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La gestion du risque CVM dans les conduites des réseaux de distribution

30 avril 2014 Paru dans le N°371 à la page 95 ( mots)
Rédigé par : M. LAFFORGUE

La question du CVM (Chlorure de Vinyle Monomère) est une problématique sanitaire émergente. Elle est principalement liée au relargage du CVM depuis les conduites en PVC datant d'avant 1980, et de façon nettement plus ponctuelle à des contaminations des eaux souterraines. La norme d'eau potable est de 0,5 ?g/l vis-à-vis de ce composé. Or il apparaît que le risque de dépassement de cette norme d'eau potable dans les réseaux de distribution est dépendant non seulement du matériau (PVC d'avant 1980) mais aussi de la température et du temps de séjour. Face à ce risque émergent, une instruction d'octobre 2012 demande le repérage des conduites à risque et la gestion de ce risque. Afin de caractériser les conduites à risque, SAFEGE a développé un nouveau module du logiciel Piccolo qui permet d'établir les temps de séjour sélectifs dans les portions de conduites à risque, ces temps de séjour étant alors reportés sur une carte du réseau de distribution (car l'eau voyageant, une eau contaminée peut migrer vers d'autres parties du réseau). Cet outil permet donc d'identifier les portions de réseau sur lesquels faire porter les efforts, ce qui constitue une clé pour la programmation des opérations de réduction du risque de contamination vis-à-vis de ce paramètre.

Afin de caractériser les conduites à risque, SAFEGE a développé un nouveau module du logiciel Piccolo qui permet d’établir les temps de séjour sélectifs dans les portions de conduites à risque, ces temps de séjour étant alors reportés sur une carte du réseau de distribution (car l'eau voyageant, une eau contaminée peut migrer vers d’autres parties du réseau). Cet outil permet donc d’identifier les portions de réseau sur lesquels faire porter les efforts, ce qui constitue une clé pour la programmation des opérations de réduction du risque de contamination vis-à-vis de ce paramètre.

Le chlorure de vinyle monomère (CVM) est un composé chimique notamment utilisé pour produire son polymère, le polychlorure de vinyle (PVC) qui est d’usage courant dans les conduites des réseaux de distribution. Or il a aussi été montré que le CVM migre ponctuellement dans l’eau à partir de certaines conduites en PVC. Il s’agit des conduites en PVC de première génération (1970) pour laquelle la polymérisation du CVM était mal maîtrisée (avant 1980, elle était réalisée sans stripping, alors qu’après 1980 (ou 1975 pour certaines usines de fabrication), les procédés de fabrication du PVC ont changé, ce qui a fortement réduit ce risque de relargage).

Le CVM est également dans une moindre mesure produit par la dégradation du trichloréthane, du tétra-, tri- et dichloréthylène et peut migrer dans les eaux souterraines depuis des sites d’enfouissement techniques de déchets mal confinés.

Le chlorure de vinyle monomère (CVM) est un produit cancérigène. Il peut notamment être à l'origine d’angiosarcome hépatique, forme rare du cancer du foie et dans une moindre mesure de carcinome hépatocellulaire et de tumeurs du cerveau (AFSSA, 2005). Ainsi, depuis janvier 2004, qui est la date d’entrée en vigueur du décret 2001-1220 du 20 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine, la limite de qualité pour le chlorure de vinyle est fixée à 0,5 μg/l dans l’eau potable, qui est aussi la limite adoptée en Europe (INERIS, 2009).

Il a été observé ces dernières années que dans certaines conditions, les vieilles conduites en PVC pouvaient désorber du CVM en quantité suffisante pour conduire à des dépassements du seuil autorisé (Lafforgue, 2013).

L’instruction DGS/EA4/2012/366 du 18 octobre 2012 vise à régler ce problème. Cette instruction cible:

  • le repérage des canalisations en polychlorure de vinyle susceptibles de contenir du CVM résiduel risquant de migrer vers l'eau destinée à la consommation humaine,
  • et la gestion des risques sanitaires en cas de dépassement de la limite de qualité des eaux destinées à la consommation humaine pour le CVM (seuil de 0,5 µg/l).

Parmi les critères à définir, figurent la localisation (commune, hameaux…), la date ou période de pose des tronçons de canalisation en PVC, et le temps de séjour de l'eau dans les canalisations. Ces éléments font globalement partie du descriptif des réseaux des services publics prévu par le décret n° 2012-97 du 27 janvier 2012.

Caractérisation des conduites à risque

La principale question est de savoir comment appréhender les conduites à risque. La migration vers l'eau du CVM du matériau d'une conduite en PVC antérieure à 1980 augmente avec le linéaire du tronçon concerné de canalisation en PVC, avec la température de l'eau, avec la teneur en CVM résiduel initiale dans ce tronçon (ce point est malheureusement hautement variable d'une conduite à l'autre), et du temps de séjour de l'eau dans le tronçon. La température étant une donnée de forçage peu ajustable, et devant l'impossibilité de connaître la teneur en CVM résiduel initiale des tronçons de conduite PVC antérieures à 1980, les principaux éléments utiles pour caractériser le niveau de risque d'une conduite sont donc la date de fabrication de la conduite et le temps de séjour dans les tronçons à risque. Il est admis que des concentrations supérieures aux normes sont susceptibles d'être atteintes ou dépassées dès lors que le temps de séjour cumulé dans le PVC à risque dépasse 2 jours (DGS, 2012).

On peut donc considérer que le temps de séjour dans les tronçons de conduites à risque CVM est l’élément principal permettant de caractériser ce risque.

Outil de caractérisation du risque CVM

Afin de répondre aux besoins des maîtres d'ouvrage d'identification et de caractérisation des tronçons de leurs réseaux de distribution présentant un risque CVM, SAFEGE a ainsi développé un module de calcul. Celui-ci est lié au logiciel Piccolo modélisant les écoulements dans les réseaux de conduites en charge.

Afin de pouvoir faire tourner l’outil, il convient au préalable de disposer d’un réseau renseigné par matériaux de sorte à séparer les conduites en PVC datant d'avant 1980 des autres conduites. Les conduites en PVC non datées gagneront à être séparées en une catégorie spécifique, de façon à pouvoir les ranger comme conduite à risque ou pas et en évaluer l'impact.

Le module de calcul CVM fonctionne en incrémentant un curseur temps de séjour dans les conduites à risque, ce curseur ne s'incrémentant que lors des transits dans ces dernières conduites. Par ailleurs, les eaux se mélangent comme s'il s'agissait d'un traceur (si deux flux identiques arrivent dans une conduite en fonte ductile, le premier ayant passé 5 h dans une conduite à risque CVM, et l'autre 0 h, la résultante sera une eau ayant un temps de séjour de 2 h 30). Le module doit tourner sur une durée suffisante pour que les temps de séjour atteignent un seuil d’équilibre.

Les résultats sont émis sous forme de temps de séjour dans du PVC à risque.

[Photo : Localisation des conduites en PVC posées avant 1980.]
[Figure : Temps de séjour cumulé dans les conduites en PVC posées avant 1980.]

tableaux ou de cartes.

La démarche de SAFEGE permet de faire apparaître facilement les tronçons de conduites sur lesquels il y a un « temps de séjour en conduites à risque CVM » dépassant 48 h. À noter que, comme les eaux se déplacent, les eaux contaminées peuvent se retrouver à n’importe quel endroit d’un réseau de distribution, et l’on peut donc avoir des portions à risque situées dans des conduites récentes mais en aval d’une vieille conduite PVC. Il est donc important de visualiser l’ensemble du réseau de distribution sur ces cartes de niveau de risque. L’avantage de cette démarche est de permettre de disposer rapidement d’un résultat global sur le facteur de risque le plus pertinent qui est le temps de séjour en contact avec des PVC anciens.

Il est alors également possible d’identifier et de tester l’impact de mesures palliatives, ou correctives, comme :

• des purges sur certains tronçons ;

• des changements de conduites sur certains tronçons ;

• des manœuvres de vannes ;

• des maillages.

L’efficacité de ces différentes mesures peut être quantifiée en modélisant leur impact sur le temps de séjour à risque CVM dans le réseau de distribution. Le module CVM de Piccolo est donc à la fois un outil de diagnostic et un outil prospectif à visée de testeur de programme d’action.

À titre d’exemple, les figures 1 et 2 représentent deux cartes réalisées sur un réseau de distribution de 1 150 km de linéaire de conduites dont presque 1 000 km sont en PVC. La figure 1 fournit la cartographie des tronçons de conduite en PVC d’avant 1980, et la figure 2 donne les résultats des simulations caractérisant les temps de séjour dans les tronçons à risque. On notera, comme indiqué ci-avant, que les temps de séjour à risque CVM peuvent être élevés y compris dans des conduites qui ne sont pas en PVC d’avant 1980, ou à l’inverse faibles dans des tronçons en PVC anciens. Cela confirme la nécessité d’ausculter l’ensemble du réseau de distribution, du fait du déplacement des eaux potentiellement contaminées.

SAFEGE a également procédé au développement d’un indice de risque CVM, baptisé IRCVM, qui permet pour chaque section de canalisation en PVC posée avant 1980 de comparer les résultats des simulations avant/après remplacement (à diamètre identique). L’IRCVM se calcule comme suit :

Somme du volume journalier consommé dans une zone à risque après remplacement
IRCVM = 1 −
Somme du volume total journalier consommé dans une zone à risque avant remplacement

L’IRCVM est donc compris entre 0 % et 100 %, le tronçon dont le remplacement aura le plus d’impact positif étant représenté par l’indice maximal. Le résultat de cette analyse est un fichier attribuant pour chaque section un indice IRCVM permettant de hiérarchiser un programme de renouvellement en notant chaque section par rapport aux autres.

Conclusion

Le risque CVM est un risque émergent, désormais clairement identifié et faisant l’objet d’une instruction visant à le réduire. Dans un tel contexte, l’outil développé par SAFEGE offre un double avantage. Il sert d’aide au diagnostic (utile notamment pour choisir les sites de mesures des teneurs en CVM) et permet de tester et hiérarchiser différents moyens d’actions pour réduire ce risque.

Références bibliographiques

• AFSSA, 2005 – Fiche 7 – AFSSA 23498-23499. Évaluation des risques sanitaires liés au dépassement de la limite de qualité du chlorure de vinyle dans les eaux destinées à la consommation humaine, pp. 86-94.

• DGS, 2012. Instruction n° DGS/EA4/2012/366 du 4 octobre 2012. BO Santé – Protection sociale – Solidarité n° 2012/11 du 15 décembre 2012, page 432-446.

• INERIS, 2009. Chlorure de vinyle n° CAS 75-01-4, 15 pages.

• Laflorgue, M., 2013. Chlorure de Vinyle Monomère – État des lieux et préconisations. Rapport SAFEGE MIG_13_004, 46 pages.

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