Your browser does not support JavaScript!

La fermentation méthanique en lits fluidisés en France

29 mai 1992 Paru dans le N°155 à la page 48 ( mots)
Rédigé par : Frédéric EHLINGER

À l'heure actuelle, la méthanisation est le prétraitement le plus adéquat pour réduire la pollution des effluents agro-alimentaires et certains effluents de l'industrie chimique. Les techniques de mise en œuvre de ce procédé, malgré leur diversité, sont maintenant bien connues. Parmi les procédés à cultures fixées, le lit fluidisé anaérobie est le procédé le plus intensif car fonctionnant à de très fortes charges, de l’ordre de 35 kg DCO/m³·j. En Europe, le lit fluidisé s’est développé tardivement en comparaison avec d'autres techniques comme le procédé contact ou le filtre anaérobie.

Le principe général du lit fluidisé anaérobie développé par nos services sous le nom d’Anaflux consiste en la mise en mouvement d’un matériau support granulaire fin par une phase liquide (figure 1). La vitesse ascensionnelle permettant de fluidiser le matériau est assurée soit par le débit de l’eau brute soit par recyclage. La biomasse méthanogène doit se fixer sur le matériau et y rester de façon à assurer l’épuration de l’effluent. Cette biomasse produit du biogaz qui concourt à la fluidisation du matériau. Un ouvrage situé en partie supérieure du réacteur est nécessaire pour assurer la séparation liquide, support, gaz : c’est le séparateur triphasique.

Le bon fonctionnement du réacteur est subordonné à la présence d’une forte concentration de biomasse maintenue dans le réacteur. Cette rétention est réalisée grâce à l’utilisation d’un matériau performant, la biolite.

[Photo : L'installation Anaflux de l'usine de Coca-Cola à Bergue.]
[Photo : Fig. 1 : Réacteur à cultures fixées en lit fluidisé (Anaflux). 1. Eau brute. 2. Eau traitée. 3. Pompe de fluidisation. 4. Recirculation de biolite. 5. Sortie du gaz.]

La biolite est un silicate d’alumine, dont la densité est de 2 et le diamètre des particules de 300 µm. Nous avons mesuré la mobilité électrophorétique du matériau de façon à apprécier son état de surface.

La figure 2 montre que le point isoélectrique est de 2,5. Cette faible valeur est due en partie à la forte proportion de silice. La charge négative du matériau est favorable à l’adsorption immédiate de cations et de macromolécules organiques qui assurent la cohésion entre les bactéries et la surface du matériau.

La surface spécifique de la biolite est de l’ordre de 4 000 m²/m³. Elle est liée à l’aspect très découpé du matériau (figure 3). De fortes quantités de biomasse sont retenues à la surface de la biolite et des concentrations de l’ordre de 40 g de matières volatiles par litre de réacteur ont déjà été mesurées.

La bonne connaissance du matériau support a permis de définir des conditions optimales d’ensemencement des réacteurs ; trois paramètres sont importants au moment du contact de la biomasse avec le support : le taux d’expansion du matériau, l’état physiologique de la biomasse, le pH du milieu.

Taux d’expansion du matériau

Soit r le taux d’expansion du matériau ; il est défini par le rapport :

hauteur expansée — hauteur tassée
———————————————
       hauteur tassée
[Figure : Variation de la mobilité électrophorétique de la biolite en fonction du pH, en milieu KNO₃, 10⁻⁴ M.]
[Photo : Photographie d’un grain de Biolite en microscopie électronique. Biolite R280 vierge. Août 1990. G ≈ 185×.]
[Figure : Influence du taux d’expansion r sur l’adhésion initiale de la biomasse.]

o—o Témoin 1 (sans période de jeûne)

e—e Témoin 2 (sans période de jeûne)

—4 Expérience 3 (jeûne 48 h)

—4—a Expérience 4 (jeûne 72 h)

[Figure : Teneurs en protéines fixées en fonction de l'état nutritionnel de la boue d’ensemencement.]

Tableau I

Année Type d’effluent DCO g/l Charge de dimensionnement Charge réelle Rendements actuels sur LF Volume réacteur (m³)
1988 Éluats résines échangeuses d’ions sur moût de raisin (Canet) 8-10 4,6 T DCO/j 4 ± 0,8 75 % 320
1989 Papier pour ondulé (Aubigné Racan) 2-4 4,5 T DCO/j 5 80 % 210
1990 Boissons gazeuses Coca-Cola (Bergues) 0,8-10 9 T DCO/j 4-9 70 % 2 × 240
1990 Amidonnerie (Haubourdin) 2-5 9 T DCO/j 9 80 % 2 × 320
1991 Lactosérum 4,7 12,2 T DCO/j / / 2 × 320

Dans un lit fluidisé, nous avons fait varier r au moment de l’ensemencement et nous avons mesuré la biomasse qui se fixait lors de la phase d’adhésion initiale. La biomasse est exprimée en termes de protéines par gramme de support. On remarque que plus l’expansion est importante plus l’adhésion de protéines est importante (figure 4).

