dans le rapport d'inspection.

L'inspection est enregistrée sur une cassette vidéo (système VHS ou autre) ; toutes les données (renseignements sur le forage, date d'intervention, profondeur, etc.) sont enregistrées sur la bande et sur les photos, ce qui donne un document d’archives très complet.

Par mesure d’hygiène, tous les équipements ne sont utilisés que sur des ouvrages d’eau potable.

Le nettoyage de la chambre de puits a comporté l’évacuation de 3 m³ de sable, boues et concrétions provenant de la régénération des drains et accumulés sur le radier, puis un rinçage par jets d’eau à haute pression.

La désinfection des drains, de la chambre de puits et des colonnes de refoulement avec leurs pompes n’a pas été effectuée, l’eau brute pompée étant traitée à l’usine de production.

L'opération s'est achevée par le remontage de la colonne de refoulement avec sa pompe immergée.

Résultats obtenus au Puits P6

Lors de l’inspection télévisée des drains, il a été constaté que les fentes du tube crépiné étaient complètement dégagées et que l’on distinguait aisément le gravier filtrant environnant. Quelques éléments de crépines d’une longueur de 2 m environ étaient beaucoup plus corrodés que d’autres, ce qui semble dû à l’utilisation de qualités d’acier différentes. Les dépôts de sable et de gravier augmentaient progressivement vers l’extrémité des drains.

Des mesures de débit de chaque drain ont été effectuées avant et après régénération ; leur analyse a généralement permis de constater d'excellents résultats, lesquels se maintiennent à des valeurs très satisfaisantes après plusieurs mois d’exploitation. Une légère baisse de débit est néanmoins constatée par rapport aux mesures initiales, phénomène normal, justifiable par le fait que le massif filtrant environnant perturbé par les travaux doit se remettre en place ; cette baisse est souvent insignifiante.

Grâce à l’équipement de contrôle et d’informatique équipant le puits P6, deux courbes représentant les pertes de charge sur 24 heures de pompage ont pu être établies (figure 1).

Conclusion

Il est bien rare que l’on ne puisse, grâce à nos procédés, éliminer les incrustations formées sur les tubes crépinés et décolmater le massif filtrant environnant. Les travaux de régénération de forages permettent ainsi de remettre en état, à moindre frais (le montant global des travaux se situant entre 15 et 20 % par rapport au coût d’un ouvrage neuf), tout en obtenant les résultats ci-après :

  • • Maintien des périmètres de protection (immédiat, rapproché et éloigné) existants ;
  • • conservation des infrastructures et des installations (génie civil, source d’énergie, équipement de pompage, station de traitement éventuelle, raccordement au réseau d’eau) ;
  • • le plus souvent retour à la courbe caractéristique d’origine du forage (sauf abaissement anormal du niveau statique de la nappe).

La régénération est une technique qui a fait ses preuves et qui permet de maintenir en état les puits et forages, en prolongeant leur exploitation pendant de nombreuses années.

BIBLIOGRAPHIE

  • M. Deremaux ‑ C. Archambault ‑ P. Molinari, Les puits à drains rayonnants, T.S.M.-L’EAU, janvier 1974.
  • J.M. Thomas, à l’aide du Herli-Rapid TWB, I.P.F., 28 février 1985.
  • H. Feldmann, Le vieillissement des puits et leur régénération, Génie rural, décembre 1978.
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