La connaissance et la gestion d’un réseau d’assainissement passent obligatoirement par la mesure des débits transitant dans les émissaires. La difficulté de cette mesure est liée à certains facteurs parmi lesquels il faut citer :
- ∙ la nature particulière des effluents, souvent agressifs, qui contiennent, en quantité très variable, des matières en suspension (organiques, solides et corps flottants) et qui sont souvent agressives ;
- ∙ une grande dynamique de vitesse (de zéro à quelques mètres/seconde, voire même des vitesses inverses) ;
- ∙ une grande variété de formes de conduites (circulaires, ovoïdes, rectangulaires, semi-circulaires avec cunette, et autres) ;
- ∙ la nature très particulière des écoulements dits « à surface libre », tributaires des conditions hydrauliques aval (possibilité de mise en charge totale) qui interdit dans la plupart des cas l’établissement d’une relation bi-univoque entre niveau et débit ;
- ∙ la nécessité de disposer de capteurs très robustes et fiables, étant donné la difficulté et les coûts d’intervention dans les ouvrages ;
- ∙ la nécessité de disposer d'une mesure en continu, quel que soit le régime d’écoulement, ce qui exclut l’usage de méthodes de mesure telles que les mesures ponctuelles en moulinet et les méthodes par traçage.
L’ensemble de ces facteurs interdit par conséquent l’usage de tout dispositif à pièces mobiles, de systèmes non réversibles et de ceux qui ne mettent en œuvre qu’une simple mesure de niveau. La seule manière permettant d’accéder à la mesure du débit consiste à mesurer simultanément la vitesse (et son sens), la hauteur, de calculer la section mouillée et d’en déduire la valeur du débit. La méthode ultrasonore, utilisée en particulier pour la mesure des vitesses, apporte une solution à la fois fiable et précise.
Parmi les différentes techniques de mesure par ultrasons, seuls deux principes ont donné lieu à des réalisations industrielles : la méthode utilisant l’effet Doppler et la méthode par mesure des différences de temps de transit.
La mesure de vitessepar effet Doppler
Les appareils à effet Doppler utilisent la réflexion des ondes acoustiques sur des particules (solides ou gazeuses) présentes au sein du fluide. Deux sondes sont disposées comme indiqué sur la figure 1. La sonde A émet un signal de fréquence F, tandis que la sonde B recueille les signaux réfléchis par les particules en mouvement. La différence de fréquence est proportionnelle à la vitesse de la particule.
La sensibilité de l'appareil dépend de F, qui devra néanmoins être choisie pour que la pénétration des ondes acoustiques soit suffisante, compte tenu de la dimension des particules. La vitesse
[Photo : Figure 1]
[Photo : Figure 2]
ainsi mesurée est celle du fluide au voisinage de la particule et non la vitesse moyenne de la veine fluide. Cette mesure dépend également de la célérité du son C dans le milieu. Or, la composition et la température des effluents varient sans cesse, entraînant des variations de célérité.
Dans le cas où la charge est très importante, les ondes acoustiques sont très rapidement atténuées par diffraction et la mesure ne représente que la vitesse constatée dans une zone proche des capteurs. Ce principe, qui n’effectue pas une véritable intégration du profil des vitesses et qui n’est pas compensé en célérité, conduit à des erreurs de 5 à 10 %.
La mesure de vitesse par différence de temps de transit
Les capteurs A et B sont cette fois placés dans un plan horizontal et de part et d’autre de la veine liquide. Ils sont alternativement émetteurs et récepteurs et travaillent par impulsions. Un système de comptage numérique permet la mesure précise des temps de propagation de A vers B puis de B vers A. Un microprocesseur calcule alors la vitesse suivant l’équation portée sur la figure 2.
La vitesse ainsi mesurée est la vitesse moyenne intégrée sur toute la largeur de l’émissaire. Elle est d’autre part totalement indépendante de la célérité du son. La seule connaissance de L et D permet l’étalonnage du système.
La précision de cette méthode dépend essentiellement de la précision de la mesure effectuée sur L et D et de la capacité pour l’appareil de mesurer avec une résolution suffisante des temps élémentaires Tₐ et Tᵦ. À titre d’exemple, en supposant deux capteurs placés à 45° sur un émissaire de 1 m de large avec une vitesse d’écoulement de 1 m/s, le terme Tₐ − Tᵦ = 923·10⁻⁶ s. On comprendra aisément pourquoi il convient d’apporter le plus grand soin à la qualité du traitement des signaux acoustiques souvent déformés et/ou atténués par les inhomogénéités du fluide.
