L?entretien et la surveillance des ouvrages d'alimentation en eau potable depuis le captage jusqu'au réseau de distribution sont indispensables pour garantir une bonne qualité bactériologique de l'eau distribuée. Pourtant, une récente étude a montré que dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, près de 6 % de la population était alimentée par une eau régulièrement non conforme aux normes de contrôle microbiologique. Le but de cet article est d'identifier les améliorations à engager, et de proposer quelques réponses adaptées aux problématiques de l'alimentation en eau potable en milieu rural.
Derrière des considérations techniques qui peuvent apparaître parfois tatillonnes, c'est un message simple que l’Agence de l’Eau a voulu adresser aux premiers concernés, les maires ruraux : il ne faut jamais négliger les risques de contamination bactérienne de l’eau distribuée à la population.
Un bilan réalisé par les DDASS et la DRASS coordinatrice du bassin R.M.C. a montré que près de 6 % de la population correspondante (800 000/14 millions d’habitants) étaient alimentés par une eau régulièrement non conforme aux normes de contrôle microbiologique. De plus, la majorité (93 %)
des services de distribution en cause desservait moins de 500 habitants.
Convaincre qu’il s’agit bien d’un enjeu pour la santé
La qualité microbiologique de l’eau potable peut avoir un impact immédiat sur la santé du consommateur. Selon les germes en présence (bactéries, virus ou parasites), on passe d’un risque de gastro-entérites bénin mais fréquent, à un risque de maladies plus rares mais graves. Pour illustrer cette réalité, on se souviendra des exemples récents relayés par les médias où la qualité bactériologique de l’eau potable a été mise en cause à la suite de cas de typhoïdes. On ne compte plus les références individuelles à de mauvais souvenirs de vacances qui poussent bon nombre de citadins vers les eaux embouteillées dès qu’ils affrontent “la province” profonde… Nombreux sont les incidents du même ordre qui restent dans l’ombre ou qui ne sont jamais rattachés à leur cause première : la qualité de l’eau potable.
Rappeler les responsabilités
Le maire est toujours garant de la salubrité publique sur le territoire communal, et, à ce titre, sa responsabilité peut être engagée si la qualité des eaux distribuées par le réseau communal n’est pas conforme aux normes de potabilité. Il est d’ailleurs tenu d’afficher en mairie les résultats des analyses effectuées sur le réseau public, ainsi que la synthèse qualitative annuelle établie par la DDASS. L’information du consommateur est dorénavant formalisée : un bilan annuel de la qualité de l’eau doit être joint à la facture d’eau dans toutes les communes et syndicats. Malheureusement, il ne suffit pas de stigmatiser les défaillances pour les résoudre ! Il a semblé opportun de rechercher des réponses adaptées au monde rural pour obtenir des résultats.
Promouvoir des consignes élémentaires
Comment faire progresser l’exploitation du service d’eau potable sans une prise en charge par les responsables locaux ? C’est précisément pour débattre des difficultés rencontrées par les communes rurales que l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse et le Ministère de la Santé ont organisé deux journées d’information-débats, l’une en Avignon le 3 novembre 1999, l’autre le 26 novembre 1999 à Bourg-en-Bresse. L’ordre du jour était centré sur des questions simples telles que :
- • pourquoi un tel déficit en milieu rural ?
- • quelles sont les causes des non-conformités bactériologiques de l’eau potable ?
- • quelles sont les règles de bonne gestion des ouvrages à respecter ?
- • comment assurer la surveillance régulière des installations ?
- • quelles sont les possibilités existantes (service d’assistance ou de maintenance départemental, intercommunal,…) ?
- • quel peut être le concours de l’Agence de l’Eau ?
Ces deux rencontres étaient avant tout destinées aux maires ruraux, à leurs représentants et aux techniciens en charge des problèmes d’eau. Elles ont permis de dresser le constat de la situation sur le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, de rechercher des explications, d’identifier les améliorations à engager mais aussi de proposer quelques réponses adaptées aux “réalités du terrain”.
