Une grande disparité existe dans la qualité des opérations d'épandage des boues d'épuration municipales. L?idée a donc germé de proposer une grille d'évaluation de la qualité des opérations, appelée ?GEVAL?, qui facilite un jugement objectif et mesurable. Cette méthode est diffusée par l'ADEME
La France a réalisé un effort d’équipement important en matière de traitement des eaux usées municipales depuis une trentaine d’années : elle compte plus de 12 000 stations d’épuration et produit environ 850 000 tonnes de matières sèches de boues, soit près de 9 millions de tonnes brutes, toutes formes confondues. Cette production pourrait encore augmenter de 30 % d'ici 2005, avec l'amélioration attendue des performances d’assainissement.
Contexte des épandages des boues d’épuration et objectifs de la grille d’évaluation GEVAL
Sur le plan réglementaire, les boues d’épuration ont le statut de déchet. Leur élimination revient au producteur de boues, maître d’ouvrage des infrastructures épuratoires, ou à un prestataire privé désigné par lui. La filière de l’épandage agricole est, actuellement, le mode principal d’élimination des boues de stations d’épuration, compte tenu de leurs vertus fertilisantes et des coûts modérés de mise en œuvre. En dépit de la crise actuelle des épandages, il est raisonnable de penser que cette filière se maintiendra dominante en France, sous réserve qu'elle continue de s’inscrire dans une logique de progrès et mette en œuvre, partout, les meilleures règles de l'art.
Le « savoir-faire » en matière d’épandage des boues d’épuration est nettement établi dans notre pays. Mais l’application de ce savoir-faire reste inégale selon les régions ou les départements, ainsi qu’entre collectivités au sein d'un territoire donné. La réalité de terrain montre qu'il existe tout un continuum de situations, entre des épandages bien gérés – en tous points exemplaires – et
d'autres mal réalisés, avec une insuffisance décevante d’équipements ou d’organisation. Tout un chacun peut porter un jugement sur ces opérations, et établir, in petto, une hiérarchie entre elles, selon des critères qui lui sont propres. Mais l’évaluation reste dépendante de chaque observateur, de sa compétence ou de ses habitudes de travail. Aucune synthèse véritable et objective ne peut en sortir.
Cela ne signifie pas pour autant que ces critères soient infondés : ils ressortent au contraire de l'expérience professionnelle acquise par chacun dans la pratique quotidienne des épandages ou de leur supervision. Le tour de France du savoir-faire en matière d’épandage conforte au contraire l'hypothèse qu'un nombre assez convergent de critères sont souvent considérés par les diverses personnes intervenant dans l’organisation et le suivi des épandages.
L'idée a donc germé de proposer une grille d'évaluation de la qualité des opérations, appelée “GEVAL", qui standardise le jugement que l’on peut porter sur ces opérations.
L'objectif ainsi visé est double :
- - capitaliser la compétence professionnelle de terrain, en rassemblant et hiérarchisant les critères de qualité reconnus importants,
- - formaliser et diffuser une méthode-diagnostic utilisable à l’identique partout en France.
À l’initiative de l’ADEME, une première grille d’évaluation de la qualité des filières d'épandage agricole des boues urbaines a été proposée en 1998. Des versions successives de la grille ont été soumises à la critique des Missions-Déchets en Chambres d’agriculture et des Agences de l'Eau. Une grille pré-finale a été testée dans deux départements volontaires, l'Aisne et l’Oise. La grille “prototype” finale, élaborée à l’issue de cette phase de travaux, a fait l'objet d'une diffusion restreinte en France, en 1999, auprès des Missions-Déchets, des Agences de l'Eau, du Syndicat des professionnels du recyclage en agriculture (SYPREA) et de quelques opérateurs intéressés.
