Les oxydes d'azote (Nox) font partie des rejets atmosphériques générés par toutes les installations de combustion ; la réglementation européenne impose désormais de limiter les émissions en oxyde d'azote à une valeur de 200 mg/Nm3 pour l'incinération des déchets, ce qui implique un traitement spécifique car les valeurs d'émissions sont de 2 à 3 fois plus importantes. L?utilisation des propriétés azotées de boues de station d'épuration ont permis de développer une solution de traitement de ces polluants par combustion simultanée des boues et des déchets, BIONOX, confirmée sur 2 sites en fonctionnement. Ce procédé a été primé au prix de l'innovation de Vinci 2001.
L’application des différentes directives européennes sur l'eau, tout en améliorant sensiblement la qualité de notre environnement, va également générer des tonnages supplémentaires de boues issues du traitement des eaux qui devront être traités.
En effet, on évoque pour la France une production annuelle de ces boues de l’ordre de 1,5 million de tonnes de matières sèches par an à l’horizon 2005-2010 alors qu'à ce jour elle représente 850 000 tonnes. Le phénomène est similaire dans les autres pays européens.
Les contraintes du traitement des boues
Pour résoudre le problème de leur traitement, il existe plusieurs solutions techniques dorénavant bien maîtrisées mais dont la pratique n'est pas toujours facile sur le terrain pour des raisons d’ordre économique, réglementaire voire politique ou d’acceptation sociale et locale :
- • La majeure partie des boues (60 % du tonnage) est valorisée en agriculture par un épandage en l’état ou après un pré-traitement (chaulage, compostage, séchage thermique...).
Dans son ensemble, l’administration concernée a déployé beaucoup d’énergie pour promouvoir cette filière de valorisation en encadrant bien sa pratique, à l'aide d’une réglementation reconnue et bien admise par tous les acteurs.
Néanmoins, il est clair que ce mode de traitement ne pourra pas être adapté à l’ensemble des tonnages produits et que dans de
L'usine de Chambéry
C'est sur ce site qu’ont été développés les premiers essais de validation du procédé BIONOX.
Cette installation comprend 3 lignes d'incinération d'une capacité totale de 103 000 t/an, réparties en 2 lignes de 4,2 t/h en fonctionnement depuis 1977 et une ligne de 6 t/h mise en service en 1995. Chacun des fours est équipé du procédé IBI-SOC (tour de post-combustion spécifique) pour incinérer les boues de la station d’épuration de Chambéry et d'autres localités du département.
Sur les 2 lignes les plus anciennes, la température des fumées est abaissée dans une tour de refroidissement à environ 300 °C pour permettre leur traitement aval (dépoussiérage et déchloruration par condensation). Sur l'autre ligne plus récente, la chaleur est récupérée dans une chaudière pour produire de la vapeur alimentant un turbo-alternateur. Une partie de l'électricité produite assure l'autonomie en énergie électrique de l'ensemble de l'usine et de la station d’épuration de Chambéry, le reste est vendu à E.D.F. Le traitement des fumées est identique aux deux autres lignes.
À pleine charge, la ligne la plus récente peut traiter jusqu'à 2,5 t/h de boues déshydratées à environ 20 % MS en incinérant 5,5 t/h d'ordures ménagères soit 45 % de ce tonnage en proportion.
Un suivi du fonctionnement de l’installation dans les conditions suivantes :
- Boues : 2,8 à 2,9 t/h Siccité : 18 à 19 % MS Teneur en Nkjeldahl = 4,6 % MS
- Ordures ménagères : 5,5 t/h
montre bien l'incidence des boues sur la teneur en NOx dans les fumées à la sortie de la tour IBI-SOC. Dans les cas les plus performants, on observe ainsi des concentrations en NOx dans les fumées comprises entre 50 et 80 mg/Nm³ (à 9 % O₂) pendant l'injection des boues ; dans les cas stabilisés en continu, les valeurs sont comprises entre 80 et 150 mg/Nm³, alors que les valeurs d'émission remontent à plus de 250 mg/Nm³ lorsque seules des ordures ménagères sont incinérées.
Le coût du traitement de ces boues incluant l'investissement et l'exploitation de ce procédé est de 17,07 € TTC par tonne humide (112 F), soit 83,85 ou 91,47 €/tonne sèche (550 à 600 F).
Nombreux cas d'autres alternatives devront être mises en œuvre.
- Le quart de la production actuelle est déposé en centre de stockage : c’est certainement cette technique d’élimination qui est la plus en péril. En effet, à partir du 1ᵉʳ juillet 2002, seuls les déchets appelés ultimes par la réglementation seront acceptés dans ces centres ; c’est-à-dire qu'il faudra avoir prouvé et démontré dans chaque cas qu'il n'existe rigoureusement aucune solution viable d’un point de vue technico-économique. De plus, les boues devront avoir une siccité relativement élevée (30 % minimum), ce qui n'est pas toujours réalisable techniquement.