Des évidences qui méritent d’être sans cesse rappelées
Pour résorber les désordres observés, il convient d’agir simultanément dans trois domaines :
- la prévention
Pour éviter que les contaminations ne se produisent, il peut par exemple être efficace de réviser l’organisation du service de distribution de l’eau (suppression de petites ressources, restructuration de réseaux, diminution des temps de séjour de l’eau dans les réservoirs…). Il est également obligatoire 1) d’engager, 2) de mener à son terme, puis 3) de faire respecter la procédure réglementaire des captages : installation de clôtures, suivi du respect des servitudes). Souvent pour de très petites collectivités, les solutions durables sont aussi à rechercher dans l’intercommunalité.
- le traitement de l’eau
Différents procédés de désinfection sont disponibles pour les petites collectivités. Ils doivent être choisis en fonction des contraintes locales (débit traité, qualité de l’eau, disponibilité de l’électricité,…). On peut notamment citer les désinfections plus adaptées au monde rural : la chloration, la désinfection à l’eau de Javel et les rayonnements ultraviolets sous réserve de certaines conditions techniques.
- l’entretien des ouvrages
L’entretien et la surveillance des ouvrages d’alimentation en eau potable depuis le captage jusqu’au réseau de distribution sont indispensables pour garantir une bonne qualité bactériologique de l’eau distribuée. Une réelle prise en charge de l’entretien et la préparation du renouvellement doivent être formalisés.
À l’appui de ces recommandations un certain nombre de fiches simples ont été élaborées, puis largement diffusées par l’Agence. On se reportera à l’une d’entre elles, jointe ci-après à titre d’illustration.
La technique, les conseils ne suffisent pas…
Des difficultés d’un autre ordre peuvent faire obstacle à la mise en œuvre de ces préconisations. En effet, c’est souvent avec des moyens humains et un budget réduits que les petites communes doivent assurer la gestion du service public de l’eau. Il est alors difficile d’envisager des investissements en
Quelques règles d'exploitation du service d'eau potable¹
L'eau est un produit alimentaire qui nécessite le respect de règles d'hygiène strictes, en tout lieu et en toutes circonstances.
Règle n°1 : Faire l'état des lieux
> identifier et recenser les différentes composantes du système de production et de distribution de l'eau :
- ouvrages (captages, réservoirs, appareils de traitement, station de pompage, ...) - réseaux - équipements (réducteurs, vannes, ventouses, compteurs, ...)
> rassembler tous les plans et les documents techniques se rapportant à ces composantes pour les avoir facilement à disposition. Faire établir ou mettre à jour les plans manquants ou inexacts.
Règle n°2 : Tenir un livre de bord
Ce cahier de l'exploitant doit contenir les tâches à exécuter et les dates d'intervention correspondantes. Ce qui facilite le travail de l'exploitant (établissement d'un programme de travail) et fiabilise le fonctionnement des appareils grâce au contrôle et à l'entretien réguliers.
Il consigne également le suivi global du système d'alimentation en eau potable par la description des caractéristiques :
- des interventions régulières (date, index compteur, réglage pompe doseuse, taux de chlore résiduel, ...) - des interventions exceptionnelles en cas d'événements inhabituels (date, problème rencontré, intervention réalisée pour y remédier, ...).
Il assure donc la liaison avec les partenaires occasionnels et constitue la "mémoire" du service.
Ce recueil est un outil indispensable pour assurer une gestion cohérente des installations du service d'eau potable (détection de fuites, d'anomalies de traitement, de dysfonctionnements d'appareils, ...).
Règle n°3 : Assurer l'entretien et la maintenance...
... DU CAPTAGE
Recommandations générales :
> engager une démarche de protection (procédure réglementaire, acquisition et clôture du périmètre immédiat, travaux annexes) > réhabiliter les ouvrages de captage, si besoin, pour assurer l'étanchéité vis-à-vis des eaux de ruissellement, > assurer une propreté permanente, > ne stocker aucun produit chimique (nettoyage ou autre) dans ces locaux, > à la conception et dans la mesure du possible, privilégier les sols carrelés clairs, les peintures claires pour les murs et les plafonds (mise en évidence des défauts de nettoyage), le local doit être facile d'entretien.
Fréquence
- aussi souvent que nécessaire pour assurer une propreté permanente - au minimum 1 fois par semaine (1 personne) - 1 fois par mois - 2 fois par an (2 personnes de préférence pour des raisons de sécurité) - 1 à 2 fois par an
... DES RÉSERVOIRS
Fréquence
- 1 fois par semaine (1 personne) - minimum 2 fois par an - minimum 1 fois par an et chaque fois qu'il y a eu risque de contamination (2 personnes pour des raisons de sécurité)
... DU TRAITEMENT DE DÉSINFECTION
Recommandation :
> une transmission d'alarme ne dispense pas des visites régulières mais alerte immédiatement le responsable.
Fréquence
- minimum 1 fois par semaine (1 personne), plus en cas d'orage ou d'épisodes climatiques exceptionnels - 1 fois par mois
... DE LA STATION DE POMPAGE
Recommandation :
> attention au stockage de produits d'entretien des pompes (lubrifiants, peintures, ...) et à leur manipulation lors de révisions ou de réparations, il ne faut pas contaminer l'eau de la bâche.
Fréquence
- 1 fois par semaine (1 personne) - minimum 1 fois par an et chaque fois qu'il y a eu risque de contamination (2 personnes pour des raisons de sécurité)
... DES CONDUITES, ÉQUIPEMENTS, COMPTEURS
Fréquence
- 1 fois par mois - 2 fois par an (2 personnes si les équipements sont situés dans des regards) - 2 fois par an - minimum 4 fois par an (1 personne) - après travaux de réparation sur le réseau
Plusieurs règles pratiques ont été proposées à l'issue des journées organisées par l'agence :
© Quelques règles d'exploitation du service d'eau potable ; Quelques solutions pour faire la mise en œuvre de l'exploitation du service ; © Quelques éléments sur le traitement de désinfection ; À titre d'illustration nous reproduisons ci-dessus la fiche concernant l'exploitation.
matériel ou des frais d’exploitation, et de personnel d’entretien.
Les réponses sont à rechercher dans une assistance à la gestion du service. Certains Conseils généraux de Départements, avec le soutien technique et financier des Agences de l'eau, ont mis en place des services d’assistance technique à l’eau potable (ou « SATEP »). Sous réserve d’une bonne coordination avec les services déconcentrés de l’État et en particulier des DDASS, en charge du contrôle sanitaire, on note de bons résultats : mise en place d'un budget (et d'une facturation significative !), d'un livre de bord, d'une surveillance du rendement, d'une programmation de la maintenance, d’une remise en état des ouvrages, etc.
Au-delà d’une assistance bien ponctuelle, c'est aussi une présence sur les installations qui est nécessaire : plusieurs formules sont envisageables depuis le temps partiel d'un employé communal, les regroupements de moyens intercommunaux jusqu’à une prestation (ajustée aux besoins et aux moyens locaux) de société privée spécialisée.
Le contexte de la création d’emplois jeunes a également parfois été mis à profit pour affecter des moyens humains avec un impact progressif sur le budget du service d'eau. Très souvent ce sont les regroupements de communes (regroupements de moyens, parfois d’ouvrages) qui resteront la clé de l'amélioration du service.
On peut espérer qu’à travers ces initiatives, les élus ruraux se sentiront un peu moins isolés dans la gestion quotidienne d'un service public essentiel à la santé de leurs concitoyens. Mais au fait, Monsieur le Maire, parmi vos nombreuses tâches, aurez-vous le loisir de prendre connaissance de ces recommandations ?