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La qualité bactériologique des eaux distribuées par l'usine de production d'eau potable à Méry sur Oise

30 septembre 1982 Paru dans le N°67 à la page 19 ( mots)

La qualité de l'eau dans les réseaux de distribution constitue la principale préoccupation des exploitants de stations de traitement d'eau pour la consommation. Quand il s'agit de grands réseaux, distribuant l'eau dans plusieurs milliers de kilomètres de canalisations, ce problème devient assez difficile à résoudre. Il est utopique, compte tenu des débits énormes, de croire que l'eau peut être vendue et conservée parfaitement stérile : les micro-organismes y sont naturellement présents, comme dans de nombreux produits alimentaires. Mais il convient de maîtriser leur croissance et d’éliminer de manière rigoureuse ceux d’entre eux qui risqueraient d’être pathogènes.

Les filières « classiques » de production de l’eau en banlieue parisienne comportent un prétraitement au chlore au taux du break point destiné à éliminer l'ammoniaque, une clarification par décantation et filtration et une désinfection par ozonation (le maintien d'un taux virulicide de 0,4 g d’ozone par mètre cube d'eau pendant 4 minutes assure la désinfection de l'eau et l'inactivation des virus) suivie d'une chloration finale destinée à empêcher la reviviscence bactérienne.

Ce processus permet d’obtenir une désinfection parfaite de l’eau à la sortie de l'usine mais donne lieu à une reviviscence bactérienne dans le réseau. Elle peut être combattue par une augmentation du taux de post-chloration, toutefois celui-ci ne peut être augmenté indéfiniment sous peine de conférer à l'eau des saveurs désagréables : la reviviscence bactérienne reste possible.

DEFINITION D'UNE NOUVELLE FILIERE :

L'USINE DE MÉRY-SUR-OISE

Ces préoccupations ont été, entre autres, à l’origine de la refonte par le Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux, de la filière de traitement de son usine de Méry-sur-Oise (capacité nominale 270 000 m³/j) selon un projet établi par la Compagnie Générale des Eaux et décrit sur la figure n° 1.

Le nouveau processus utilise de façon combinée l'ozonation, la filtration sur charbon actif en grains et la chloration.

L’ozonation en amont des filtres à charbon améliore la biodégradation des matières organiques qui sont

[Photo : Filières de l'usine de production d’eau potable à Méry-sur-Oise. Fig. 1 — Ozone ; Polychlorure d’aluminium ; Charbon actif en poudre ; Floculation ; Eau de lavage des filtres ; Air de lavage des filtres ; Chlore ; Bisulfite ; Bioxyde de chlore ; Rivière Oise, prise d'eau ; Décantation ; Filtration sur sable ; Filtration sur charbon actif ; Hypochlorite de sodium ; Stockage eau traitée]
[Photo : Observation au microscope électronique des bactéries fixées sur le charbon.]

ensuite éliminées par les bactéries saprophytes contenues dans les pores du charbon actif.

Les substances susceptibles de servir de nutriment aux micro-organismes sont ainsi arrêtées au niveau du traitement de façon bien plus efficace qu’auparavant : la diminution de leur quantité dans le réseau de distribution va ainsi limiter la reviviscence bactérienne.

Les étapes finales d'ozonation et post-chloration sont maintenues pour leur action virulicide et bactéricide et pour pouvoir faire face à d’éventuels relargages bactériens après les filtres à charbon.

CONTROLE DE LA QUALITE BACTERIOLOGIQUE A L'USINE DE MERY-SUR-OISE

En l'absence de chloration en tête de traitement, la filière de l'usine de Méry-sur-Oise conduit à laisser subsister avant l’étape ultime de désinfection une grande quantité de germes. Certains auteurs ont d'ailleurs attiré l'attention sur les risques que pouvaient présenter à cet égard les filtres à charbon actif, véritables « nids » de bactéries (figure 2).

Les incertitudes apportées par la nouvelle filière de traitement justifiaient que les plus grandes précautions soient prises pour contrôler, tant la désinfection de l'eau traitée que les reviviscences bactériennes en réseau. Pour effectuer ce contrôle, le Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux et la Compagnie Générale des Eaux se sont adressés à l'Institut Pasteur, la grande compétence de cet Institut constituant à leurs yeux la meilleure garantie possible.

L'étude a commencé un an avant la mise en service de la filière modernisée, pour bénéficier en base de référence des résultats de l’ancienne filière.

Puis, depuis août 1980, la nouvelle filière est suivie par des prélèvements hebdomadaires répartis sur le réseau.

LES RESULTATS DE L'ETUDE DE L'INSTITUT PASTEUR

Ils portent sur deux domaines : d'une part sur la vérification de la qualité bactériologique, d'autre part sur l’étude du vieillissement des filtres à charbon actif.

Sur le premier point on constate une amélioration de la qualité bactériologique de l'eau distribuée, cela malgré une réduction du taux de chlore résiduel à l'entrée du réseau au refoulement de l’usine. Le chlore est d’ailleurs essentiellement sous forme libre (0,4 ppm) ce qui renforce son pouvoir bactéricide, contrairement aux résultats de la filière traditionnelle où une quantité non négligeable se trouvait sous forme combinée. Ainsi, en sortie d'usine et dans 100 ml d'eau traitée, 5 % des prélèvements révèlent actuellement la présence de germes aérobies mésophiles cultivant à 20 °C, contre 40 % auparavant. Dans le réseau, la reviviscence des germes a également été réduite (figure 3). Une meilleure élimination des matières organiques dans la filière a permis de renforcer l'efficacité bactéricide de l’ozone et du chlore ; plus spécifiquement la disparition des composés biodégradables au cours de la filtration sur charbon a dû avoir une influence fondamentale sur la limitation de la reviviscence bactérienne. Celle-ci a pu être réduite sans utiliser d'importantes quantités de chlore bactériostatique pour protéger le réseau, du moins tant que le charbon n'est pas saturé.

Sur le second point, les résultats des contrôles montrent que la cinétique de prolifération des micro-organismes serait directement liée à l’état de saturation des filtres à charbon.

[Photo : Dénombrements bactériens dans l'eau distribuée à l'extrémité du réseau, après traitement par l'ancienne filière (B) et la nouvelle filière (A).]

Lors de la mise en route de la nouvelle filière de traitement, 50 % des charbons étaient vieux d’un an, les autres étaient neufs ou venaient d’être régénérés. Après une période voisine d’un an pendant laquelle la quantité de micro-organismes présente dans le réseau est restée stable et très faible, on a assisté à une prolifération rapide des germes. Les charbons actifs vieux de deux ans ont alors été régénérés : une régression du nombre de germes retrouvés dans l’eau prélevée sur le réseau s’en est suivie.

[Photo : Évolution des dénombrements bactériens dans l'eau distribuée à l'extrémité du réseau. Influence de l'âge et de la régénération du CAG.]

LES ENSEIGNEMENTS DE L'ÉTUDE

Jusqu’à maintenant, les usines de production d'eau potable étaient souvent régulées par des paramètres internes, mesurés à l’intérieur de l’usine à divers stades du traitement.

L'étude montre que la qualité bactériologique de l'eau, paramètre mesuré tout au long du réseau et en particulier au robinet de l’abonné, est directement liée à la durée optimale de vie du charbon actif utilisé comme « absorbant biologique ».

On peut ainsi retenir un critère d’« activité biologique » qui permet une régulation intégrant des paramètres externes à l’usine, apportés par le réseau de distribution. Pour la première fois, le paramètre de régulation est directement lié à la qualité de l'eau au robinet de l’abonné.

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