Alors que la grande majorité des Parisiens a depuis longtemps accès à l'eau potable et à l'assainissement, une petite minorité n?en bénéficie toujours pas du fait de mauvaises conditions de vie, d'un logement indigne ou de revenus insuffisants. Cet article examine les mesures prises au cours des dernières années pour résoudre ce problème d'accès.
À Paris, les résidents bénéficient depuis longtemps d’une eau potable conforme aux normes de salubrité partout et à tout moment et d'un assainissement collectif. Toutefois, il existe aussi une frange de la population qui ne jouit pas vraiment du droit à l’eau potable et à l’assainissement qui est devenu un droit de l'homme. L’étude publiée par les Éditions Johanet en février 2011 détaille les solutions mises en œuvre à Paris pour garantir le droit à l'eau pour tous. Le constat effectué montre que pour environ 10 % de la population parisienne, les factures d'eau et d'assainissement représentent une fraction non négligeable des dépenses de consommation. Pour les ménages les plus déshérités, environ 2 % de la population (voir encadré “Combien y a-t-il de pauvres à Paris ?”), l’accès à l'eau et à l’assainissement est parfois insuffisant du fait de conditions de logement inappropriées, voire indignes. Près de 200 000 personnes à Paris ont du mal à payer leurs factures d'eau. En outre, près de 40 000 personnes ne sont pas branchées sur le réseau d’eau potable ou ne disposent pas de toilettes individuelles.
Les objectifs de la ville de Paris
La ville de Paris considère que « l’accès à l’eau est un droit élémentaire que les pouvoirs publics se doivent de mettre en œuvre pour organiser une vie digne sur un territoire donné ». La ville s'est « engagée à rendre effectif le droit à l’eau pour toutes les Parisiennes et tous les Parisiens ». Elle doit tenir compte du fait qu'il y a relativement peu de compteurs individuels d’eau à Paris (un compteur pour 23 habitants) et qu’il y a une proportion élevée de ménages démunis dans une ville où les loyers sont les plus élevés de France. En contrepartie, le niveau médian des revenus est plus élevé.
Les solutions mises en œuvre
Populations vulnérables
L’action la plus visible a consisté à mettre en place et renforcer un réseau de bornes-fontaines gratuites où l’on peut puiser gratuitement de l'eau potable et un réseau de toilettes publiques bien entretenues et gratuites. Le nombre de points d’eau publics a été doublé et atteint actuellement 953. Les nouvelles toilettes publiques (429) sont désormais accessibles aux handicapés. Certains logements à Paris qui ne possèdent pas les éléments de confort obligatoires (eau courante, douche, toilettes) ne peuvent pas en principe être loués (3 % des cas). Des arrangements ont été pris entre la régie Eau de Paris et des ONG pour que les squatters puissent avoir accès à l'eau malgré l'absence de contrat de location. Dans le cas des copropriétés en difficultés, les représentants des locataires et la régie prennent des dispositions pour maintenir la fourniture d’eau malgré l'absence de paiement par le syndic. Comme il existe peu de contrats individuels de distribution d'eau, il y a très peu d’impayés d’eau (0,2 %). La régie ne coupe pas l'eau d’un logement occupé sans avoir vérifié au préalable la situation concrète. Au cours des dernières années, aucune famille démunie ne s'est retrouvée privée d’eau dans son logement.
Les aides préventives et curatives pour l’eau
La mairie de Paris est consciente des problèmes financiers que cause le prix de l’eau et de l’assainissement aux personnes pauvres (3,10 €/m³). Elle affiche l’objectif d’« assurer l’accès à l’eau grâce à un prix abordable » et affirme que « La première condition du droit à l'eau est de garantir aux usagers un prix abordable ».
La mairie a remunicipalisé les services d'eau et d’assainissement. Elle veille à ce que le tarif de l'eau et de l'assainissement soit aussi bas que possible et contrôle étroitement les prix. En 2010, la régie s'est engagée à ne pas augmenter le prix de l'eau distribuée exprimé en € courants pendant 5 ans.
