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La filtration lente au secours des pointes de turbidité au sein des petites unités de production d'eau potable

30 novembre 2010 Paru dans le N°336 à la page 105 ( mots)
Rédigé par : Thierry COULOM et Stéphane BOEGLIN

Les pointes de turbidité dans les ressources des petites productions d'eau potable posent depuis de nombreuses années un problème sanitaire que les procédés ne savent résoudre qu'en installant des technologies sophistiquées qui ont le désavantage de coûter cher tant en investissements qu'en exploitation. Par ailleurs, la maintenance et l'exploitation de ces installations nécessitent d'en déléguer souvent la gestion sauf à risquer de nombreux dysfonctionnements. Face à ce défi scientifique et technique, Aquatrium basée à Nancy, a développé une filière de traitement qui permet pour un coût d'investissement très concurrentiel et un coût de fonctionnement très faible, de faire face à ces montées de turbidité dans des conditions de fiabilité particulièrement exceptionnelles.

Thierry Coulom, Stéphane Boeglin, ingénieurs en traitement des eaux, fondateurs d’Aquatrium

[Photo : Installation de Rarecourt comprenant 6 filtrations lentes successives.]

Les pointes de turbidité dans les ressources des petites productions d’eau potable posent depuis de nombreuses années un problème sanitaire que les procédés ne savent résoudre qu’en installant des technologies sophistiquées qui ont le désavantage de coûter cher tant en investissement qu’en exploitation. Par ailleurs, la maintenance et l’exploitation de ces installations nécessitent d’en déléguer souvent la gestion sauf à risquer de nombreux dysfonctionnements. Face à ce défi scientifique et technique, Aquatrium, basée à Nancy, a développé une filière de traitement qui permet, pour un coût d’investissement très concurrentiel et un coût de fonctionnement très faible, de faire face à ces montées de turbidité dans des conditions de fiabilité particulièrement exceptionnelles.

La commune de Rarecourt, sise au nord de la Meuse, consomme entre 80 et 120 m³/jour dont une part va approvisionner le village voisin de Froidos. Confrontés depuis toujours à des montées de turbidité dans leur ressource (captage d'une résurgence naturelle), les maires successifs ont souhaité conserver leur autonomie de production mais, pour cela, il était impératif de trouver une solution technique adaptée. Cependant, ce n’était pas chose facile car

[Photo : Un opérateur en train de faire un lavage.]

La ressource a un caractère karstique très marqué avec une fréquence de pointes de turbidité supérieures à 20 NFU de 15 à 20 fois par an, pointes qui atteignent plusieurs fois par an des valeurs supérieures à 100 NFU, voire jusqu'à 500 NFU. Par ailleurs, la ressource peut contenir des pointes en fer dissous.

Dans les années 90, la commune mena des essais avec différents constructeurs qui mirent en évidence qu’aucune technologie, à l'époque, n’était capable de faire face à ces montées de turbidité de façon pérenne. Les membranes en céramique se colmataient immédiatement et la coagulation sur filtre qui finit par être installée faute de mieux, ne permettait pas de faire face à des montées supérieures à 20-25 NFU. Bien entendu, il aurait été possible de mettre en tête un décanteur pour coaguler en ligne ces turbidités mais dans un village de quelques centaines d’habitants, réaliser un tel ouvrage n’aurait eu aucun sens.

Une technique ancienne, sûre et modernisée

C’est donc dans ce contexte insatisfaisant que la commune s’est intéressée à la filière de traitement développée par Aquatrium. Cette filière met en œuvre le procédé de Spirofiltration® qui est constitué de plusieurs filtrations lentes en série, les premières jusqu'à l’avant-dernière constituant un prétraitement de l'eau brute avant une filtration lente finale.

Si la filtration lente est une technique ancienne bien connue, c’est la première fois qu’un procédé permet de la mettre en œuvre en série avec des conditions d’exploitation totalement modernisées. En effet, là où dans la version « antique », le filtre devait être asséché avant que des opérateurs ne soustraient à la surface du filtre lent le sable colmaté, la Spirofiltration® permet de réaliser un lavage in situ sans enlever le sable (aucune perte) dans un timing compatible avec le maintien d'une capacité de production journalière optimale.

Dans le cas de Rarecourt, le Spirofiltre a une surface filtrante de 90 m² qui peut être entièrement nettoyée en une grosse matinée. Un filtre lent classique de surface équivalente nécessiterait deux jours d’arrêt puis cinq à six jours de réensemencement sans compter qu’à terme il serait nécessaire de prévoir une recharge en sable du fait de son enlèvement à chaque décloisonnage. Par ailleurs, le Spirofiltre redémarre immédiatement car le sable ayant été lavé in situ, il est toujours ensemencé et opérationnel à 100 %.

Les installations de traitement de Rarecourt ont consisté à implanter en amont de la coagulation sur filtre existante, six filtres lents en série constituant le procédé Spirofiltration®.

Dès la mise en service, l'amélioration de la qualité de l'eau fut immédiate et dès la troisième semaine, nous avons pu observer la constitution d’une membrane biologique. Cependant, les filtres biologiques s’ensemencent naturellement et la rapidité d’ensemencement dépend des conditions de départ. Le fonctionnement optimal est obtenu au terme du premier printemps ou du premier été ce qui signifie que le lancement en hiver prend plus de temps. Comme le dit un adage de la profession : « pour bien passer l’hiver un filtre biologique lent doit d’abord passer un plein été ».

Des performances détonantes !

Mis en fonctionnement au cours du mois de janvier 2006, les nouvelles installations ont eu un effet immédiat sur la qualité de l'eau comme le montrent les contrôles sanitaires réalisés par la DDASS de la Meuse sur le réseau des villages de Rarecourt et

[Photo : Arrivée d'une pointe de turbidité sur la 1re filtration lente (à droite). Mise en évidence d’une clarification importante dès la 2e filtration lente (à gauche)]
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[Photo : Cas de la commune de Froidos en Meuse – Historique des contrôles sanitaires effectués par la DDASS de Meuse sur l’eau distribuée]
[Photo : Cas de la commune de Rarecourt en Meuse – Historique des contrôles sanitaires effectués par la DDASS de Meuse sur l’eau distribuée]

Froidos. Nous avons choisi de travailler sur les valeurs de turbidité des contrôles sanitaires car nous disposons de la base de données du Ministère de la Santé que chacun peut consulter et dont la comparaison dans le temps permet de voir à quel point la Spirofiltration® est efficace.

Dans le tableau n° 1 sont pointées les dates de prélèvement et les valeurs de turbidité mesurées lors de ces contrôles effectués sur le réseau du village de Rarecourt. Le graphique n° 1 rend compte de l’évolution au cours du temps de la turbidité dans le réseau de Rarecourt.

Dans le tableau n° 2 sont pointées les dates

[Photo : Exemple d’une montée de turbidité : 290 NFU en entrée de Spirofiltration® le 23 novembre 2006.]

de prélèvement et les valeurs de turbidité mesurées lors de ces contrôles effectués sur le réseau du village de Froidos. Le graphique n° 2 rend compte de l’évolution au cours du temps de la turbidité dans le réseau de Froidos.

Dans les deux cas, deux périodes distinctes sont observées : avant et après la mise en service de la Spirofiltration® sachant que dans le premier cas, la coagulation sur filtre était en fonctionnement bien que dépassée par la qualité très dégradée des eaux brutes et dans le second cas les résultats obtenus ne sont dus qu’à la Spirofiltration® car dès le mois de mars 2006 après sa mise en œuvre, l’automatisme d’injection de WAC en tête du filtre rapide final n’a plus été sollicité car la valeur de turbidité en sortie était déjà conforme. Nous pouvons donc considérer que l’étude dans le temps des valeurs de turbidité mesurées dans les réseaux des deux villages permet de comparer la technique de coagulation sur filtre et la Spirofiltration®.

Au vu des deux graphiques, personne ne peut plus douter de la pertinence du choix d’installer une Spirofiltration® car depuis sa mise en œuvre, la turbidité dans le réseau et au robinet de l’habitant ne dépasse plus 0,75 NFU. Plus intéressante est la proportion de 70 % des cas où la turbidité est inférieure ou égale à 0,2 NFU, soit dix fois moins que la limite de qualité. Quand on connaît la difficulté de maintenir dans le réseau une turbidité inférieure à 2 NFU et sachant que cette ressource présente des turbidités de l'eau brute très élevées (jusqu’à 500 NFU) à des fréquences rapprochées (15 à 20 fois par an), la performance obtenue sur la qualité de l'eau dans le réseau de distribution au cours des contrôles sanitaires est tout à fait exceptionnelle. Nous mesurons là la remarquable efficacité de ce procédé.

Aujourd’hui, les communes de Rarecourt et de Froidos sont dans le haut du tableau des communes ayant la turbidité la plus faible observée dans les réseaux de distribution alors qu’elles en constituaient le peloton de queue avant la mise en œuvre du procédé.

Un faible coût de fonctionnement et une facilité d’exploitation

Le coût de fonctionnement lié à l’exploitation de la Spirofiltration® est de l’ordre de 10 à 11 centimes d’euros par m³ d’eau potable produit par jour ce qui positionne le procédé comme l’un des moins coûteux du marché. L’exploitation est aisée et ce sont les employés communaux ainsi que deux élus du conseil municipal qui exploitent l’installation. La fréquence des lavages nécessaires au décolmatage du sable est en moyenne de 4 semaines sachant qu’elle évolue entre 3 et 5 semaines selon la saison et bien sûr la qualité des eaux brutes.

Éliminer les pesticides

Une fine couche de charbon actif étalée et renouvelée régulièrement sur la surface de la filtration lente finale permet d’éliminer totalement les traces de pesticides observées dans les eaux brutes. En effet les analyses faites sur les eaux brutes montraient qu’il pouvait y être détecté des traces d’atrazine, d’atrazine déséthyl, de chlortoluron, d’isoproturon ou de glyphosate.

Neutraliser

De la même manière qu’une couche de charbon actif étalée sur la dernière filtration lente permet d’éliminer les pesticides et autres traces de micropolluants, il est possible de neutraliser l’eau pour lui enlever son pouvoir agressif en disposant une couche de substrat calcaire au-dessus du sable de la dernière filtration lente sachant qu’en général l’agressivité a tendance à diminuer au cours des filtrations successives du fait de l’activité de la membrane biologique.

Adsorber

Bien que dans le cas de la commune de Rarecourt, il n’y ait eu aucun besoin d’éliminer des composés tels que l’arsenic ou encore le fluor, la Spirofiltration® permet d’implanter dans la filière une étape de filtration lente supplémentaire incluant en surface une couche de substrat adsorbant tel que l’alumine activée. Dans ce cas et autant que de besoin, les eaux filtrées sont passées au travers de ce matériau adsorbant afin d’y retenir le composé indésirable.

Conclusion

Les essais menés sur la commune de Rarecourt au nord de la Meuse démontrent, sans ambiguïté, l’efficacité du procédé Spirofiltration® sur les pointes de turbidité observées. Ils montrent également un coût d’exploitation très bas et une facilité d’exploitation qui mettent le procédé à la portée des petites et moyennes unités de distribution.

[Photo : Entre 0,15 et 0,20 NFU en sortie de Spirofiltration® tout au long de la journée du 23 novembre 2006 et des jours suivants.]
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