L’état physiologique de la biomasse

L’état physiologique de la biomasse est également très important. Nous avons comparé l’adhésion d’une biomasse située dans des conditions d’alimentation très différentes, et ceci à différents niveaux de prélèvement dans le réacteur. La figure 5 montre que l’adhésion de la biomasse est d’autant moins bonne que la boue est stockée longtemps sans alimentation. La boue d’ensemencement doit donc se situer dans le meilleur état physiologique possible au moment de l’ensemencement du réacteur.

Le pH du milieu

Le pH du milieu au moment de l’ensemencement est également très important. La figure 6 montre le démarrage de deux lits fluidisés alimentés avec de l’acétate comme source de carbone, mais dont le pH du milieu était différent au moment de l’adhésion initiale. Le réacteur ensemencé à pH 7 montre une activité immédiate qui s’améliore avec le temps, alors que le second réacteur ensemencé à pH 8,5 ne commence réellement à fonctionner qu’après 22 jours. Après analyse du biofilm, nous avons mesuré dans le réacteur ensemencé à pH 8,5 une quantité de biomasse très inférieure à celle obtenue dans le réacteur ensemencé à pH 7. Lors de l’ensemencement d’un lit fluidisé, le pH du milieu doit donc être maintenu si possible le plus près de la neutralité.

De fortes concentrations en biomasse confèrent aux réacteurs à lits fluidisés de type Anaflux une grande stabilité aux à-coups de charge et leur permettent de redémarrer rapidement après les inter-campagnes. Les figures 7 et 8 montrent en effet la stabilité du taux d’épuration (supérieur à 90 %) d’un lit fluidisé traitant un effluent à base de vinasses de vin soumis à de grandes variations de la charge volumique appliquée.

La figure 9 retrace le redémarrage du lit fluidisé anaérobie de la station d’épuration de la cave coopérative de Canet (Hérault). L’effluent est constitué par des éluats de régénération de résines destinées à purifier le sucre des moûts de raisin. En cinq jours, le réacteur de méthanisation a reçu une pollution variant de 0 à 4 tonnes de DCO par jour. Le rendement d’épuration s’est stabilisé à 65-70 % au bout de ces cinq jours.

Le procédé Anaflux présente de nombreux avantages par rapport aux autres

[Photo : Fig. 6 – Évolution du taux d’élimination du carbone organique total dans deux lits fluidisés ensemencés à deux pH différents.]
[Photo : Fig. 7 – Évolution de la charge volumique appliquée.]

Techniques d’épuration par méthanisation, mais il possède également quelques inconvénients inhérents aux procédés à fortes charges :

  • • le temps de séjour étant parfois de quelques heures, l’entrée d’un composé toxique se fait très rapidement et la déstabilisation intervient immédiatement ;
  • • la biomasse active fait appel au même écosystème que dans les procédés classiques, cependant les cinétiques de réaction sont poussées à leurs valeurs extrêmes et un choc organique peut provoquer une conséquence d’autant plus grave que la charge initiale est forte.

C’est ainsi que pour assurer la stabilité du procédé, Degrémont installe un réacteur d’acidogénèse en amont des réacteurs Anaflux et qu’un nouveau système de conduite automatique du procédé basé sur la démarche du système-expert a été mis au point. Une forte concentration en biomasse, un contact intime entre le biofilm et l’eau à dépolluer font que le lit fluidisé anaérobie est capable de s’adapter à de nombreux effluents variés.

Le tableau I regroupe l’ensemble des réacteurs de type Anaflux installés en France.

Conclusion

Le lit fluidisé anaérobie de type Anaflux est un procédé qui se distingue des autres techniques par sa compacité, sa souplesse d’utilisation sur de nombreux effluents et sa capacité à assurer l’élimination de fortes charges polluantes.

Cette technologie a fait ses preuves sur six réalisations en France. Les dernières innovations dans le domaine de la recherche et du développement ont permis de trouver un bon compromis entre la recherche de performances extrêmes et une fiabilité industrielle indispensable.

[Photo : Fig. 8 – Évolution du taux d’épuration.]
[Photo : Fig. 9 – Période de redémarrage. Station de Canet.]
[Publicité : P. JOHANET ET SES FILS]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements