Les évolutions récentes des moyens de communication ont permis de développer une nouvelle technique de recherche de fuites, la prélocalisation permanente des fuites sur les réseaux d'eau potable. Cette technique consiste à équiper le réseau de distribution de capteurs acoustiques à poste fixe qui écoutent en permanence les bruits du réseau et informent en temps réel l'exploitant de l'apparition d'une fuite, permettant ainsi de réduire le temps découlement d'une fuite. La prélocalisation permanente a aujourd'hui démontré toute son efficacité et fait partie des outils utilisés par Lyonnaise des Eaux pour la réduction des pertes en eau sur les réseaux.
- les pertes physiques : ce sont les pertes d’eau dues aux défauts du réseau et à d’autres ouvrages de distribution ;
- les pertes de comptage : ce sont des pertes qui sont dues aux consommations réelles non enregistrées, du fait du sous-comptage des compteurs (vieillissement des compteurs, inadéquation du type compteur avec la qualité de l’eau, mauvaises conditions de pose…) ;
- les pertes clientèles : de même que pour les pertes de comptage, ce sont des pertes dues aux consommations réelles non enregistrées mais liées cette fois-ci aux usages illégaux.
Ce diagnostic conduit ensuite à la définition d’un plan d’actions destiné à réduire l’ensemble des pertes.
Dans le cadre de la réduction des pertes physiques et plus particulièrement du niveau de fuites, la méthode classique de recherche de fuites s’articule autour de trois opérations complémentaires.
priorités en termes de recherche de fuites entre les différents secteurs et d’estimer, voire quantifier, le niveau de fuite;
- - la prélocalisation : elle a pour objectif, dans un secteur donné, de vérifier la présence de fuites et de déterminer leur position avec une précision de l'ordre de la centaine de mètres. Elle est réalisée par l’intermédiaire de capteurs acoustiques, placés au contact des canalisations, qui analysent les bruits ambiants afin de déterminer la présence éventuelle de fuite;
- - la localisation : elle a pour objectif de définir la position d'une fuite avec une précision de l’ordre du mètre.
Les avancées technologiques récentes en matière de communication et de gestion de l’énergie offrent de nouvelles possibilités en matière de gestion en temps réel de nos réseaux, en particulier concernant la prélocalisation. Ainsi, la prélocalisation permanente complète aujourd'hui le schéma traditionnel de recherche de fuites.
Dans certains cas, il est utile de mettre en place une surveillance « fine » de certains secteurs, comme par exemple sur :
- - les zones constituées de canalisations fragiles présentant des fuites récurrentes;
- - les zones sensibles (rue piétonne, centre historique, etc.);
- - les conduites stratégiques.
Bien souvent dans ces contextes spécifiques, la prélocalisation itinérante ne permet pas une réactivité suffisante. En effet, celle-ci est déclenchée soit en action curative lors d’un constat d’augmentation des volumes livrés au réseau, soit à l’occasion de campagnes de recherche de fuites périodiques.
La prélocalisation permanente permet quant à elle d'informer en temps réel les exploitants de l'apparition d'une fuite et de réduire ainsi considérablement le temps entre sa détection et sa réparation, limitant de fait les pertes en eau et le risque de dégradation de l’environnement (voirie, habitations…).
Un équipement de prélocalisation permanente se compose d’un capteur acoustique (identique au capteur utilisé en prélocalisation itinérante), relié à un système de télétransmission des informations par GSM. L’ensemble forme un dispositif compact et autonome qui est positionné dans les bouches à clé (de préférence sur les vannes). Afin de s'affranchir des difficultés de transmission liées à l’effet « cage de Faraday » des bouches à clé en fonte, les fournisseurs ont développé des antennes spécifiques ou déportées dans la structure de la chaussée. Pour la surveillance permanente des canalisations de gros diamètre (diamètre nominal supérieur à 400 mm), le principe reste le même, seuls les capteurs acoustiques utilisés diffèrent. Ces capteurs, appelés hydrophones, sont placés non pas au contact du réseau mais directement au contact de l’eau, en général au travers de prises en charge. L’eau est alors le vecteur principal de la propagation du bruit, offrant une distance d’écoute plus importante qu’avec un capteur acoustique classique (environ le double).
Le concept « AVERTIR »
Lyonnaise des Eaux, à partir des appareils distribués par les principaux fournisseurs de matériels de recherche de fuites, a développé le concept « AVERTIR », s'articulant autour de trois axes principaux :
- - choix des secteurs stratégiques;
- - définition de la distance optimale entre capteurs;
- - mise en place d’un système informatique de gestion des données en temps réel.