Cette version de GEVAL a aussi bénéficié des avancées les plus récentes sur la qualité des épandages et leur évaluation, notamment la mise au point du référentiel de service QUALICERT par le SYPREA et l'ADEME, et l’arrêté du 26 novembre 1998 dont le calcul de la prime pour épuration, utilisé par les agences de l'eau, prévoit des coefficients sur la qualité de l’épandage agricole.
Plusieurs bénéfices sont attendus :
- - objectiver l'appréciation de la qualité des opérations d’épandage,
- - permettre à chaque station d’épuration de s'auto-évaluer par rapport à une grille de référence en identifiant les maillons forts et les points de progrès,
- - réaliser des bilans départementaux ou régionaux, en consolidant les données obtenues station par station, et diagnostiquer les acquis et les faiblesses pour élaborer un plan pluriannuel d’amélioration,
- - améliorer la lisibilité de la qualité des pratiques d’épandage en France par la consolidation, à l’échelle nationale, des bilans territoriaux.
Ainsi, à une présentation souvent unique-
[Figure : Critères pris en compte dans la grille d’évaluation]Tableau 1 : Le détail des pondérations pour les différents critères (%)
MODULE A : LE PRODUIT | 30 % |
A. Police des réseaux : raccordements | 20 %* |
Raccordements & risque | 50 %* |
Surveillance du réseau d'eaux usées | 50 %*+ |
B. Conformité | 55 %* |
En ETM | 45 %*+ |
Classe des teneurs inférieures à 30 % | |
Classe des teneurs supérieures à 75 % | |
En CTO | 45 %*+ |
C. Protocole analytique réglementaire | 10 %** |
- Fréquence des analyses réglementaires | 15 %* |
Valeur fertilisante | 35 %*+ |
Éléments traces | 65 %* |
Plus d'analyses | |
D. Variabilité | 10 %* |
Existence d'un protocole Si oui, variabilité | |
MODULE B : LE STOCKAGE | 30 % |
A. Stockage suffisant | 60 %* |
B. Caractéristiques | 40 %* |
MODULE C : LE DISPOSITIF D'ÉPANDAGE | 35 % |
A. Étude préalable | 30 %* |
Définition du périmètre d'épandage | 20 %*+ |
Conventions utilisateurs/producteurs | 20 %*+ |
État zéro des teneurs en ETM dans les sols | 10 %** |
Filière alternative | 20 %** |
Validation de l'étude | 30 %*+ |
B. Matériel et chantier d'épandage | 30 %* |
Matériel approprié | 50 %* |
Test de régularité du matériel | |
Respect des prescriptions techniques de l'épandage | |
Doses | 25 %*+ |
Période d'épandage | 25 %*+ |
C. Suivi d'application du plan d'épandage | 40 %* |
Suivi de toute la production épandue | 15 %*+ |
Tenue à jour du registre d'épandage | 10 %** |
Programme prévisionnel | 20 %** |
Si oui, épandage suit-il le programme | |
Conseils de fertilisation | 15 %*+ |
Résultats de l'analyse de boues avant épandage | 10 %** |
Analyse de (M.S.) lors du chantier d'épandage | |
Bilan agronomique | 10 %** |
Suivi qualité des sols | 10 %** |
Rapport de synthèse | 10 %** |
MODULE D : LES ODEURS | 5 % |
Sur la station | 20 % |
Lors du stockage | 30 % |
Lors du chantier d'épandage | 50 % |
* pondération (%) des critères au sein de chaque module ; ** pondération (%) des questions pour chaque critère ; malus & bonus
Une approche uniquement quantitative de la situation des épandages (nombre de stations, production de boues, part de l’épandage, surfaces en jeu...) pourra se compléter d’une évaluation qualitative. Une telle approche répondra au souhait de savoir comment les boues sont épandues, sous-entendu avec quel soin et quelle technicité par rapport aux meilleures règles de l'art.
Structuration de la grille GEVAL et critères retenus
L'outil GEVAL est conçu pour être objectif dans ses critères et simple d'utilisation.
Principe
La grille d’évaluation considère toutes les étapes constitutives d'une filière d'utilisation agricole des boues : de l’examen de la qualité des boues à l’épandage proprement dit, en passant par l’entreposage. Elle est articulée autour de quatre « modules », considérés comme essentiels dans une filière d’épandage de haute qualité :
- - Le PRODUIT : c’est-à-dire la qualité intrinsèque de la boue ;
- - Le STOCKAGE : sa capacité, mais aussi sa conception ;
- - Le DISPOSITIF D’ÉPANDAGE : son organisation et le(s) matériel(s) utilisé(s) ;
- - Les ODEURS : ce point ne peut être dissocié des trois premiers. S'il relève du process d'élaboration du produit, et notamment de sa « stabilisation », le critère odeur est également fonction de la conception des ouvrages de stockage et de la mise en œuvre des épandages. Il a été choisi d’en faire un module séparé plutôt que de traiter cette question, à chaque fois, dans les trois pre-
premiers modules.Chaque module fait l'objet de plusieurs critères d’évaluation.
Choix des critères d’évaluation retenus
Les critères retenus, qui renseignent sur les diverses facettes de la “qualité” de chaque module, sont présentés dans la figure 1.
Un certain nombre de critères relèvent inévitablement du registre réglementaire, compte tenu du caractère très technique du décret du 8 décembre 1997 et de l’arrêté d’application du 8 janvier 1998 sur l’épandage des boues d’épuration municipales. Mais la grille inclut aussi des critères non réglementaires qui ressortent du domaine des “bonnes pratiques”.
Les critères retenus se veulent simples pour minimiser l’interprétation et la subjectivité de l’évaluateur. Si les données à renseigner sont immédiatement disponibles, la grille se remplit très rapidement (une dizaine de minutes) ; c’est bien sûr plus long s’il faut rechercher les données. Les critères sont prévus pour s’adapter à l'ensemble des stations d’épuration d'un parc départemental ou régional. L’intérêt est de permettre des évaluations territoriales, globalement, ou par type ou taille d'infrastructures.
Chaque critère peut être caractérisé par une ou plusieurs questions. À titre d’exemple on peut citer, dans le module « LE PRODUIT », les questions relatives au critère conformité en éléments traces métalliques (ETM) et en composés traces organiques (CTO) qui sont une des composantes principales de la qualité de la filière d’épandage :
- Les teneurs en éléments-traces métalliques sont-elles toujours inférieures aux limites réglementaires ?
- Les teneurs en composés traces organiques sont-elles inférieures aux limites réglementaires ?
- Les analyses sont-elles réalisées suivant le protocole réglementaire ?
Malgré un souci permanent d’objectivation, certaines questions font encore inévitablement appel à la subjectivité de l’évaluateur, ou à une certaine part de jugement personnel, en particulier pour les questions suivantes où aucune autre formulation plus efficace n’a été possible :
- Existe-t-il des raccordements non domestiques qui risqueraient de contaminer les boues ?
- Le stockage est-il suffisant par rapport aux besoins réels ?
- Le matériel d’épandage est-il approprié ?
- Le chantier d’épandage respecte-t-il les prescriptions techniques ?
- Des problèmes d’odeurs ont-ils été observés ?
Ces points soulignent les limites de la méthode proposée.
Toute évaluation est complétée par une identification « Renseignements généraux » de la station étudiée. Ces questions sont hors évaluation, c’est-à-dire qu’aucune note n’est attribuée aux réponses. L'intérêt de ces renseignements est de typer la filière pour permettre des évaluations à l’échelle d'un parc de stations d’épuration.
La notation
La logique de l’évaluation étant de considérer l'ensemble de la filière, des poids quasiment équivalents ont été attribués aux trois premiers MODULES :
LE PRODUIT : 30 %LE STOCKAGE : 30 %LE DISPOSITIF D'ÉPANDAGE : 35 %Les ODEURS pour leur part ont un poids de 5 % de la note finale.
Au sein de chaque module, une hiérarchie est ensuite instituée entre les critères eux-mêmes, certains critères étant plus importants que d'autres. Le détail des pondérations est présenté dans le tableau 1. Des points bonus ou malus peuvent être ajoutés aux différents modules selon la qualité de la filière.
À l'intérieur de chaque module tous les critères de la grille conduisent à l’obtention d'une note. Des appréciations sont alors données pour chacun des modules de la filière puis globalement pour l'ensemble de la filière suivant les classes définies dans le tableau 2.
Pour certaines stations, la notation ne sera pas possible. En effet, si une boue n’est pas conforme, l’épandage est interdit. Il est considéré comme « Inexistant ». La filière ÉPANDAGE ne peut être évaluée. L’appréciation donnée est donc « NÉANT : Boues non conformes ».
Les notes obtenues pour un ensemble de stations peuvent conduire à des bilans à l’échelle d’un parc (départemental, cantonal, …). Cette évaluation peut aussi se faire par taille et par type de stations. Elle peut aussi porter sur la production de boues, mais cela suppose de renseigner cette information pour chaque station (non prévu dans la grille de base). L'utilisation des notes permet enfin de bâtir des graphiques de synthèse.
Public intéressé par la grille GEVAL
Les acteurs premiers concernés par un tel outil sont les maîtres d’ouvrage des stations d'épuration qui pratiquent l’épandage (les « producteurs de boues » au sens de l’arrêté du 8 janvier 1998). GEVAL permet d’auditer la filière d’épandage, de localiser les points faibles et de satisfaction, en les situant par rapport à une grille de référence.
Les prestataires de services, ingénieurs et techniciens qui conçoivent et animent les opérations d’épandage pour vérifier la qualité de filières qu’ils exploitent et en rendre compte à leurs clients, peuvent également être intéressés.
À l’échelle d'un territoire départemental, les services préfectoraux ou du Conseil général, les organismes indépendants, ou toute autre instance en charge du contrôle ou de l’expertise de la qualité des pratiques d’épandage, pourront utiliser GEVAL pour dresser un état de la situation dans leur département. Les données peuvent ensuite être synthétisées à l’échelle régionale. Il en va de même pour les syndicats d’assainissement ou les sociétés fermières qui administrent un parc de stations d’épuration.
Enfin, cette grille peut être utile aux décideurs nationaux en dressant une carte de la situation française sur la base des synthèses départementales et régionales. Cette carte peut aussi être faite par taille ou type de stations par exemple, selon les critères de requêtes retenus. Cet état des lieux peut également être réalisé à pas de temps régulier pour constater des évolutions. Les faiblesses et points de progrès sont ainsi plus aisément identifiés, permettant alors la définition de politiques correctives.
Conclusion
La présente version de la grille GEVAL ne
peut être considérée comme définitive, en dépit des améliorations dont elle a bénéficié depuis sa conception en 1998. Elle demande encore à être testée en France dans un grand nombre de situations pour en perfectionner la justesse.
Il faut aussi souligner que toute subjectivité n'a pu être gommée de l’évaluation, en dépit de la volonté des concepteurs et des objectifs de départ fixés. Il appartient également aux tests de terrain de diminuer peu à peu cette part de subjectivité, en substituant aux questions encore trop ouvertes des intitulés ne laissant aucune place à l'interprétation de l’évaluateur.
Cette méthode est diffusée gratuitement en France par l’ADEME. Elle se présente à la fois sous forme papier et cédérom, avec un tableur sur Excel qui automatise le calcul de l’évaluation une fois saisies les données.
ADEME – Editions, service logistique. (Contact : Madame Dominique WAITZ). 2, square La Fayette BP 406 – 49000 ANGERS Cedex 01. Tél. : 02 41 20 41 20 Fax : 02 41 20 43 / Mail : dominique.weitz@ademe.fr (Préciser la référence du document : n° 4002.)