La déshydratation mécanique des boues par filtre-presse est un procédé très répandu, dont l’utilisation est justifiée dès que la siccité des boues à déshydrater excède 30-35 %, notamment lorsque les boues doivent être incinérées ou mises en décharge.
Les boues résiduaires ainsi traitées intéressent trois domaines :
- — les boues de stations d’épuration d’effluents de traitement de surfaces : elles sont constituées en général par les hydroxydes métalliques précipités. Ces installations utilisent de petits filtres, dont la capacité varie de 50 à 500 l ;
- — les boues minérales provenant du lavage des matériaux de carrière ou de mines ;
- — les boues urbaines, qui peuvent être conditionnées avec des polymères.
Nous exposerons deux exemples de réalisations concrètes concernant ces deux dernières catégories.
Boues résiduaires minérales
Les mines et les carrières utilisent en général d’importantes quantités d’eau pour le lavage de leurs matériaux, eaux qui sont le plus souvent recyclées après avoir subi une décantation physico-chimique. Celle-ci produit des boues très concentrées contenant de 200 à 500 g de matières sèches par litre et leur rejet devient problématique dès que l’exploitation ne peut offrir de surfaces de séchage suffisamment importantes. La solution consiste alors à les déshydrater pour qu’elles puissent servir au remblaiement des carrières après leur exploitation.
Le traitement des boues est lié à la nature du gisement : un fort pourcentage de particules colloïdales (argiles par exemple) nécessite un conditionnement préalable à la filtration alors que les boues maigres (limoneuses, sablonneuses) seront filtrées sans adjuvant. La siccité obtenue avec un filtre-presse sur des boues minérales est supérieure à 75 % ; leur manipulation est facile, et aucun phénomène de thixotropie ne se produit lors du transport.
Un filtre-presse automatique a été ainsi installé à Montric (Tarn) dans une carrière de minerai de spath fluor (fluorine) exploitée par la Sogerem. Ce minerai, qui contient environ 40 % de fluorine, est extrait après concassage. La fluorine en suspension dans l’eau est filtrée sur un filtre à tambours, puis séchée avant expédition.
Après passage dans des hydrocyclones où s’effectue la séparation des particules supérieures à 50 microns, l’eau de lavage chargée de stériles est décantée à l’aide de polyélectrolytes. Après décantation, les boues extraites, de densité variant de 1,05 à 1,25, sont déshydratées par filtration sous pression.
L’usine de Montric étant entièrement automatisée, l’unité de déshydratation devait s’y intégrer en fonctionnant sans intervention manuelle. Les essais sur les stériles ayant donné d’excellents résultats : temps de filtration court, décollage systématique des gâteaux au débâtissage, les boues présentaient les qualités requises pour garantir le fonctionnement d’un filtre-presse à cycles automatiques. L’automaticité du filtre-presse est en effet directement liée à l’aptitude des gâteaux à se décoller systématiquement dès l’ouverture des chambres. Afin de garantir ce décollage, la solution d’un filtre muni de plateaux à membrane fut adoptée, système dans lequel le remplissage du filtre s’effectue au moyen d’une pompe centrifuge qui fonctionne jusqu’à ce que la pression atteigne 4 bars ; le compactage des gâteaux est réalisé par gonflement des membranes sous pression d’air comprimé à 13 bars. Après décompression, les membranes reprennent leur position initiale, ce qui favorise le décollement des gâteaux à l’intérieur des chambres avant leur ouverture.
Le filtre a été doté de nombreux capteurs qui fournissent à un automate programmable les informations nécessaires pour le fonctionnement et la sécurité de l’ensemble de l’installation.
L’unité de déshydratation comprend :
- — une pompe centrifuge de remplissage du filtre : Q = 125 m³/h, P = 4 bars à 1 200 tr/min — puissance installée : 22 kW ;
- — un compresseur pour le compactage des gâteaux : Q = 57 Nm³/h, pression 18 bars, cuve de 3 000 l de capacité — puissance installée : 11 kW ;
- — un filtre-presse automatique TITAN 219 : capacité 3 500 l, épaisseur des gâteaux 30 mm, comportant 81 plateaux à membrane de 1 200 × 1 200 mm en polypropylène, avec groupe hydraulique de 5,5 kW et moteur du chariot de débâtissage de 0,75 kW ;
- — un tapis transporteur situé sous le filtre pour l’évacuation des gâteaux : largeur de bande 0,8 m — longueur 17 m — moteur de 5,5 kW ;
- — un pupitre local d’intervention manuelle regroupant les différents contacteurs de puissance et un rappel des signaux qui sont envoyés au poste central de contrôle ; celui-ci reçoit les images du filtre-presse renvoyées par deux caméras vidéo.
Depuis le poste central de contrôle, le synoptique informe l’opérateur des phases en cours d’opération, et celui-ci peut alors modifier un ou plusieurs paramè…
Très pour améliorer le cycle de filtration,les différentes étapes du cycle sont les suivantes :
- — fermeture et serrage du filtre : 1,5 mn
- — remplissage par la pompe centrifuge : 12 mn
- — compactage à l'air comprimé sous 13 bars
- — décompression des membranes : 2,5 mn
- — chasse de la boue résiduelle du noyau central d'alimentation : 1 mn
- — ouverture du filtre et débâtissage : 6,5 mn
Le cycle de filtration, qui dure environ 30 mn, se renouvelle automatiquement.On obtient cinq tonnes de matières sèches par cycle, soit 6,5 tonnes de gâteaux à 75 % de MS.
Les gâteaux sont envoyés en remblai et le filtrat est recyclé en tête du décanteur.La consommation électrique de l'installation est de 12 kW /h.La durée de vie du jeu de toiles filtrantes est en moyenne de 4 500 cycles.Le nombre de pressages varie de 25 à 45 par jour suivant la teneur du minerai.L’entretien du matériel prend douze heures par mois, et la surveillance une heure par poste.
Boues résiduaires urbaines
Les stations d’épuration qui déshydratent leurs boues par filtres-presses conditionnent nécessairement les boues avant filtration. Deux types de prétraitement peuvent être envisagés :
- — chaux et sels de fer, procédé traditionnel employé dans de nombreuses stations ;
- — polymères avec ou sans sels de fer, procédé plus récemment utilisé.
Ce dernier conditionnement (polymère seul) a été mis en œuvre à la station d’épuration de la ZUP de Brest, laquelle déshydrate ses boues au moyen d'un filtre-presse TITAN 219. L’appareil, d’un volume de 3 600 l et de 240 m² de surface filtrante, produit à chaque cycle 100 gâteaux de 30 mm ; les plateaux en fonte sont revêtus d’une sous-toile en polypropylène et d'une toile filtrante en Rilsan.
La capacité de la station est de 50 000 équivalents-habitants ; elle traite de l'ordre de 21 000 m³ de boues dont la concentration est de l'ordre de 3,2 % de MS, soit 650 à 700 t de MS/an. Le rapport matière volatile/matière sèche est d’environ 75 %.
La station a effectué de nombreux essais pour mettre au point cette technique. Initialement, l'injection de polymères était réalisée dans le floculateur où l'on ajoutait précédemment la chaux et le chlorure ferrique. Cette méthode permettait de maintenir un dosage précis du polyélectrolyte par rapport aux MS ; par contre, le floc résistait mal à l’action de la pompe à membrane, et le filtre-presse recevait une boue peu floculée qui ne se prêtait pas à la formation de gâteaux. La solution retenue fut d'injecter le polymère en ligne, proportionnellement au débit des boues. À cet effet, un capteur mesure le débit et permet, par l'intermédiaire d'un système de régulation, d'ajuster le débit des polymères. Ce procédé, testé à l'aspiration de la pompe à membrane, a donné des résultats satisfaisants. Il présente en particulier l’avantage d’éviter l'utilisation d'une pompe doseuse de contre-pression (15 bars).
Le capteur de débit étant placé sur la canalisation d’aspiration, le mélange boues-polymères s'opère dans la pompe même, puis dans la canalisation de refoulement dont les quatre coudes favorisent le brassage. Le floc se forme ainsi au cours de son avancée avant d’être introduit dans le filtre-presse.
Les résultats obtenus, mesurés par les chiffres suivants, sont particulièrement satisfaisants :
- — quantité de matière sèche déshydratée par pressée : 1,2 t/MS,
- — siccité moyenne : 33 %,
- — temps de filtration : 1 h 30 (dans le cycle de deux heures),
- — lavage des toiles toutes les 120 pressées.
La consommation des polymères est de 6 à 8 kg par tonne de MS. Leur injection, proportionnellement au débit de la pompe, peut poser des problèmes quand la concentration des boues varie de façon importante, la quantité de polymères devant rester proportionnelle à la teneur en matières sèches. Il a cependant été noté à la station de Brest que la surconsommation de polymères ainsi entraînée peut aller jusqu’à 20 % sans perturber le résultat final.
Il est intéressant de comparer les deux méthodes de conditionnement. Leurs avantages et leurs inconvénients peuvent être détaillés comme suit :