La mise en place d’un projet AVERTIR débute par le choix d'un secteur à surveiller. Il peut s'agir soit d'une zone stratégique, soit d'une zone particulièrement fuyarde sur le réseau. Ce choix passe également par l'analyse de différents paramètres que sont notamment les matériaux des canalisations, la pression et le niveau de maillage des conduites car dans certains cas, la prélocalisation permanente peut
La définition d’une distance optimale entre capteurs est un critère fondamental pour la réussite d’un projet AVERTIR et a fait l’objet à ce titre d’une étude approfondie par Lyonnaise des Eaux.
En effet, la propagation du bruit d’une fuite au sein d’un réseau d’eau potable dépend de nombreux facteurs tels que l’importance de la fuite, le matériau de la conduite, la pression, le bruit de fond ambiant… Lyonnaise des Eaux a réalisé de nombreux tests terrain, dans des conditions réelles d’exploitation, pour définir, en fonction des matériels des fournisseurs et des paramètres évoqués ci-dessus, une distance optimale entre capteurs.
Ces tests ont permis notamment de mettre en évidence la possibilité d’augmenter les distances entre capteurs dans le cas d’une prélocalisation permanente par rapport à une prélocalisation itinérante. En effet, la prélocalisation permanente permet d’analyser l’évolution dans le temps des niveaux de bruit et leurs dérives, contrairement à la prélocalisation itinérante qui ne donne qu’une vision instantanée. La prélocalisation itinérante requiert donc une distance entre capteurs plus faible afin de détecter un niveau de bruit suffisant pour être significatif de la présence d’une fuite, aucun comparatif au bruit de fond normal du réseau n’étant possible.
Les capteurs enregistrent et analysent le niveau de bruit quotidiennement, en général la nuit sur une période programmée en fonction du contexte local, dans le but de garantir une qualité d’écoute optimale.
Les données recueillies durant la nuit sont alors envoyées directement sous forme de SMS au centre de télégestion local à un pas de temps défini lors de l’étude (quotidien, hebdomadaire, etc.). Cela a nécessité de la part de chaque fournisseur de rendre compatibles ces SMS avec le logiciel de supervision TOPKAPI®, qui est le système de référence de Lyonnaise des Eaux pour le télécontrôle et la télésurveillance des installations.
L’analyse des données est facilitée grâce à la mise en place dans TOPKAPI® d’une interface cartographique, superposant les réseaux surveillés extraits du SIG au réseau de capteurs acoustiques. Le niveau de bruit de chaque capteur est représenté par un jeu de couleurs et d’animations, permettant un diagnostic visuel rapide du niveau de fuites du réseau.
Intérêts d’une surveillance permanente des réseaux
Les responsables de la recherche de fuites disposent d’un accès distant à TOPKAPI® afin de suivre au quotidien l’état du réseau.
Ils déclenchent une intervention de localisation de fuites dès lors qu'une dérive avérée du niveau de bruit est constatée sur un ou plusieurs capteurs. Cette réactivité est l'un des principaux facteurs de la réduction des pertes en eau constatées lors de la mise en place d’un système AVERTIR.
De plus, la prélocalisation permanente permet de contrôler le retour à la normale du niveau de bruit suite à la réparation d'une fuite. Dès lors, l'outil AVERTIR a montré sa pertinence pour la détection des phénomènes bien connus des exploitants que sont la recasse suite à la réparation d’une fuite et les fuites masquées (plusieurs fuites sur un même tronçon).
En effet, il est fréquent de constater après la réparation d'une fuite l'apparition d'une nouvelle fuite à proximité. Même si les chercheurs de fuites programment une nouvelle recherche, celle-ci peut être inefficace, le temps de réapparition étant variable (de quelques heures à plusieurs jours).
D’autre part, une fuite peut également cacher une ou plusieurs autres fuites. Le suivi en continu permet de visualiser ce phénomène, le niveau des capteurs ne retombant pas à un seuil normal après la réparation. Or ce sont le plus souvent les fuites les moins bruyantes (donc plus difficiles à détecter) qui ont des débits importants ou des durées de vie les plus longues. La mise en évidence des fuites à répétition et des fuites masquées permet un travail de fond dans la réduction des pertes et l'amélioration des rendements de réseau.
Vers des réseaux intelligents
AVERTIR s'inscrit dans le concept actuel des réseaux intelligents qui consiste à associer aux réseaux d'eau potable des capteurs permettant sa surveillance et son diagnostic en temps réel.
Le suivi des volumes livrés au réseau, des volumes consommés grâce au télérelevé des compteurs, des pressions, du niveau de chlore ou du niveau de bruit sont autant de systèmes de mesure en continu actuellement en place, qui permettent de tendre vers cet objectif.
Les développements en cours concernant la prélocalisation permanente visent à mettre au point des systèmes capables, suite à la prélocalisation d'une fuite, de passer automatiquement en corrélation acoustique afin de déterminer sa localisation.
Lyonnaise des Eaux étend également ses réflexions aux supports de communication utilisés par les capteurs acoustiques à poste fixe et travaille sur les synergies possibles avec les infrastructures radio développées dans le cadre du télérelevé des compteurs. ■