Your browser does not support JavaScript!

La méthodologie des eaux souterraines en exploitation

28 février 1992 Paru dans le N°152 à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Jean-luc HONEGGER

Dans un environnement de plus en plus menacé, les ressources en eaux souterraines présentent encore un label de qualité. Un suivi précis de leur exploitation, fondé sur des mesures simples mais adaptées, est un passage obligé pour conserver cette qualité. De nombreux moyens sont disponibles à cet effet : capteurs, centrales d’acquisition de données, logiciels, et une méthodologie rationnelle a été mise en place dans le cadre de l’exploitation des eaux minérales. Cet acquis peut être généralisé à l'ensemble de la production des eaux souterraines et développé à l'aide de logiciels de gestion et d’intégration des données mesurées.

La recherche, le développement et l’exploitation d’une ressource d’eau souterraine de qualité nécessitent la connaissance de nombreux paramètres, et donc la mise en œuvre de leurs mesures. Nous restreindrons ce vaste sujet aux mesures qualifiées d’« industrielles », c’est-à-dire effectuées en continu, à l'aide d’appareillage électronique. Leurs résultats sont à compléter par les nombreux prélèvements et analyses chimiques et bactériologiques qui jalonnent l’exploitation de ces ressources, ainsi que par les mesures effectuées sur les nappes souterraines en dehors des points de production.

Les eaux minérales représentent un cas un peu particulier car leurs qualités naturelles, à l’origine de leur appellation, ne doivent pas résulter d'un traitement. Aussi cette qualité doit faire l'objet d’un suivi très précis, en relation avec un équipement de production soigné et des régimes d’exploitation fixés, ce qui, en accord avec l’administration, doit permettre de garantir sa pérennité.

Le nombre croissant et la complexité (toutefois relative) de ces mesures ne sont pas un phénomène de mode. Ils sont directement liés aux différents développements :

  • - de la technologie des capteurs et des centrales d’acquisition de données,
  • - des logiciels de gestion de données,
  • - du concept de qualité des ressources naturelles.

Métrologie et matériel

Critères de sélection des mesures

On assiste actuellement à une explosion des technologies et des matériels de mesures, intégrés et automatisés. Aussi, il est envisageable par exemple de placer dans une station de pompage d’eau tout un système complet d’analyse chimique des éléments majeurs et traces. Cependant, ce matériel est démesuré dans cet environnement, des points de vue de la technique, du coût et des besoins. Aussi, il est nécessaire de sélectionner précisément un assortiment de mesures nécessaire et suffisant pour des objectifs fixés, qui sont : les alertes, les diagnostics et l’historique à long terme.

La solution standard retenue dans le cadre des eaux minérales peut être comparée à la technique de germes-tests utilisée en bactériologie, analyse qui permet à la fois d’obtenir une information intrinsèque et utilisable, et de déclencher, en cas de présence ou de dépassement de seuil, une procédure analytique plus poussée. Aussi, les mesures industrielles minimales sont-elles :

  • - la pression locale dans le réservoir souterrain exploité,
  • - le débit de production,
  • - les conductivité et température du fluide produit.

Ces informations concernent exclusivement la ressource et son utilisation. Dans le cas où cette dernière nécessite une station de pompage, ou de reprise, il est facile d’intégrer des paramètres simples d’exploitation pour surveiller les installations : il s’agit essentiellement de pression de réseau, sécurité d’aspiration de pompes, nombre de démarrages, comptage de volume, intensités.

Cependant, cette approche ne doit pas exclure certaines mesures qui se révèlent nécessaires en fonction du contexte de la ressource. Citons, par exemple, la mesure de turbidité des eaux souterraines d’origine basaltique, ou les mesures sélectives de certains éléments (sodium, bicarbonates...) dans

[Photo : Suivi de la turbidité d’une source en fonction de la pluviométrie.]

Le cas d’eaux issues de mélanges souterrains.

La figure 1 représente un suivi de turbidité en continu d’une source mise en relation avec les précipitations, ce qui permet non seulement d’établir et d’étudier une relation précise entre deux phénomènes, mais aussi de définir des seuils d’alerte, dans la mesure où cette opération de télésurveillance s’effectuait en liaison avec des travaux souterrains importants et devait permettre de les stopper sur détection d’interférence.

