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La flottation à air dissous : point de vue sur son développement et sur la diversification de ses applications dans le traitement des eaux (2ème partie)

30 octobre 1983 Paru dans le N°77 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : P MOUCHET

La première partie de cet article est parue dans le n° 76, août-septembre 1983.

(suite et fin *)

P. MOUCHET

Société Degrémont

[Photo : Essai statique de flottation sur une eau finlandaise : A. à gauche : Injection d'eau saturée d’air sous 5 bars dans le bécher de droite (les 2 béchers ont reçu un traitement identique au sulfate d’aluminium) ; B. à droite : Les 2 béchers 3 minutes plus tard (la fine couche de boue flottée est visible à la partie supérieure du bécher de droite, où l’eau sous-jacente est déjà claire ; dans le bécher de gauche, la sédimentation est encore inexistante).]

tire son eau brute d’un bras mort, ancien affluent de l’Aa, très riche en algues et en matières organiques. Elle présente le double intérêt d’offrir :

a) une comparaison entre une filière conçue avec une décantation pour la première phase et une filière réalisée avec une flottation lors de l’extension ;

b) un exemple d’une double utilisation de la flottation :

— la clarification de l’eau dans l’extension, citée ci-dessus ;

— l’épaississement des boues de décantation de la première phase, avant de les déshydrater sur filtre-presse (alors que les boues de la flottation de l’extension sont suffisamment concentrées pour être directement pressées sans épaississement intermédiaire).

Pour cette application, c’est le type Sediflotazur (figure 6) qui a été choisi, alors que la clarification de l’eau par flottation se fait sur un appareil rectangulaire précédé de floculateurs (figure 7).

L’ensemble de cette installation a déjà été largement évoqué dans ces mêmes colonnes (38) et nous n’insisterons donc pas sur sa description.

Au cours de l’exploitation, la flottation a présenté ici deux avantages principaux sur la décantation :

— réduction de 20 à 40 % du taux de traitement en coagulant (chlorosulfate ferrique) nécessaire à la clarification, pour des qualités d’eau traitée identiques dans les deux filières ;

— très bonne aptitude à la concentration des boues, tant en clarification (les boues issues du flottateur étant au moins dix fois plus concentrées que celles issues du décanteur, au point d’être admises sans épaississement sur le filtre-presse) qu’en épaississement des boues (alors qu’un épaississeur statique aurait exigé une surface plus de dix fois supérieure à celle du Sediflotazur à 4,5 m).

En outre, la comparaison des coûts d’exploitation des deux filières de traitement montre que dans ce cas, si les deux procédés sont pratiquement équivalents lorsqu’on ne considère que la clarification, la flottation permet de réaliser une économie globale de 10 à 15 % sur les frais de fonctionnement quand on y ajoute le traitement des boues (40) ; ainsi, la statistique de l’année 1981 a fait ressortir, par mètre cube d’eau, les coûts d’exploitation suivants (réactifs, électricité, évacuation des boues) :

Filière décantation (600 m³/h)

— Coût du traitement de l’eau proprement dit : 18,6 c/m³

— Coût du traitement des boues : 3,94 c/m³

— Total : 22,54 c/m³

Filière flottation (600 m³/h)

— Coût du traitement de l’eau proprement dit : 18,0 c/m³

— Coût du traitement des boues : 1,7 c/m³

— Total : 19,7 c/m³

Signalons pour terminer que la vitesse réelle de séparation des phases en clarification a pu être poussée à environ 8 m/h, en essai à Moulle et en exploitation normale à Valenciennes, sans aucune détérioration de l’eau flottée.

TRAITEMENT DES EAUX RÉSIDUAIRES INDUSTRIELLES

C’est le champ d’application le plus ancien pour la flottation ; c’est aussi celui dans lequel elle a donné lieu, et de loin, au plus grand nombre de réalisations. De très nombreuses industries sont intéressées (2) (3) (22) (25) (41) (42) (43) (44) (45) (46) (47) (48) :

— industrie pétrolière : production (eau de formation, boues de forages), transport (déballastage, dépôts pétroliers), effluents des raffineries et des complexes pétrochimiques (chimie de synthèse, plastiques, peintures, latex, pneumatiques, etc.) ;

— papeteries : ramasse-pâte, eaux résiduaires ;

— industries automobile et mécanique : peintures (cataphorèse, laque-apprêt), traitement de surfaces, eaux de lavage des ateliers, huiles de coupe, etc. ;

— savons et cosmétiques ;

— industrie textile ;

— caoutchouc ;

— conserveries (poisson, viande, fruits, légumes) et industries agro-alimentaires en général (huile, lait, margarine, sucre, pomme de terre, abattoirs, équarrissage, plats cuisinés, pâtes alimentaires, etc.) ;

— tanneries ;

— industrie chimique ;

— imprimeries ;

— charbon ;

— aciéries (déshuilage) ;

— finition des effluents traités par lagunage.

D’une manière générale, la flottation des eaux résiduaires industrielles est particulièrement indiquée lorsqu’il faut éliminer (et éventuellement récupérer) des fibres, des huiles (minérales, végétales ou animales), des graisses, des protéines, des pigments, des hydroxydes métalliques, des algues (récupérées après lagunage pour valorisation de la biomasse) et toutes les autres substances légères ; d’autre part, sa mise en œuvre peut comporter diverses modalités suivant l’objectif poursuivi :

— le recyclage de l’eau ou son rejet en milieu naturel : une floculation préliminaire est alors de règle dans pratiquement tous les cas ; elle peut être effectuée soit avec un coagulant minéral, soit un polymère, soit les deux à la fois ;

— la récupération d'un produit valorisable : les réactifs appliqués en floculation peuvent dans ce cas être incompatibles avec la récupération, notamment si l’on utilise des sels métalliques comme le chlorure ferrique ou le sulfate d’aluminium ; lorsqu’il en est ainsi, on peut alors concevoir suivant le cas une flottation : soit directe sans réactifs, soit après conditionnement par surfactant et/ou produit d’ajustement du pH, soit après floculation par un ou plusieurs polyélectrolytes, surtout si l'on veut également recycler l'eau.

Cette possibilité de valorisation de produits a constitué un atout supplémentaire pour le développement de la flottation ; quelques exemples en sont donnés dans le tableau n° 2. Il faut ajouter que, suivant le cas, les produits sont récupérés soit pour leur recyclage en fabrication, soit pour leur réutilisation, comme source d’énergie par exemple (combustible, aliment pour le bétail, etc.) ; lorsqu’il s’agit d’huiles et de graisses, leur oxydation par l'air peut être évitée en réalisant une flottation avec un gaz inerte (comme l'azote) dans un appareil spécialement conçu à cet effet.

Parmi les réalisations les plus nombreuses qui ont vu le jour en France ces dernières années, nous citerons surtout :

  • - effluents de papeteries avec récupération de fibres : plusieurs flottateurs de 300 à 400 m³/h (Pont-sur-Seine, Cellulose du Pin à Facture, Lourdelet et Maricot à Aubervilliers, Lecoursonnois à Mennecy) ;
  • — déshuilage : Esso à Port-Jérôme (1 800 m³/h) (figure 11), Mobil-Oil à Notre-Dame-de-Gravenchon (1 000 m³/h), Shell-Chimie à Berre-l'Étang (650 m³/h), Mobil-Oil à Frontignan (500 m³/h), Solmer à Fos-sur-Mer (260 m³/h), Usinor à Mardyck (250 m³/h), etc.

On pourrait citer d’autres exemples dans beaucoup d’autres industries, ainsi que de nombreuses réalisations à l’étranger : Allemagne, Belgique, Canada, Colombie (Ecopetrol, 4 × 1 000 m³/h), Côte-d'Ivoire, Espagne (FASA Renault à Valladolid, 120 m³/h) (figure 12), États-Unis, Grande-Bretagne, Hollande (2 300 m³/h à Shell-Rotterdam), Italie, Roumanie (1 400 m³/h à la raffinerie de Brazi), Suède, Suisse, Syrie (2 500 m³/h à la raffinerie de Homs).

Nous terminerons ce chapitre en développant quelques exemples dans les principaux domaines d’application avec des précisions chiffrées relatives à des réalisations spécifiques.

Eaux résiduaires de machines à papier (25) (47)

Historiquement, nous l’avons vu, c’est l'un des tout premiers domaines d’application de la flottation. En effet, l'accrochage des bulles sur les fibres cellulosiques et surtout sur les fibres longues est extrêmement facile, si bien qu’on l’emploie depuis très longtemps comme « ramasse-pâte ». Pour cet usage, la flottation peut toujours être utilisée sans floculation préalable. Maintenant, on l’emploie en outre de plus

Tableau n° 2 – Principales caractéristiques de l’installation de Moulle

Filière N° 1 N° 2
Débit (m³/h) 1 000 1 200
Clarification
Nature Décanteur Plastator Rectangulaires
Type 5 + 5
Recirculation 1 1
Surface unitaire (m²) 3,36 4,46
Vitesse à l’échelle 3,6 3,35 (avec floculateurs)
Filtration
Nombre de filtres 3 4
Nature du filtre Charbon actif en grains Charbon actif en grains
Surface unitaire (m²) 5,55 5,4
Traitement des boues
Concentration des boues issues de la clarification (g/l) 1–3 25 (15–30)
Déshydratation Filtre-presse Chaulage et filtre-presse
[Photo : Raffinerie ESSO à Port-Jérôme. Quatre flottateurs rectangulaires. Débit : 1 800 m³/h.]
[Photo : Fasa Renault à Valladolid (Espagne). Flotazur Ø 6 m. Débit : 120 m³/h.]

en plus dans les traitements des circuits dits tertiaires, c’est-à-dire des circuits d’épuration des eaux résiduaires. Dans ce domaine, il s'agit d’éliminer les fibres courtes ayant échappé au ramasse-pâte et des charges toujours fines telles que : talc, TiO₂, latex, CaCO₃, kaolin.

Suivant que l’on appliquera à ces eaux résiduaires une coagulation-floculation plus ou moins poussée, on pourra obtenir une élimination plus ou moins importante des colloïdes et une boue plus ou moins chargée en fibres, qu'il sera donc plus ou moins intéressant de recycler suivant le type de papier fabriqué. En effet, le traitement d’eau en papeterie doit être, à notre avis, conçu dans une optique de réutilisation, au moins partielle, soit des matières, soit de l'eau, et souvent des deux.

Si l’éventualité d’un recyclage des matières est retenue, la flottation présente un avantage important sur la décantation. En effet, le temps de résidence des boues à la surface du flottateur est plus faible qu’au fond du décanteur, si du moins on veut obtenir des siccités raisonnables (30 à 40 g/l nécessaires pour le renvoi sur machine). Ce temps de résidence faible permet d’éviter des fermentations toujours préjudiciables à la qualité du papier.

Les deux exemples récapitulés dans le tableau 3 donnent les performances possibles en flottation suivant le type de floculation initiale. Le premier est typique d'une usine fabriquant du papier « ondulation » à partir de vieux papiers (production : 130 t/j ; pertes de fibres dans les effluents : 3 à 4 t/j, dont 90 % sont ainsi récupérés), et le second d’une usine fabriquant du papier impression magazine à partir de fibres de qualité médiocre (mélange vieux papiers, pâte mécanique).

Effluents huileux de l'industrie pétrolière (43) (44) (48)

Il s'agit non seulement des effluents de raffineries, mais aussi de ceux des terminaux pétroliers, des stations de déballastage, des lavages de tankers, etc. Après un prédéshuilage par gravité dans divers types de séparateurs, ils contiennent encore des hydrocarbures en émulsion stable, à des concentrations pouvant varier le plus souvent de 25 à 300 mg/l, voire 500 mg/l.

La flottation (qui devra généralement être précédée d'une coagulation-floculation) sera l'un des procédés pouvant être efficacement utilisés pour obtenir une teneur finale en hydrocarbures totaux de moins de 10 à 20 mg/l, correspondant essentiellement à la fraction soluble. Elle a peu à peu supplanté la décantation dans ce domaine, car la densité du floc chargé d’hydrocarbures est d’autant plus faible que le rapport huiles/hydroxydes est fort, ce qui conduit, si l'on veut provoquer une décantation, à surdoser en réactifs minéraux et souvent à recourir à des artifices tels que l’utilisation de pH élevés (9-9,5), afin de précipiter du carbonate de calcium permettant d’alourdir un peu plus le floc.

Au contraire, l'emploi d'un flottateur (à une vitesse le plus souvent comprise entre 4 et 6 m/h) permet de minimiser la quantité de floculant minéral, ce qui aura pour effet secondaire de diminuer la quantité de boues produites. Toutefois, le préalable à une bonne flottation sera d’obtenir une déstabilisation suffisante de l’émulsion qui permettra la coalescence des gouttelettes ou leur rassemblement en agrégats, auxquels les bulles pourront s’accrocher. Or, cette stabilité dépend de la nature du brut (par exemple présence ou non de composés naphténiques), de la nature des procédés utilisés, etc.

Suivant les cas, on sera donc amené à pratiquer la flottation :

— soit sans réactifs (émulsions purement mécaniques), ce qui sera très rarement possible et de toute façon risquera de donner des résultats erratiques, même avec un pourcentage de recirculation élevé (30 à 50 %) ; mais les boues obtenues peuvent alors être très concentrées (plus de 350 g/l) ;

— soit, le plus souvent (raffineries simples, complexes pétrochimiques), avec des polyélectrolytes appropriés, ce qui conduit à un pourcentage de recirculation de l’ordre de 15 à 20 % et produit des boues dont la concentration variera de 100 à 250 g/l ; les différences de siccité étant surtout conditionnées par le rapport hydrocarbures/matières en suspension ;

— parfois avec un coagulant minéral classique (sel d’Al ou de Fe) associé à un polymère, pour les cas les plus difficiles ; il faut alors que le flottateur soit précédé d'un floculateur particulièrement bien conçu (10 min de rétention environ) ; les boues produites sont

[Tableau 3 : Traitement par flottation d’effluents de papeteries – contenu du tableau non reproduit]

Observations :

Cette installation est complétée par une floculation, puis une décantation, permettant l’élimination des colloïdes et un recyclage des MES et 70 % de l’eau.

plus abondantes (2 à 5 l/m³), moins concentrées (70 à 120 g/l) et, contrairement aux deux catégories précédentes, très loin de l’auto-combustibilité.

Dans les deux premiers cas, les hydrocarbures peuvent en outre être éventuellement recyclés.

Dans le cas le plus général, les performances des installations de flottation correspondent aux chiffres indiqués dans le tableau n° 4.

Effluents de l’industrie agro-alimentaire

Nous avons vu plus haut la liste de toutes les installations intéressées, ainsi que des exemples où le traitement par flottation permettait un recyclage de matières valorisables (tableau n° 2). Nous développerons l’un d’entre eux, celui d’une huilerie, où la station de traitement comporte :

  • un flottateur travaillant sans réactifs à pH 1 à 2,5 ; la vitesse est de 4 m/h, la recirculation de 15 à 20 %, la température de 30 à 60 °C ;
  • une neutralisation-floculation, suivie d’une décantation dans un appareil à circulation de boues (turbo-circulator) ;
  • un traitement biologique.

Les performances des deux premiers stades (physico-chimiques) sont récapitulées dans le tableau n° 5. Le flottateur en tête permet de récupérer 4 à 5,5 t/j de graisses (réutilisées en savonneries), pour une production d’huile de 1 000 t/j, ce qui évite en même temps un encrassement accéléré des toiles du filtre-presse sur lequel on déshydrate les boues de floculation-décantation.

PERFORMANCES D'UNE FLOTTATION-DECANTATION EN HUILERIE (MOYENNE DES RESULTATS)

PARAMÈTRE EAU BRUTE SORTIE FLOTATION % ÉLIMINATION SORTIE DÉCANTATION % ÉLIMINATION
pH 1 2 8 9
MES (mg/l) 2 300 280 88 50
Matières grasses (mg/l) 4 300 75 98,2 2 99,5
DCO (mg/l) 11 600 4 520 61 2 160 81,5

Effluents de peinture de carrosserie par électrophorèse

Nous prendrons notre dernier exemple d’effluent industriel dans l’industrie automobile : il s’agit ici d’éliminer des suspensions très fines de matières organiques, en particulier des pigments, qui donnent naissance à un floc très léger et apte à la flottation lorsqu’on les traite au sulfate d’aluminium. Dans une importante usine de la région parisienne, nous avons obtenu les résultats suivants :

  • coagulation par 150 mg/l de sulfate d’aluminium ;
  • flottation : v = 4 m/h ;
  • recirculation = 20 % (P = 4 bars) ;
  • analyses moyennes :
Eau brute Eau traitée % élimination
pH 7,3 6,8
MES (mg/l) 1 400 10 99,3
DCO (mg/l) 5 500 1 200 78,2

Les boues obtenues (1,2 % du volume traité) présentent une concentration en matières sèches d’environ 100 g/l.

TRAITEMENT DES EAUX RESIDUAIRES URBAINES (E.R.U)

La flottation a connu quelques applications dans le traitement biologique de ces types d’eaux, en clarification ou en traitement tertiaire de déphosphatation. Elle a suscité récemment un regain d’intérêt dans ce domaine avec le développement des traitements physico-chimiques des E.R.U., qui s’appliquent plus particulièrement aux effluents intermittents et/ou saisonniers, comme c’est le cas par exemple des déversoirs d’orages (49), et surtout aux effluents des agglomérations à population très variable ; ce problème intéresse en premier lieu toutes les grandes zones touristiques, où les grandes variations de pollution s’accompagnent d’autres contraintes : coût élevé du terrain, nécessité d’une bonne qualité de l’effluent, grande souplesse d’exploitation. Dans ce contexte, la flottation s’avérait une solution très attrayante (en choisissant de préférence des appareils à raclage de fond, comme le Sediflotazur, surtout pour le traitement direct d’un effluent simplement dégrillé). Pour les cas où une désinfection de l’effluent traité est en outre nécessaire, des recherches récentes ont été axées sur une électroflottation en présence de chlorure, ce qui pourrait en particulier convenir à une installation construite au bord de la mer (24), mais l’intérêt économique d’un tel procédé n’est pas encore certain.

Les premiers essais effectués sur installation-pilote de flottation à air dissous (50) (51) (52) ont rapidement fait ressortir deux principes intéressants :

  • — la flottation, appliquée après une bonne floculation (par exemple FeCl₃ + polymère), réalise d’excellentes performances sur les E.R.U. : les abattements respectifs sont au minimum de 90 % sur les matières en suspension, 75 % sur la DCO et 70 % sur la DBO, dans les conditions de marche suivantes :
    v = 6 à 10 m/h,
    recyclage : 15 à 20 % (P = 5 bars),
    concentration des boues flottées : 30 à 50 g/l ;
  • — l’association de ce traitement physico-chimique avec un traitement biologique ultérieur, par bactéries fixées sur un matériau granulaire fin (en particulier la biolite), apportait une solution élégante, originale et fiable au problème posé par ces effluents d’agglomérations à population variable en zone touristique.

À la suite de ces études, trois premières réalisations basées sur ces principes et calculées pour environ 50 000 éq-hab. ont vu le jour : Briançon, Le Canet, Royan-Saint-Palais ; les principales caractéristiques des flottateurs sont les suivantes (tableau).

Installation Briançon (52) Le Canet Royan-Saint-Palais
Débit nominal (m³/h) 700 700 280-800
Ø flottateur (m) 10 11,3 11
Vitesse (m/h) 9 7 3-8,5
% recirculation 15 20 15-20
Traitement Clairant + polymère Sulfate Al + polymère FeCl₃ ou Clairtan + polymère
Boues flottées :
— concentration (g/l) 60 40-50 35-45
— déshydratation filtre-presse centrifugation filtre-presse

Dans tous les cas, les pourcentages d’élimination des MES, de la DBO et de la DCO ont été les mêmes que ceux trouvés au cours des essais et cités plus haut. Après traitement biologique par cultures fixées, les rejets sont conformes aux normes. Autre intérêt de ce procédé, les boues de flottation peuvent être envoyées directement à la déshydratation finale, avec un simple ajout de chaux (à Briançon et Saint-Palais pour la pressée) ou de polyélectrolyte (au Canet pour la centrifugation), mais sans épaississement intermédiaire : on retrouve donc cet avantage, déjà signalé plus haut à l’occasion de l’installation de Moulle (chapitre 1), dans toutes les applications de la flottation à air dissous dans le traitement des eaux.

Le traitement physico-chimique des E.R.U. de ce type représente donc un nouveau débouché intéressant et performant pour la flottation ; on peut y ajouter d’autres perspectives pour le traitement des effluents de lagunage (dans les pays où cette technique se développe) ; ces eaux, bien que généralement rejetées sans traitement de finition, sont souvent trop chargées d’algues pour ne pas être un danger pour le milieu récepteur (53) ; la nature de ces effluents peut être comparée à celle de l’eau brute alimentant l’installation de production d’eau potable de Moulle, où s’est révélée la supériorité de la flottation sur la décantation, d’autre part la possibilité de recueillir directement des boues concentrées et riches en algues présente un intérêt pour la valorisation de ces dernières (bioconversion énergétique : CH₄, H₂ ou alcool ; engrais ; aliments pour le bétail ou pour l’aquaculture, etc.). C’est pourquoi la flottation a été particulièrement étudiée comme traitement de finition du lagunage (54) (55) (56) (57) (58) et apparaît pour l’instant comme l’un des procédés les mieux appropriés à cette application ; des variantes sont d’ailleurs déjà à l’étude : utilisation diurne de l’oxygène dissous en sursaturation, produit par la photosynthèse (54) (58), combinaison de l’ozonation et de la flottation (59), etc.

ÉPAISSISSEMENT DES BOUES

Dans ce domaine également, la flottation pourra s’avérer supérieure aux épaississeurs statiques (dimensions des ouvrages, concentration des boues extraites), surtout lorsqu’il s’agit d’hydroxydes métalliques (8) (38) (40) (60) et de boues activées (61). Selon la charge massique journalière à traiter, les flottateurs choisis seront soit circulaires comme le Sediflotazur (figure 6), soit rectangulaires (surtout pour de grandes unités, bien que la construction de flottateurs circulaires de grand diamètre soit de plus en plus envisagée, car ces appareils donnent naissance à des lits de boues en général plus réguliers et plus concentrés que les rectangulaires).

La principale différence par rapport aux applications précédentes provient du fait qu’à l’entrée de l’appareil le fluide à traiter n’est constitué que par des flocs (bactériens ou d’hydroxydes) juxtaposés et qu’il faut donc, pour garder un rapport volume d’air/volume de floc suffisant, apporter un volume d’air beaucoup plus important que d’ordinaire.

Ceci peut être obtenu :

  • — soit en augmentant le pourcentage de recirculation jusqu’à 100 % (pour une concentration supérieure à 6 g/l à l’entrée), voire

150 ou 200 % du débit traversier ;

  • soit en pressurisant directement le flux de boues ; dans ce cas, plus rarement appliqué jusqu’à présent, les bulles seront créées directement au contact des flocs, ce qui supprime les problèmes de mélange et améliore la liaison air-matières sèches, d’où de meilleurs résultats de siccité ; par contre, il subsiste davantage de colloïdes résiduels dans l’effluent. Cette disposition représente une sécurité pour la flottation lorsque les boues sont déjà épaisses à l’entrée, et que l’on n’utilise aucun réactif, comme c’est parfois le cas pour les boues activées.
[Photo : Tableau n° 6 — Mervent — Traitement par flottation à air dissous des boues d’hydroxydes métalliques]

Boues d’hydroxydes métalliques (40) (60)

Ce sera par exemple le cas des boues issues des traitements d’eaux naturelles. Nous avons vu plus haut un exemple de flottation appliquée à un épaississement de boue d’eau potable de l’usine de Moulle. D’autres installations de ce type ont été réalisées en France (Mervent ; Coulommiers, en cours de réalisation, près de Perpignan ; Cholet, avec une pressurisation directe), en Afrique du Sud, etc.

Les traitements de ce type s’effectueront en général à une vitesse comprise entre 1 et 6 m/h (correspondant à une charge massique superficielle de 3 à 10 kg/m²/h, jusqu’à 20 dans quelques cas particuliers) et avec une recirculation de 25 % (pour une concentration de 1 g/l à l’entrée) à 200 %. La floculation préalable par polymère (introduit dans l’eau pressurisée) est la règle impérative dans tous les cas. La concentration des boues obtenues est en général comprise entre 25 et 40 g/l. Leur déshydratation ultérieure se fera par filtre-presse ou filtre à bande de préférence à la centrifugation, cette dernière étant gênée par les bulles d’air subsistant dans le floc. À titre d’exemple, le tableau 6 récapitule les résultats d’exploitation enregistrés sur l’installation de Mervent.

Boues activées

Les boues en excès extraites des clarificateurs secondaires ont en général une teneur en MES de 2 à 8 g/l. Alors que l’épaississement statique ne permet guère d’augmenter leur concentration à plus de 20 à 25 g/l, même au prix d’un chaulage massif, la flottation permet d’atteindre des valeurs de 35 à 60 g/l, avec une charge massique de 5 à 15 kg/m²/h et un rendement de récupération des MES compris entre 90 et 100 % (suivant que la pressurisation est directe ou indirecte, et suivant que l’on utilise ou non un polymère).

Les conditions opératoires peuvent être très variables en fonction du problème posé : vitesse = 1 à 6 m/h (ce dernier chiffre représentant probablement le maximum admissible, y compris le recyclage, pour une boue activée) ; recyclage = 30 à 150 % ; emploi d’un polymère facultatif, mais recommandé : ce dernier permettra en général d’augmenter la charge massique du flottateur et la siccité des boues flottées, surtout dans le cas d’une pressurisation indirecte.

Bien entendu, l’insertion d’un flottateur dans le traitement des boues d’une station d’ERU sera réalisée dans l’optique d’un épaississement séparé :

  • décantation pour les boues primaires, qui auront éventuellement reçu 20 % environ des boues biologiques pour des raisons de facilité d’exploitation ;
  • flottation pour au moins 80 % des boues biologiques.

Un schéma-type d’une filière basée sur ce principe est représenté sur la figure 13.

[Photo : Fig. 13 — Épaississement par flottation de boues activées urbaines]

La première grande réalisation de ce type a été un Sediflotazur Ø 14 m sur l’installation d’Aire traitant les ERU de la ville de Genève ; ce flottateur (figure 14) fonctionne à une vitesse nominale de 2,55 m/h et une charge massique de 6,7 kg/m² h ; les boues étant relativement diluées dans ce cas (1 à 3 g/l), la pressurisation est indirecte et le taux de recirculation avait été fixé à 30 % en moyenne. Les principaux résultats d’exploitation sont les suivants (62) :

Pourcentage réel de recirculation : 23 %.

Concentration des boues flottées : 51 g/l.

[Photo : Fig. 14 — Ville de Genève (Suisse). Station d’épuration de l’Aire. Épaississement des boues sur un Sediflotazur Ø 14 m. Capacité : 400 000 eq/hab. (Doc. Germond, Lausanne)]

MeS résiduelles dans l'effluent : 0,18 g/l. Consommation électrique : 160 Wh/m³.

D'autres installations sont réalisées ou en cours de l'être, notamment en France : Alençon, Mulhouse, Chartres ; dans ce dernier cas, on peut noter un certain nombre de particularités :

  • — un Sediflotazur en béton Ø 7 m (v = 1,8 à 3,5 m/h), pouvant fonctionner en pressurisation directe ou indirecte ;
  • — possibilité de traiter soit les boues du bassin d'aération (3 à 4 g/l), soit les boues en excès (8 à 10 g/l).

À l'étranger, citons en particulier :

  • — Espagne : Burgos (2 × Ø 12 m), Vittoria (2 × Ø 12 m), Madrid-Rejas (3 × Ø 14 m), Santillana (1 × Ø 7 m), etc. ;
  • — Italie : Scrivia ;
  • — Suisse : Genève (déjà cité plus haut), Baden ;
  • — Brésil : Sao Paulo (6 × Ø 14 m).

Il s'agit donc là aussi d'une application de la flottation en plein développement.

Boues huileuses

Avec les boues à plus de 60 % d'huiles, on peut flotter à des vitesses comprises entre 1 et 5 m/h, ce qui correspond à des charges massiques comprises entre 5 et 25 kg/m²/h ; les boues obtenues peuvent être très denses : 100 à 400 g/l.

CONCLUSION

Nous venons de voir que la flottation s’est généralisée dans le traitement des eaux, en y trouvant des applications dans tous les domaines. Elle y a apporté des solutions élégantes et fiables, en particulier pour des problèmes où la décantation n’apparaissait pas comme la technique la mieux appropriée (ex. : matières légères en suspension colloïdale, émulsions, etc.). Ces deux types de procédés auront en général chacun leur propre champ d'application. Il y aura par contre des cas où le choix entre décantation et flottation sera délicat et ne pourra être décidé qu’après des essais, mettant en œuvre du matériel comme celui qui a été décrit dans le chapitre II, on constatera alors souvent, dans ce champ d’application commun aux deux techniques, des avantages très nets pour la flottation :

  • — excellente flexibilité vis-à-vis des arrêts et remises en route, variations de débit, etc. (par contre, un décanteur à lit de boues résistera mieux à des variations brutales de charge polluante) ;
  • — économie de réactifs dans certains cas ;
  • — possibilité d’utiliser de nouveaux polymères cationiques et/ou anioniques, permettant d’adapter le floc à la flottation tout en conduisant à la formation d’un volume de boues plus faible ;
  • — vitesse de flottation supérieure à la vitesse de sédimentation gravitaire ;
  • — d'une manière générale, concentration des boues flottées supérieure à celle des boues décantées, surtout lorsqu’elles présentent un caractère organique dominant ; possibilité de déshydratation directe des boues flottées, sans épaississement intermédiaire ;
  • — possibilité de récupérer facilement certains produits valorisables (eaux résiduaires industrielles, effluents de lagunage, etc.).

Cette technique est donc encore appelée à poursuivre son développement dans le domaine du traitement des eaux, et peut-être à trouver de nouvelles applications dans d’autres secteurs industriels.

Remerciements

Cet article a été en partie basé sur des études déjà réalisées à propos d’applications spécifiques de cette technique par mes collègues J. Bedin (50) (51), F. Berne (48), G. Faup (52), C. Fayoux (60), A. Haubry (40) (60), J.-C. Jacquart (51) (52), Y. Richard (8), J.-M. Rovel (25), V. Savall et P. Treille (41) (42), que je remercie vivement pour leur participation à cette synthèse.

Bibliographie

Les références notées dans le texte seront communiquées par l’auteur aux personnes intéressées.

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