- Enfin, les 15 % restant sont traités dans des incinérateurs spécifiques. Cette technique est de loin la plus coûteuse et elle ne s’applique qu’au cas particulier des grandes agglomérations. La part de marché de la combustion simultanée boues/déchets est réduite, limitée à de très peu nombreuses applications réussies.
Il est donc vital de mettre en œuvre des solutions nouvelles et innovantes en complément à celles prédominantes pour faire face à cet avenir préoccupant en matière de traitement et valorisation des boues de station d’épuration.
La technique consistant à incinérer simultanément les boues avec les ordures ménagères (ou d’autres déchets solides) est un des axes de développement de ces nouvelles solutions.
Principe de la co-combustion Boues/Déchets
Ce mode de traitement consiste tout simplement à introduire les boues en vue de leur combustion dans un four d’incinération de déchets dont la combustion apporte une énergie suffisante pour éliminer thermiquement les boues. Pour une collectivité, il s’agit d'une solution technique élégante et cohérente car elle permet de traiter dans le même équipement les boues de la station d’épuration et les déchets ménagers.
Le mode d’introduction des boues et surtout l’endroit et les conditions où est effectuée cette opération sont déterminants pour une bonne combustion.
Comme on le voit sur le schéma suivant, les possibilités d’injection de boues dans le four sont très variées puisqu’elles concernent :
- a) la trémie d’alimentation des déchets,
- b) la goulotte d’alimentation des déchets,
- c) la première partie de la grille,
- d) la chambre de combustion proprement dite,
- e) le premier parcours de chaudière,
- f) une chambre de post-combustion spécifique le cas échéant.
La plupart des procédés actuels proposent des introductions en trémie ou en injection sur la grille, voire en mélange direct en fosse de réception.
C’est dans les derniers cas d’introduction que la quantité de boues incinérées par tonne d’ordures ménagères est la plus élevée : en post-combustion, en premier parcours de chaudière ou en chambre de combustion. Ce principe de fonctionnement est mis en œuvre avec succès dans le procédé IBISOC depuis plusieurs années sur plusieurs sites en France.
Un important programme de développement récent lié aux possibilités de traitement des oxydes d’azote (procédé BIONOX) grâce à l’injection de boues a été mis en œuvre avec succès.
Le traitement des oxydes d’azote dans les installations d’incinération de déchets
Les oxydes d’azote (plus connus sous le nom générique de Nox, regroupant plusieurs composés de la même famille) sont produits lors de tout processus de combustion, en particulier lors de la combustion des déchets (par combinaison à haute température de l’azote et de l’oxygène atmosphériques). Les Nox sont des polluants atmosphériques dont les effets sont avérés sur la santé au niveau local et leur impact sur l’environnement au niveau mondial.
Une installation moderne d’incinération des déchets émet aujourd’hui, sans traitement spécifique, des Nox en quantité de 350 à 600 mg/Nm³ selon les conceptions des fours et leur fonctionnement. L’application de la directive européenne du 4 décembre 2000 relative à l’incinération impose que les valeurs limites d’émission des incinérateurs de déchets soient limitées à 200 mg/Nm³ à la cheminée, en moyenne horaire.
Pour traiter ces polluants, plusieurs techniques et procédés existent :
- • réduction à la source, par la conception des installations de combustion (injections d’air, températures, temps de séjour…),
- • brûleurs spécifiques bas-Nox en reburning,
- • traitements non catalytiques (SNCR) à base de réactifs injectés (urée ou ammoniac),
- • traitements catalytiques (SCR) à base de catalyseurs.
L’efficacité de ces différents systèmes est différente. Pour les installations d’incinération de déchets, les procédés SNCR permettent de garantir le niveau requis de 200 mg/Nm³ alors que les systèmes SCR per-
mettent d’atteindre des rendements plus élevés, jusqu’à 70 mg/Nm³.
BIONOX : le procédé de réduction des oxydes d’azote par co-combustion boues/déchets
Description et principe
La technique de co-combustion boues/déchets est installée sur plusieurs sites en France depuis quelques années (Chambéry, Annecy) ; elle consiste à injecter des boues par pulvérisation dans un flux gazeux à haute température, en l’occurrence les fumées provenant de l’incinération des ordures ménagères (procédé IBISOC).
Deux variantes principales du procédé existent :
- – Localisation des pulvérisateurs en chambre de post-combustion (« tour »), spécifiquement adaptée aux problématiques de quantités de boues importantes (jusqu’à 45 % en poids des déchets).
- – Localisation des pulvérisateurs en foyer de combustion et en premier parcours de chaudière, permettant de traiter des quantités de boues moins importantes.
