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La prélocalisation permanente des fuites sur les réseaux d'eau potable

30 avril 2008 Paru dans le N°311 à la page 42 ( mots)
Rédigé par : Élodie GISPALOU et Jean-pierre DELETOILLE

Les évolutions récentes des moyens de communication ont permis de développer une nouvelle technique de recherche de fuites, la prélocalisation permanente des fuites sur les réseaux d'eau potable. Cette technique consiste à équiper le réseau de distribution de capteurs acoustiques à poste fixe qui écoutent en permanence les bruits du réseau et informent en temps réel l'exploitant de l'apparition d'une fuite, permettant ainsi de réduire le temps découlement d'une fuite. La prélocalisation permanente a aujourd'hui démontré toute son efficacité et fait partie des outils utilisés par Lyonnaise des Eaux pour la réduction des pertes en eau sur les réseaux.

  • les pertes physiques : ce sont les pertes d’eau dues aux défauts du réseau et à d’autres ouvrages de distribution ;
  • les pertes de comptage : ce sont des pertes qui sont dues aux consommations réelles non enregistrées, du fait du sous-comptage des compteurs (vieillissement des compteurs, inadéquation du type compteur avec la qualité de l’eau, mauvaises conditions de pose…) ;
  • les pertes clientèles : de même que pour les pertes de comptage, ce sont des pertes dues aux consommations réelles non enregistrées mais liées cette fois-ci aux usages illégaux.

Ce diagnostic conduit ensuite à la définition d’un plan d’actions destiné à réduire l’ensemble des pertes.

Dans le cadre de la réduction des pertes physiques et plus particulièrement du niveau de fuites, la méthode classique de recherche de fuites s’articule autour de trois opérations complémentaires.

[Photo : Figure 1 – Méthodes complémentaires de recherche de fuites.]
[Photo : Pose d’un capteur acoustique à poste fixe.]

priorités en termes de recherche de fuites entre les différents secteurs et d’estimer, voire quantifier, le niveau de fuite;

  • - la prélocalisation : elle a pour objectif, dans un secteur donné, de vérifier la présence de fuites et de déterminer leur position avec une précision de l'ordre de la centaine de mètres. Elle est réalisée par l’intermédiaire de capteurs acoustiques, placés au contact des canalisations, qui analysent les bruits ambiants afin de déterminer la présence éventuelle de fuite;
  • - la localisation : elle a pour objectif de définir la position d'une fuite avec une précision de l’ordre du mètre.

Les avancées technologiques récentes en matière de communication et de gestion de l’énergie offrent de nouvelles possibilités en matière de gestion en temps réel de nos réseaux, en particulier concernant la prélocalisation. Ainsi, la prélocalisation permanente complète aujourd'hui le schéma traditionnel de recherche de fuites.

Dans certains cas, il est utile de mettre en place une surveillance « fine » de certains secteurs, comme par exemple sur :

  • - les zones constituées de canalisations fragiles présentant des fuites récurrentes;
  • - les zones sensibles (rue piétonne, centre historique, etc.);
  • - les conduites stratégiques.

Bien souvent dans ces contextes spécifiques, la prélocalisation itinérante ne permet pas une réactivité suffisante. En effet, celle-ci est déclenchée soit en action curative lors d’un constat d’augmentation des volumes livrés au réseau, soit à l’occasion de campagnes de recherche de fuites périodiques.

La prélocalisation permanente permet quant à elle d'informer en temps réel les exploitants de l'apparition d'une fuite et de réduire ainsi considérablement le temps entre sa détection et sa réparation, limitant de fait les pertes en eau et le risque de dégradation de l’environnement (voirie, habitations…).

Un équipement de prélocalisation permanente se compose d’un capteur acoustique (identique au capteur utilisé en prélocalisation itinérante), relié à un système de télétransmission des informations par GSM. L’ensemble forme un dispositif compact et autonome qui est positionné dans les bouches à clé (de préférence sur les vannes). Afin de s'affranchir des difficultés de transmission liées à l’effet « cage de Faraday » des bouches à clé en fonte, les fournisseurs ont développé des antennes spécifiques ou déportées dans la structure de la chaussée. Pour la surveillance permanente des canalisations de gros diamètre (diamètre nominal supérieur à 400 mm), le principe reste le même, seuls les capteurs acoustiques utilisés diffèrent. Ces capteurs, appelés hydrophones, sont placés non pas au contact du réseau mais directement au contact de l’eau, en général au travers de prises en charge. L’eau est alors le vecteur principal de la propagation du bruit, offrant une distance d’écoute plus importante qu’avec un capteur acoustique classique (environ le double).

