Depuis près d’un siècle, la foudre pose de sérieux problèmes aux utilisateurs d’équipements électriques et électroniques...
La perturbation des transmissions de signaux, le déclenchement intempestif d’alarmes, et, même la destruction complète des équipements, voire de locaux, en sont les regrettables manifestations.
La foudre
Grâce à des recherches récentes il est maintenant universellement reconnu que le phénomène est provoqué par de forts courants d’air ascendants qui, en traversant les cumulo-nimbus provoquent une congélation rapide des gouttes d’eau lesquelles, lors de leur cristallisation, se chargent électriquement. Le claquement du tonnerre et l’écho correspondant proviennent alors de la rupture d’atmosphère due aux ionisations successives d'un couloir aérien.
Précédant la surcharge principale qui peut atteindre 30 000 A, se manifestent de petites pré-décharges qui ionisent successivement l’air, trouvant le chemin le meilleur — le moins résistant — vers le sol. La foudre en fourche résulte de la décharge qui se produit entre le nuage et le sol ; l’éclair en feuille s’établit entre des nuages de potentiels opposés, il est souvent caché dans les nuages et les illumine dans un effet spectaculaire. Des phénomènes moins connus en haute tension incluent la foudre en boule, en perle, en ruban.
Le nombre annuel des jours d’orage est dénommé par les météorologues « niveau kéraunique ». Il varie en France de 10 à 40, mais dans les pays tropicaux, comme l’Afrique du Sud, il peut atteindre 110...
Liaisons dangereuses :les câbles de transmissions des réseaux
Les cheminements par lesquels la foudre « pénètre » dans une installation sont au nombre de trois.
Quoique rare, la foudre peut toucher le câble de transmission du signal ou des informations. Plus sa longueur est importante, plus le risque s’accroît. Si le point d’impact se situe à quelques mètres de l’équipement, le directeur de l’installation n’a plus qu’à lire les petites lignes de son contrat d’assurance... Lorsque l’impact intervient à plus de 100 m, le câble de transmission effectue sa tâche, et de par son impédance, limitera l’intensité du courant en ligne à quelques centaines d’ampères.
Une autre forme est le rayonnement : les éclairs entre nuage et sol ont une polarisation verticale importante et, comme les câbles de liaison sont en général situés dans un plan horizontal, l’interférence est minimale. Toutefois, l’éclair entre nuages génère un champ horizontal qui est immédiatement induit sur les câbles de transmission. Les câbles les plus longs captent évidemment plus d’énergie et courent aussi plus de risques de traverser d’autres zones orageuses.
Bien que les courants ainsi induits soient d’amplitude moins importante, comparés au coup direct, ils sont plus fréquents.
Un troisième chemin — probablement le plus commun et le plus dévastateur — a pour origine la foudre qui tombe à moins d’un kilomètre du câble, ce qui élève le potentiel du sol et — aux endroits où la résistance du terrain est faible — de forts courants de terre vont circuler alors dans les câbles ou les blindages, jusqu’à la disparition des différences de potentiel engendrées. À proximité d’un point de chute, le gradient du potentiel peut atteindre ainsi plusieurs kilovolts par mètre.
Le marché de la protection
À la suite de récentes recherches et de l’expérience acquise lors de la surveillance de câbles de transmission par British Telecom et Japan Telecom Industries pendant ces dix dernières années, ces sociétés ont constaté qu’en général 99 % des surcharges induites ne durent que quelques centaines de microsecondes ; de plus les courants de surcharge en résultant sont généralement assez faibles et leur répartition statistique montre que si les surcharges de 1000 A existent, elles sont assez rares.
En utilisant la technologie des semi-conducteurs et en conservant en mémoire les paramètres actuels de captage des surcharges, il est possible de concevoir une protection sans avoir de fusibles à remplacer et assurant une longue durée de service.
La performance idéale est la suivante :
- — la barrière de protection devrait détourner toutes les surcharges, à des niveaux bien définis ;
- — elle devrait survivre à des surcharges de niveaux plus importants que ceux analysés statistiquement ;
- — le câblage interne devrait être choisi soigneusement, en tenant compte du fait que les courants des surcharges peuvent excéder 1 000 A ;
- — de forts courants sont statistiquement possibles et un moyen de les dévier vers la terre, en toute sécurité et sans générer de tensions de mode commun très élevées dans le système, devrait être intégré dans la barrière. Ce point fondamental est développé plus loin.