De nombreux essais réalisés en station et dans des conditions de charge équivalente ont permis de valider cette méthode. La précision atteint 1 % pour toutes mesures supérieures à 10 cm/s. En dessous de cette valeur, la précision se dégrade, mais l’appareil fonctionne sans aucun seuil et il est réversible.
[Photo : Figure 3]
La mesure de niveau
Les principes habituellement utilisés pour la mesure d’un niveau ne sont pas tous applicables sur des effluents pour des raisons d’encrassement ou de fragilité des capteurs. Les deux principes les plus fréquemment employés sont les mesures par ultrasons réalisées dans l’air (figure 3) ou des mesures de pression par capteurs immergés capacitifs ou piézorésistifs à membrane déformable. Leur précision dans les conditions habituelles d’exploitation est de l’ordre de 0,5 %.
Le calcul du débit
Dans la plupart des émissaires, le niveau est susceptible de varier de quelques dizaines de centimètres (débit de temps sec) jusqu’à la pleine charge de l’ouvrage (débit d’orage). Afin de prendre en compte l’évolution du profil vertical des vitesses, il est recommandé de placer plusieurs paires de sondes de mesure de vitesse. Leur position dépend des fluctuations possibles du niveau et de l’intérêt que l’utilisateur porte à la connaissance du débit de temps sec ou du débit d’orage. Trois ou quatre paires de capteurs de vitesse sont en général suffisantes.
Un relevé géométrique précis de la forme de la conduite doit être réalisé puis entré en mémoire. Le signal de hauteur permet alors à l’appareil de calculer la section mouillée et de déterminer si la paire de sondes la plus proche de la surface possède une immersion suffisante pour assurer son bon fonctionnement.
[Photo : Figure 4]
Le débit global est alors calculé par sommation des débits élémentaires dans un certain nombre de tranches horizontales de la section (voir figure 4). La vitesse affectée à chaque tranche est celle qui y est directement mesurée (si cette tranche contient une mesure de vitesse) ou la vitesse calculée à partir
des vitesses mesurées dans des tranches voisines en s’appuyant sur des profils verticaux types.
En supposant un relevé géométrique précis, la précision de la mesure de débit est de l’ordre de 5 %. La principale source d’erreur provient des pondérations de vitesses. Ces coefficients peuvent être affinés par relevé de profils de vitesse au moulinet.
Précautions d’installation
Les capteurs de niveau par mesure de pression doivent être protégés mécaniquement et placés dans une zone de vitesse nulle afin d’éviter tout effet de pression dynamique. Leur position doit permettre d’éviter tout risque d’ensablement.
Les capteurs de niveau par ultrasons possèdent une zone morte (20 à 40 cm) dans laquelle ils ne peuvent fonctionner. Ils doivent donc être placés verticalement à une distance du niveau maximum supérieure à la zone morte.
Les caractéristiques des capteurs de vitesse sont choisies en fonction des dimensions de l’émissaire, leur fréquence et diamètre conditionnant à la fois leur puissance et leur directivité. De leur bon alignement dépend la qualité des signaux acoustiques ; dans les ouvrages visitables il est recommandé de les encastrer en paroi.
L’emplacement du site de mesure doit éviter toutes perturbations hydrauliques en amont, telles que coudes, jonction d’émissaires et chutes d’eau, qui peuvent occasionner l’entraînement de bulles d’air. Lorsque des composantes transversales de vitesse sont à craindre, l’utilisation de parcours acoustiques croisés permet de s’en affranchir.
Conclusion
Le respect de ces quelques règles d’installation conduit à une meilleure fiabilité des capteurs. Les systèmes électroniques actuels, qui utilisent largement les possibilités de la micro-informatique, permettent en outre l’élimination de mesures aberrantes, le moyennage des informations sur un pas de temps programmable et leur mémorisation.
En plus des signaux analogiques traditionnels, ils délivrent des signaux d’alarme, de comptage et possèdent une sortie « série », qui permet à la fois la consultation et le paramétrage à distance.
L’ensemble de ces caractéristiques — fiabilité, précision, permanence et réversibilité de la mesure — associé au besoin croissant d’optimiser le fonctionnement des ouvrages devrait, dans les prochaines années, conduire à une large diffusion de cette technologie de mesure.
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