Comme tous les pays qui ont pris activement en main le destin de leurs plans d'eau, l'Autriche a su très tôt mettre en place les moyens nécessaires à la recherche et à l'enseignement en matière de limnologie. Dès le début du siècle la Station Biologique de Lunz se consacra à cette science à peine éclose.
Pendant 50 ans elle fut le seul laboratoire à pratiquer la limnologie théorique, associant à ses recherches fondamentales les noms de RUTTNER et de FINDENEGG. Après la dernière guerre la petite station de Lunz fut prise en charge par l'Académie des Sciences, et aujourd'hui les recherches qui y sont menées concernent plutôt les eaux courantes. Pendant ce temps, les Universités de Vienne et d'Innsbruck étaient dotées chacune d'un département de limnologie. Par la suite une partie de l'Institut de Limnologie de l'Académie des Sciences s'installa à Vienne et en 1976 il fut projeté de lui adjoindre une division à Mondsee. L'entrée en fonction de ce nouveau laboratoire eut lieu le 16 octobre 1981 soit quelques jours avant le déroulement du congrès qui constitua en quelque sorte un acte inaugural.
[Photo : Situation de Mondsee en Autriche.]
LA STATION DE MONDSEE
Cette station a été construite pour développer la limnologie théorique « les pieds dans l'eau », le lac constituant un prolongement naturel du laboratoire. De plus elle est destinée à devenir un centre de recherches international dans le cadre de l'Université de l'O.N.U. La situation qu'elle occupe sur la rive du lac de Mondsee est privilégiée à plus d'un titre :
- la région est particulièrement riche en lacs de toutes sortes,
- elle est proche de la Station de Recherche Appliquée de Scharfling qui lui est diamétralement opposée,
- elle n'est pas très éloignée de l'Université de Salzbourg ni de l'Institut de Biologie Moléculaire,
- et le réseau autoroutier la relie directement aux Universités de Vienne, de Lunz, d’Innsbruck et de Munich.
La station de Mondsee occupe un terrain de 4 400 m² situé en bordure du lac du même nom, sur
[Photo : Couverture — 11ᵉ Édition, Guide de l'eau, 1981/1982]
[Publicité : Pierre JOHANET et ses Fils]
[Photo : Bâtiments de la station en bordure de lac.]
la commune de Gaisberg. Les bâtiments proprement dits couvrent une surface au sol de 993 m² en deux niveaux. Ils offrent toutes les facilités pour étudier les différents composants de l’écosystème lacustre sous forme de laboratoires individualisés : chimie, botanique, zoologie, benthos, paléolimnologie, microbiologie... En plus du secrétariat, de la bibliothèque et de l’atelier, les services communs comprennent des laboratoires spécialisés dans différentes techniques (microscopie, photographie, isotopes, calcul...) et des pièces techniques hautement spécialisées (salle de conditionnement des échantillons, chambres froides à température et humidité contrôlées, pièces à aquarium à température constante...). L'une des fonctions de la station de Mondsee étant d’enseigner la limnologie au sein d'un programme UNESCO, les moyens nécessaires sont prévus à cet effet, en particulier une salle de travaux pratiques complètement équipée pour douze étudiants. Actuellement, la station abrite les activités de sept chercheurs, sous la direction du Dr DOKULIL.
LE CONGRÈS DE MONDSEE
La zone benthique des lacs profonds n'a pas toujours reçu l'attention qu'elle méritait, soit parce que son rôle pouvait paraître secondaire dans le cas de lacs oligotrophes, soit tout simplement parce qu'elle n'était pas facile à étudier. Mais la pollution des lacs augmentant et les techniques d’étude se perfectionnant, l'intérêt porté à ce milieu difficile d'accès a grandi au point de constituer le thème du congrès.
Une vingtaine de communications furent présentées à une assistance d’environ quarante limnologues, de plusieurs nationalités, pour la plupart de langue allemande : autrichiens, allemands, suisses, un Italien, un Japonais, un Français... Ces communications et les discussions auxquelles elles donnèrent lieu mirent en lumière un certain nombre de phénomènes clefs.
Il s'agit d’abord de l'importance qu'il faut accorder à la météorologie et au brassage qu'elle impose à la masse d'eau : la façon dont se mélangent les eaux de fond avec les eaux de surface conditionne l'état de l’hypolimnion, tout particulièrement en ce qui concerne la dispersion des diverses substances qui y sont déversées (donc l'impact de la pollution en général) et la concentration en oxygène dissous (donc l'impact de la pollution nutritionnelle).
Les courants de turbidité sont un autre facteur de la dynamique profonde dont le rôle apparaît de plus en plus important. Loin d'être exceptionnels ils constituent un mode de transport horizontal des sédiments et s’accompagnent de courants intenses. Issus d'avalanches sous-lacustres ils viennent perturber la stratigraphie de la sédimentation verticale. De ce fait non seulement ils compliquent les études paléolimnologiques mais ils viennent modifier de façon aléatoire les caractéristiques physico-chimiques de l’interface eau-sédiment et donc les phénomènes d’échange qui ont lieu à ce niveau.
Les débats du congrès ont également concerné les phénomènes liés au transfert du carbone depuis la surface, où il est incorporé à la matière organique jusqu'en zone profonde où il est plus ou moins minéralisé. Cette étude du devenir du seston revêt une importance d'autant plus grande que le lac est plus eutrophe.
En conclusion, le congrès de Mondsee a montré :
- — que la pollution en général et la pollution nutritionnelle en particulier révèlent l'importance pratique de phénomènes considérés jusqu'alors d'un point de vue plutôt théorique.
- — que le « retard » et l'« aléatoire » que ces phénomènes superposent à l’« immédiat » et au « régulier » du phénomène de pollution, ont fait croire à tort que les lacs profonds ne sont pas sensibles à la pollution.
[Photo : Courant de turbidité issu d'une avalanche sous-lacustre.]