Elle considère que les ménages ne devraient pas consacrer à l'eau et à l'assainissement plus de 3 % de leurs revenus disponibles et veut atteindre cet objectif en attribuant des aides pour l’eau aux ménages démunis (encadré page suivante).
En 2009, la mairie a décidé que plus de 44 000 ménages démunis bénéficieraient en 2010 d'une allocation de solidarité eau de 114 € en moyenne qui représente environ le tiers de la facture d’eau. L'aide ainsi attribuée aux plus démunis (5 M€) représente 2,30 € par habitant ou 0,60 c€ par jour. Ces aides municipales pour l'eau complètent les importantes allocations de logement de l’État (Caisses d'allocations familiales) et de la ville de Paris. Le financement de l’aide préventive pour eau est assuré par le budget municipal (contribuables locaux) et non par une redevance sur l'eau.
À côté d’un important système d’aides préventives, il existe un système d’aides curatives destiné à prendre en charge l'eau des ménages ayant accumulé des dettes de loyer et de charges. Ce système géré par le Fonds de solidarité pour le logement (FSL de Paris) est tout à fait marginal (5 005 bénéficiaires en 2008), il est financé par la régie Eau de Paris, c’est-à-dire par les usagers (250 000 €).
La solidarité pour l'eau des Parisiens
L'ensemble des mesures de solidarité au niveau parisien dans le secteur de l'eau représente une dépense d’environ 5,5 M€/an, soit 2,5 € par habitant (2,8 c€/m³). En outre, les Parisiens financent des actions de coopération décentralisée pour l'eau dans les pays en développement pour un montant total d’environ 1,2 M€/an, soit 0,62 € par habitant. L’ensemble des dépenses de solidarité pour l’eau dépasse 1 % du total des factures d'eau. Elle touche actuellement environ 40 % des ménages pauvres et 4 % de l’ensemble des ménages parisiens et devrait encore être augmentée car de nombreux ménages parisiens devraient aussi en bénéficier. En effet, il existe à Paris beaucoup plus que 44 000 ménages qui ont un revenu très faible (encadré ci-dessus).
Autres mesures de maîtrise des prix
La mairie a remunicipalisé les services d’eau et d’assainissement. Elle veille à ce que le tarif de l'eau et de l’assainissement soit aussi bas que possible et contrôle étroitement les prix. En 2010, la régie s'est engagée à ne pas augmenter le prix de l'eau distribuée exprimé en € courants pendant 5 ans : le Maire a annoncé en janvier 2011 une baisse prochaine du prix de l’eau. En revanche, le montant de la facture d'eau risque d’augmenter du fait de la hausse progressive du prix de l’assainissement, des redevances et des taxes.
Paris n’accorde aucune réduction tarifaire quel que soit le montant de la consommation et ne reconnaît aucun usager privilégié. Le taux d’impayé est très faible. La part fixe du tarif de l'eau a été maintenue au plus bas (20 €) pour ne pas désavantager les abonnés isolés. Paris ne pratique pas la tarification progressive. Chacun paye son eau au même prix unitaire (2,9 €/m³). Il n’y a pas de tarif social de l'eau.
La régie Eau de Paris recueille les factures d'eau ; elle mensualise sur demande le paiement des factures d’eau et offre des délais.
de paiement aux usagers en difficulté. En outre, elle fournit des conseils aux usagers pour obtenir des aides pour l'eau auprès du Centre d’action social de la ville de Paris, de la Caisse des allocations familiales (aide au logement) et du Fonds de solidarité pour le logement (aide pour le maintien dans le logement en cas de dettes). Elle contribue au fonctionnement des points d’information multiservices (PIMMS).