[Encart : texte : Dans un contexte technique difficile (présence de cavités souterraines sur Auxerre), Lyonnaise des Eaux est confrontée à une problématique de rendement réseau sur la Communauté de l’Auxerrois. Pour diminuer de manière significative les pertes en eau, il était fondamental de disposer d'outils de surveillance sur la Ville d’Auxerre (37 800 hab.) et d’améliorer la réactivité lors de l'apparition des fuites. La prélocalisation permanente répondait donc parfaitement à cette problématique. L'ensemble du périmètre de la ville d’Auxerre a donc été équipé courant 2007 de 50 prélocalisateurs à poste fixe couvrant 250 km de réseau sur un total de 550 km. Dans cet exemple, un capteur couvre un linéaire de réseau relativement important (5 km en moyenne) du fait du fort maillage du réseau. Après plusieurs mois, les résultats sont déjà sensibles. En effet, les délais de détection de fuite ont été très nettement réduits, permettant ainsi une économie d'eau produite dépassant les 1 000 m³ par jour.]
[Encart : texte : L’année 2005 fut une année noire pour le réseau de la ville de Dijon (150 000 hab.) : le rendement de réseau accusa une baisse significative sans que la politique de recherche de fuites ou que les réparations de fuites n’aient connu de changements notoires. Après trois mois de tests réalisés fin 2005, l'ensemble du réseau de Dijon (525 km) fut couvert par des prélocalisateurs à poste fixe, faisant de Dijon la première grande ville en France équipée de ce système. Aujourd’hui, 180 capteurs écoutent en continu le réseau de Dijon. Les résultats au bout de deux années d’exploitation sont au rendez-vous : sur 2006, près de 1,2 million de m³ ont été ainsi sauvés, suivis de plus de 900 000 m³ supplémentaires sur 2007. Ayant prouvé son efficacité sur les centres-villes où la circulation et le bruit permanent rendent les écoutes classiques difficiles, le système Avertir est aujourd'hui étendu aux centres-villes de deux communes dijonnaises supplémentaires : Fontaine-lès-Dijon et Longvic.]

Le concept « AVERTIR »

Lyonnaise des Eaux, à partir des appareils distribués par les principaux fournisseurs de matériels de recherche de fuites, a développé le concept « AVERTIR », s'articulant autour de trois axes principaux :

  • - choix des secteurs stratégiques;
  • - définition de la distance optimale entre capteurs;
  • - mise en place d’un système informatique de gestion des données en temps réel.

La mise en place d’un projet AVERTIR débute par le choix d'un secteur à surveiller. Il peut s'agir soit d'une zone stratégique, soit d'une zone particulièrement fuyarde sur le réseau. Ce choix passe également par l'analyse de différents paramètres que sont notamment les matériaux des canalisations, la pression et le niveau de maillage des conduites car dans certains cas, la prélocalisation permanente peut

[Photo : Figure 2 – Transmission des données avec AVERTIR.]

La définition d’une distance optimale entre capteurs est un critère fondamental pour la réussite d’un projet AVERTIR et a fait l’objet à ce titre d’une étude approfondie par Lyonnaise des Eaux.

En effet, la propagation du bruit d’une fuite au sein d’un réseau d’eau potable dépend de nombreux facteurs tels que l’importance de la fuite, le matériau de la conduite, la pression, le bruit de fond ambiant… Lyonnaise des Eaux a réalisé de nombreux tests terrain, dans des conditions réelles d’exploitation, pour définir, en fonction des matériels des fournisseurs et des paramètres évoqués ci-dessus, une distance optimale entre capteurs.

Ces tests ont permis notamment de mettre en évidence la possibilité d’augmenter les distances entre capteurs dans le cas d’une prélocalisation permanente par rapport à une prélocalisation itinérante. En effet, la prélocalisation permanente permet d’analyser l’évolution dans le temps des niveaux de bruit et leurs dérives, contrairement à la prélocalisation itinérante qui ne donne qu’une vision instantanée. La prélocalisation itinérante requiert donc une distance entre capteurs plus faible afin de détecter un niveau de bruit suffisant pour être significatif de la présence d’une fuite, aucun comparatif au bruit de fond normal du réseau n’étant possible.

Les capteurs enregistrent et analysent le niveau de bruit quotidiennement, en général la nuit sur une période programmée en fonction du contexte local, dans le but de garantir une qualité d’écoute optimale.

Les données recueillies durant la nuit sont alors envoyées directement sous forme de SMS au centre de télégestion local à un pas de temps défini lors de l’étude (quotidien, hebdomadaire, etc.). Cela a nécessité de la part de chaque fournisseur de rendre compatibles ces SMS avec le logiciel de supervision TOPKAPI®, qui est le système de référence de Lyonnaise des Eaux pour le télécontrôle et la télésurveillance des installations.

L’analyse des données est facilitée grâce à la mise en place dans TOPKAPI® d’une interface cartographique, superposant les réseaux surveillés extraits du SIG au réseau de capteurs acoustiques. Le niveau de bruit de chaque capteur est représenté par un jeu de couleurs et d’animations, permettant un diagnostic visuel rapide du niveau de fuites du réseau.

Intérêts d’une surveillance permanente des réseaux

Les responsables de la recherche de fuites disposent d’un accès distant à TOPKAPI® afin de suivre au quotidien l’état du réseau.

[Photo : Figure 3 – Synoptique animé en fonction du niveau de bruit enregistré par chaque capteur.]
[Photo : Figure 4 – Courbes de bruit enregistrées par un prélocalisateur.]
[Photo : Figure 5 - Apparition d'une nouvelle fuite suite à la réparation d'une première fuite.]
[Photo : Figure 6 - Fuite masquant la présence d'une seconde fuite.]

Ils déclenchent une intervention de localisation de fuites dès lors qu'une dérive avérée du niveau de bruit est constatée sur un ou plusieurs capteurs. Cette réactivité est l'un des principaux facteurs de la réduction des pertes en eau constatées lors de la mise en place d’un système AVERTIR.

De plus, la prélocalisation permanente permet de contrôler le retour à la normale du niveau de bruit suite à la réparation d'une fuite. Dès lors, l'outil AVERTIR a montré sa pertinence pour la détection des phénomènes bien connus des exploitants que sont la recasse suite à la réparation d’une fuite et les fuites masquées (plusieurs fuites sur un même tronçon).

En effet, il est fréquent de constater après la réparation d'une fuite l'apparition d'une nouvelle fuite à proximité. Même si les chercheurs de fuites programment une nouvelle recherche, celle-ci peut être inefficace, le temps de réapparition étant variable (de quelques heures à plusieurs jours).

D’autre part, une fuite peut également cacher une ou plusieurs autres fuites. Le suivi en continu permet de visualiser ce phénomène, le niveau des capteurs ne retombant pas à un seuil normal après la réparation. Or ce sont le plus souvent les fuites les moins bruyantes (donc plus difficiles à détecter) qui ont des débits importants ou des durées de vie les plus longues. La mise en évidence des fuites à répétition et des fuites masquées permet un travail de fond dans la réduction des pertes et l'amélioration des rendements de réseau.

Vers des réseaux intelligents

AVERTIR s'inscrit dans le concept actuel des réseaux intelligents qui consiste à associer aux réseaux d'eau potable des capteurs permettant sa surveillance et son diagnostic en temps réel.

Le suivi des volumes livrés au réseau, des volumes consommés grâce au télérelevé des compteurs, des pressions, du niveau de chlore ou du niveau de bruit sont autant de systèmes de mesure en continu actuellement en place, qui permettent de tendre vers cet objectif.

Les développements en cours concernant la prélocalisation permanente visent à mettre au point des systèmes capables, suite à la prélocalisation d'une fuite, de passer automatiquement en corrélation acoustique afin de déterminer sa localisation.

Lyonnaise des Eaux étend également ses réflexions aux supports de communication utilisés par les capteurs acoustiques à poste fixe et travaille sur les synergies possibles avec les infrastructures radio développées dans le cadre du télérelevé des compteurs. ■

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