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La maîtrise de l'hydraulique des process des d'épuration et d'assainissement par la simulation sur modèles physiques et numériques

28 juillet 1995 Paru dans le N°183 à la page 30 ( mots)
Rédigé par : Jacques WOILLEZ

La mécanique des fluides conditionne notablement le rendement des procédés et des machines industrielles fonctionnant à base de fluides. L'objet de cet article est de montrer qu'au stade de l'exploitation des stations ou dès leur conception, des études menées sur des maquettes hydrauliques ou par le biais de simulations numériques permettent de réaliser des gains appréciables sur l'efficacité ou la taille des équipements. Pour cela, on passe en revue une série de cas concrets concernant des ouvrages hydrauliques, des bassins de pompage, des procédés de séparation, d'aération ou de flottation, ou encore la réduction des nuisances olfactives.

• les temps de séjour réel des fluides dans les bassins, assurant ainsi l’efficacité des opérations de type mélange, décantation, aération, flottation, épuration biologique, etc. ;

• la turbulence des écoulements, qui conditionne elle-même les coefficients de transfert dans ces mêmes opérations ;

• la stabilité des chaînes de traitement, par le biais en particulier d’organes ou d’ouvrages hydrauliques tels que les pompes, les vannes, les siphons, les déversoirs, etc.

L’objet de cet article est de montrer qu’au stade de l’exploitation des stations ou dès leur conception, des études menées sur des maquettes hydrauliques ou par le biais de simulations numériques permettent de réaliser des gains appréciables sur l’efficacité ou la taille des équipements. Pour cela, on passe en revue une série de cas concrets concernant des ouvrages hydrauliques, des bassins de pompage, des procédés de séparation, d’aération ou de flottation, ou encore la réduction des nuisances olfactives.

Modélisations sur modèles physiques ou numériques

Les équations de la mécanique des fluides sont bien connues pour être fortement non linéaires et par conséquent complexes à résoudre théoriquement. Aussi, les problèmes industriels impliquant des écoulements fluides ont-ils été longtemps résolus par le biais d’essais en laboratoire sur des modèles physiques à échelle réduite. Néanmoins, depuis le début des années 80, sont apparus sur le marché des codes de calcul spécialisés ainsi que des stations de travail hautement performantes, d’un coût abordable par les entreprises et permettant donc de résoudre numériquement un grand nombre de problèmes.

La modélisation sur modèle numérique présente certains avantages déterminants :

• elle permet de faire des prévisions sur les fluides réels, en particulier en tenant compte de conditions de températures, pressions, rhéologie, etc., qui seraient difficilement reproductibles sur une maquette ;

• elle permet de donner des valeurs de vitesses, pressions, etc., en tout point d’un système, alors que des mesures sur un modèle physique sont limitées en nombre de points et parfois délicates à réaliser ;

• elle permet de réaliser des simulations en vraie grandeur (tailles, vitesses, …) là où une réduction sur maquette oblige à utiliser des règles de similitudes (de Froude, de Reynolds), parfois incompatibles entre elles et nécessitant des interprétations physiques délicates des résultats ;

• elle permet de balayer facilement l’influence des paramètres déterminants.

La modélisation sur modèle physique reste néanmoins incontournable dans

de nombreuses situations, en particulier pour des géométries complexes pour lesquelles les capacités de calcul trouvent leurs limites ou lorsque des phénomènes de mélange eau/gaz interviennent (surfaces libres agitées, aérations, etc.).

Ouvrages hydrauliques

Il n’est pas toujours possible d’assurer la réalisation d’ouvrages hydrauliques en utilisant des règles conventionnelles validées par l’expérience : c’est le cas par exemple lorsqu’un environnement urbain impose des limites strictes sur la taille de l’ouvrage ou que des modifications apportées aux conditions de fonctionnement (capacité à absorber les crues d’orage par exemple) risquent d’induire des comportements mal connus.

Dans ces cas, une vérification sur maquette à échelle réduite donne des informations précises sur la manière dont l’ouvrage se comportera. Les essais seront conduits suivant les lois de la similitude de Froude, c’est-à-dire de manière à ce que :

V_maquette = V_réel × (D_maquette / D_réel)^1/2

formule où V est la vitesse de l’écoulement et D une dimension caractéristique de l’ouvrage. On voit que les vitesses seront sensiblement plus faibles à l’échelle réduite qu’au réel, ce qui permettra de réaliser facilement des observations sur l’écoulement lui-même ou sur d’autres phénomènes tels les transports de sédiments.

[Photo : Essai sur maquette d’un puits vortex dissipateur.]

La figure 1 montre par exemple la maquette en fonctionnement d’un ouvrage urbain de dissipation du flux en conditions extrêmes (crue centenale). Une telle simulation a permis de vérifier qu’une réduction de plus de 20 % sur le dimensionnement d’origine était acceptable et pouvait être adoptée au réel dans un souci de gain de place et d’économie de réalisation.

Bassins de pompage

Les prises d’eau de bassins et stations de pompage sont réalisées dans une grande diversité géométrique ou fonctionnelle qui conduit le plus souvent à vérifier les options prises par des essais également réalisés à des échelles réduites d’un facteur 10 à 20 par rapport au réel. Comme précédemment, les lois de la similitude de Froude sont utilisées et des campagnes d’essais menées dans des bassins spéciaux équipés de parois transparentes permettent d’optimiser à la fois :

  • - les ouvrages de canalisation de l’écoulement vers les pompes, ouvrages destinés à garantir la bonne répartition du débit entre plusieurs pompes,
  • - les ouvrages destinés à minimiser ou à supprimer la rotation de l’écoulement au voisinage de la tulipe d’aspiration, sachant que la formation de vortex (Photographie 2) se traduira par une chute du rendement ou, en cas de cavitation, par un dysfonctionnement avec risques de vibrations et d’endommagement matériel.
[Photo : Visualisation sur maquette d’un vortex cavitant à l’aspiration d’une pompe.]

Bassins de décantation

La conception de bassins de décantation obéit à des règles strictes qui diffèrent sensiblement d’une application à l’autre mais qui peuvent être facilement appliquées au stade de la conception d’une station. Dans certains cas – en particulier lorsque les écoulements pluviaux doivent être traités – des décanteurs doivent être soit rajoutés sur des circuits existants, soit implantés dans des zones non prévues à l’origine pour cette fonction. Dans ce cas, les meilleures conditions d’alimentation ne peuvent pas toujours apparaître de façon évidente et une étude plus approfondie est nécessaire, que ce soit pour des bassins classiques ou pour des décanteurs lamellaires. Comme il n’est en général pas possible de reproduire sur un modèle physique l’effluent lui-même, il est plus avantageux et plus sûr de recourir à la simulation numérique.

Les codes de calculs spécialisés permettent de résoudre numériquement les équations de la mécanique d’un fluide circulant dans une enceinte de forme quelconque et de prévoir ainsi le champ des vitesses de ce fluide. La connaissance de ce champ des vitesses permet alors de calculer la trajectoire de nuages de particules (sables, poussières, gouttes d’hydrocarbures, etc.) pour peu qu’on connaisse à peu près leur spectre en taille et en densité. Les figures 3 et 4 montrent par exemple les résultats de calcul des vitesses dans un bassin ou dans les lamelles d’un séparateur. Une fois le modèle établi, il est facile d’explorer les paramètres de fonctionnement ou de modifier des détails géométriques afin de sélectionner la meilleure configuration.

[Photo : Calcul numérique de la répartition en concentration d’un polluant dans un bassin de traitement.]

Cuves d’aération ou de flottation

Dans les procédés de mélange, d’aéra-

[Photo : Calcul numérique de l’écoulement dans les lamelles d’un séparateur.]

…tion ou de flottation, de grandes quantités de gaz sont injectées – le cas échéant avec un équipement d’agitation type turbine, éjecteur ou agitateur – dans le liquide contenu dans une enceinte ou un bassin. Cette injection induit des mouvements de convection et d’agitation qui se superposent à la circulation naturelle du bassin. Pour ce type d’écoulement complexe, l’expérimentation reste incontournable et fournit des résultats aussi bien sur les mouvements de circulations que sur les informations liées au procédé (surfaces d’échange, coefficients K₁, etc.). La figure 5 montre une installation d’essais d’une cuve d’absorption physique pour laquelle le couple liquide/gaz du procédé a été simulé par le couple eau/azote tout en respectant les paramètres de similitude essentiels. Les essais ont ainsi permis en quelques jours d’améliorer le positionnement et le régime de fonctionnement des turbines d’aération de manière à réduire de plus de 100 % la durée nécessaire au traitement. Ces résultats ont été confirmés pour le procédé réel sur lequel une campagne d’expérimentation directe aurait été longue et délicate et aurait nécessité l’interruption de la production.

[Photo : Essai sur maquette d’une cuve d’aération/flottation.]

Gestion des nuisances olfactives

Malgré l’introduction progressive de circuits de traitement des odeurs dans les stations d’épuration, des situations de nuisance peuvent encore persister en milieu urbain. Dans de tels milieux caractérisés par une configuration complexe de bâtiments ou de reliefs, une étude d’impact complète à partir de programmes de calculs devient longue et onéreuse. Par contre, il existe des moyens de simulations sur maquettes hydrauliques, dans lesquels l’air est représenté par de l’eau et le polluant par un liquide coloré miscible dans l’eau et dont la densité est réglée de manière à reproduire les phénomènes thermiques ou de différence de densité. L’application des règles de similitude permet d’établir des vitesses d’écoulement faibles (quelques cm/s) sur la maquette tout en restant représentatif de l’écoulement turbulent à pleine échelle. Des conditions d’observation et de mesure de concentrations idéales sont alors disponibles, comme le montrent les figures 6 et 7, permettant un diagnostic immédiat d’une situation et la préconisation rapide d’ouvrages de gestion des panaches (obstacles, cheminées…). L’expérience montre que tous les ouvrages préconisés à partir de cette technique ont une efficacité réelle conforme aux prévisions.

[Photo : Visualisation sur maquette hydraulique de la diffusion d’un panache atmosphérique (vue de dessus).]
[Photo : Visualisation sur maquette hydraulique du rejet d’une cheminée.]

Conclusion

À travers une série d’exemples concrets, il apparaît que les situations les plus variées de procédés et d’écoulements fluides peuvent être parfaitement maîtrisées à partir d’études de simulations particulières. Ces études peuvent avantageusement être menées à partir de modélisations sur des modèles physiques (maquettes hydrauliques) ou numériques (résolution directe des équations de la mécanique des fluides), le choix entre l’une ou l’autre de ces techniques complémentaires restant très lié au problème traité vis-à-vis des avantages et coûts comparatifs de chaque méthode.

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