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La filtration sur tourbe des eaux résiduaires urbaines

30 mars 1978 Paru dans le N°23 à la page 45 ( mots)

Suite d'une étude faite par la plate-forme d’essais de Colombes de l’A.F.B. Seine-Normandie

[Photo : Filtration sur lits de tourbe (oct. 1977) à la plate-forme de Colombes.]

2ème partie

ÉTUDE DES FACTEURS LIÉS AU SUBSTRAT

1 — OBJECTIFS

Cette étude a pour but d'apporter des enseignements sur l'utilisation optimale de la tourbe en filtration. Nous avons distingué deux séries de facteurs susceptibles de variation expérimentale :

— en premier lieu, les facteurs liés au substrat de filtration :   type de tourbe,   hauteur du lit de filtration,   association de la tourbe avec un autre matériau ;

— en second lieu, les facteurs liés au fonctionnement de l'installation :   fonctionnement continu ou discontinu,   charge hydraulique,   opérations mécaniques de décolmatage.

L'étude des facteurs liés au substrat de filtration a été menée au cours d'essais préliminaires destinés à sélectionner différents substrats du point de vue des débits admissibles et de la qualité de l'effluent filtré. Ce sont ces essais qui font l'objet de ce chapitre.

L'étude des facteurs de fonctionnement fera l'objet du chapitre III.

(1) Voir le premier article dans L'EAU ET L'INDUSTRIE n° 22, page 50.

2 — MATÉRIEL ET MÉTHODE

2-1 — Caractéristiques des substrats :

Les trois facteurs précédemment cités ont été étudiés :

— type de tourbe : choix de quatre tourbes en fonction de leur degré d'évolution (« blondes » et « brunes ») ;

— tourbe seule ou en mélange avec un sable : le mélange est constitué de tourbe et sable à volumes égaux, soigneusement homogénéisés ;

— hauteur du lit filtrant : 20 et 40 cm.

Quatre tourbes ont donc été expérimentées :

— deux tourbes « brunes »   tourbe d'Heurteauville (tourbe de fond),   tourbe de Baupte (tourbe grossière, non broyée) ;

— deux tourbes « blondes »   tourbe allemande (« Floratorf »),   tourbe canadienne (tourbe de Sphaigne « Tourbesol »).

Degré d'humosité de VON POST : appréciation du degré de décomposition.

TourbesolH 1
FloratorfH 2 — H 3
BaupteH 3 — H 4
HeurteauvilleH 7

Hauteur du lit filtrant : trois hauteurs ont été retenues : 10, 20 et 40 cm.

Nous disposons donc d'une tourbe oligotrophe non décomposée, d'une tourbe oligotrophe et d'une eutrophe peu décomposées, enfin d'une tourbe eutrophe fort décomposée.

[Photo : Séchage de la tourbe en piles sur le terrain d’extraction. (Pays-Bas – région de DRENTE-Nord-est) Cliché NORIT N.V. (Pays-Bas)]

Structure :

L'observation microscopique confirme la nature très peu décomposée de la tourbe blonde canadienne, où l'on observe les brins de Sphaigne et l'armature de leurs feuilles. La structure est plus dégradée pour Floratorf, composée de débris de tiges et de feuilles, de dimensions généralement plus grosses que les Sphaignes.

La tourbe de Baupte — celle dont nous disposons n'est pas broyée — est composée de débris plus grossiers, où l’on ne reconnaît plus de structure foliaire. Cette dernière observation est également valable pour la tourbe d'Heurteauville très décomposée, très finement divisée.

Analyses :

Effectuées par le Laboratoire Agronomique du Syndicat pour l'Amélioration des Sols et des Cultures, 1, avenue Victor-Hugo, 78440 Gargenville, leurs résultats figurent dans le tableau V.

Distributeurs :

1 — Les tourbières d'Heurteauville (Seine-Maritime). Siège : 24-26, rue de la Pépinière, 75008 Paris ;

2 — La tourbe de Baupte est commercialisée par la Compagnie Française de l'Azote (COFAZ) : 4, avenue Velasquez, 75008 Paris ;

3 — « Floratorf » est distribuée en France par plusieurs grainiers (Vilmorin, Truffaut...) ;

4 — La tourbe « blonde » canadienne utilisée est distribuée en France sous la dénomination « Tourbesol », par Eurocompo, B.P. 7, 49170 Ingrandes-sur-Loire (Maine-et-Loire).

2-2 — Dispositif expérimental :

Les tourbes, placées dans des fûts métalliques de 60 cm de diamètre environ, reposent sur un lit de gravier (5 cm) afin d'éviter leur entraînement par l'eau. Les fûts sont percés à leur partie inférieure et autorisent un débit d'évacuation théorique supérieur au débit d’entrée.

TABLEAU V. — Analyses des tourbes utilisées.

ANALYSE TOURBESOL FLORATORF BAUPTE HEURTEAUVILLE
H₂O 4,2 3,9 4,6 5,3
pH KCl 3,5 3,2 4,2 4,9
Matière organique (par combustion sèche) en % de terre sèche 85 95 91 83
Capacité d'échange totale (me/100 g de terre sèche) 45,0 55,5 50,6 86,2
Ions adsorbés (me/100 g de terre sèche)
K 0,34 0,84 0,94 0,58
Mg 8,0 9,3 7,6 4,9
Ca 8,0 14 17 8,0
Na 1,00 0,64 0,72 0,55
Somme des cations échangeables (me/100 g) 17,3 24,8 26,3 86
Degré de saturation (en % de la C.E.T.) 38 45 52 100

* C.E.T. : capacité d’échange totale.

Un trop-plein limite la charge hydraulique à environ 5 centimètres pour tous les traitements. L'alimentation est effectuée par pompage d'eau décantée, fournie par le Centre Expérimental de la Ville de Paris à Colombes. La distribution est assurée par six rampes perforées fixes dont l'inclinaison permet le réglage des débits.

Nous disposons de 24 éléments : 4 tourbes seules en trois hauteurs de lit, les mêmes en mélange avec un sable en 3 hauteurs de lit.

[Photo : Schéma du dispositif expérimental.]

Le modèle d'interprétation statistique des données qui a été retenu est celui d'un essai factoriel à trois facteurs sans répétition.

La figure 3 montre la disposition de l'installation.

2-3 — Déroulement des essais :

Les essais préliminaires se sont déroulés du 31 décembre 1976 au 23 février 1977, le dispositif étant alimenté en continu par tranches de quelques jours, au maximum sept, entrecoupées par des périodes de repos de durée comparable (voir figure 4).

Le temps cumulé de fonctionnement des filtres atteint 591 heures à la fin de l'essai.

Deux séries de prélèvements ont été effectuées sur les 24 lits :

— la première série, sur 24 h, au bout d'une centaine d'heures de fonctionnement,

— la seconde série, sur 3 h, au bout d'un cumul de 320 h.

(Les résultats d'analyses font l'objet du prochain paragraphe.)

Quinze mesures des débits ont été effectuées sur les 24 lits, réparties de la façon suivante :

— une première série groupant 3 mesures suivies d'une mesure complémentaire,

— une deuxième série groupant 6 mesures affinant les premiers résultats,

— une série complémentaire groupant les 5 dernières mesures.

Il a été nécessaire d'effectuer 4 décolmatages de la surface des filtres :

— le premier, après 93 heures d'alimentation, a consisté en un ameublissement superficiel avec mélange de la pellicule de boues et des cinq premiers centimètres de tourbe,

— le second, 53 heures après le premier décolmatage, en une élimination de la couche de boues suivie d'une recharge superficielle de tourbe (pour compenser le tassement),

— le troisième, 107 heures après le précédent décolmatage, en une élimination de la couche de boues sans recharge de tourbe,

— le dernier, 284 heures après le décolmatage précédent, en un ameublissement de surface avec mélange boue-tourbe.

Observations sur le tassement :

Le tassement des lits de tourbe alimentés de façon continue a atteint dans les conditions de l'essai (charge hydraulique de quelques centimètres) 10 % de la hauteur initiale pour les

[Photo : Déroulement des essais préliminaires.]
[Photo : Filtration sur lits de tourbe – Arrivée d'eau sur un lit.]

tourbes de Baupte, d’Heurteauville et Floratorf, 25 % de la hauteur initiale pour Tourbesol.

Remarque : en milieu saturé d'eau, une partie des tourbes blondes forme un « chapeau » qui flotte à la surface des lits. Le volume du « chapeau » diminue au fur et à mesure de l'alimentation.

3 — RÉSULTATS

3.1 — Effet des traitements sur la qualité de l'eau

Les analyses ont été confiées au laboratoire de la SECMAPP à Courbevoie (Hauts-de-Seine).

a) Première série d'analyses

Les résultats sont groupés dans le tableau VI (ci-dessous).

L'interprétation statistique des données, par la méthode des essais factoriels à trois facteurs sans répétition, montre que les différences constatées entre les traitements ne sont pas significatives, aussi bien pour la DCO, la DBO que pour les MES (l’estimation de la variance due aux traitements est inférieure à celle due à l'erreur expérimentale ou n’en est pas significativement distincte).

En conséquence, on ne peut différencier les traitements les uns des autres. La DCO moyenne de l'effluent filtré est de 68 mg/l contre 217 à l'entrée, soit un rendement moyen de 68 %.

TABLEAU VI. — Résultats de la première série d’analyses (temps de fonctionnement : une centaine d’heures)

hauteur de lit (cm) tourbe M.E.S. (mg/l) D.C.O. (mg/l) D.B.O.₅ (mg/l) pH CONDUCTIVITÉ (µS/cm)
10 TOURBESOL 25 74 51 7,11 1243
20 24 87 42 7,10 1243
40 33 80 44 7,12 1218
10 FLORATORF 22 65 52 7,10 1168
20 26 69 42 7,10 1193
40 19 45 26 7,10 1243
10 BAUPTE 22 82 41 7,05 1243
20 16 51 25 7,00 1230
40 4 44 22 6,84 1094
10 HEURTEAUVILLE 23 69 28 7,06 1205
20 35 89 42 6,99 1218
40 15 69 32 6,99 1243
10 15 58 21 6,93 1168
20 26 94 45 6,90 1230
40 17 77 23 6,65 1056
10 14 60 28 6,94 1218
20 15 62 38 6,80 1155
40 10 43 19 6,94 1193
10 24 74 28 7,00 1155
20 9 65 25 6,89 1180
40 28 95 46 6,94 1193
10 33 95 36 6,95 1218
20 13 48 26 6,97 1168
40 18 38 30 6,96 1134
EAU DÉCANTÉE 45 217 94 7,00 1231

(DCO entrée – DCO sortie) / DCO entrée × 100

La DBO moyenne est de 34 mg/l, contre 94 à l'entrée, soit un rendement moyen de 64 %.

La concentration moyenne en MES de l'effluent filtré est de 22 mg/l contre 45, le rendement s’établissant à 51 %.

Le pH de l'effluent filtré reste voisin de la neutralité.

Les valeurs de conductibilité nous permettent d'approcher la minéralisation globale de l'effluent (1).

La minéralisation de l'eau d'apport est de 930 mg/l ; celle de l'effluent filtré varie de 800 à 945 mg/l.

b) Deuxième série d'analyses

Les résultats complets sont groupés dans le tableau VII.

L'interprétation statistique montre qu’il y a un effet du facteur tourbe, mais pas d'effet dû aux hauteurs ou au mélange. Il y a une élimination significativement plus grande de la DCO et de la DBO par les tourbes brunes. Le tableau VIII donne les moyennes des DCO et DBO de l'effluent filtré, en fonction du type de tourbe.

Il n'apparaît pas de différence significative entre les deux tourbes blondes comparées l'une à l'autre d'une part, ni entre les deux tourbes brunes comparées l'une à l'autre d'autre part.

En ce qui concerne l'élimination des MES, on ne constate aucune différence significative entre les traitements. La concentration est de 78 mg/l à l'entrée, la moyenne de l'effluent traité est de 14 mg/l, soit un rendement de 82 %.

3 2 — Effet des traitements sur les débits

Afin de ne pas alourdir le développement, les résultats complets de toutes les mesures effectuées ont été groupés dans l'annexe A. Dans ce paragraphe ne figurent, sauf indication contraire, que des moyennes de résultats pour chacun des trois facteurs étudiés, à savoir :

  • — débits moyens pour un même type de tourbe,
  • — débits moyens pour une même hauteur de lit,
  • — débits moyens des traitements « tourbe seule » ou « mélange ».

Au préalable, il faut signaler que les résultats des mesures de débit sont très dispersés, dispersion consécutive aux différents traitements mais aussi au temps de fonctionnement, les débits diminuant bien sûr avec la durée d’alimentation.

Toutes les courbes figurant dans ce paragraphe rendent compte des débits en fonction du temps pour chacun des facteurs considérés.

Les débits mesurés dans les premières heures d'alimentation du dispositif n'ont qu'une valeur indicative ; ils n’ont pas fait l'objet d'une interprétation statistique ; nous avons porté en effet cette interprétation sur les seules valeurs mesurées au bout d'un temps de fonctionnement supérieur à 24 heures.

Tous les débits ont été mesurés avec une charge hydraulique constante comprise entre 2 et 15 cm pour tous les lits.

(1) C. Richard Nguyen Van Cu. « Relation entre la résistivité d'une eau et son taux de minéralisation », L’EAU (1961), 1, 22, 24. Selon ces auteurs, pour les valeurs de conductivité de notre effluent, la minéralisation exprimée en mg/l est égale à la conductivité mesurée à 20 °C et exprimée en µS/cm multipliée par le facteur 0,785.

TABLEAU VIII — Effet du type de tourbe sur la qualité de l’effluent filtré.

D.C.O. (mg/l)RendementD.B.O. (mg/l)Rendement
Eau décantée : 260121
Après filtration sur blonde
— Tourbesol : 13847 %8034 %
— Floratorf : 12552 %7934 %
Après filtration sur brune
— Baupte : 4881 %2381 %
— Heurteauville : 6569 %3869 %

Mélange de la tourbe avec un sable : quelle que soit la tourbe entrant en mélange avec du sable (rappelons qu’il s’agit d’un mélange homogène à volumes égaux), les débits mesurés sur les mélanges sont considérablement inférieurs à ceux mesurés sur la tourbe seule.

Le tableau IX indique les valeurs obtenues au cours de la première série de mesures.

Les résultats obtenus par la suite ont confirmé l’effet négatif du mélange avec sable sur les débits admissibles. Au bout de 50 à 100 heures d’alimentation, les débits des lits mixtes s’effondrent à quelques litres par heure et par m².

TABLEAU IX — Débits moyens des lits de tourbe et des lits mixtes (toutes hauteurs confondues) entre 4 et 99 heures d’alimentation (interprétation statistique : différence significative au seuil de probabilité 0,05).

temps (heure)45099
Tourbe seule4307075
En mélange125109
Baisse relative*70 %86 %88 %
TOURBESOL
Tourbe seule4307075
En mélange10076
Baisse relative54 %93 %70 %
FLORATORF
Tourbe seule22010520
En mélange7064
Baisse relative50 %70 %60 %
BAUPTE
Tourbe seule1402010
En mélange8596
Baisse relative55 %70 %70 %
HEURTEAUVILLE
Tourbe seule1903020
En mélange8596
Baisse relative55 %70 %70 %

* Baisse relative = (débit tourbe seule – débit du mélange) × 100 / débit tourbe seule

Effet du type de tourbe :

Les tableaux X, XI et XII regroupent les débits des lits de tourbe seule, toutes hauteurs confondues (il s’agit donc de moyennes de trois mesures), obtenus au cours des trois séries de mesures.

TABLEAU X — Débits des lits de tourbe seule en l/h/m² (première série de mesures)

Temps de fonctionnement après décolmatage (h)45099
TOURBESOL4307075
FLORATORF22010520
BAUPTE1402010
HEURTEAUVILLE1903020

TABLEAU XI — Débits des lits de tourbe seule en l/h/m² (deuxième série de mesures)

Temps de fonctionnement après décolmatage (h)1,56825,530,550
TOURBESOL230185150907560
FLORATORF33527021513012595
BAUPTE415250165453020
HEURTEAUVILLE315225140503525

TABLEAU XII. — Débits des lits de tourbe seule en l/h/m²

(série complémentaire)

temps de fonctionnement cumulé (h)92140236
tourbe
TOURBESOL605530
FLORATORF553645
BAUPTE1032
HEURTEAUVILLE20128

TABLEAU XIV. — Débits moyens des différentes épaisseurs du lit (tourbe seule) en l/h/m²

(seconde série de mesures)

temps de fonctionnement (h)1,56825,530,550
hauteur de lit (cm)
1019512085302525
20230120403530
40500375320170140100

La courbe Q = f (t), pour les quatre types de tourbes, groupant les résultats des deux tableaux XII et XIV, constitue la figure 5.

TABLEAU XV. — Débits moyens des différentes épaisseurs de lit (tourbe seule) en l/h/m²

(série complémentaire)

hauteur de lit (cm)temps de fonctionnement cumulé (h)
92140236
101354
20201011
40808585
[Photo : Fig. 5. — Courbe Q = f (t) pour les quatre types de tourbe.]

Effet de la hauteur de lit :

Les tableaux XIII, XIV et XV rendent compte des débits enregistrés sur les 3 hauteurs de lit, les quatre qualités de tourbe confondues (n’incluant pas cependant les lits mixtes) : il s'agit donc de moyennes de quatre mesures.

TABLEAU XIII. — Débits moyens des différentes épaisseurs de lit (tourbe seule) en l/h/m²

(première série de mesures)

temps de fonctionnement (h)
hauteur de lit (cm)
10170158
201353525
4043012060

La figure 6 rend compte de la courbe Q = f (t) pour les 3 hauteurs de lit de tourbe (valeurs des tableaux XIV et XV).

Contrairement à toute attente, il y a accroissement significatif des débits sur les lits épais de 40 centimètres par rapport à ceux de 20 et 10 cm. La différence observée entre ces deux dernières hauteurs n’est par contre pas significative.

D’autre part, l’effet de la hauteur ne s’observe que pour les tourbes seules et non pas pour le mélange (conclusion des calculs statistiques effectués sur les moyennes de débits mesurés à t = 25,5 - 30,5 - 50 - 57,5 heures d’une part, 92 - 140 et 236 heures d’autre part : cf tableau XVI).

[Photo : Fig. 6. — Courbe Q = f (t) pour les trois hauteurs de lit.]

TABLEAU XVI. — Débits moyens calculés en fonction des deux facteurs « hauteur de lit » et tourbe « seule » ou en « mélange » — l/h/m²

10 cm20 cm40 cm
tourbe + sable2350142
tourbe seule202934
10 cm20 cm40 cm
tourbe + sable651464
tourbe seule5735

1 et 2 : respectivement premier et deuxième calcul statistique.

TABLEAU XVII. — Débits moyens calculés en fonction des deux facteurs « hauteur de lit » et « type de tourbe » — l/h/m²

10 cm20 cm40 cm
TOURBESOL4064130
FLORATORF2140280
BAUPTE263060
HEURTEAUVILLE356595
10 cm20 cm40 cm
TOURBESOL835100
FLORATORF915115
BAUPTE636
HEURTEAUVILLE3335

1 et 2 : respectivement, moyenne de débits calculés au cours des premier et second calculs statistiques.

Enfin, l'augmentation de débit est constatée pour les quatre tourbes utilisées (cf. tableau XVII).

3-3 — Évolution de la tourbe :

Des prélèvements de tourbe ont été effectués à la fin des essais préliminaires sur les lits contenant 40 centimètres de tourbe, à différentes hauteurs du filtre. Ils ont donné lieu à des analyses dont les résultats sont regroupés dans le tableau XVIII.

Le tableau V donnait les caractéristiques de ces quatre tourbes avant leur utilisation en filtration. Après utilisation, les pH des quatre tourbes sont proches de la neutralité alors qu'ils étaient franchement acides. Pour « Tourbesol », le pH (H₂O) passe de 4,2 à 6,55 (moyenne des deux horizons de prélèvement), pour « Floratorf » de 3,9 à 6,65, pour la tourbe de Baupte de 4,6 à 6,70, enfin pour la tourbe d’Heurteauville de 5,3 à 6,75. Les pH finaux sont comparables quel que soit le type de tourbe. D'autre part, le pH est toujours supérieur dans l'horizon profond, surtout pour les tourbes blondes.

[Photo : Filtration sur tourbe. - Lit expérimental.]

TABLEAU XVIII. — Analyse des tourbes après 600 heures de filtration

TOURBE TOURBESOL FLORATORF BAUPTE HEURTEAUVILLE
HORIZON 0-10 cm35-40 cm 5-10 cm30-40 cm 0-5 cm5-30 cm 0-5 cm5-40 cm
pH
H₂O 6,26,9 6,46,9 6,65,8 6,76,8
K Cl 6,06,6 6,36,6 6,46,4 8,45,5
Cations adsorbés (me/100 g de tourbe sèche)
K 1,30,6 1,00,5 0,40,5 0,80,6
Mg 2,42,3 2,32,3 2,02,0 2,32,3
Ca 9,38,6 9,69,0 6,87,2 10,410,0
Na 1,01,2 0,80,7 0,80,6 0,70,7
C.E.T.* 9,89,3 10,09,6 8,08,5 11,010,9

* C.E.T. : Capacité d'échange totale, exprimée, comme les cations adsorbés, en me/100 g de tourbe sèche.

Une autre évolution importante des tourbes est l'accroissement très sensible de la capacité d'échange totale (C.E.T.). Celle-ci est à peu près multipliée par deux chez les tourbes blondes en présence ; l'accroissement de la C.E.T. est plus faible pour les brunes mais néanmoins sensible. Cet accroissement se manifeste aussi bien en surface qu'à 40 cm de profondeur.

L'équilibre de la « garniture » cationique de ces tourbes a été profondément modifié par le passage des eaux résiduaires. L'accumulation de sodium est faible, voire nulle, mais la perte de magnésium est sensible pour toutes les tourbes.

Vis-à-vis du potassium, les résultats varient en fonction du type de tourbe ; il a été lessivé pour la tourbe de Baupte, s'est faiblement accumulé dans l'horizon de surface des tourbes Floratorf et Heurteauville, s'est accumulé sur tout le profil chez Tourbesol. Mais la modification la plus importante est la remarquable augmentation du calcium adsorbé. Celui-ci passe de 17 me/100 g de tourbe sèche à une moyenne de 70 me/100 g pour la tourbe de Baupte, de 14 à 93 pour Floratorf, de 8 à 90 pour Tourbesol, et augmente aussi pour une tourbe originellement fortement calcique comme la tourbe d'Heurteauville.

Nous avons donc constaté que la capacité d'échange totale des quatre tourbes utilisées s'est accrue avec l'apport d'une eau résiduaire. Qu'en est-il de l'évolution de leur taux de saturation * ? Le tableau XIX indique les valeurs obtenues avant et après filtration.

TABLEAU XIX. — Évolution du taux de saturation. *

TOUR-BESOL FLORA-TORF BAUPTE HEUR-VILLE
Taux de saturation
(en % C.E.T.)  38 % 45 % 52 % 100 %
avant filtration
Taux de saturation
après filtration
— En surface       100 % 100 % 89 % 98 %
— En profondeur    97 % 97 % 88 % 95 %

* Taux de saturation : somme des cations échangeables exprimées en % de la C.E.T.

Ces résultats, bien que fragmentaires puisqu'ils ne concernent que quatre des 24 éléments du dispositif d'essai, appellent cependant les remarques suivantes :

— Alors que les tourbes mises à l'essai présentaient à l'origine des caractéristiques physico-chimiques diverses, on assiste après traitement à une uniformisation de ces caractéristiques.

— Après percolation d'une eau résiduaire, la C.E.T. des échantillons prélevés s'est accrue et s'est saturée. Elle s'est vraisemblablement d'autant plus accrue et d'autant plus saturée que les rendements d'épuration ont été meilleurs au cours de l'essai. En effet, les résultats de la seconde série d'analyses effectuées sur l'effluent font apparaître le filtre constitué de 20 cm de tourbe de Baupte comme présentant un rendement d'épuration exceptionnel.

Nous avons donc prélevé sur ce filtre un échantillon de tourbe dans la couche 5-15 cm, que nous comparons à l'échantillon prélevé dans la couche correspondante du filtre « Baupte 40 cm » (voir tableau XX).

TABLEAU XX. — C.E.T. et taux de saturation en fonction du rendement d'épuration.

TOURBE DE BAUPTE
Filtre 40 cm Filtre 20 cm
(Horizon 5-30 cm) (Horizon 5-15 cm)
Rendement sur DCO   72 % 97 %
Rendement sur DBO   73 % 96 %
C.E.T. (me/100 g)    85 96
% saturation        88 % 93 %

Les lits les plus épais — 40 cm de tourbe — ont, nous l'avons vu, été affectés jusque dans l'horizon profond par les modifications de leurs caractéristiques. C'est donc que toute la hauteur du lit a été utilisée pour l'adsorption.

Il est probable que la hauteur « utile » d'un filtre à tourbe n'est pas inférieure à 40 cm.

4 — DISCUSSION

Au vu des résultats des essais préliminaires, nous pouvons tirer des enseignements sur chacun des trois facteurs étudiés.

— En premier lieu, l'adjonction d'un sable à une tourbe, en mélange homogène, diminue les débits. Cette diminution est, environ, de 60 % au bout de 24 heures, et atteint 80 % au bout d'une centaine d'heures, par rapport aux filtres constitués uniquement de tourbe. Cette baisse des débits n'accompagne pas d'une amélioration significative de la qualité de l'effluent.

Nous pouvons expliquer cette baisse des débits des lits mélangés par le fait que le sable forme avec la tourbe un mélange de bonne cohésion (il n'y a pas eu migration du sable dans les horizons profonds), que celui-ci occupe donc une partie des interstices de la tourbe, diminuant sa porosité, donc sa perméabilité.

[Photo : Groupe de travail avec des stagiaires.]

— En second lieu, il semble que les tourbes mises à l’essaiprésentent deux principaux types de comportement :

  • • les tourbes brunes ont autorisé un rendement d’épurationvis-à-vis de la D.C.O. et de la D.B.O. de l’ordre de70 à 80 % au bout de 320 heures dans les conditions denotre essai (la D.C.O. de l’eau d’apport se situant entre200 et 300 mg/l et la D.B.O. autour de 100-120 mg/l),mais avec des débits décroissants très vite jusqu’à40 heures (voir figure 5), puis continuant à diminuer pro­-gressivement pour enfin s’établir à quelques l/h/m²au bout d’environ 200 heures d’alimentation.
  • • Les deux tourbes blondes utilisées, par contre, permettentdes débits sensiblement plus élevés puisqu’ils restent del’ordre de 30-45 l/h/m² en moyenne après 200 heuresd’alimentation. La qualité de l’épuration, par contre,s’en ressent, puisque le rendement sur la D.C.O. ne sesitue plus qu’à environ 50 % au bout de 320 heures (aulieu de 68 % après 100 heures) et, sur la D.B.O., à 35 %(au lieu de 64 % après 100 heures). Soulignons parcontre que l’élimination des M.E.S. est de 80 % aubout de 320 heures quel que soit le type de tourbe.

Les résultats sur la qualité de l’effluent filtré sont à prendreavec circonspection. La lourdeur du dispositif d’essai (24 trai­tements comparés) ne nous a pas permis de multiplier lesanalyses. Ces résultats sont à vérifier au cours des essaisqui vont suivre. D’autre part, les rendements ne sont valables,bien sûr, que dans la fourchette de variation de l’effluent utiliséà l’alimentation. Mais ces résultats sont en accord avec lesinformations que nous pouvons tirer de l’étude bibliographique(différence de comportement entre tourbes « brunes » et tourbes« blondes »).

La différence constatée entre les tourbes quant aux débitsest explicable à partir des observations faites sur les lits. Encours d’essai, nous avons pu observer que les différents trai­tements ne se comportaient pas de la même façon du pointde vue du colmatage. À la surface des tourbes brunes se formeune « semelle » de boue, la partie inférieure de cette « semelle »étant agglutinée à une très faible épaisseur de tourbe. Cephénomène est observé sur la tourbe d’Heurteauville et surtoutsur celle de Baupte. Les lits à mélange sable et tourbe répon­dent encore plus sensiblement au colmatage superficiel. Sur leslits de tourbe blonde, par contre, la rétention des M.E.S. s’effectuesur une hauteur supérieure. Cette caractéristique est surtoutmarquée avec la tourbe canadienne où il est difficile de séparerboue et tourbe, étroitement amalgamées (1). Ces observationsont été confirmées en fin d’essai par le prélèvement de carottesur les lits (voir figure 7).

[Photo : Fig. 7. — Carottes prélevées en fin d’expérimentation]

— En troisième lieu, contrairement à toute attente, les mesu­res répétées des débits mettent en évidence leur accroisse­ment pour la tourbe seule, sur les lits épais de 40 cmpar rapport à ceux de 20 et 10 cm (cf. figure 6).

Nous avons tout d’abord tenté d’expliquer ce résultat par uneéventuelle différence d’alimentation des lits : les lits conte­nant 10 cm de tourbe auraient reçu des volumes d’eau décantéetrès supérieurs à ceux en contenant 40, l’eau en excès sedéchargeant d’une partie de ses matières en suspension avantde s’écouler par le trop-plein, provoquant ainsi un colmatagesupérieur des lits de 10 cm, donc une plus grande chute dedébit. Or, des mesures de débits effectuées simultanémentà la sortie des lits et des trop-pleins qui leur correspondentsont loin de confirmer cette hypothèse. Il semble qu’il y ait uneffet positif sur les débits de l’augmentation de la hauteur detourbe. Or, cet effet, nous l’avons vu, ne se manifeste pas pourles lits tourbe et sable en mélange. Il ne serait pas dû directe­ment à l’augmentation de la hauteur du lit, mais pourrait êtreune conséquence de l’augmentation du volume global de tourbe.

Nous émettons l’hypothèse suivante : il se produirait, enmilieu saturé, un arrangement des particules de tourbe, lesparticules grossières, de densité faible, migrant vers le haut,les particules fines, de densité plus forte, migrant vers le bas.La partie supérieure du filtre serait donc constituée de parti­cules offrant une macroporosité forte, donc un colmatage pluslent et moins accentué ; la hauteur globale de tourbe est élevée,plus la hauteur de filtre « grossier » l’est aussi, et meilleureserait l’utilisation du filtre.

Les carottages effectués en fin d’essai sur les différents litstendent à accréditer cette hypothèse : la granulométrie sembled’autant plus fine que la profondeur est plus grande, pour unmême lit. Pour les lits de tourbe blonde, d’autre part, il appa­raît que les lits de hauteur 10 cm ont une couche d’environ5 cm partiellement colmatée, alors qu’elle atteint 10 cm environpour les lits de 40 cm. Mais ces observations restent à confir­mer ou infirmer au moyen d’analyses granulométriques desfiltres à tourbe.

— Enfin, outre l’étude des facteurs précités, les essais préli­minaires ont permis certaines observations que nous nousproposons d’approfondir au cours des essais sur pilote.

En particulier, il est intéressant d’étudier la variation des débitsnon plus en fonction du temps, mais en fonction de lacharge de l’eau d’apport. Des prélèvements continus d’eaudécantée (2) associés à une série de mesures des débitsont donné les résultats que regroupe le tableau XVII. Parintégration des courbes Q f (t), nous avons déduit larétention des filtres en M.E.S.

Les résultats montrent que, dans les 48 premières heures,les filtres constitués de tourbes brunes retiennent pratiquementla même quantité de M.E.S. que les filtres constitués de TOUR-

(1) De là vient la difficulté de décolmater les filtres constitués de tourbeblonde, avec pour conséquence des débits plus faibles sur blonde que sur bruneau début de la réalimentation (figure 5, débits des dix premières heures).

(2) M.E.S. de l’eau décantée (eau d’alimentation du dispositif du 24 au25/01 : 96 mg/l, du 25 au 26/01 : 70 mg/l, le 26, 10 h à 18 h : 66 mg/l).

TABLEAU XXI. — Débit en fonction de la charge en M.E.S. pour chacune des 4 tourbes.

tourbetemps (h)M.E.S. retenuesdébit l/h/m²
0340
FLORATORF24470135
48660100
0230
TOURBESOL2433595
4845560
0415
BAUPTE2438050
4842020
0335
HEURTEAUVILLE2439025
4834060

BESOL (400 à 450 g/m²) mais que les premiers subissent par contre une chute de débit bien plus sévère. Quant aux filtres garnis de FLORATORF, ils semblent les mieux adaptés à une filtration mécanique simple, puisque la quantité de M.E.S. retenue est de 50 % supérieure aux autres, avec un débit restant élevé.

Signalons à ce propos que, pour les deux lits de tourbe blonde de hauteur 40 cm, c’est-à-dire les deux lits qui ont autorisé les débits les plus élevés de tous les traitements mis à l’essai, nous avons observé une turbidité très forte de l’effluent de sortie, pendant quelques heures, au bout d’environ 200 heures d’alimentation après le décolmatage précédent : il s’agit d’étudier au cours des essais sur pilote, à partir de quelle quantité d’apport s’opérerait la « crevaison » du filtre.

Enfin, un dernier facteur de fonctionnement a pu être observé au cours des essais préliminaires : il s’agit de l’augmentation de débit enregistrée après une interruption de l’alimentation, sans aucun décolmatage (voir tableau XIX).

CONCLUSION DES ESSAIS PRÉLIMINAIRES

Ces essais avaient pour objectif de comparer dans les mêmes conditions d’utilisation plusieurs substrats et d’en dégager les caractéristiques. Ils ont permis de constater le peu d’intérêt qu’offre un sable en mélange avec une tourbe du point de vue des volumes traités. Ils ont fait apparaître les différences de comportement des tourbes selon leurs caractéristiques physico-chimiques.

En ce qui concerne la filtration mécanique, les tourbes blondes se comportent le mieux puisqu’elles permettent une bonne élimination des M.E.S. en conservant des débits moyens de l’ordre de 40 l/h/m² après plus de 200 heures d’alimentation continue dans les conditions de cet essai.

En ce qui concerne l’élimination de la D.C.O. et de la D.B.O., ce sont les tourbes brunes qui jouent le rôle le plus efficace.

Enfin, il apparaît paradoxalement un comportement positif de la hauteur des lits sur les débits admissibles.

Les études à venir seront menées sur trois axes.

  • — Une expérimentation sera consacrée exclusivement à l’étude des effets du facteur hauteur sur les débits, en considérant le rôle de la texture de la tourbe.
  • — Il paraît d’autre part riche d’enseignements d’utiliser les possibilités d’échange ionique d’une tourbe brune optimale, avec un autre mode que la filtration, où le colmatage reste un facteur limitant son utilisation.
  • — Une expérimentation sera destinée à étudier de façon spécifique les effets des facteurs de fonctionnement sur l’efficacité du filtre (étude de la charge hydraulique, du décolmatage des filtres, d’une alimentation continue par rapport à une alimentation discontinue). Ils seront menés pour partie sur pilote semi-industriel, et permettront en particulier la vérification des débits et des rendements enregistrés sur un dispositif de dimension plus voisine que celle d’un dispositif appliqué.

Voir la suite au prochain numéro de L’EAU ET L’INDUSTRIE — 3ᵉ partie « Étude des facteurs de fonctionnement ».

TABLEAU XXII. — Variation des débits après arrêt d’alimentation

tourbel/h/m²
avant arrêtarrêt 6 haprès 1 h de remise en marcheavant arrêt 40 harrêt 40 haprès 1 h de remise en marche
TOURBESOL751256080
FLORATORF2019095110
BAUPTE10252060
HEURTEAUVILLE707525110
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