Les types de protections mis en jeu se répartissent en protections primaires et secondaires.
Une protection primaire est généralement celle qui est capable d’absorber une forte charge, supérieure à 50 joules, l’unité au-dessous de laquelle se situent les protections secondaires ; le point de transition entre protection primaire et secondaire est un guide simple qui ne viole pas les lois élémentaires de la physique. En effet, si les protections primaires sont nettement plus lentes à intervenir que les protections secondaires, en revanche elles absorbent ou détournent de plus fortes énergies.
Une barrière de protection ne doit pas être considérée comme un composant accessoire, et éluder une partie du problème posé par les surtensions amène à faire un choix très souvent inadapté. Une simple diode zener installée à l’entrée d’un équipement électronique est probablement l’approche la plus répandue et la plus rudimentaire ; malheureusement, elle faillira en pratique du fait que les diodes constituent des protections secondaires et qu’il est quasi certain qu’elles seront détruites dans certaines conditions ; d’autre part, de nombreux circuits imprimés sont fabriqués sur de simples plaques revêtues de cuivre et les courants parasites dépassant 10 A vaporisent instantanément les pistes et causent des dommages irréversibles.
À un niveau plus élaboré, celui des relais et autres composants de commutation, on constate également, ainsi que les recherches l’ont démontré, qu’une surcharge typique ne dure que 200 microsecondes, alors que le plus rapide des relais met environ une milliseconde pour s’ouvrir. Une approche optimale et sensée consiste donc à associer les protections primaires et secondaires dans une barrière, en les connectant de façon que leurs caractéristiques se complètent. Comme précaution complémentaire, et pour limiter les effets de capacité parasite, on peut ajouter un filtre unipolaire en sortie ; une barrière parafoudre de cette nature est visible sur la figure 1. Équipée d’un circuit à haute densité et conçue pour résister à de fortes charges, elle est utilisée avec succès par de nombreux installateurs et exploitants de réseaux, distributions d’eau potable et de traitement d’eaux usées, en particulier. Une de ses caractéristiques pratiques est la mise à la disposition de l’utilisateur d’un point de test permettant à l’opérateur un contrôle rapide de tous les composants internes, sans coupure de ligne.
Pour quelques applications de communication, elles peuvent être adaptées à l’impédance propre de la ligne, pour éviter les réflexions.
Quelques milliers sont actuellement en service et à ce jour aucune n’a été détruite par la foudre.
Mises à la terre
Tout câble de transmission pénétrant dans un bureau ou une usine et en provenance de l’extérieur constitue un capteur potentiel — antenne — pouvant recevoir des surcharges dues à la foudre, ou aux courants parasites provenant du réseau de distribution électrique. Ces courants de surcharge peuvent s’étager à partir de faibles niveaux jusqu’à plusieurs centaines d’ampères comme déjà mentionné. Que faire, face à ces surcharges indésirables ? La solution consiste alors à revoir la structure des points de terre du système, tâche fondamentale qui doit être confiée à un technicien. La figure 2 montre les différents points de terre couramment rencontrés et souvent indifférenciés.
Terre du parafoudre
C’est un point de terre spécialement attribué et conçu pour disperser les fortes énergies mises en jeu. Il doit être localisé et réalisé de telle sorte qu’il ne puisse opposer qu’une faible impédance aux surcharges. Dans un complexe industriel important, il peut se présenter sous la forme d’un réseau.
Terre de l’alimentation ou du système
C’est le point de mise à la terre du réseau de distribution électrique et des postes de distribution. L’alimentation est le premier point disponible sur le collecteur de terre, à son entrée dans les locaux. Elle peut être définie comme le dernier point électrique qu’un courant parasite rencontrerait lors de son cheminement vers le sol et vers la sous-station électrique.
Terre de la sous-station
C’est le point de terre de la connexion en étoile de l’arrivée triphasée dans la sous-station. Dans la majorité des cas, elle peut être considérée comme équivalente, électriquement parlant, à la terre de l’alimentation.
Terre de la distribution
C’est le réseau des points de terre auxquels sont raccordés les prises de distribution et les équipements installés dans les locaux. Les contraintes de conception font qu’il doit être de section suffisante pour résister pendant le temps nécessaire à la rupture du fusible de distribution. De plus, en cas d’incident, la résistance ohmique doit être assez faible afin de ne pas limiter le courant de défaut à une valeur inférieure à celle du calibre du fusible de la distribution (comme défini par les exigences IEE).