Au contact de ce flux gazeux et grâce à la conception spécifique des pulvérisateurs, la fraction liquide des boues se vaporise puis les matières sèches s’enflamment et brûlent instantanément.
Comme le montrent les schémas ci-dessus, cet ensemble de co-combustion se compose de trois parties principales :
- * Le foyer constitue la partie basse de l’installation. La source de chaleur provient de la combustion des déchets sur une grille (tous types de grille : à barreaux mécaniques, à rouleaux, refroidis à eau) qui proviennent d’une trémie de chargement/régulation. À la sortie du foyer, la température doit être comprise entre 900 et 950 °C (réglementation à 850 °C pendant 2 secondes).
- * La post-combustion ou zone de premier parcours de chaudière, placée à la suite du foyer, est garnie d’isolants et de réfractaires conçus pour une combustion avec une vaporisation importante. Dans la partie médiane se trouve le pulvérisateur avec son mécanisme de protection et de retrait. Dans la partie supérieure, un conduit permet le passage des fumées vers la chaudière de récupération et le traitement des fumées.
- * Le pulvérisateur est alimenté en boues par pompes volumétriques à vitesse variable. Il est conçu de manière à pulvériser la boue en fines gouttelettes pour en faciliter le séchage puis la combustion. Le pulvérisateur se rétracte automatiquement à chaque arrêt de l’installation. Les boues proviennent d’un silo de stockage intermédiaire, alimenté depuis une trémie de réception des boues. L’injection simultanée d’air dans le pulvérisateur (surpressé ou comprimé) permet d’assurer la fluidisation optimale des boues et leur pulvérisation.
Le procédé de co-combustion permet de traiter des boues dont la siccité est comprise entre 5 et 25 %. Pour des boues « liquides », la conséquence de refroidissement sera trop importante, ce qui limitera la quantité injectée, alors que pour des boues « sèches » le pouvoir calorifique sera limitant.
Par exemple, pour le cas du procédé en post-combustion spécifique et pour le cas d’une unité incinérant 6 t/h d’ordures ménagères, il est possible d’injecter et d’éliminer 2,5 t/h de boues à 20 % de siccité, soit plus de 40 % du tonnage de déchets en plus et non en substitution.
Lorsque la proportion de boues brutes incinérées est de l’ordre de 20 % de la quantité de déchets traités, la mise en place d’un pulvérisateur installé dans le premier parcours des fumées et/ou en chambre de combustion est suffisante. C’est en particulier ce dispositif qui peut être installé sur de nombreux types de fours existants dans le cadre d’améliorations/modernisations.
Impacts de la co-combustion sur le fonctionnement du four
Un certain nombre de précautions en termes de conception et réalisation sont à considérer pour un fonctionnement normal en…
La première contrainte consiste usuellement à garantir la prestation d’élimination des boues ; c’est donc cette consigne qui sera privilégiée en premier lieu, dans les conditions nominales de fonctionnement des installations.
Impact combustion
La co-combustion des boues par ce procédé n’a pas d’effet direct sur la combustion des déchets eux-mêmes : celle-ci n’est pas perturbée par la co-combustion de par la conception du procédé, car les boues et les déchets ne sont pas mélangés.
Néanmoins, la difficulté réside dans le maintien de la température des gaz dans la gamme voulue, à savoir au minimum à 850 °C (pendant 2 secondes) et au maximum à 1100 °C. La gamme de température la plus favorable à la limitation des NOx est comprise entre 850 et 950 °C.
En particulier, les questions de points chauds liés à des combustions locales de boues après pulvérisation et déshydratation ont été prises en compte, par le travail sur la qualité de la pulvérisation et sa localisation tridimensionnelle. Par ailleurs, il est prévu un dispositif d’apport en eau en sécurité au niveau des pulvérisateurs pour permettre un refroidissement le cas échéant.
Impact thermique
En général, au-delà du contrôle des paramètres de protection de l’environnement, une des premières consignes techniques d’exploitation est le débit de vapeur des chaudières de récupération, qui est un indicateur de gestion du rythme d’introduction de déchets dans les fours et de la charge thermique en temps quasi réel ; dans le cas de co-combustion de boues, il faut considérer l’apport énergétique des boues (nul ou légèrement positif). Ainsi, sur des installations neuves, le design des chaudières est prévu pour cet apport énergétique (supplémentaire ou nul) et, pour le cas d’installations modernisées, un équilibre déchets/boues est recherché (avec une perte de débit très réduite en déchets).
Impact chaudière et traitement de fumées
La co-combustion des boues engendre la création de poussières supplémentaires, qui sont en partie entraînées dans les gaz et en partie récupérées sur la grille (répartition 70/30, typiquement). Le dispositif de ramonage doit de ce fait être conçu en conséquence. Néanmoins, aucun effet détectable n’est constaté en terme d’encrassement prématuré, après plusieurs années de fonctionnement. Le traitement des fumées ultérieur doit simplement prendre en compte la quantité d’eau supplémentaire introduite dans le flux de gaz, ce point étant surtout à noter pour la visibilité du panache à la cheminée. Une légère augmentation de la teneur en soufre a pour conséquence une augmentation à la marge des réactifs de neutralisation des acides.