Mesures d’information et de participation
La mairie de Paris réunit un Comité consultatif sur les services publics locaux qui traite notamment des services de l’eau. En outre, elle a créé un Observatoire de l’eau où participent de nombreuses ONG et entretient un partenariat privilégié avec les bailleurs sociaux. Les Parisiens reçoivent l'information sur l'eau potable sur le site internet de la mairie et dans les bulletins municipaux largement diffusés. Les communications entre la régie et ses 93 500 abonnés ne touchent pratiquement pas les 2,2 millions d’usagers résidents faute d’être retransmises par les bailleurs ou les syndics. La participation des Parisiens aux décisions sur l’eau (remunicipalisation, tarifs, règlement du service de l'eau, aides pour l'eau, etc.) a été de fait très réduite.
Comparaison avec les mesures prises dans d’autres municipalités françaises
La ville de Paris consacre une part supérieure à la moyenne pour la solidarité pour l’eau du fait de l’existence de l'aide préventive pour l'eau. En matière de tarification, certaines municipalités comme Limoges n'ont pas de part fixe ou une part fixe très faible (Marseille). Dans la plupart des municipalités, la part fixe est plus élevée qu’à Paris, ce qui pénalise les abonnés isolés et avantage les familles nombreuses. La tarification est progressive dans quelques villes comme Bordeaux, Libourne et dans le périmètre du SEDIF (banlieue parisienne). Le principe d'une première tranche à très bas prix est mis en œuvre à Libourne. Les interventions pour le paiement des dettes d’eau varient beaucoup d’une municipalité à l'autre. Elles sont très faibles à Paris du fait du petit nombre d’abonnés individuels. Aucune municipalité n’a créé un tarif social de l'eau. Dans certaines municipalités, les abandons de créances à charge des régies et des délégataires au bénéfice d’usagers démunis sont importantes mais rapportées au chiffre d'affaires elles restent généralement marginales (moins de 0,6 c€/m³). Globalement, les aides pour l’eau en France sont très inférieures aux aides pour l’énergie et a fortiori aux aides pour le logement.
Nouvelles mesures en discussion au Parlement
L'Assemblée nationale a soutenu une proposition de loi du Sénat qui a pour effet d'autoriser les entreprises publiques ou privées de distribution d’eau ou d’assainissement à verser sur une base volontaire une contribution au Fonds de solidarité pour le logement départemental afin de financer les actions de ce Fonds dans le domaine de la solidarité pour l’eau (paiement des dettes d’eau ou de charges locatives). Une autre proposition de loi en discussion vise à créer un mécanisme de solidarité pour l’eau au plan national afin d’aider les ménages démunis à payer leur eau lorsqu’elle est inabordable. Ce mécanisme serait alimenté par une contribution obligatoire au service public de l'eau et par des versements volontaires des municipalités et des entreprises (régies et délégations). L'adoption de ces propositions en 2011 devrait permettre de renforcer l'action de Paris en faveur des ménages démunis. Elle pourrait entraîner une contribution des services d’assainissement (SIAAP et SAP) au FSL de Paris et un renforcement de l'aide préventive.
Conclusions
Grâce à la création de l'aide préventive pour l'eau et aux diverses mesures prises au bénéfice des populations vulnérables, le droit à l’eau est effectivement en vigueur à Paris.
Chaque Parisien apporte son aide pour faciliter l’accès à l'eau de tous, à Paris comme dans les pays en développement.
La municipalité veille tout particulièrement à éviter les coupures d’eau dans les logements des ménages démunis. Elle s'intéresse également aux populations vulnérables et en particulier aux sans-abri. En revanche, la municipalité communique assez peu sur ses actions en faveur de la mise en œuvre du droit à l'eau alors qu'elle occupe dans ce domaine une place privilégiée.
Mesures de solidarité pour l’eau
Origine | Solidarité envers les Parisiens (€/hab.) | Solidarité envers les pays en développement (€/hab.) |
---|---|---|
Distribution d'eau | 2,3 ± 0,15 | 0,39 |
Assainissement | 0,04 | 0,10 |
Agences de l'eau | 0,90 | 0,13 |
Total | 2,5 (0,9 % CA) | 0,62 (0,2 % du chiffre d'affaires) |