Généralement, la résistance du câblage raccordé à ce point de terre doit être supérieure de quelques Ohms à celle des câbles aboutissant au point de terre de l’alimentation et c’est un paramètre important à considérer lorsque l'on examine la mise à la terre des protections.
Masse électronique
À moins d'être directement concernés, les opérateurs ne s’intéressent en général pas à ce qui se passe dans la « boîte noire ». Cependant, il existe une multitude d’assemblages des masses utilisées par les fabricants. Par exemple, pour réduire le bruit capté, une résistance de faible valeur peut être installée entre le zéro volt (dénommé aussi commun négatif ou référence du circuit) et la masse mécanique du châssis. Il suffit de procéder ainsi une seule fois pour que le point de référence devienne la masse électronique. De même, certaines sondes de mesure, réalisées à l'aide de technologies issues de la micro-électronique (couches minces, semi-conducteurs) ne disposent que d’un isolement électrique particulièrement faible entre l'élément sensible et la masse de leur structure métallique. Un condensateur est d’ailleurs souvent implanté pour évacuer les charges d’électricité statique qui s’établissent entre ces deux points (ce condensateur a le même effet que la résistance évoquée ci-dessus). Plus encore, dans un équipement sanitaire — pour des raisons de sûreté — personne n’accepterait que la masse électronique puisse être utilisée accidentellement comme terre de protection. Pour la conception de circuits en contrôle de procédé d’usine, la masse électronique ne sera connectée à la terre de l’alimentation qu’en un point, ce qui référencera le système et réduira le bruit.
Masse de l’usine
Elle est quelquefois dénommée « négatif commun » et elle est souvent utilisée dans les salles de contrôle de procédés. Ici toutes les boucles se rejoignent et l'usine travaille en référence à ce collecteur (bus). Elle doit être maintenue impérativement exempte de pollution et n’être connectée à la terre de l’alimentation qu’en un seul point. En outre, avec l'installation de centrales d’acquisition, il n’est que trop facile de référencer de nombreuses boucles de courant lorsqu’elles sont converties en tension dans la salle de contrôle, sur ce collecteur. Cette masse de l'usine peut être aisément contaminée si, au bas mot, 500 entrées d’échelles 20 mA chacune sont contrôlées, totalisant un courant de 10 A.
« Terre » du sol
C’est la terre théoriquement infinie où tous les courants se dispersent, y compris ceux de la foudre ! Elle existe principalement dans les livres, et les ingénieurs ont dépensé beaucoup de temps pour chercher à la créer, en injectant du sulfate de cuivre et différentes présentations de cuivre en ruban. L’impédance de surcharge de la terre est quelque peu complexe et seules de récentes recherches ont pu montrer qu’elle varie dans le temps lorsque la décharge de l'éclair se dissipe et qu'elle peut alors être plusieurs fois supérieure à sa valeur mesurée au repos. Un autre effet mal connu est l’électrolyse du sol effectuée par les décharges précédentes : elles peuvent accroître encore la valeur de l’impédance de surcharge.
Le câblage
Avec autant de possibilités, il n'est pas surprenant que tant d’installations soient incorrectement câblées. Certaines configurations induiront des perturbations dans le système et pourront présenter un danger en fonction des effets de la foudre. Le point important à souligner est que le câblage doit être relatif, l'oiseau perché confortablement sur une ligne à haute tension en est une bonne illustration. Pour atteindre un résultat la première règle à observer est la mise à la terre en étoile, ce qui est illustré par la figure 3. On peut y voir que les courants de surcharge sont divisés dans un chemin à basse impédance dirigé vers la terre. Cette véritable connexion à la terre doit être réalisée pour encaisser des courants de surcharge, mais sans nécessairement être de faible résistance. En pratique, ce point de terre est souvent celui du système.
L’équipement protégé est connecté en étoile au même point de terre ; ainsi, tous les courants de surcharge élèveront le potentiel du sol et tout sera référencé en ce point.
Il convient de ne pas utiliser les points de terre de la distribution du fait qu’ils présentent une valeur ohmique plus élevée que celle de la terre de la protection et que de forts courants y créeront des hausses de tension qui pourraient endommager des équipements plus éloignés dans l'installation. Pour mettre en évidence ce point, il suffit d’examiner l’effet d’une surcharge de 100 A dans un point de terre de distribution de 1 ohm, en utilisant la loi d’Ohm. Pour d’évidentes raisons, il faut éviter d’utiliser la masse électronique (ou terre de référence électronique) puisque, même si sa résistance est plus faible, elle doit rester « non contaminée ».
Lorsque l'équipement à protéger est situé en plein champ et que la terre du système est inexistante, il y a lieu de réaliser un point de terre dimensionné pour disperser les plus sévères courants de surcharge, et d’y raccorder l’équipement et sa barrière de protection.
Conclusion
Chaque année des milliers d'installations sont endommagées ou détruites par la foudre ou les surtensions ; les équipements modernes, qui intègrent de plus en plus d'électroniques, sont très sensibles aux surcharges (automates de télésurveillance et de télégestion). Installer une barrière de protection spécialisée, externe au circuit, convenablement mise à la terre et conçue pour dévier la majorité des plus forts courants de surcharge est une chose raisonnable et économique.
D'autre part, et conformément aux guides de l'ingénierie, il est indispensable de séparer les câbles « à risques » des câbles « propres », en particulier le câble de mise à la terre pour éviter que les importants courants qu'il peut véhiculer soient aisément réinjectés dans le système par couplage inductif ou par capacité parasite.
GLOSSAIRE
Captage transverse : voir mode commun.
Charge de boucle : dans une boucle de courant de mesure, l'insertion d'un composant résistif dans la boucle provoque une chute de tension, appelée charge de boucle.
Collecteur/bus : un type de connexion électrique qui met différents points en commun, au même potentiel. Un bus de puissance et un collecteur de terre prendront la forme d'une barre de forte section disposant de points de connexion répartis sur sa longueur.
Équipotentiel : points d'un plan au même potentiel.
Foudre : phénomène de décharge électrique à haute tension, maintenant généralement reconnu comme étant provoqué par la formation de grêle dans les forts courants ascendants. C'est la séparation des particules chargées positivement et négativement lors de leur transport vers les régions hautes par les courants, qui crée le dipôle vertical de l'orage.
IEM : impulsion électromagnétique (espérons qu'elle ne se produira pas). Dans le cas d'une explosion nucléaire, dans la haute atmosphère, l'absorption du rayonnement gamma par l'air crée des électrons Compton à haute vitesse, qui seront accélérés par le champ magnétique terrestre. Ces électrons rapides donneront naissance à une impulsion électromagnétique avec un front de 5 kV/s et une force de champ de 10 kV/m.
Impédance de surcharge : parce qu'un câble d'entrée dans un équipement a une répartition d'inductance, de résistance, de capacité, il se comportera comme une ligne de transmission. Toute perturbation, causée par la foudre par exemple, rencontre l'impédance caractéristique ou impédance de surcharge de cette ligne. C'est cette impédance de surcharge qui limite 99 % des surcharges induites à moins de 200 A.
Impédance de terre : l'impédance physique et complexe de la terre au point de connexion. Constituée des termes équivalents d'inductance, de résistance, de capacité. Les recherches récentes ont mis en évidence les effets de l'électrolyse du sol qui en modifie les termes.
Longitudinal : voir mode série.
Mode commun : un signal désiré ou indésirable commun à quelques points de référence (généralement la masse électronique) et qui affecte toutes les entrées de l'équipement de la même façon.
Mode série : une entrée désirée ou indésirable d'un signal, en série sur les fils d'entrée d'un équipement — généralement résultant d'un couplage inductif.
Niveau kéraunique : nombre de jours d'orage par an. Il varie géographiquement dans le monde et est communément plus élevé dans la zone Équateur-Tropiques. En Afrique et en Amérique Centrale, il atteint 150 pour descendre à 1 au Groenland et en Antarctique. En France il varie de 10 à 40.
Sécurité positive : un but ambitieux qui consiste à comprendre et prédire avec fiabilité la physique des modes de défaillance. Avec un certain degré d'assurance, il est possible de concevoir un équipement qui tombera dans un état connu en cas de panne et si cet état conserve la sûreté de l'équipement, celui-ci sera reconnu de sécurité positive.
Terre : les points de terre les plus communs qui doivent être examinés avec soin sont : terre des protections parafoudre, point de terre de la sous-station et points de terre de la distribution et du système.