On estime que 20 % de la population française traite ses eaux domestiques par assainissement autonome, ce qui représente environ 4 millions de systèmes, et qu’environ 150 000 nouvelles installations sont réalisées chaque année. Ce sont les fosses septiques (« eaux vannes » ou « toutes eaux ») qui sont majoritairement utilisées en tant que prétraitement des effluents. Les fosses « toutes-eaux », d’un volume minimal de 3 m³, reçoivent toutes les eaux usées issues de l’habitation. Réglementairement, la fosse est associée à un traitement complémentaire aérobie, le plus souvent par épandage souterrain, filtre à sable (cf. norme AFNOR XP P16 603) ou lit filtrant à massif de zéolithe (brevet Eparco).
Rôles et principes de fonctionnement
Une fosse septique a deux rôles :
- - Séparation des phases liquide et solide qui constituent l’ensemble des eaux usées domestiques, c’est-à-dire rétention dans la fosse des matières solides en suspension de façon à protéger l’épandage aval contre tout risque de colmatage direct. Ce sont essentiellement des mécanismes hydrauliques qui interviennent ici : décantation, flottation.
- - Solubilisation et gazéification des macromolécules organiques qui constituent les boues décantées. Ce sont des phénomènes biologiques qui sont ici mis en jeu : métabolismes anaérobies microbiens.
[Photo : Figure 1 – Schéma de fosse septique]
Décantation
Dans un décanteur idéal, et en dehors des zones de turbulences dues à l’entrée et à la sortie des effluents, le rapport Q (débit)/A (surface) détermine une vitesse de chute V₀. Toutes les particules dont la vitesse est supérieure à V₀ sont retenues par le décanteur.
Lorsque, à débit égal, la surface du décanteur augmente, la vitesse V₀ diminue et la quantité de particules retenues augmente.
Le phénomène de décantation est influencé par les courants de densité qui peuvent se créer dans le décanteur sous l’action des variations de température ou de la densité de particules en un point.
Ainsi, théoriquement, la mise en place de deux fosses en série est discutable puisque la seconde améliore peu le rendement d’élimination des MES par rapport à la première. Ce fait est important car on préconise parfois la mise en série de deux fosses, ou bien la compartimentation 2/3–1/3 d’une même fosse (ce qui revient à faire suivre un décanteur par un second plus petit).
Ces considérations théoriques sont applicables dans le cas des fosses septiques à condition qu’un dispositif d’entrée limite l’influence des turbulences à une faible proportion du volume de la fosse. Les débits en sor-
[Photo : Schéma de la fosse septique toutes eaux Eparco (brevetée).]
Le niveau des fosses est écrêté, car les fosses assurent un très bon amortissement hydraulique : ainsi, une chasse d'eau de 8 litres qui entre quasi instantanément dans une fosse de 3 m³ n'en ressort qu'en 10 min.
Solubilisation et gazéification
Le second rôle d'une fosse septique est de solubiliser les matières solides organiques retenues par décantation (et par flottaison) et, à terme, de les gazéifier. Ce sont essentiellement des mécanismes biologiques anaérobies qui vont assurer ces fonctions par une série de réactions en relais (hydrolyses enzymatiques, acido-, acéto- et méthanogenèse). Cela est essentiel car un simple stockage des matières conduirait à des vidanges très rapprochées. Ainsi, on a estimé que si ces mécanismes n'avaient pas lieu, une fosse septique de 3 m³, recevant les effluents de 5 personnes, devrait être vidangée tous les six mois environ.
Du fait des températures relativement basses dans les fosses septiques (15 °C environ en pays tempéré) la méthanisation s'effectue lentement et ne démarre qu'entre 3 mois et un an après la mise en service de la fosse. Seul le long temps de séjour des boues, réglé en fait par les intervalles de vidange, permet aux populations bactériennes mises en jeu de se maintenir efficacement.
Un suivi de l'évolution des boues de fosses septiques à 15 °C, dans un système fermé, a montré que la fermentation complète demande plus de 2 ans. Le processus a lieu même à 4 °C et l'extrapolation des résultats acquis sur six mois à cette température conduit à un délai de fermentation de sept ans.
Dans les conditions difficiles de fonctionnement des fosses septiques (substrats complexes, températures basses, absence de brassage), l'acétogenèse et la méthanogenèse sont généralement trop limitées pour pouvoir, à elles seules, éliminer les acides gras issus de l'acidogenèse. Ceux-ci risquent donc de se trouver en excès. Les AGV sont entraînés par l'effluent et la fosse atteint un fonctionnement biologique optimal. Ils peuvent aussi avoir tendance à s'accumuler et alors bloquer totalement le système biologique (à partir de 2 g/L environ) et ce, dès le stade de l'hydrolyse. Dans des fosses engorgées, les concentrations en acétate et en propionate peuvent atteindre chacune des valeurs supérieures à 1 g/L, et on peut constater la présence d'acides polycarbonés (jusqu'à C6).
On note aussi que la concentration en AGV augmente entre la surface et le fond des boues. De même, une étude sur 40 fosses a montré que plus l'épaisseur des boues est importante, plus la concentration en AGV est élevée.
Donc, pour favoriser l'évacuation des AGV vers le surnageant, et par là même favoriser le processus de l'hydrolyse, il faut obtenir la plus grande surface de contact possible entre les boues et le surnageant. De même que pour la décantation, la compartimentation des fosses, ou la mise en série de deux fosses de petit volume, va à l'encontre de ce qui est attendu en provoquant une accumulation excessive des boues dans le premier compartiment. Les fosses doivent donc être non compartimentées et de forme basse pour offrir la plus grande surface d'échange possible entre les boues et le surnageant. Lorsque l'on doit placer plusieurs fosses sur une même installation, elles doivent être mises en parallèle plutôt qu'en série.
Efficacité du prétraitement
Le tableau 1 montre les performances mesurées in situ sur des fosses toutes eaux Eparco alimentées par des effluents domestiques [Philip et al. 2003] (volume utile des fosses = 5 m³, charge organique appliquée = 11 EH à 120 g de DCO par EH, concentration en entrée : DCO 774 mg/L, MES 322 mg/L).
Tableau 1 : Résultats en sortie de fosses Eparco (11 EH, 300 jours de suivi)
Les rendements d'épuration classiquement obtenus par les fosses sont de l’ordre de :
- Matières organiques : 50 %
- MES : 80 %
Caractéristiques
Le tableau 2 donne la composition moyenne des boues après deux ans de fonctionnement d'une fosse.
Tableau 2 : Composition moyenne des boues
Paramètres | Quantité |
Matières sèches g/L | 20-40 |
Matières volatiles g/L | 15-30 |
N total g/L | 0,6-2,0 |
P total g/L | 0,15-0,6 |
pH | 6,8 |
Coliformes/100 ml | 10 |
Streptocoques fécaux/100 ml | 108 |
Taux d'accumulation des boues
La digestion anaérobie des boues se réalise lentement car elle résulte d'une succession de cinétiques diverses. Le potentiel méthanogène du milieu permet de définir la capacité de la boue à transformer la matière organique en méthane. Plus ce potentiel est élevé, plus la boue est « active ». On le mesure en plaçant un volume connu de boue dans un flacon hermétiquement fermé, en incubant l'ensemble à une température donnée et en effectuant au cours du temps des dosages du méthane dans la phase gazeuse. La valeur moyenne du potentiel méthanogène d'une boue de fosse de un à deux ans d'âge est de l'ordre de 40 ml/L j à 20 °C ; si l'on isole ces boues dans un réacteur à l'abri de l'oxygène, elles vont continuer de fermenter pendant au moins un an, donnant encore à cette issue une production de 15 ml/L j.
On constate que le taux d'accumulation des boues dans une fosse septique évolue donc pendant au moins trois ans après sa mise en service, et peut diminuer jusqu'à moins de 0,15 L/pers.j. La figure 2 donne l'évolution du taux moyen d'accumulation des boues (litre par personne et par jour) mesuré sur 33 fosses in situ à partir de leur mise en service [Philippi et al., 1992].
[Photo : Figure 2 : Évolution du taux d'accumulation des boues dans une fosse septique.]
- Phosphore : 30 %
- Azote : < 4 %
Il n'y a pas d'effet sensible sur la charge bactériologique de l'effluent.
Dans tous les cas une fosse toutes-eaux doit pouvoir délivrer un effluent contenant moins de 100 mg/L de MES. Cette performance doit être obtenue du fait des seuls mécanismes de la décantation et indépendamment de la mise en jeu d'un préfiltre en sortie. En effet, l'utilisation d'un préfiltre pour pallier une mauvaise conception de la décantation conduit à des fréquences d'entretien prohibitives.
Au niveau de l'évolution du volume des boues, on peut observer un pic trois mois environ après la mise en service (ou la vidange) de la fosse. Le volume est alors semblable à celui que l'on retrouvera deux à trois ans plus tard. Ce volume diminuera ensuite par modification de la structure (notamment des fibres cellulosiques qui représentent plus de 30 % des boues domestiques) et du tassement pour progresser à nouveau par accumulation.
On peut noter que, plus les intervalles de vidange sont grands, plus les boues sont digérées. À l'opposé, une fréquence annuelle conduit souvent à collecter 30 à 40 % de la charge des effluents bruts, la fosse ne fonctionnant alors jamais en régime permanent, la méthanisation ne pouvant atteindre son rendement optimal.
Suivant le volume et le nombre d'usagers d'une fosse, les intervalles de vidange nécessaires sont très variables. Avec quatre usagers, par exemple, une fosse de 3 m³ nécessiterait une vidange tous les six ans ; mais avec deux usagers, cette fosse aurait un intervalle de vidange de quinze ans environ. Avec 5 m³, les intervalles sont encore supérieurs : jusqu'à vingt ans pour trois personnes. Il y a donc tout intérêt à dimensionner le plus largement possible les fosses. Eparco a d'ailleurs fixé le volume minimal de sa gamme à 5 m³.
Il faut noter que l'utilisation d'un activateur biologique composé de micro-particules minérales tel qu'Eparcyl permet de réduire encore le volume des boues, en accroissant les phénomènes d'hydrolyse et de méthanisation. Les effets de ce produit sur la dégradation anaérobie de divers substrats et ses interactions avec les hydrolases ont fait l'objet de nombreuses publications scientifiques [Maunoir et al., 1990, 1991]. Des travaux sont actuellement en cours avec une unité du CNRS pour étudier les interactions avec les bactéries elles-mêmes.
Ainsi, seul le contrôle de la hauteur des boues peut permettre de définir la nécessité de vidanger une fosse. Eparco a mis au point pour cet usage deux appareils de mesure de niveau de boue, car cette mesure délicate est indispensable :
- un détecteur portable permettant de mesurer la hauteur des boues dans tout type de fosse ;
- un détecteur intégré dans les fosses Eparco et déclenchant une alarme lorsque le niveau critique des boues est atteint.
Dans les deux cas, le système est basé sur l'extinction d'un signal lumineux après un trajet optique de 8 cm dans le liquide.
[Encart : Références bibliographiques
Maunoir S., Philip H. et Rambaud A. (1990). Stimulation de la méthanisation psychrophile par un bioactivateur pour fosse septique. Wat. Res., 24 : 195-205.
Maunoir S., Sabil N., Rambaud A., Philip H. et Coletti-Previero M.A. (1994). Role of insoluble enzymes in anaerobic treatment and enzyme bioactivator interactions. Environ. Technol., 12 : 313-323.
Philip H., Maunoir S. et Rambaud A. (2003). Dimensionnement et entretien des fosses toutes eaux : nouvelles tendances. L'Eau, Industrie, les Nuisances, n° 263, 51-55.
Philippi L.S., Rambaud A., Philip H. et Casellas C. (1992). Fonctionnement de fosses septiques en conditions réelles : enquête prospective durant trois ans sur un parc de 33 installations dans le département de l'Hérault, T.S.M. – L'Eau, n° 42, 614-617.]