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La gestion des déchets industriels en France

28 avril 1989 Paru dans le N°127 à la page 61 ( mots)
Rédigé par : L. DUBOST

Agence Nationale pour la Récupération et l'Élimination des Déchets

Après plus d'un siècle d'activité industrielle où seuls les critères de croissance et de compétitivité économique étaient pris en compte, la France s'est dotée en 1975 d'un texte de loi spécifique à la gestion des déchets qui, en particulier, fait obligation à toute personne qui produit ou détient des déchets, d’en assurer ou d’en faire assurer l'élimination dans des conditions propres à éviter toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement. Cette même loi est à l'origine de la création de l'Agence Nationale pour la Récupération et l'Élimination des Déchets - Les Transformeurs.

Une gestion satisfaisante des déchets industriels impose diverses conditions :

  • — connaître quantitativement et qualitativement la production de déchets industriels,
  • — coordonner et promouvoir la mise en place d’équipements de traitement et d’élimination des déchets industriels en rapport avec les besoins exprimés (ou supposés),
  • — favoriser l'innovation, l'amélioration et l'efficacité des techniques de traitement,
  • — faire accepter et comprendre par le public toutes les exigences imposées par les déchets industriels et leur traitement.

Les quatre thèmes sur lesquels l'Agence s’est et va particulièrement s’engager sont exposés ci-après.

Les déchets industriels : comment et combien ?

Les déchets industriels sont habituellement classés en trois catégories :

  • — les déchets inertes, constitués de déblais, gravats, matériaux internes issus du traitement des minéraux, etc. ; ces déchets sont le plus souvent mis en décharge ; leur production annuelle est estimée à 100 millions de tonnes ;
  • — les déchets banals, assimilables aux ordures ménagères et pouvant être traités par les mêmes méthodes ; ils sont constitués de bois, papiers, cartons, matières plastiques, etc. ; leur production annuelle est estimée à 32 millions de tonnes ;
  • — les déchets « spéciaux », caractéristiques de l'activité industrielle, contenant des éléments nocifs en concentration plus ou moins forte et présentant de ce fait des risques accrus pour l'environnement. Leur élimination doit être assurée avec des précautions particulières ; leur production annuelle est estimée à 18 millions de tonnes.

À l'intérieur de cette dernière catégorie, et selon le dernier projet de directive européenne, la catégorie des déchets industriels dangereux peut être identifiée ; elle regroupe :

  • — les déchets organiques (essentiellement déchets d’hydrocarbures, goudrons, solvants,...) traitables le plus couramment par incinération, bien que des traitements physico-chimiques soient en cours de développement pour les déchets très spécifiques. La présence de molécules chlorées dans une part importante de ces déchets nécessite pour les incinérateurs des dispositifs spécifiques d’épuration des fumées ;
  • — les déchets minéraux liquides ou semi-liquides (par exemple, bains de traitement de surface des métaux, acides ou bases) traitables par voie physico-chimique (neutralisation, séparation des éléments indésirables dans une phase solide, oxydation ou réduction) ; ces traitements ont pour but de réduire la toxicité des déchets, les phases solides sont ensuite éliminées en centre d’enfouissement technique ;
  • — les déchets minéraux solides (par exemple, sables de fonderie, boues de stations d’épuration industrielles, sels de trempe cyanurés,...) devant être traités par enfouissement technique ou entreposés en stockage profond suivant la toxicité de leurs éléments constitutifs et leur degré de solubilité potentielle.

Les quantités de déchets dangereux produites annuellement en France sont de l’ordre de 4 millions de tonnes. Il peut paraître surprenant que seules des estimations de production puissent être annoncées mais il est très difficile d’appréhender les véritables flux de déchets pour deux raisons principales :

  • — il n'est pas concevable d’organiser une enquête auprès de tous les industriels, et les extrapolations faites à partir d’échantillons de sociétés jugées représentatives sont potentiellement sources d'erreurs ;
  • — les procédés de fabrication sont en continuelle évolution, les productions de déchets également.

Cependant, et parce que cela est nécessaire à la définition d'une politique à moyen terme en matière de déchets industriels, l'Agence engagera en 1989 un important travail de réflexion sur une méthodologie d’évaluation et de prévision de la production des déchets industriels au plan national, en particulier à partir des consommations des matières premières constatées par branches d’activités.

Par ailleurs, et dans le cadre des travaux nécessaires à l’extension à neuf nouvelles catégories de déchets de la procédure d’agrément (article 9 de la loi du 15 juillet 1975), l'Agence réalisera un point précis, tant quantitatif que qualitatif, sur les déchets contenant du mercure, du cadmium ou de l’arsenic, les sels de trempe cyanurés, les boues d’hydroxy-

[Photo : Fig. 1 : Carte des centres collectifs de traitement des déchets industriels. Légende : © Centre d’incinération ; © Cimenterie brûlant des déchets ; & Centre de traitement physico-chimique (détoxication, neutralisation, déshydratation, solidification de boues, etc.) ; ® Centre de traitement spécialisé dans le traitement des huiles solubles et/ou des mélanges eau-hydrocarbures.]

des métalliques, les boues de peinture, les déchets organo-halogénés, les goudrons sulfuriques et les déchets issus des installations thermiques.

Le traitement et l’élimination des déchets industriels : comment, combien et où ?

Suivant leur nature, les déchets industriels peuvent être traités ou éliminés de différentes façons :

— les déchets de nature organique (déchets d’hydrocarbures, solvants, goudrons, ...) sont le plus couramment traités par incinération. Pour lutter contre le rejet de fumées acides, ces incinérateurs sont dotés d’équipements de traitement des fumées qui captent également les métaux lourds ;

— les déchets liquides de nature minérale (bains de traitement de surface, acides, bases, ...) subissent des traitements physico-chimiques visant à réduire leur toxicité, d’où le terme de détoxication qui regroupe les opérations de neutralisation, oxydation, réduction, filtration... ;

— les déchets minéraux solides (sables de fonderies, sels de trempe, boues d’hydroxyde métallique...) font l’objet d’opérations de stockage, d’enfouissement. En fonction de la toxicité et du caractère éventuellement soluble des déchets, ce stockage peut être superficiel (centre d’enfouissement technique) ou profond.

Pour assurer l’élimination de leurs déchets dans des conditions satisfaisantes pour l’environnement, les industriels utilisent leurs propres installations ou font appel à des centres collectifs de traitement ou d’enfouissement qui, au nombre d’une cinquantaine (figures 1 et 2), ont développé des techniques performantes de traitement :

— par incinération à haute température ou évapo-incinération pour des déchets de nature organique éventuellement chlorés (600 000 tonnes/an de capacité installée) ;

— par détoxication (neutralisation, oxydation, réduction, cassage d’émulsion, ...) pour des déchets liquides pollués par des éléments minéraux (300 000 tonnes/an de capacité installée) ;

— par enfouissement technique pour des déchets solides contaminés par des éléments minéraux peu solubles (500 000 tonnes de déchets traités).

En 1987, les résultats obtenus ont été les suivants :

— 37 centres collectifs de traitement (histogramme 1) de déchets ont éliminé 892 400 tonnes de déchets industriels dangereux, dont l’activité a progressé de 15 % par rapport à 1986 ;

— 12 centres d’enfouissement technique (histogramme 2) ont assuré le confinement de 550 776 tonnes de déchets industriels dangereux.

Par ailleurs, les industriels français ont exporté pour élimination ou traitement 25 000 tonnes de déchets (dont 1 500 tonnes pour stockage profond en mine de sel en RFA). Il est à noter que l’outil d’élimination des déchets industriels que constitue le stockage profond en structure géologique saline est le seul qui fasse défaut à la panoplie française des moyens de traitement. Il y a là matière à produire un effort particulier tout comme pour l’ouverture de centres d’enfouissement technique dans des régions particulièrement déficitaires (Rhône-Alpes, Sud-Ouest, voir figures 1 et 2).

[Photo : Fig. 2 : Carte des décharges contrôlées de déchets industriels. Légende : ◆ Décharge en exploitation.]

Efficacité des techniques de traitement : pourquoi et comment ?

Un traitement efficace des déchets industriels signifie la disparition effective du caractère polluant des déchets, sans aucun transfert de pollution vers l’environnement (air, eaux, sols).

L’efficacité d’un traitement peut donc s’exprimer suivant les cas par un coefficient de destruction ou de piégeage des polluants (le coefficient doit être souvent proche de 99,999 %).

À la demande du ministère de l’Environnement, et dans le cadre de l’extension de la procédure d’agrément à de nouvelles catégories de déchets, l’Agence a engagé un programme d’études visant à définir une méthodologie de mesure de l’efficacité des unités de traitement. La mesure de cette efficacité conduira nécessairement à qualifier, sélectionner les meilleurs équipements et à faciliter leur exportation.

Par ailleurs, et vis-à-vis du public, il devient tout à fait nécessaire de pouvoir affirmer, prouver en connaissance de cause et sur la base d’essais fiables, que tel ou tel équipement est efficace et sans danger pour l’environnement. D’où l’importance que l’Agence accordera en 1989 à la mise au point de procédures de qualification des outils de traitement des déchets, en liaison avec les industriels les plus motivés.

[Photo : Histogramme 1. ÉLIMINATION DES DÉCHETS INDUSTRIELS EN CENTRES COLLECTIFS – TOTAL INCINÉRATION ET DÉTOXICATION]

Informer le publicsur les déchets industriels :pourquoi, comment ?

De nos jours, le principal facteur limitant la création de nouveaux centres de traitement et d’élimination des déchets industriels n'est ni la faiblesse des besoins, ni le manque de financement, ni l'absence de technologies, mais bien le refus quasi systématique des populations de voir s’implanter un centre à leur voisinage.

Il faut bien avouer qu’à ce jour, et il en est de même dans les autres pays européens, il y a eu peu d'études visant à :

— mettre en évidence les conséquences et impacts sociaux, psychologiques, sanitaires et économiques des centres de traitement des déchets sur les populations riveraines,

— évaluer et comprendre la façon dont ces populations perçoivent les déchets dangereux et les équipements créés pour les traiter,

— recenser et analyser les moyens d’information, de consultation et de participation développés pour permettre l’expression du public, les raisons de leur réussite ou de leur échec,

— conclure, en tenant compte des expériences vécues, sur une série de recommandations et mesures (réglementaires, techniques, informatives, participatives,…) pouvant permettre l'implantation de nouveaux centres de traitement des déchets (ou la réhabilitation de sites contaminés) avec un minimum de préjudices sociaux, psychologiques, sanitaires ou économiques pour les personnes vivant à leur proximité.

[Photo : Histogramme 2. ÉLIMINATION DES DÉCHETS INDUSTRIELS EN CENTRES D’ENFOUISSEMENT TECHNIQUE]

L'Agence s'est engagée dans cette démarche et compte sur les professionnels des déchets et les industriels producteurs pour mettre en œuvre les principales recommandations qui pourront être faites, en particulier en matière d’information et de consultation du public.

Conclusion

Trop longtemps, la gestion des déchets industriels s'est résumée à la récupération de quelques résidus ayant une valeur marchande reconnue (ferrailles, non-ferreux, papiers-cartons, …) et au rejet sans nuance et sans précaution des autres déchets.

Le souci de préserver l'environnement et de mieux maîtriser les matières premières et l'énergie impose une gestion plus rationnelle et plus efficace des déchets industriels. Une connaissance plus précise des caractéristiques des déchets, un meilleur tri à la source, un conditionnement adapté, sont des préalables à toute volonté d’assurer une élimination (et, si possible, une valorisation) optimale des déchets.

En France, depuis plus de dix ans, les pouvoirs publics ont soutenu activement la création d'un réseau national de centres collectifs pour l’élimination des déchets industriels.

Ce soutien s'est manifesté principalement par la création d'un cadre législatif plus exigeant (loi du 15 juillet 1975 sur l’élimination des déchets, et loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées pour la protection de l’environnement), par la mise en place de mesures incitatives (aides financières aux investissements) et par un soutien constant aux travaux de recherche visant à améliorer les techniques de traitement ou à concevoir des technologies ou des produits de consommation qui ne soient pas source de déchets dangereux.

Cette synergie entre les secteurs public et privé en faveur d'un même objectif, « le traitement efficace des déchets industriels », a conduit à doter la France d'un réseau dense mais encore insuffisant de centres collectifs de traitement et d’élimination des déchets industriels. Insuffisants car certaines régions restent fortement déficitaires en centres d’enfouissement technique, et qu’au plan national, la France n’a pas résolu le problème de l’élimination de certaines catégories de déchets redevables d'un stockage profond dans des structures géologiques stables.

La progression régulière du traitement des déchets industriels toxiques et dangereux en centres collectifs (500 000 tonnes en 1982, près de 900 000 tonnes en 1987) et l'amélioration constante de l’efficacité des techniques de traitement est la marque d’une certaine réussite de ce secteur d’activité et des besoins réels des industriels producteurs de déchets. Même si, localement, les centres de traitement sont de plus en plus difficilement acceptés par les populations qui ne disposent pas toujours de suffisamment d’éléments d’appréciation, l'environnement a tout à gagner d'un réseau performant de centres collectifs de traitement des déchets industriels.

Réduction des quantités de déchets dangereux produites, qualification de l'efficacité des unités de traitement, sécurité à long terme des centres d’enfouissement, information et formation du public constituent donc les principaux objectifs de la politique française en matière de gestion des déchets industriels.

[Photo : Fig. 3 : Centre de traitement St-Vulbas (Ain)]

Les Transformeurs, forts de douze années d’expérience spécifiques à la gestion des déchets industriels sont à la disposition et à l’écoute de tous ceux qui souhaitent et s’emploient à préserver l’environnement.

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