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La gestion globale des déchets : du concept à la réalisation

29 janvier 1993 Paru dans le N°160 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Valérie JOBIN, Georges VALENTIS, Laurent DUBOST et 1 autres personnes

Aujourd'hui, gérer efficacement les quantités croissantes de déchets d'un point de vue économique et écologique nécessite l'élaboration et la mise en place de solutions globales de traitement ne présentant aucun risque pour l'environnement, et adaptées aux besoins spécifiques des collectivités locales et des industriels. Pour être compétitives, ces solutions globales doivent satisfaire plusieurs critères : privilégier la valorisation des déchets, être performantes, économiques, respectueuses de la réglementation en vigueur, écologiques et évolutives. Cet article présente tout d'abord le concept de " gestion globale des déchets " et les moyens nécessaires à sa mise en ?uvre. Ce concept est ensuite illustré par la présentation du projet Aurore, un système intégré pour le traitement global des déchets urbains de l'Agglomération Nouvelle de Cergy-Pontoise.

Cet article présente tout d’abord le concept de « gestion globale des déchets » et les moyens nécessaires à sa mise en œuvre. Ce concept est ensuite illustré par la présentation du projet Aurore, un système intégré pour le traitement global des déchets urbains de l’Agglomération Nouvelle de Cergy-Pontoise.

(*) GIE CREED.(**) CGEA-Onyx.(***) GIE Orion.

Ces toutes dernières années ont été marquées par une très nette prise de conscience en faveur d'une approche de la gestion des déchets beaucoup plus globale et respectueuse de l’environnement. Cette prise de conscience a succédé à une longue période de désintérêt envers ce problème qui s’inscrit aujourd’hui dans un contexte général complexe.

Le contexte actuel de la gestion des déchets

La croissance de l’activité économique dans les pays industrialisés et en voie d’industrialisation génère chaque année un flux grandissant de déchets ménagers, industriels et agricoles : en France, l’augmentation de la production de déchets ménagers connaît ainsi un taux de progression de 1 à 1,5 % par an(1). Toutefois, les statistiques sont rares et ne sont pas toujours fiables, car de nombreux sites échappent à tout recensement. D’autre part, la nomenclature des déchets varie parfois d’un pays à l’autre. Le tableau 1 fournit quelques estimations(1) sans doute sous-évaluées, de la production de déchets en France.

Davantage de déchets, mais aussi des déchets dont la nature est devenue de plus en plus variée et complexe : les ordures ménagères contiennent désormais de petites quantités de produits toxiques tels que solvants, vernis, peintures ou piles, qui rendent leur traitement ultérieur plus difficile. L’apparition régulière sur le marché de produits à base de nouveaux matériaux et de molécules de synthèse nécessite la mise en œuvre de technologies de traitement de plus en plus élaborées.

Parallèlement à ces phénomènes, on constate que la plupart des installations de traitement et d’élimination des déchets arrivent à saturation et que leur renouvellement par la mise en place de nouvelles unités ne sera sans doute pas suffisant. Pendant longtemps, collecter sans discernement la plus grande quantité possible de déchets constituait le principal objectif, l’unité d’incinération et la décharge contrôlée en constituant les principaux exutoires. Dans la plupart des pays européens, la situation a atteint une impasse. En France par exemple, la dernière décharge autorisée pour le stockage des déchets industriels spéciaux a été ouverte en 1984, alors qu’au moins dix décharges supplémentaires de ce type seraient nécessaires pour satisfaire les besoins nationaux.

La pression de l’opinion publique constitue la principale source de ce blocage. À la suite de certains événements fort médiatisés et de la découverte de pratiques d’exportation et d’importation de déchets dangereux, les populations se sont senties menacées par ces problèmes. Il en résulte que, depuis dix ans, tout projet d’implantation de nouvelles installations s’est heurté à une opposition locale déterminée. On a d’ailleurs parlé des syndromes NIMBY (« not in my back yard ») et NIMEY (« not in my election year ») pour décrire ce phénomène général : la gestion des déchets est devenue un enjeu politique.

(1) Données de l’ANRED (Agence Nationale pour la Récupération et l’Élimination des Déchets).

[Photo : Fig. 1 : Ensemble des cheminements de traitement des différents types de déchets identifiés constituant la filière Aurore.]
[Photo : Fig. 2 : Le développement des collectes séparatives est une condition essentielle pour tendre vers la valorisation maximum des déchets.]
[Photo : Fig. 3 : L'optimisation de la gestion des déchets repose sur l'intégration des différentes étapes de la filière retenue. La valorisation des déchets doit constituer une priorité.]

Enfin, le cadre réglementaire de la gestion des déchets a considérablement évolué ces dernières années. Des directives sont régulièrement établies par la Communauté Européenne et sont ensuite transcrites dans les législations nationales. Ce nouveau contexte réglementaire offre des garanties satisfaisantes aux préoccupations des populations. Des normes de qualité plus sévères ont été fixées, portant à la fois sur les conditions d'exploitation des unités de traitement et sur le niveau de qualité des rejets dans les différents milieux naturels (eau, sol et air). L'année 1992 a déjà fortement contribué à l'évolution du référentiel réglementaire avec la mise en place d'un ensemble considérable de lois, décrets, arrêtés et circulaires (loi du 13 juillet 1992, décrets emballages et importation, arrêté décharges, circulaire mâchefers, …).

L'ensemble de ces critères a donné naissance à un nouveau cadre opératoire pour les professionnels et a établi de nouvelles règles pour les producteurs de déchets, en d'autres termes, les industriels et les collectivités locales. Ces derniers souhaitent de plus en plus confier la gestion de leurs déchets à un prestataire de service qui peut évaluer et synthétiser leurs besoins, puis définir et optimiser la filière de traitement la mieux adaptée.

Le concept de « gestion globale des déchets »

Face au problème aujourd'hui incontournable des déchets, il est devenu essentiel de repenser l'organisation générale de leur gestion. L'ensemble des responsables concernés reconnaissent que des efforts doivent être menés conjointement selon les quatre axes prioritaires suivants :

  • réduction du volume total des déchets produits et de leur nocivité,
  • développement des opérations de collecte, de tri et de recyclage,
  • développement de technologies de traitement respectueuses de l'environnement,
  • stockage des « déchets ultimes », uniquement.

Le Groupe Générale des Eaux réalise actuellement de nombreux programmes de recherche et de développement selon les trois derniers axes précédents.

D'un point de vue économique et écologique, gérer efficacement les déchets nécessite l'élaboration et la mise en place de solutions globales de traitement adaptées aux divers contextes locaux. Ces solutions doivent présenter la meilleure adéquation entre la typologie et la distribution des gisements de déchets et les technologies de traitement disponibles actuellement.

Une approche globale est nécessaire pour au moins quatre raisons :

  • les sources de déchets sont variées et évoluent constamment,
  • de nombreuses interdépendances lient les multiples étapes de la gestion des déchets,
  • la mise en décharge de déchets bruts n'est plus, à terme, une solution envisageable,
  • la valorisation des déchets et la protection de l'environnement sont devenues des priorités.

Les différents types de déchets doivent être caractérisés qualitativement et quantitativement pour accroître l'efficacité de leur traitement. À chacun de ces types correspond un cheminement de traitement. L'ensemble de ces cheminements constitue la filière globale locale (comme l'illustre le cas particulier de la figure 1). En ce qui concerne la collecte, par exemple, la plus grande partie des déchets ménagers et des déchets commerciaux banals sont collectés régulièrement le long de la voirie, les déchets encombrants nécessitent souvent un service de ramassage spécialisé et les déchets ménagers spéciaux font de plus en plus l'objet de collectes séparatives.

[Photo : Maquette du centre de traitement du projet Aurore. Les unités de tri/recyclage/valorisation, de compostage et de valorisation thermique sont étroitement liées entre elles.]

L’optimisation de la gestion des déchets repose avant tout sur l’intégration des différentes étapes de la filière choisie. Ces dernières sont en effet étroitement liées : agir sur l’une d’elles peut avoir des répercussions sur les suivantes d’un point de vue technique et économique. Pour être viable et performante à long terme, une filière globale de traitement doit posséder une architecture cohérente reposant sur des critères de complémentarité des étapes retenues (collecte séparative, tri, recyclage, compostage, valorisation thermique…) et non de concurrence. Pour améliorer les rendements du tri mécanisé ou pour obtenir un compost de haute qualité, il est essentiel de développer les techniques de collecte séparative aptes à identifier des lots homogènes de déchets ou de matériaux (figure 2). Les unités de traitement recevant ces lots seront d’autant plus performantes qu’elles auront à traiter des déchets de caractéristiques connues.

Il est particulièrement important d’adapter les projets globaux de gestion à la spécificité de leur lieu d’implantation. En ce qui concerne les collectivités locales, le slogan, sans doute excessif, « 36 000 communes, 36 000 solutions différentes » illustre bien le fait qu’en matière de déchets, il n’existe pas de solution universelle. Pour les collectivités, les caractéristiques essentielles dont il faut absolument tenir compte sont les suivantes :

• la population, sa densité, la croissance démographique,

• le type d’habitat et la technicité des collectes existantes,

• le spectre des déchets à traiter (ordures ménagères, déchets industriels banals, déchets hospitaliers, déchets verts…),

• les possibilités locales de valorisation, de traitement et de stockage,

• la motivation, l’esprit constructif des populations et des associations qui les représentent.

Une prise en compte approfondie de ces caractéristiques est essentielle à la réussite de tout projet. Les efforts consacrés à la prise de données, à l’évaluation des différentes technologies, à la formation éventuelle des acteurs permettent d’atteindre un meilleur niveau d’efficacité lors de la phase de réalisation.

Un dernier facteur crucial doit désormais être pris en compte : à compter du 1ᵉʳ juillet 2002 l’utilisation des décharges contrôlées sera strictement limitée au stockage des seuls déchets ultimes. Face à cette échéance, le coût de la mise en décharge de déchets bruts deviendra suffisamment élevé (en raison notamment d’une conception de site de stockage de plus en plus sophistiquée) pour accentuer le développement d’autres techniques propres de traitement et de valorisation. Cependant, le coût de ces dernières suit la même évolution en raison de leur technicité croissante. Ce nivellement par le haut modifie le rapport efficacité/coût de toutes les étapes de la gestion des déchets. Il devient donc indispensable de s’orienter vers l’optimisation en intégrant tous les aspects impliqués dans cette gestion (figure 3).

En résumé, les projets globaux de gestion des déchets doivent respecter plusieurs impératifs dont la classification par ordre d’importance sera déterminée par les collectivités ou les industriels :

• impératif de valorisation : les déchets doivent être triés et recyclés au maximum,

• impératif écologique : l’impact sur l’environnement doit être minimisé,

• impératif économique : le coût de traitement doit être concurrentiel,

• impératif réglementaire : la réglementation en vigueur doit être respectée,

• impératif d’évolution : les installations doivent pouvoir s’adapter à des évolutions techniques et réglementaires,

• impératif de communication : un effort considérable de communication et de transparence dirigé vers le public doit être mené.

Les moyens à mettre en œuvre

Le dernier impératif mentionné précédemment est la condition « sine qua non » pour obtenir le soutien des communautés locales et pour faire évoluer favorablement l’opinion.

Tableau I

Les déchets produits en France en 1990

Types de déchets Tonnage (Mt)
Déchets agricoles 400
Déchets ménagers
 • Ordures ménagères 20,5
 • Déchets encombrants 3
 • Véhicules usagés 1,4
 • Boues d’assainissement 3
 • Déchets verts 0,4 à 0,6
Déchets industriels
 • Déchets inertes 100
 • Déchets banals 32
 • Déchets spéciaux 18

Source : ANRED

Tableau II

Données relatives à l’habitat et à l’immobilier d’entreprises de l’agglomération nouvelle de Cergy-Pontoise

Nombre total de logements : 56 300

Répartition des logements (en %)

 • individuels : 46,7

 • collectifs : 51,2

 • autres : 2,1

Nombre d’hectares industriels commercialisés : 526

Répartition des surfaces par secteur d’activité (en m²)

 • secondaire : 650 000

 • ateliers d’entreprises : 600 000

 • autres : 115 000

 • tertiaire/bureaux : 710 000

Tableau III

Prévisions de développement pour les années 1991-1995 pour l’agglomération nouvelle de Cergy-Pontoise

Données annuelles

 • Nombre de logements : 1 500 à 2 000

 • Nombre d’emplois : 2 000 à 2 500

 • Nombre d’hectares industriels : 20 à 25

 • Nombre de m² de bureaux : 20 000 à 40 000

publique vis-à-vis de la problématique « Déchet ». La perception du public face au problème de la gestion des déchets ou de l’impact de telle ou telle installation sur l’environnement est dans une phase de très forte modification. Ce mouvement doit être accompagné d'une action forte de dialogue et éventuellement de formation. Bien en amont de cette politique de communication, de considérables efforts de recherche et de développement doivent être entrepris pour perfectionner ou mettre au point les technologies de gestion propre des déchets.

Pendant longtemps, la gestion des déchets a fait appel à des savoir-faire spécifiques qui négligeaient toute approche scientifique ou intégrée : il s’agissait par exemple d’optimiser la tournée de la collecte des déchets ménagers en fonction du trafic routier, ou de sélectionner un terrain susceptible d’accueillir une décharge municipale. Pour les raisons évoquées précédemment, de telles considérations ne sont plus suffisantes. L'apparition de technologies de plus en plus élaborées dans les métiers du déchet est un phénomène récent. Afin de satisfaire, voire d’anticiper, les objectifs de qualité fixés par la réglementation, il convient de mettre en œuvre d’importants programmes de recherche et de développement.

Plusieurs axes d'investigation sont considérés comme prioritaires au sein du Groupe Générale des Eaux. Certains d’entre eux sont évoqués ci-après.

Les techniques de collecte séparative

Les efforts de recherche en ce domaine présentent plusieurs dimensions :

• une dimension technique : il s‘agit de définir et de concevoir de nouveaux matériels de collecte (contenants et véhicules) en vue d’accroître les quantités et qualités des matériaux récupérés ;

• une dimension organisationnelle : les avantages et les limites des collectes en porte-à-porte ou par apport volontaire doivent être évalués en fonction essentiellement de critères démographiques ou urbanistiques ;

• une dimension économique : il est important d’étudier l’efficacité économique des différentes techniques de collecte, leur adaptabilité en fonction de l’évolution des objectifs de recyclage, et d'intégrer les coûts de collecte à ceux du tri et du conditionnement des matières premières secondaires afin de rechercher un optimum économique ;

• une dimension sociologique : analyser et comprendre les attitudes et comportements des habitants face à l’effort personnel qui leur sera demandé en faveur d’un tri à la source est indispensable. À partir de cette analyse, il est possible de définir une stratégie d'information et de sensibilisation efficace.

CGEA-Onyx est particulièrement impliquée dans la réalisation de ces quatre axes de recherche et participe activement à la mise en place d’opérations pilotes ou permanentes de collecte séparative.

Au-delà de ces questions, des recherches doivent être entreprises pour favoriser le développement de nouvelles méthodes de tri (mécanisation accrue) et de capacité de recyclage.

La valorisation thermique

La valorisation thermique des déchets nécessite non seulement la mise au point de techniques de combustion à haut rendement (faible taux d’imbrûlés), mais aussi l'élaboration de procédés de traitement des émissions de combustion particulièrement performants. Ce double objectif est une préoccupation constante de la Compagnie Générale de Chauffe. Des travaux de recherche sont menés conjointement sur l’élargissement du champ d’application du procédé de combustion dénommé L.4.F.®, d'une part, et l’étude d’un système de traitement des fumées et des résidus du traitement basé sur l’utilisation de réactifs sodiques, d’autre part. Le procédé L.4.F. utilise une technique de combustion en lit fluidisé dense développée initialement pour le traitement de la fraction combustible des ordures ménagères. Les qualités intrinsèques de ce procédé — dépollution in situ, haut rendement énergétique — le rendent particulièrement bien adapté au traitement de certains déchets solides ou pâteux mis actuellement directement en décharge, faute de traitement approprié. Il s’agit notamment des déchets de pulpeurs de papeterie, des pneumatiques usagés, des sables de fonderie, ou encore des stériles automobiles.

La mise en œuvre et l’évaluation des procédés de solidification/stabilisation

Depuis 1975, SARP-Industries a élaboré une large gamme de procédés de solidification/stabilisation des résidus de traitement de déchets ménagers et industriels spéciaux. Les procédés Ashrock® et Ecofix®, applicables aux résidus pulvérulents des unités d’incinération d’ordures ménagères pour le premier, aux déchets industriels liquides ou boueux et aux résidus pulvérulents des unités d’incinération de déchets industriels pour le deuxième, se situent désormais dans une phase de développement industriel. Les axes de recherche poursuivis aujourd’hui se situent en aval des procédés de solidification/stabilisation : ils concernent l’évaluation de ces divers procédés et la caractérisation des produits obtenus. La spéciation des métaux lourds et la tenue physico-chimique et mécanique à long terme des produits stabilisés constituent des préoccupations majeures.

Le stockage des déchets ultimes

La disparition progressive d’ici dix ans des décharges classiques conduit à concevoir des centres de stockage qui devront présenter plusieurs niveaux de sécurité. En particulier, la qualité intrinsèque des produits à stocker (ou déchets ultimes) constituera la sécurité « active » du site d’accueil, et la typologie de ce site assurera la sécurité « passive » vis-à-vis de l’environnement. ADT-Onyx et SARP-Industries entreprennent de nombreux travaux de R&D concernant la réalisation de ce deuxième niveau de sécurité. Il s’agit en particulier de définir les procédures de contrôle, d’échantillonnage et d’analyse des produits à stocker, de mettre au point une technique d’apport de ces produits dans les alvéoles d’accueil ou encore d’établir des procédés de diagnostic et d’entretien des réseaux de drainage.

Les techniques d’évaluation des risques et l’étude d’impact

Le développement de techniques de traitement de déchets doit être accompagné par celui d’une méthode cohérente et complète d’évaluation, de surveillance et de prévention des risques liés aux installations de traitement de déchets, mais aussi de l’étude d’impact de celles-ci sur l’environnement. Cette méthode doit s’appuyer sur des instruments fiables permettant de quantifier les risques grâce à des paramètres de toxicité, d’écotoxicité, et de dispersion-transfert dans les milieux naturels et dans les êtres vivants. Cet ensemble d'études est l'une des missions du Centre de Recherches et d’Essais pour l'Environnement et le Déchet du Groupe Générale des Eaux. Une telle démarche permettra de disposer d’un cadre opératoire rationnel et de favoriser la communication externe.

Les outils d’optimisation et d’intégration

Optimiser la gestion des déchets repose sur le développement d’outils de métrologie et d'aide à la décision en particulier. Une application possible est le traitement des émissions de combustion des déchets, lequel peut être optimisé grâce à un système de transfert et d’exploitation des données établissant un lien direct entre les analyseurs situés en sortie de cheminée et les systèmes de commande et de pilotage de l’ensemble de l’installation. Un autre exemple est celui d’un système-expert permettant d’identifier les cheminements de traitement optimaux par type de déchet, dans un contexte local donné et paramétré.

Aurore, un projet global pour la gestion des déchets urbains

L’agglomération nouvelle de Cergy-Pontoise rassemble 11 communes de l’Ouest de Paris qui ont connu une forte croissance depuis 1968. En 25 ans, la population totale est passée de 40 600 à 170 000 habitants, et le rythme de croissance actuel est de 7 000 nouveaux habitants par an. Les tableaux II et III fournissent quelques données relatives à l’habitat et aux prévisions de développement de l’agglomération nouvelle.

En 1991, le SAN (Syndicat de l'Agglomération Nouvelle de Cergy-Pontoise), désireux d’adopter une nouvelle démarche, a lancé un appel d'offres pour le traitement global de ses déchets urbains. Les méthodes d’élimination encore utilisées actuellement sont la collecte classique et la mise en décharge. En 1991, 70 640 tonnes de déchets ménagers et 2 750 tonnes d’encombrants ont été collectés dans l'ensemble des communes du SAN. Des projets globaux privilégiant le recyclage des déchets et leur valorisation, de la définition des procédés à la commercialisation des sous-produits, étaient souhaités. La collecte n’était pas incluse dans le cahier des charges et le traitement des déchets ménagers et des encombrants était jugé prioritaire. Des propositions pour le traitement des déchets industriels banals (DIB), des gravats inertes et des déchets verts étaient attendues. D’autres priorités concernaient l’impact sur l'environnement, qui devait être évalué et limité, le respect des lois présentes et futures, la possibilité d’adapter le projet à l'évolution réglementaire grâce à des améliorations techniques, et finalement, un effort de communication et de sensibilisation dirigé vers le public.

Le projet Aurore, élaboré en commun par trois sociétés du Groupe Générale des Eaux spécialisées dans les diverses activités du traitement des déchets urbains (Compagnie Générale de Chauffe, Ipodec-Onyx, et Omnium de Traitement et de Valorisation des Déchets), fut sélectionné. Aurore présente un programme ambitieux qui dépasse le cahier des charges initial puisqu’une part importante du projet concerne la mise en œuvre de techniques de collecte.

Conçue pour optimiser la récupération, le recyclage et la valorisation, cette nouvelle filière comprend :

  • un réseau de cinq déchetteries pouvant accueillir les déchets ménagers spéciaux, mais aussi les ferrailles, les gravats, les déchets verts, le papier/carton, le verre et le PVC ;
  • deux réseaux de « points d'apport volontaire » qui comprendront 200 points de collecte pour le verre et le PVC, et 200 autres pour le papier et le carton ;
  • la mise en place d’une opération de collecte sélective en porte-à-porte pour l’habitat horizontal, permettant la séparation des déchets fermentescibles du reste des déchets ménagers avec une opération-test sur 2 000 foyers ;
  • un centre de traitement constitué par trois unités étroitement articulées : une unité de tri, de recyclage et de récupération, une unité de compostage de déchets organiques, une unité de valorisation thermique permettant la cogénération d’électricité et de chaleur. D’autres installations seront opérationnelles dans l'enceinte du centre de traitement : un laboratoire de recherche et des locaux d’enseignement pour l'Université de Cergy-Pontoise et le Polytechnique Saint-Louis, une déchetterie spécialisée pour les artisans et les petits entrepreneurs locaux, et un centre d'accueil pour le public ;
  • un réseau de décharges contrôlées pour le stockage des résidus ultimes obtenus après un traitement de stabilisation.

Aurore est le premier projet français réalisé sur une agglomération de la taille de Cergy-Pontoise qui offre une filière de traitement aussi complète et performante pour le traitement des déchets ménagers (y compris les déchets ménagers spéciaux), les déchets encombrants et les déchets verts. La capacité opérationnelle initiale du centre de traitement atteindra 188 000 tonnes/an dont 120 000 tonnes d’ordures ménagères, capacité qui pourra être portée à terme à 230 000 tonnes/an si nécessaire. En rythme de croisière, Aurore conduira à la production annuelle de 15 000 tonnes de compost, 19 000 tonnes de matériaux recyclables, 2 500 tep sous forme d’électricité, 16 000 tep sous forme de chaleur.

Une extension des opérations de collecte sélective sera possible. L’unité de tri sera équipée d’une chaîne modulable permettant le tri mécanisé des DIB et de la fraction non fermentescible des déchets ménagers issus de l'opération de collecte sélective. Les déchets verts et la fraction fermentescible des déchets ménagers triés à la source approvisionneront l’unité de compostage. Un compost de haute qualité sera ainsi produit. L'unité de valorisation thermique sera largement conforme à la réglementation européenne grâce à un traitement performant des émissions de combustion. Les cheminements du traitement des différents types de déchets sont représentés sur la figure 1.

Le projet Aurore s'attachera à associer étroitement tous les acteurs de la vie locale grâce à plusieurs mesures. Un effort particulier a été porté à l’architecture du centre de traitement (figure 4) qui devra s’intégrer dans un parc d’activité high tech. Les visites du centre par le public seront encouragées. Un partenariat étroit avec des universités locales et leurs laboratoires de recherche permettra un renforcement du potentiel de recherche appliquée du Groupe Générale des Eaux. Enfin, un important programme de communication intégré dans la conception même du projet et ayant pour but d’informer le public, d'obtenir son adhésion et sa participation efficace, complète la filière Aurore.

Conclusion

La gestion des déchets requiert l'intervention de multiples professions aux compétences et aux savoir-faire variés. Afin de tendre vers l’optimisation de la gestion des déchets et la réduction de l'impact sur l'environnement, l’ensemble de ces connaissances doit être intégré afin de donner naissance à une vision globale des problèmes liés aux déchets prenant en compte les spécificités de chaque situation : dans cette optique, le projet Aurore est très innovant. Les techniques et les procédés qui seront mis en œuvre sont actuellement parmi les plus performants. Le traitement architectural du projet ainsi que son caractère complet et de transparence sont destinés à concrétiser la valeur de référence de cette filière en matière de gestion des déchets urbains.

Comme le démontre l’exemple de Cergy-Pontoise, le temps est venu de tourner une nouvelle page de l’histoire des déchets et de substituer, tant dans le vocabulaire que dans les faits, à la collecte traditionnelle une collecte séparative, et donc de transformer l’usager en un citoyen partenaire, de remplacer l'enfouissement des déchets bruts par le tri-traitement/valorisation, la concurrence des techniques par leur complémentarité, et l’approche parcellaire par une approche globale et planifiée.

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