En dehors de cette application particulièrement connue, d’autres techniques se sont développées pour le traitement des eaux usées, et l'Air Liquide commercialise aujourd'hui différents procédés (1), tels que :
- • la désodorisation des réseaux d’égout et de certains ouvrages de stations d’épuration ;
- • le dopage de stations biologiques confrontées à des problèmes de surcharges (procédé Airoxal) ;
- • le prétraitement des matières de vidange (procédé Vidoxal).
(1) Procédés Air Liquide notamment protégés par les brevets série 2495 (EN 81.10.315), série 2465X (EN 80.401.592.3), série 2376 (EN 78.32.640), série 2084 (EN 73.23.074).
Désodorisation d’effluents à l’oxygène pur
Les eaux usées, urbaines ou industrielles, sont collectées dans des canalisations sous pression ou gravitaires. L’activité microbienne qui se développe dans les égouts est particulièrement intense, et elle est génératrice d'un certain nombre de nuisances, telles que de mauvaises odeurs ou la corrosion des canalisations métalliques ou en béton.
Les mauvaises odeurs (ainsi que la corrosion) résultent très souvent de l'activité de bactéries sulfato-réductrices qui réduisent les sulfates en sulfures suivant la combinaison ci-après :
SO₄²⁻ + 8H⁺ → S²⁻ + 4H₂O.
Toutes ces bactéries se développent en milieu anaérobie, donc dans des effluents où l'oxygène dissous est absent.
Les procédés à l’oxygène pur ont pour double principe :
- • d’oxyder l’hydrogène sulfuré et les mercaptans issus de la réduction en milieu anaérobie des composés soufrés contenus dans les effluents ou les boues de stations d’épuration (action curative),
- • de prévenir l'anaérobiose et donc d’empêcher la formation de sulfures et de mercaptans (action préventive).
L'injection d’oxygène pur, à l'occasion d'actions préventives ou curatives, permet de résoudre ces problèmes. Par rapport à l'emploi de l’air, son utilisation présente deux avantages :
- — la possibilité d’obtenir des concentrations plus élevées en oxygène dissous et ainsi d'accélérer les cinétiques d’oxydation,
- — l'absence d’une amenée d’azote, dont l'action de « strippage » de l’hydrogène sulfuré aboutirait à un résultat inverse de celui recherché.
Les techniques employées
Pour résoudre efficacement les problèmes liés à l’anaérobiose dans les égouts, il convient de déterminer les quantités d’oxygène nécessaires d'une part, et d’autre part de s’assurer que les conditions hydrauliques de la canalisation en permettent la dissolution correcte.
Injection directe d’oxygène pur (cas des égouts en charge) : la littérature fournit des formules empiriques permettant de situer les quantités d’oxygène nécessaires pour éviter la formation de sulfures, telles que :
[O₂] =
ou :
[O₂] : concentration d’oxygène nécessaire dans l'effluent en mg l⁻¹,
d, l : diamètre et longueur de l’émissaire en mètres,
Q : débit de pompage en m³ h⁻¹,
R : « respiration » des bactéries déposées sur les parois en mg h⁻¹,
r : « respiration » des bactéries contenues dans l'effluent en mg h⁻¹ l⁻¹.
Ainsi, lorsque les conditions hydrauliques sont favorables, l'injection directe d’oxygène pur dans la canalisation peut être appliquée ; il s’agit d'un simple piquage ou d’une injection annulaire effectuée en aval de la pompe de relèvement.
En réseau d’égouts urbains, une injection d’oxygène pur, permettant d’obtenir 80 mg/l d'oxygène dissous, réduit de 80 à 100 % les sulfures présents.
En désodorisation d’eaux de lavage de betteraves dans les sucreries, une teneur de 15 à 20 mg/l d’oxygène dissous élimine les odeurs dues à la présence d’hydrogène sulfuré (teneur de l’ordre de 5 mg/l).
Injection indirecte (cas d’égouts gravitaires et de certains égouts en charge) : lorsque, dans un égout en charge, les conditions hydrauliques ne sont pas favorables, ou lorsqu'il s’agit d’une canalisation gravitaire, l'emploi d’un oxygénateur est alors nécessaire. Nous avons à cet effet mis au point un type spécifique d’appareil, le Bicône, qui peut être utilisé soit en dérivation sur la canalisation gravitaire, soit en ligne, en utilisant l'énergie de pompage existant dans la canalisation.
De cette façon, dans les réseaux d’égouts de la ville de Copenhague, une réduction de 95 à 100 % de la teneur en H₂S, et de 100 % de la teneur en CH₃SH, ont été obtenues en dissolvant des quantités d’oxygène se situant entre 20 et 25 mg/l.
Désodorisation en station : les ouvrages concernés dans une station sont les suivants :
- * bac de réception des eaux brutes (à l’entrée de la station),
- * les décanteurs,
- * les épaississeurs,
- * les circuits de boues.
L'Air Liquide a réalisé différents procédés pour résoudre les problèmes d’odeurs : injection directe, implantation de Bicône. L’injection d’oxygène pur dans le bac d’arrivée des eaux brutes a ainsi permis de résoudre les problèmes d’odeurs dans les stations balnéaires et dans celles des stations recevant des effluents industriels (brasseries, tanneries...).