On peut considérer que la disponibilité des installations n’est pas affectée par la co-combustion de boues.
Impact résidus solides
Les paramètres qualitatifs des résidus solides (mâchefers et REFIOM) ne sont pas affectés par le procédé. Une tonne de boues de siccité 20 % et à 50 % de matières organiques sur sec aura pour conséquence une quantité supplémentaire de cendres volantes de 70 kg.
Le traitement des NOx par BIONOX
Un des intérêts récemment démontrés de la co-combustion des boues avec les déchets solides consiste en leur effet bénéfique pour la réduction des oxydes d’azote (NOx).
La mise au point de cette technique a conduit à l’application BIONOX : la réduction des oxydes d’azote (NOx) par les boues biologiques. Le procédé BIONOX repose sur les équipements du procédé IBISOC de co-combustion et y intègre des fonctionnalités de régulation et d’automatismes ainsi que des dispositions constructives permettant de garantir efficacement l’abattement des NOx.
Les boues de stations d’épuration ont des teneurs en azote ammoniacal et en azote organique (amines) assez élevées (3 à 9 % MS). Au cours de la pulvérisation, la forte teneur en eau des boues et cette fraction azotée permettent par leur action combinée :
- • d’une part, d’avoir une température de flamme plus faible et donc moins propice à la formation d’oxydes d’azote selon les réactions principales suivantes :
N₂ + O₂ → 2 NO N + O₂ → NO + O
Ces deux réactions sont en effet accélérées aux hautes températures ; - • d’autre part, de réduire les oxydes formés en réagissant comme suit :
4 NH₃ + 4 NO + O₂ → 4 N₂ + 6 H₂O
Cette réaction est favorisée lorsque la température est comprise entre 850 et 1100 °C. À des températures trop faibles, la réaction est trop lente, donc négligeable, et à des températures trop fortes, l’ammoniac tend à s’oxyder en monoxyde d’azote :
4 NH₃ + 5 O₂ → 4 NO + 6 H₂O
La réduction des oxydes d’azote a lieu dans le procédé BIONOX qui, dans ce cas, a l’avantage d’assurer un temps de séjour important à température constante en comparaison avec les techniques SNCR utilisant une injection d’urée ou d’ammoniaque en chaudière.
Ce procédé permet ainsi de respecter la nouvelle réglementation européenne sur l’incinération des déchets qui limite les rejets en NOx à 200 mg/Nm³ (à 9 % CO₂). On remplace alors l’investissement devenu obligatoire et nécessaire pour le traitement spécifique des NOx par BIONOX, les boues servant de réactifs pour leur neutralisation. En ce sens, ce procédé s’inscrit également dans une stratégie de développement durable et de préservation des ressources, en donnant une utilité nouvelle à un résidu (boues).
Désireux de pouvoir tester les limites optimales des performances du procédé, plusieurs campagnes d’essais réalisées sous
Contrôle des ingénieurs procédé et mise en route et vérifiés par des organismes officiels ont pu stabiliser le niveau de NOx en-dessous de 70-80 mg/Nm³.
Un dispositif complémentaire SNCR peut être installé pour des configurations de co-combustion en foyer ou en premier parcours de chaudière, l’effet d’abattement des NOx n’étant pas suffisant pour garantir à ce jour 200 mg/Nm³ (développements en cours).
Au cours de cette co-combustion, à cause du soufre contenu dans les boues, la teneur en SOx a légèrement tendance à augmenter (10 à 15 %) par rapport à celle observée pendant l'incinération des ordures ménagères seules.
Il existe une relation entre les émissions de NOx et de SOx : si la concentration en NOx dans les fumées baisse sensiblement, celle en SOx croît légèrement, ce qui confirme qu'il y a bien combustion des boues.
Conclusions et perspectives
Le procédé de co-combustion des boues répond à un double enjeu d’actualité :
- - demande de plus en plus forte de trouver des alternatives au traitement/valorisation des boues, face à l'augmentation des quantités produites et aux difficultés de débouchés en recyclage ou stockage ;
- - réduction des émissions d’oxydes d'azote des unités d’incinération et durcissement des normes de protection atmosphérique.
La combinaison unique de la fonction principale (élimination des boues) et de cette fonction corrélée (abattement des NOx) permet de proposer une solution technico-économique très avantageuse aux collectivités locales. Ce procédé peut tout aussi bien s'inscrire dans le cadre de projets nouveaux de centres de traitement thermiques des déchets que dans le cadre des modernisations d'usines existantes.