Mesures et capteurs

Les mesures sélectionnées dans le paragraphe précédent présentent l’avantage d’être réalisées à l’aide de capteurs simples et fiables. Toutefois, et outre l’intérêt de faire appel à des fabrications de qualité, le choix du capteur et de son transducteur doit suivre quelques règles :

  • la physicochimie du fluide et sa variation potentielle définissent bien sûr les gammes d’échelles des capteurs, mais elles se répercutent aussi sur le système physique de mesure. On peut citer par exemple les risques d’utilisation du système électromagnétique de débit en présence de sulfure métallique, ou de sondes de conductivité à deux électrodes en milieu entartrant ou corrosif. Ceci est à mettre en relation avec la qualité des matériaux de zone sensible de capteur, comme la membrane de pression ainsi que les différentes électrodes ;
  • le type d’électronique : les ressources d’eaux souterraines exploitées étant généralement proches d’un environnement industriel, il est essentiel d’éviter l’utilisation de signaux bas niveaux ;
  • l’emplacement du montage des différents capteurs peut se répercuter sur la mesure par des phénomènes de turbulence, d’accumulation de gaz, de variations de pression ou de zones de dépôts. Les étalonnages et nettoyages de certains capteurs imposent par ailleurs un accès privilégié et parfois une dérivation pour éviter des arrêts d’exploitation.
[Photo : Exemple d'un système de mesure et de régulation d'une station de pompage sur puits.]

Le schéma porté sur la figure 2 précise un exemple de système de mesure et de régulation d’une station de pompage sur puits.

Les outils de gestion

Matériel d’acquisition et de stockage des données

Ce sont des motivations d’économies de personnel et d’énergie qui sont à l’origine du développement considérable des centrales d’acquisition de données, ce qui a pour conséquence récente l’apparition de matériels à la fois compacts, fiables et peu coûteux. Ces centrales sont généralement reliées au réseau commuté, ce qui décuple leurs fonctions :

  • acquisition et stockage local,
  • télémesure (visualisation par Minitel ou PC),
  • transfert de données vers une unité centrale,
  • alerte sur seuil avec téléalarme et relais locaux,
  • téléconfiguration.

Les logiciels

Les différentes centrales d’acquisition sont généralement associées à des logiciels permettant leur interrogation (locale ou à distance), le transfert des données et un premier tri ou mise en page de type « tableur ». Cependant, la notion de gestion implique une relation plus étroite entre le processus de suivi et les besoins. Ces derniers peuvent être regroupés en trois catégories :

  • un suivi d’exploitation de l’eau, avec une fonction axée sur la définition de conditions nominales de fonctionnement et d’alerte en cas de dépassement en seuil ;
  • un suivi de la ressource, qui permet d’établir un diagnostic (préalable ou lié à des désordres),
  • un historique complet et convivial.

Aussi, de nombreux produits sont en développement dans ce domaine.

Le Bureau de Recherches Géologiques et Minières, dans un cadre de recherche, d’ingénierie sur la production d’eau souterraine, ou d’assistance technique d’exploitation, participe largement à cet effort. En effet, ces logiciels de gestion intègrent obligatoirement de nombreuses notions d’hydrologie et d’hydrochimie, qui ont déjà fait l'objet de simulations informatiques.

Un exemple de ces nouveaux systèmes, à l'interface de l'exploitant et du bureau d’étude et de suivi, a été réalisé par le BRGM et la SAUR : le logiciel Agate (1), lequel assure à la fois une gestion des données associées à l’exploitation de nombreux ouvrages et un prédiagnostic sur des désordres qui affectent la production d’eau.

Un autre exemple de télémesure centralisée concerne le suivi du niveau des nappes souterraines ; le système Télé-nappe (2) mis au point par le BRGM.

Conclusion

La mise en exploitation d’une ressource d'eau souterraine doit réaliser une harmonie entre des processus techniques, parfois brutaux, comme le démarrage de pompes, et le comportement d’un réservoir souterrain, milieu naturel, aux caractéristiques bien particulières et aux réactions lentes.

Cette exploitation se distingue donc d’un processus industriel dont on définit et maîtrise tous les paramètres d’entrée pour obtenir un produit fini. Aussi, c’est par la nature, le suivi, et à l'aide d’une gestion informatisée que l'on peut espérer, à partir d’une ressource de qualité, un maintien de celle-ci dans son état d'origine, la conservation des ouvrages d’exploitation dans de bonnes conditions, et la fourniture d’une eau de caractéristiques constantes. Dans cet objectif, les acquis méthodologiques et techniques développés pour le suivi des eaux minérales doivent profiter à l’exploitation de l’ensemble des eaux souterraines.

BIBLIOGRAPHIE

  • [1] Jean-Yves Ausseur (BRGM) et Marcel Benade (SAUR), Le logiciel Agate. Aide au diagnostic préventif et à l'exploitation des forages, Colloque BRGM « L’eau souterraine. Un patrimoine à gérer en commun », Paris, La Villette, 6-7 novembre 1990.
  • [2] J.Y. Ausseur, Y. Barthelemy et Ph. Crochet, Gestion informatisée des données sur les besoins et les ressources en eau (GIDE), L’Eau, l’Industrie, les Nuisances, n° 124, 1988.
[Publicité : SEP/Pollution]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements