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La filtration automatique à diatomées et son application au stade nautique d'Annecy

30 octobre 1985 Paru dans le N°95 à la page 89 ( mots)
Rédigé par : Marc LAMBERT

Le stade nautique des Marquisats à Annecy, situé près du lac, et qui compte quatre bassins dont un de 50 mètres de longueur, a fait l'objet en 1983 et 1984 de travaux de rénovation et de mise en conformité avec les dispositions de la circulaire du 9 mai 1983.

Ses caractéristiques sont les suivantes (tableau 1) :

Nature du bassinLongueurLargeurProfondeurVolume
Olympique50 m21 m1,80 m1 890 m³
Apprentissage2512de 0,30 à 1,10210
Sportif2512de 0,50 à 1,30270
PataugeoireDiamètre : 200,3090

ce qui correspond à un volume de 2 460 m³ d’eau à traiter.

Les anciennes dispositions réglementaires imposaient le renouvellement quotidien, en eau de ville, de 5 % du volume d’eau du bassin, quelle que soit l’importance de sa fréquentation ; désormais, cet apport d’eau est calculé sur la base de 30 litres par jour et par baigneur. Les filtres à sable existants ne permettaient pas de profiter de ces nouvelles dispositions légales, car leur eau de lavage, rejetée à l’égout tous les deux à trois jours, donnait lieu à des consommations énormes d’eau et surtout de calories ; il fallait donc s’orienter vers une technique de filtration plus moderne. C’est ce qui a été réalisé en mettant en œuvre notre procédé de filtration automatique à diatomées.

LA FILTRATION AUTOMATIQUE À DIATOMÉES

Les diatomées

Les diatomées sont des algues brunes unicellulaires dont la membrane cellulosique a la propriété de fixer la silice de l’eau. Elles forment ainsi des sortes de carapaces ou « frustules », constituées d’une silice hydratée voisine de l’opale. Ces frustules, dont la taille varie de 5 à 40 microns, présentent des aspects très divers : on dénombre ainsi plus de 10 000 espèces ou variétés de diatomées.

[Photo : Le stade nautique rénové.]
[Photo : Les diatomées (grossissement 5 000).]

Après la mort de l’organisme, la frustule subsiste et dans certains lacs ou fonds marins où les eaux sont

[Photo : Un filtre (porte ouverte).]

chargées en silice, la pullulation peut être telle qu’il se forme d’importants dépôts donnant, après fossilisation, une roche blanche, légère, très poreuse : la diatomite.

Ces conditions favorables sont principalement réalisées dans les contextes volcaniques ; c’est pourquoi la plupart des gisements exploités datent de la fin du tertiaire ou du début du quaternaire. On notera que le terme de « silice fossile », qui est souvent employé pour désigner la diatomite, peut aussi englober des roches formées par d’autres microfossiles siliceux comme des radiolaires (protozoaires marins largement développés au secondaire), des spicules d’éponge, etc.

Après traitement, les diatomées et leurs débris forment une poudre blanche ou rose d’une extrême porosité. Débarrassées de l’humidité et des impuretés minérales ou organiques, ces minuscules dentelles minérales constituent une matière chimiquement inerte, offrant durablement une perméabilité qui en fait un adjuvant remarquable lorsqu’on le dépose sur une surface filtrante. Bien qu’il s’agisse d’un produit naturel dont le traitement industriel affecte le moins possible la structure microscopique, les méthodes modernes de sélection permettent de produire, avec les diatomées, une gamme d’adjuvants de filtration répondant aux normes précises dont les nombreuses industries utilisatrices ont besoin pour une grande variété d’applications (filtration du vin, de la bière, des produits pharmaceutiques et des eaux, dont celles de piscine). La France compte parmi les premiers producteurs mondiaux de diatomites ; les gisements les plus importants sont exploités à Saint-Bauzile (Ardèche) et à Riom-ès-Montagne (Cantal).

La granulométrie des diatomites utilisées en eau de piscine permet la formation d’un gâteau filtrant de 5 à 7 millimètres d’épaisseur dont les pores ont des dimensions de l’ordre de 6 microns et permettent de capter, par pontage, des particules de l’ordre du micron, ce qui est cent fois plus efficace que les filtres à sable sans floculation utilisant des grains de l’ordre de 0,7 mm de diamètre moyen. Les grains de diatomites sont en effet d’une grosseur moyenne de dix microns alors que le sable des filtres est de l’ordre de 0,6 mm, soit 600 microns.

La filtration automatique

L’eau de la piscine est aspirée selon les dispositions classiques. La mise en route du groupe électro-pompe fait pénétrer sous pression l’eau de la piscine dans le filtre et assure son mélange avec la diatomite préalablement introduite dans le filtre ; on obtient un lait homogène de diatomite. Celle-ci se dépose sur une toile (septum) maintenue par un support. L’eau traverse le gâteau de diatomite, puis la toile, et arrive filtrée à l’intérieur des supports où elle est collectée. Le gâteau est un motif tridimensionnel dont les pores sont de dimensions variables suivant les types de diatomite.

[Photo : Pupitre de commande de la filtration au sol : des cadres de filtres à diatomées.]

Il est nécessaire, pendant la formation du gâteau, de faire fonctionner le filtre en circuit fermé ; la diatomite plus fine, éventuellement passée à travers le tissu au début de l’opération, vient se déposer peu à peu sur celle qui y est déjà retenue. Il est alors possible, grâce à la présence de fine, d’obtenir des pores du dixième de micron.

Pour la filtration des eaux de piscine, la quantité de diatomite utilisée est de 1,4 à 3 kg/m² de surface filtrante. Le gâteau a une densité apparente humide de 0,34. Trois kilogrammes de diatomite sur un mètre carré correspondent donc à un gâteau d’épaisseur de 8,4 mm. Signalons au passage que la compressibilité de celui-ci est négligeable en filtration d’eau de piscine du fait des faibles pressions utilisées (4 % pour une pression différentielle de 16 bars).

La perte de charge enregistrée dans le gâteau est une fonction linéaire de son épaisseur. Lorsque celui-ci est neuf, la perte de charge due à sa présence est pratiquement nulle. En effet, une poudre de diatomite ayant une perméabilité de 1 Darcy (parmi les plus fines utilisées en piscine) permet de filtrer 60 m³/h·m² sous 0,5 bar, le gâteau ayant 3 mm d’épaisseur. La vitesse de filtration généralement pratiquée en piscine est de 5 m³/h·m², soit près de dix fois moins rapide que dans les filtres à sable proposés aujourd’hui sur ce marché. L’encrassement du gâteau ne s’effectue qu’en surface, et lorsque l’élément filtrant est colmaté, seule une fine pellicule de diatomite a été utilisée.

Pour éviter un gaspillage et rendre facile l’exploitation des filtres à diatomées, on a cherché à utiliser la totalité de la diatomite. C’est ainsi que sont nés les filtres à décolmatage automatique, lequel est déclenché, soit par un pressostat lorsque la perte de charge dans le filtre atteint une valeur déterminée, soit par une horloge, soit par superposition du système horloge et du contrôle de la perte de charge. L’opération débute par un arrêt automatique de la pompe de filtration qui maintenait le gâteau de diatomées plaqué sur la toile filtrante. Les bassins étant en charge, leur eau reflue et crée à l’intérieur des cadres entoilés, une contre-pression ; les toiles étant disposées verticalement, le gâteau se décolle de celles-ci et chute verticalement à la partie inférieure du filtre.

Quelques minutes plus tard, la séquence de reformation du gâteau est réalisée automatiquement, grâce à une recirculation d’eau en circuit fermé à l’intérieur du filtre.

Cette méthode réglementaire évite toute introduction de diatomées dans le bassin et permet la formation d’un gâteau à très haut pouvoir filtrant (inférieur ou égal à 0,5 micron), les diatomées les plus fines passées en début de cycle à travers le gâteau se retrouvant automatiquement en surface du gâteau filtrant.

Après quelques minutes, le filtre, grâce à ses vannes automatiques, se replace dans sa position de marche normale.

[Encart : texte : TABLEAU 2 – Récapitulation des améliorations apportées à l’ensemble des installations Alimentation des bassins Avant : Centralisée Après : Indépendante pour chaque bassin avec débitmètre de contrôle Reprise des bassins Avant : Unique Après : Indépendante pour chaque bassin, réalisée par le fond et les goulottes : réglable de 0 à 100 % Alimentation pataugeoire Avant : Eau du lac non chauffée Après : Eau traitée, régulée Alimentation pédiluve Avant : Eau de ville non traitée Après : Eau désinfectante mais chauffée, prélevée sur le réseau des bassins Nature des canalisations Avant : Acier enterré Après : PVC dans galeries ou caniveaux visitables Nature de la filtration Avant : Filtres à sable à vitesse 20 m/h Après : Filtres à diatomées à vitesse lente (4 à 5 m/h), décolmatage automatique Capacité de filtration Avant : Théorique : 360 m³/h – Réelle : 250 m³/h Après : 1 060 m³/h : toutes les 4 h pour le bassin olympique ; toutes les 90 mn pour les petits bassins ; toutes les 30 mn pour la pataugeoire. Possibilité d’isoler un bassin pour le soumettre à une chloration de choc, tout en doublant ou en triplant son débit de recyclage Stérilisation Avant : Chlore gazeux Cifec Après : Chlore gazeux Cifec avec régulation automatique Local technique Avant : 12 x 6 m pour un débit de 260 m³/h. Local récupéré pour création d’ateliers Après : 19,65 x 7 m pour un débit de 1 060 m³/h, avec palan pour la manutention intérieure. Emplacement prévu pour un quatrième filtre. Filtre intérieurement visitable. Toiture du local démontable.]

De la même façon, après un arrêt involontaire de la pompe par coupure du courant électrique, les diatomées sont reprises par le flux et redistribuées sur les toiles, toujours avec reformation du gâteau en recirculation fermée. C’est une caractéristique particulière du filtre CIFEC.

1983 (avant travaux) / 1984 (après travaux) – Différence

Secteurs concernés

Secteur Valeurs
Eau 54 000 m³ / 14 000 m³ – Différence : 40 000 m³ – 163 200 F
Électricité 109 521 kWh – 24 764 F / 218 950 kWh – 48 764 F – Différence : doublée ; +24 000 F (débit des pompes triplé)
Gaz 120 015 m³ – 285 984 F / 63 868 m³ – 152 193 F – Différence : pratiquement moitié ; –133 790 F (2ᵉ quinzaine d’août fraîche)
Diatomées 0 / 1 600 kg – 6 400 F – Différence : +6 400 F
Sulfate d’alumine 20 kg/j / 0 – Supprimé ; –5 600 F (* de mai inclus à août inclus)
Carbonate 10 kg/j / 10 kg/j – Identique
Chlore gazeux 60 bouteilles / 40 bouteilles – Différence : 20 bouteilles ; –14 000 F

ECONOMIE = 286 000 F

TABLEAU 3

L’épuisement complet des diatomées est signalé toutes les quatre à cinq semaines. Il convient alors de les extraire de l’appareil et de les entraîner à l’égout : après un barbotage effectué à l’air comprimé, un courant d’eau permet cette évacuation sans démontage du filtre. Ce remplacement des diatomées est à réaliser toutes les trois à quatre semaines selon la fréquentation des bassins et la pollution extérieure.

Annecy : la plus grande opération de rénovation française

Le remplacement des filtres à sable de la piscine d’Annecy a été accompagné de travaux complémentaires importants.

C’est ainsi que le réseau de canalisations en acier enterrées situé sous les plages a été réhabilité en totalité : plus de 1 200 m de canalisations en PVC, de diamètres compris entre 100 et 500 mm ont été posés dans 320 m de galeries et caniveaux visitables.

D’autre part, la reprise des eaux de goulottes vers la filtration a été réalisée (soulignons que cette disposition du décret d’avril 1981 représente une amélioration énorme pour l’hygiène des bassins de natation). Cet écrémage de surface qui porte au minimum sur 50 % du débit régénéré, permet en effet l’élimination en continu du film de surface où se concentraient à l’abri des désinfectants, les germes rhino-pharyngés ; le risque de contamination des baigneurs par voie buccale ou nasale devient négligeable.

Enfin, un nouveau local technique avec bac tampon pour les eaux de goulottes a été créé. L’utilisation des filtres à diatomées, d’un encombrement au sol de trois fois inférieur à celui des filtres à sable, a permis de loger une installation de 1 100 m³/h dans un local de 20 mètres par 7,5.

Le tableau 2 donne la liste exhaustive des améliorations apportées à l’ensemble des installations à l’occasion de l’opération de réhabilitation du stade nautique.

BILAN

Le bilan comparatif des frais d’exploitation (avant et après travaux) figure sur le tableau 3. Il fait ressortir une économie globale de 286 000 F réalisée entre les saisons 1983 et 1984.

Une analyse sommaire fait ressortir que la plus grosse économie (296 990 F) a été réalisée sur l’eau froide et sur les calories nécessaires pour l’amener à la température de baignade.

La puissance électrique des pompes a doublé, mais le débit de recyclage, qui était de l’ordre de 300 m³/h, a été triplé pour être porté au débit légal actuel de 1 060 m³/h. À débit égal, la puissance requise par un filtre à diatomées automatique est inférieure à celle d’un filtre à sable rapide.

La dépense de diatomées, soit 6 400 F, est à peu près équivalente aux dépenses de floculants utilisés avec les anciens filtres à sable (5 600 F). La dépense de diatomées pour nos filtres ou de floculants pour les filtres à sable est en tout cas très faible et pratiquement négligeable, par rapport aux dépenses d’eau.

La consommation de chlore a diminué de moitié du fait d’une meilleure hydraulicité et surtout, d’une meilleure qualité d’eau obtenue avec les filtres à diatomées, se traduisant par une demande en chlore très inférieure.

Grâce à ces résultats très performants, l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie a attribué à la ville d’Annecy une subvention de 288 582 F au titre des économies d’énergie.

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