Your browser does not support JavaScript!

La pompe à chaleur solaire à double évaporateur : une utilisation optimale de l'électricité

29 mai 1986 Paru dans le N°101 à la page 56 ( mots)
Rédigé par : Michel DEGRAEVE

Les expériences effectuées avec la pompe à chaleur solaire ont mis en valeur les performances obtenues par l'application de cette technique au chauffage des habitations : avec un coefficient de performance moyen qui peut dépasser trois, elle permet en effet d'abaisser le coût de l'énergie à un taux inférieur à celui de ses concurrents. Toutefois, le montant relativement élevé de l'investissement fait encore hésiter l'utilisateur potentiel... Une réalisation récente peut vaincre cet obstacle : elle démontre comme nous l'exposons ci-dessous que, sans frais d’établissement supplémentaires, la pompe à chaleur solaire à double évaporateur peut assurer en été le rafraîchissement de l'immeuble tout en assurant, sans aucun frais, la totalité des fournitures d'eau chaude.

L'IMMEUBLE

Situé à Marseille et datant de 1971, il comporte 200 m² de bureaux, 660 m² d’habitation et une piscine extérieure. Il est équipé depuis l'origine d'une chaudière au fioul qui assure le chauffage des appartements et de la piscine.

[Photo : Vue partielle de l'immeuble et des capteurs]

LA RÉALISATION

La pompe à chaleur solaire à double évaporateur installée en 1984 comporte deux compresseurs hermétiques, dont la puissance électrique unitaire maximum est de 5 kW, associés à 36 capteurs solaires (soit 62 m²) placés sur le toit-terrasse (figure 1). Ceux-ci, qui utilisent la détente directe du fluide réfrigérant, sont construits entièrement en aluminium, sans vitrage : ils jouent le rôle d'un premier évaporateur de la pompe à chaleur (figure 2). Un second permet de produire en été de l'eau à 8 / 12 °C utilisable pour le rafraîchissement des locaux au moyen des ventilo-convecteurs répartis dans chaque appartement. L'énergie frigorifique disponible s'élève ainsi à plus de 18 000 kWh par mois.

[Photo : Vue des capteurs]

L'adoption de deux évaporateurs de caractéristiques très différentes, notamment par leur volume, posait un problème qui a été résolu par l'adaptation du circuit frigorifique (figure 3).

[Photo : La pompe à chaleur solaire et ses circuits]

En toute saison, l'installation produit ainsi au condenseur une eau à 45 / 50 °C qui est utilisée comme suit :

  • - en hiver : chauffage de l'immeuble et production d'eau chaude sanitaire (de 20 à 24 000 kWh par mois) ;
  • - en été : chauffage de la piscine et production d'eau chaude sanitaire (25 000 kWh par mois).
[Photo : Fig. 4 – Variation de la puissance en fonction de la température extérieure et de l’ensoleillement.]

PERFORMANCES

Les performances théoriques de l’installation ont été établies en prenant en compte :

  • — les caractéristiques du compresseur ;
  • — la surface des capteurs solaires (62 m²) ;
  • — le coefficient global d’échange du capteur ;
  • — le coefficient d’absorption de l’absorbeur solaire.

Elles sont reportées sur les figures 4 et 5.

[Photo : Fig. 5 – Variation du coefficient de performance en fonction de la température extérieure et de l’ensoleillement.]

Pour une température de condensation fixée (ici 50 °C), on établit par le calcul le réseau de courbes représentées sur la figure 4, donnant la puissance calorifique disponible en fonction de la température extérieure et de l’énergie solaire reçue dans le plan du capteur (Es) ; un second réseau de courbes représente la puissance électrique consommée. On constate, au premier coup d’œil, que l’augmentation de la puissance calorifique pour un ensoleillement donné est indépendante de la température extérieure.

La figure 5 représente le coefficient de performance (C.O.P. : rapport de la puissance calorifique à la puissance électrique consommée) en fonction des mêmes paramètres.

En partant de ces résultats, nous avons développé le programme informatique PACSOL qui permet d’introduire des paramètres supplémentaires liés à l’installation : orientation et inclinaison des capteurs, latitude du lieu, D.J.U. (*), longueur des lignes frigorifiques, rendements de la pompe à chaleur… et de faire évoluer la température de condensation. PACSOL calcule mois par mois les ensoleillements reçus par les capteurs, les températures moyennes, ainsi que les puissances calorifique et électrique ; il compare l’énergie disponible et l’énergie consommée par l’immeuble et en déduit, pour une saison de chauffage, la consommation électrique et les appoints.

[Photo : Fig. 6 – Relevé de températures sur maison individuelle. G : zone de début de givrage. D : zone de dégivrage. FOD : fioul domestique. R 12 : fluide réfrigérant 12 (ici fréon 12).]

Les performances annoncées par le programme informatique ont été préalablement comparées à celles

(*) Degré-Jour-Unifié : c’est la somme mois par mois de l’écart entre températures maximum et minimum journalières d’un lieu donné, par rapport à la température de base (18 °C en général).

Relevées sur une installation entièrement contrôlée établie sur maison individuelle. Un relevé des températures pris sur cette installation pilote montre l'influence de l’énergie solaire sur le rendement du système : c'est ainsi que pour une même température extérieure (8 °C), on constate que la puissance calorifique passe de 6,0 kW à 4,2 kW après disparition de l’ensoleillement (figure 6). On note aussi qu’en la présence du soleil (entre G et D de la figure) la température du fréon s'élève bien au-delà de la température extérieure : lorsque l’énergie solaire reçue dépasse un certain seuil, le système ne travaille plus comme pompe à chaleur mais comme capteur solaire.

Contrairement aux pompes à chaleur air-eau, le système installé ici ne comporte pas d’inversion de cycle.

Il faut observer que, si les capteurs à détente directe sont sujets à un léger givrage la nuit, les performances du système n’en sont pas affectées et que la lumière du jour suffit à provoquer leur dégivrage en fonctionnement, ce qui représente une économie d’énergie importante à mettre au crédit de la chaleur solaire.

Aucun ventilateur n'est nécessaire, la convection naturelle suffisant à assurer les échanges thermiques ; ceux-ci sont d’ailleurs favorisés par le vent, lequel constitue une seconde source d’économie par rapport aux pompes à chaleur air-eau.

Enfin, l'apport direct (et parfaitement mesurable) du soleil à la pompe à chaleur solaire constitue une troisième source d’amélioration des performances.

Il n'est donc pas étonnant d’atteindre à Marseille un C.O.P. moyen supérieur à trois pour une saison complète de chauffe. En été, lorsque la piscine se trouve en circuit, l'installation produit plus de 6 kW utilisables pour 1 kW électrique consommé.

[Photo : La pompe à chaleur à double évaporation.]

BILAN ÉCONOMIQUE DES INVESTISSEMENTS

Pour déterminer le bilan économique d'une telle installation, il faut la comparer à un équipement traditionnel comprenant une chaudière au fioul pour le chauffage et la production d'eau chaude sanitaire, et un groupe de réfrigération pour la climatisation.

Dans ce cas, le surcoût de la pompe à chaleur solaire est limité au seul champ de capteurs et aux liaisons frigorifiques le reliant à la pompe à chaleur, surcoût qui s’élève à 100 000 F dans le cas de Marseille (prix 1984), en y comprenant les travaux de maçonnerie sur le toit-terrasse.

L’économie annuelle, calculée à la même époque, s'élève à 25 000 F ce qui situe le retour d’investissement à quatre années, résultat fort honorable.

* *

Il existe dans le parc immobilier français de nombreuses possibilités d’applications de la pompe à chaleur solaire à double évaporateur qui sont susceptibles de générer des économies substantielles et de dégager un retour d'investissement très inférieur à quatre années : il s'agit de tous les établissements nécessitant la climatisation de certains locaux et une forte production d'eau chaude sanitaire. Les cliniques et hôpitaux en sont les exemples les plus évidents : la chaleur fatale issue de la climatisation est alors récupérée en totalité pour la production d’eau chaude sanitaire, ce qui assure en été une utilisation optimum de l’électricité (le rendement étant, comme on l'a vu, de plus de 6 kW utiles pour 1 kW consommé) et, en hiver, un C.O.P. moyen supérieur à trois qui place le système en tête de tous les équipements de chauffage, y compris ceux qui utilisent des combustibles favorisés par la fiscalité.

ZONES GÉOGRAPHIQUES

Il n’existe pas de limites géographiques précises pour l'implantation d'une pompe à chaleur solaire à double évaporateur. Le seul critère important qui préside au choix du système est la nécessité d’assurer la climatisation des locaux en été ; dans le cas contraire, lorsque seul le chauffage est nécessaire, il faudrait adopter la pompe à chaleur solaire classique à un seul évaporateur constitué de capteurs solaires à détente directe. Les autres paramètres (ensoleillement, températures journalières, humidité en hiver) devront être pris en compte par le bureau d'études qui pourra dimensionner en conséquence le champ de capteurs.

Aucun de ces facteurs ne devrait entraîner le rejet de la solution. Il est donc parfaitement concevable d’imaginer une pompe à chaleur solaire à double évaporateur installée à Lille pour chauffer et climatiser une salle d'ordinateurs ou certains bureaux d'une clinique.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements