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La Grande Bretagne prend la tête du traitement de l'eau potable par rayons UV

30 avril 1988 Paru dans le N°118 à la page 47 ( mots)

Jusqu’à présent, la désinfection de l’eau par rayons ultraviolets était réservée aux petites agglomérations, malgré des avantages significatifs des points de vue prix de revient, encombrement et sécurité. En effet, le traitement de gros débits n’était pas envisageable, compte tenu des limites techniques du procédé.

Grâce à la mise au point d’une source U.V. de très grande puissance et d’un dispositif de contrôle d’intensité extrêmement précis, les volumes d’eau traitables par U.V. ne se trouvent maintenant plus limités, et cette technologie peut ainsi entrer en compétition avec les autres procédés.

Récemment terminée à Hambleden (G. B.), l’unité de désinfection d’eau potable par rayons ultraviolets de la T.W.A.* est la plus importante du monde. C’est également la première installation de ce type à utiliser un système automatique de contrôle des doses U.V., faisant largement appel à l’électronique. Cette réalisation pose un défi aux techniques de chloration conventionnelles.

L’installation devait répondre à un cahier des charges de la Thames Water Authority, où il était demandé d’améliorer par un traitement continu la qualité des eaux de sa station de pompage d’Hambleden, qui extrait l’eau brute de puits forés dans la craie, tout en évitant les opérations onéreuses et risquées de surchloration/déchloration.

D’une capacité de traitement de 55 000 m³/jour (avec possibilité d’extension jusqu’à 73 000 m³), cette station entièrement automatique alimente en eau potable les villes d’Aylesbury, de High Wycombe, ainsi que la région de Buckinghamshire du Sud.

Désinfecter l’eau en continu sans produits chimiques

La désinfection par rayons ultraviolets est connue depuis de nombreuses années. Les rayons U.V., d’une longueur d’onde proche de 260 nm, appliqués en quantité suffisante (dose U.V.) détériorent l’A.D.N. des micro-organismes, ce qui inhibe leurs possibilités de reproduction ou entraîne leur mort ; les doses U.V. sont exprimées en mW.s/cm² ou mJ/cm²**.

Généralement, une dose U.V. de 16 à 25 mW.s/cm², selon les pays, est considérée comme suffisante pour apporter une désinfection efficace. Des travaux en laboratoire ont montré que cette dose U.V. permet de réduire la concentration de E.coli d’un facteur 100 000 à 1, correspondant à un taux de destruction de 99,999 %. (E.coli est la bactérie habituellement acceptée comme germe-témoin d’une contamination fécale de l’eau potable d’un réseau).

Le rapport dose U.V./effet est différent pour chaque type de germe. On retient généralement la dose D₁₀ nécessaire pour obtenir une réduction d’une unité logarithmique de la concentration du micro-organisme considéré ; ainsi, pour E.coli, D₁₀ = 3,0 mW.s/cm².

On obtient ainsi, avec des doses graduées, les pourcentages suivants de réduction des E.coli :

3,0 (D₁₀) 90 %
6,0 99 %
9,0 99,9 %
15,0 99,999 %

D’autres micro-organismes correspondent à une D₁₀ différente, par exemple :

(D₁₀ mW.s/cm²) =

Streptococcus viridans 2,0
Clostridium tetani 4,9
Salmonella enteritidis 4,0
Staphylococcus aureus 2,2
Virus de la polio 24,0

L’installation de Hambleden est conçue pour délivrer une dose U.V. minimale de 20 mW.s/cm² et produire de l’eau avec un taux de survie des coliformes égal à zéro. Autrement dit, le pourcentage de destruction est suffisamment élevé pour éliminer tous les coliformes présents. Ainsi dimensionné, le poste U.V. complet comprend 16 chambres d’irradiation en acier inoxydable, chacune équipée d’un tube à arc U.V. à haute intensité (donc 16 lampes au total). Les chambres de traitement sont dotées de parois intérieures polies « miroir » pour réfléchir les U.V. et empêcher l’encrassement de leur surface interne. Elles sont disposées en huit lignes parallèles de deux chambres, montées en série (fig. 1).

Une capacité de secours garantit la qualité du traitement

Chaque paire de chambres (ou lignes) constitue un circuit de traitement qui peut être connecté ou déconnecté au système pour traiter l’eau brute entrante et obtenir la dose U.V. requise. Dans les circonstances normales, des paires sont maintenues en réserve et ne sont utilisées qu’en

* Thames Water Authority

** 1 mW.s/cm² = 1 mJ/cm²

[Photo : Installation du Buckinghamshire du Sud]

Constituée de seize chambres inox de traitement de type U.V. 3000 et agencée en huit lignes parallèles de deux chambres montées en série, cette installation de désinfection d’eau potable Hanovia traite l’eau du réseau du Buckinghamshire du Sud de la Thames Water Authority. Elle est prévue pour recevoir quatre chambres supplémentaires, ce qui permettrait de porter sa capacité de 55 000 à 73 000 m³/jour.

En cas de baisse importante de l’intensité U.V. dans l’une des chambres en service, les unités, qui constituent également une réserve d’appui, sont ouvertes en cas d’augmentation soudaine de la demande en eau.

Pour garantir le maintien de la haute qualité de la désinfection, chaque lampe U.V. est contrôlée individuellement par les dispositifs brevetés de contrôle de leur intensité, qui mesurent avec une haute précision l’intensité des radiations U.V. éclairant la paroi des chambres de traitement. Reliés au système de contrôle, ces moniteurs U.V. déclenchent automatiquement la mise hors service de certaines chambres et leur remplacement par une ou plusieurs autres paires, de manière à maintenir la dose U.V. au-dessus du niveau minimum programmé. Les armoires d’alimentation électrique comportent chacune un tableau de commande automatique et de contrôle local, avec signalisation d’état de la paire de chambres correspondante. Ces systèmes de commande/contrôle sont reliés par interfaces à un Contrôleur logique programmable principal (C.L.P.) (fig. 2).

Chaque commande/contrôle local peut fonctionner en mode automatique ou manuel afin de tester une paire de chambres ou de la mettre en service pour obtenir une dose supérieure à celle programmée. Chaque système (y compris le C.L.P. principal) comporte un schéma synoptique visualisant l’état de l’installation.

Les principales fonctions du C.L.P. sont :

  • — déterminer le nombre de lignes nécessaires en fonction de la demande,
  • — commander la mise en service ou hors service des lignes,
  • — vérifier l’état de chaque ligne,
  • — analyser la disponibilité de chaque ligne, ce qui guidera le choix lors de la mise en service d’une ligne supplémentaire,
  • — réguler le débit d’eau et les doses U.V., en commandant des vannes automatiques,
  • — superviser la logique d’exploitation du système.

Traitement déclenché par télémétrie

En réponse au signal d’un capteur indiquant que le niveau du réservoir de stockage de Hambleden est en train de descendre, le contrôleur C.L.P. envoie un signal de démarrage à une unité de contrôle local ; celle-ci envoie des signaux opératoires indiquant tout d’abord que ses lampes U.V. sont allumées mais en période de préchauffage, puis que les deux lampes ont atteint leur pleine puissance. Les moniteurs U.V. transmettent ensuite l’intensité de chacune des deux lampes et envoient un signal d’alarme si la valeur minimale ne peut être maintenue. Tous ces états sont indiqués sur le schéma synoptique du C.L.P.

En cas d’alarme à un stade quelconque, le dispositif indicateur afférent au schéma se déclenche, indiquant le moniteur qui est à l’origine de l’alarme. Le contrôleur C.L.P. sélectionne alors la prochaine ligne de traitement disponible, et la met en circuit, tout en contrôlant la réponse que cela entraîne.

Si tous les signaux opérationnels sont en ordre, le C.L.P. ouvre les vannes de contrôle de débit et reçoit en retour un signal de bonne exécution de la manœuvre ; lorsque tous les témoins concernés signalent un fonctionnement normal, et que toutes les vannes correspondantes sont ouvertes, le C.L.P. commande la mise en route des pompes situées dans les puits.

Pour permettre une rotation des différents circuits de traitement, la séquence de démarrage peut être présélectionnée : lorsque le premier circuit sera en fonctionnement, les autres suivront automatiquement selon la séquence prévue.

La technologie la plus récente

Une station de désinfection U.V. de cette dimension et de cette efficacité n’a pu être rendue opérationnelle que par la mise au point de lampes U.V. à vapeur de mercure Moyenne Pression (M.P.) et de moniteurs d’intensité U.V. de haute précision. Grâce à sa grande puissance d’émission, la nouvelle lampe utilisée est capable de traiter un débit jusqu’à 50 fois supérieur à celui d’une lampe Basse Pression traditionnelle. Cette puissance est particulièrement élevée à la fréquence biocide classique de 254 nanomètres, mais conserve une excellente efficacité dans tout le spectre germicide qui va de 240 à 280 nm environ.

Le moniteur U.V. associé à ces lampes de forte intensité présente une réponse spectrale aux U.V., similaire à celle de micro-organismes, et a été conçu pour n’être sensible qu’aux longueurs d’ondes germicides ; la réponse du moniteur est donc directement proportionnelle à l’efficacité germicide de l’installation.

En cas de panne de lampe ou de dépôts sur la gaine de quartz qui protège chaque lampe, entraînant une baisse de l’intensité U.V. en dessous du seuil minimum de 20 mW.s/cm², le système remplace la ligne de traitement défectueuse par une autre, restée en attente. En cas de perte d’intensité U.V. due à la dégradation de la qualité de l’eau, cet incident sera détecté par un analyseur en continu de la transparence de l’eau aux rayons U.V., placé en amont du poste de désinfection. Le C.L.P. commandera alors la mise en service d’une ou plusieurs lignes supplémentaires, avec réduction du débit dans chaque circuit ; cela entraîne l’augmentation de la puissance U.V. rayonnée et du temps de séjour de l’eau devant les lampes, ce qui compense.

[Photo : Installation de Hambleden]

l’augmentation de l’absorption U.V. de l’eau, et maintient ainsi à une valeur suffisante la dose U.V. appliquée.

Si aucune ligne de secours n’est disponible, le contrôleur C.L.P. passe automatiquement à une procédure d’arrêt des installations et transmet un signal à la salle de contrôle de Medmenham de la Thames Water pour réduire le débit. En réponse à un signal télémétrique indiquant qu’il y a suffisamment d’eau dans le réservoir de Hambleden, l’installation est alors arrêtée automatiquement.

Prix de revient et sécurité

Les principaux avantages de l’installation de Hambleden sont la facilité d’entretien, les coûts d’investissement et d’exploitation relativement faibles, la parfaite sécurité grâce à l’excellent contrôle du traitement, et, enfin, le faible encombrement de l’ensemble.

La maintenance régulière de l’installation est très simple. Le remplacement d’une lampe U.V. qui présente une durée de vie théorique de 3 000 à 4 000 h ne demande que quelques minutes (il suffit d’enlever deux écrous et de brancher deux connexions électriques à vis), ce qui s’effectue sans intervention sur le système d’étanchéité de l’installation, qui reste en eau. La seule autre opération de maintenance nécessaire et peu fréquente est le nettoyage de la gaine de quartz ; il suffit pour cela de vidanger la chambre et de dévisser un capot…

Étant donné que la désinfection U.V. ne fait appel à aucun additif chimique, les seuls frais d’exploitation sont le changement des lampes et la consommation électrique qui est de 40 kW au débit maximum (2 300 m³/h) avec une réduction proportionnelle aux périodes de demandes normales et faibles. Un horomètre indique le nombre d’heures de fonctionnement de chaque lampe sur chaque tableau, également équipé d’un U.V.-mètre analogique.

Le C.L.P. calcule la dose U.V. appliquée à partir des signaux de mesure de débit, du signal de transparence de l’eau aux rayons U.V., du nombre de lampes en service, de leur intensité, et, à partir de ces données, il gère l’ensemble des lignes pour maintenir la dose U.V. à sa valeur nécessaire et suffisante. La dose U.V. appliquée par l’ensemble de l’installation est affichée sur le tableau de contrôle principal.

Le fait d’utiliser une irradiation U.V. au lieu d’une surchloration/déchloration pour la destruction des micro-organismes de l’eau présente également un certain nombre d’autres avantages importants. Contrairement à la relative grande surface occupée par un réservoir de contact de chloration et par le stockage des produits chimiques, une installation U.V. se révèle compacte, du fait que la destruction des micro-organismes, après exposition aux radiations U.V., est immédiate, et que le temps de contact se limite au temps pris par l’eau pour s’écouler sous la source U.V. L’installation de Hambleden, avec son unité de contrôle, n’occupe ainsi que 42 m².

De plus, le traitement U.V., qui n’entraîne aucun stockage ou manutention de produits chimiques, ne présente aucun risque ; à Hambleden, par mesure de sécurité et pour conserver à l’eau sa bonne qualité bactériologique dans les canalisations et dans le réservoir situés en aval de la désinfection U.V., une très légère chloration est toutefois appliquée à la sortie du système U.V. L’opération est effectuée par électrolyse d’une eau salée (électrochloration).

L’efficacité du traitement U.V. n’est pas affectée par les variations de pH ou de température de l’eau, et le traitement n’affecte pas le pH, le goût, l’odeur ou la couleur de l’eau traitée. Il ne forme aucun sous-produit, et le traitement n’a aucun effet négatif sur les éléments déjà présents dans l’eau.

L’installation U.V. de Hambleden devrait être soumise, dans les conditions opératoires normales, à une pression hydraulique de 0,7 bar, mais, en cas de défaut de fonctionnement des dispositifs télémétriques, des pressions beaucoup plus élevées (8 bars) pourraient apparaître. Aussi, par mesure de sécurité, la pression maximale théorique dans l’installation a été fixée à 16 bars, soit le double de la pression opératoire maximale possible.

Pour éviter tout risque de passage de l’eau non traitée dans la cuve de stockage en cas de panne de l’installation de traitement, et pour empêcher que le système ne soit endommagé en cas de panne de courant d’alimentation d’une unité de pompage, le contrôleur C.L.P. est du type à sécurité intrinsèque, c’est-à-dire qu’il coupe tous les circuits et ferme toutes les vannes, en même temps qu’il arrête toutes les pompes d’alimentation.

La grande capacité de l’installation de Hambleden permet de réaliser d’importantes économies d’énergie. En effet, le traitement U.V. est utilisé à grand débit pendant la nuit (c’est-à-dire durant les périodes d’application du tarif économique de l’électricité) pour remplir le réservoir, alors que le jour, seul un débit d’appoint est désinfecté ; les frais d’exploitation sont ainsi réduits au minimum.

Cette station est, non seulement la plus grande du monde, mais aussi probablement la première à être équipée d’un tel dispositif de contrôle automatique de la dose U.V. Une seconde unité de même technologie, gérée par un automate programmable, a été installée récemment dans une usine française produisant des composants électroniques.

Grâce aux lampes de forte intensité, et aux possibilités de l’électronique, le procédé de désinfection U.V. s’attaque maintenant aux grands débits, ce qui permet d’apporter aux distributeurs d’eau potable une solution performante capable de révolutionner leurs méthodes de traitement.

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