LE BICONE
[Photo : Le Bicône]
[Photo : Le système Ventoxal]
[Photo : Le procédé Vidoxal]
Dopage de stations surchargées : le procédé Airoxal
Les surcharges de pollution sur une station d’épuration biologique peuvent créer deux sortes de perturbations :
- * dans le bassin d’activation, il se produit une augmentation de la charge massique et une carence de l’oxygène indispensable au développement des micro-organismes aérobies ;
- * au niveau de la décantation secondaire, on assiste à un accroissement de la charge en boues qui provoque une mauvaise décantation, et il en découle une augmentation de la charge superficielle (vitesse ascensionnelle de l’effluent), ainsi que de la charge spécifique (quantité de boues par unité de surface du radier du décanteur). On assiste alors à un départ de matières en suspension entraînées avec l'effluent épuré.
Principe du procédé : le dopage d'une station surchargée permet d’introduire de l’oxygène pur dans le bassin biologique en plus des quantités fournies par les systèmes d’aération déjà en place. Le procédé provoque alors une double action :
- * maintien dans le bassin biologique d’une teneur en oxygène dissous élevée (de 1 à 3 mg/l). Ainsi, l'activité bactériologique se développe, et il devient possible d’augmenter la concentration en boues ; on pourra ainsi traiter une plus grande charge polluante, tout en assurant un niveau élevé d’épuration ;
- * dans le clarificateur, on assistera à la densification du floc, ce qui permettra d’assurer une charge spécifique et une charge superficielle élevées. La meilleure décantabilité des boues évitera le départ de matières en suspension ; d’autre part, l’augmentation de leur concentration réduira sensiblement le rapport entre leur niveau de production et la charge polluante éliminée.
Moyens mis en œuvre : les quantités d’oxygène nécessaires pour écrêter les pointes de pollution peuvent atteindre plusieurs tonnes par jour, que les moyens d’aération existants ne sont en général pas aptes à transférer.
Les systèmes Ventoxal (comprenant un Venturi où s’effectue l’injection d’oxygène, et un ou plusieurs éjecteurs) permettent de remédier à cette situation, en amenant un apport horaire et un rendement de transfert d’oxygène.
Ces appareils sont immergés au fond des bassins et sont en général couplés à une chaîne de régulation automatique de la teneur en oxygène dissous. Selon leur taille, ils peuvent transférer de 500 à 1 500 kg/j d’oxygène, avec un rendement d'utilisation de 80 à 90 % en conditions standards.
Le procédé ne nécessite aucune modification des ouvrages de génie civil ou des équipements mécaniques existants.
Exemples d’application : de nombreuses stations urbaines ou industrielles ont été dopées par le procédé Airoxal, aussi bien en France qu’à l’étranger. Dans certains pays, nous avons notamment traité des stations d’équarrissage, de tanneries, d’industries chimiques et agro-alimentaires ; ailleurs, un accent spécial a été mis sur le dopage de stations urbaines recevant les effluents de vinasses durant la période des vendanges ; ailleurs encore, ce sont des effluents de papeterie qui ont été traités à l’oxygène pur. En France, outre les différentes applications sur des stations urbaines ou industrielles, signalons le dopage effectué sur une station urbaine recevant pendant 2 à 3 mois par an des effluents d'une conserverie de tomates. La station, dimensionnée pour une charge de 3 300 kg/j en DBO₅ et un débit de 7 900 m³/j d’effluent, reçoit pendant l’été des charges
variant entre 6 000 et 15 000 kg/j de DBO5 pour des débits de 8 000 à 11 000 m³/j.
La mise en place de quatre Ventoxal injectant 4 300 kg/j d’oxygène pur a permis de maintenir des rendements épuratoires identiques à ceux initialement prévus (98 % sur la DBO5, 95 % sur la DCO, 91 % sur les MES).
Prétraitement des matières de vidange
L’utilisation d’oxygène pur ou d’air enrichi permet d’envisager le prétraitement par voie biologique des matières de vidange dans une unité compacte, autonome, dont les produits sont facilement assimilables par une station d’épuration classique.
Des recherches ont été entreprises et ont abouti à la mise au point d’un procédé dénommé Vidoxal (figure 3), dont l’avantage réside dans le fait que les matières de vidange ainsi prétraitées ne perturbent pas le fonctionnement de la station d’épuration, ce qui n’est pas le cas pour bon nombre d’unités qui les reçoivent directement. Principes et caractéristiques du procédé : le prétraitement consiste en une digestion-floculation biologique à l’oxygène, suivie d’une séparation par décantation du floc. Cette floculation-décantation s’effectue sans recyclage de boues.
On obtient de cette façon :
- - 50 % d’une boue biologique désodorisée, pouvant rejoindre le circuit habituel des boues de la station. Ces boues ont un indice de Mohiman de 50 à 120 et 20 à 30 g/l de matières sèches ;
- - 50 % d’un surnageant ne renfermant que 10 à 15 % de la charge polluante initiale et qui peut être mêlé aux effluents entrants de la station d’épuration.
Le module est prévu pour être installé auprès d’une station d’épuration existante. Il est toutefois possible d’envisager un rejet du surnageant dans un égout et de traiter les boues biologiques en vue d’une valorisation agricole, par exemple.
Les rendements moyens d’élimination de la pollution obtenus par le procédé sont les suivants : DCO 80 %, DBO5 85 %, MES 90 %, azote 15 %, graisses 95 %.
Conclusion
Ces résultats, obtenus grâce au savoir-faire acquis dans le domaine de la désodorisation d’effluents et du traitement biologique des eaux (au cours d’une expérience longue d’une quinzaine d’années), ont permis, comme l’attestent nos réalisations dans le traitement des effluents urbains et industriels, de résoudre un bon nombre de problèmes, et cela avec un minimum d’investissements et des coûts de fonctionnement compétitifs.
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