La transformation des matières organiques par fermentation en milieu aérobie est connue depuis de nombreuses années. La plupart des méthodes de compostage des ordures utilisées jusqu'à maintenant font intervenir de tels processus.
On donne actuellement le nom de « fermentation aérobie thermophile » à une opération effectuée avant la fermentation méthanique, laquelle se développe en milieu anaérobie. Elle consiste à aérer fortement une masse contenant de la matière organique, de manière à développer une intense activité biologique aérobie.
Ce procédé s’applique aussi bien à des produits liquides que solides.
PRINCIPE DU PROCÉDÉ
La matière à traiter est soumise à une intense aération de manière à ce que le milieu soit constamment maintenu en aérobiose. Contrairement aux bactéries anaérobies, les micro-organismes travaillant dans ces conditions se multiplient rapidement et génèrent des réactions exothermiques.
C’est ainsi qu’en insufflant de l’air dans des boues de station d’épuration, on obtient en l'espace de 24 à 48 heures un échauffement important, pour autant que le taux de dissolution de l’oxygène apporté par l’air soit suffisamment élevé. Étant donné que l’air sortant des réacteurs est saturé en humidité, l’air insufflé entraîne sous forme de vapeur une masse d'eau qui est fonction de la température de la masse. C'est une perte d’énergie qui non seulement limite l’échauffement de la masse, mais peut éventuellement le supprimer si l’oxygène disponible ne suffit pas à assurer l'évaporation de cette eau. À titre d’exemple, on peut signaler qu’à une température de 50 °C, la quantité d’oxygène consommée pour dégager l'énergie nécessaire à l’évaporation de l'eau entraînée par un kilogramme d’air atteint 18 g, ce qui représente environ 8 % de l’oxygène contenu dans l’air insufflé. Il est donc primordial que les systèmes de diffusion d’air présentent un rendement élevé.
On utilise très souvent à cet effet des pompes immergées dans lesquelles on aspire de l’air qui est intimement mélangé à la boue au niveau de la roue.
Pour diminuer les pertes calorifiques dues à l'évaporation de l'eau, on peut insuffler de l’oxygène pur.
Union Carbide a ainsi fait breveter un procédé dans lequel l’apport d’oxygène est assuré uniquement à partir d’oxygène pur (ce qui est particulièrement avantageux, la diffusion d’oxygène demandant moins d’énergie que la diffusion d’air). On peut utiliser, pour les grosses installations, des appareils produisant sur place l’oxygène pur.
Les températures atteintes en fin de fermentation aérobie sont généralement supérieures à 60 °C. Avant d'introduire les boues dans les digesteurs anaérobies, on les refroidit à 40 °C environ, en préchauffant les boues fraîches introduites dans le réacteur aérobie ; on diminue ainsi sensiblement la quantité d’air ou d’oxygène à insuffler.
AVANTAGES DE LA FERMENTATION AEROBIE
Nous examinerons ci-dessous les avantages offerts par la fermentation aérobie thermophile, à savoir : la stérilisation de la boue, la réduction de la durée de la digestion anaérobie et l'épaississement des boues digérées.
Stérilisation de la boue
Lorsque les boues d'une station d’épuration sont, après digestion, évacuées vers des pâturages les risques de contamination du bétail peuvent être impor-
Les législations suisses et allemandes ont depuis longtemps prévu que les boues digérées épandues de la sorte devaient être stérilisées et cette opération a longtemps été effectuée par chauffage à 70 °C pendant environ une demi-heure. On a cependant constaté que cette stérilisation, bien qu’efficace sur le moment, ne permettait pas d’éviter la recontamination des boues lors de leur stockage et de manipulations ultérieures.
L’expérience a montré que la stérilisation précédant la digestion donnait des résultats bien supérieurs à la stérilisation effectuée avant l’épandage.
Réduction de la durée de digestion
Le processus de transformation de la matière organique en méthane et anhydride carbonique se décompose en deux phases principales : dans un premier temps la matière organique est transformée en acides organiques ; ceux-ci sont à leur tour transformés dans un deuxième temps par les bactéries méthanogènes pour obtenir du méthane.
En milieu anaérobie la phase acidogène est plus lente que la phase méthanique et c’est donc elle qui limite la vitesse de l’ensemble du processus de digestion.
La fermentation aérobie permet de réaliser la première étape de la transformation très rapidement et la durée de la digestion peut être réduite d’environ un tiers.
La fermentation aérobie a d’autre part l’avantage de fournir un produit de qualité plus constante, ce qui améliore le fonctionnement de la fermentation anaérobie.
Le pH de la boue ayant été soumise à la fermentation aérobie est toujours supérieur à 7, alors que le pH des boues fraîches se situe aux environs de 6.
Épaississement des boues digérées
Les boues digérées ayant préalablement subi la phase de fermentation aérobie atteignent après épaississement des teneurs en matières sèches nettement supérieures à celles obtenues après une simple digestion.
En soumettant à la fermentation aérobie des boues fraîches contenant de 4,5 à 5,5 % de matières sèches, on obtient des boues digérées dont la teneur en matières sèches est généralement supérieure à 10 %.
Malgré ce pourcentage élevé, ces boues sont fluides et parfaitement pompables.
Cet épaississement des boues conduit à une diminution sensible des coûts d’évacuation (qu’il s’agisse d’épandage ou de déshydratation mécanique).
LE PROCÉDÉ IMAN-COTTON
Le procédé Iman-Cotton a ainsi été conçu pour permettre de se débarrasser de résidus solides difficilement compostables tout en récupérant de l’énergie sous forme de biogaz.
Description
Le système fonctionne de manière discontinue, la durée de fermentation d’une charge étant de 4 à 6 semaines suivant la nature du produit. Pour assurer une production continue de gaz on devra disposer de plusieurs réacteurs. Ceux-ci sont constitués par des cuves en béton avec des parois (dont l’une est amovible), munies de conduites où circule de l’eau chaude afin de compenser les pertes thermiques et maintenir à 35 °C la température de la masse pendant le processus de la fermentation anaérobie.
Le réacteur est, au départ, chargé de la matière à traiter au moyen d’un tracteur à fourche dont la manipulation ne requiert qu’un minimum de temps et de main-d’œuvre.
Sitôt le réacteur plein, la masse est humidifiée par arrosage et l’on commence à y insuffler de l’air pour amorcer la fermentation aérobie. Contrairement à ce qui se passe avec les boues de stations d’épuration, l’énergie requise pour apporter l’oxygène dans la masse en fermentation est très faible (elle est de l’ordre de 4 à 5 watts par m³ de réacteur). La masse n’étant pas compacte la perte de charge est minime, et l’air sortant du système n’étant pas saturé en humidité on n’a pas à se préoccuper du rendement de la dissolution d’oxygène.
Cette phase de fermentation permet d’atteindre des températures supérieures à 60 °C en l’espace de 24 à 36 heures. Le dispositif de fermeture du réacteur est alors mis en place et le processus de fermentation anaérobie est amorcé par aspersion de la masse en fermentation avec les jus provenant d’une opération précédente.
Cet arrosage fait baisser la température de la masse jusqu’à 40 °C environ. Au cours du processus de fermentation anaérobie et, comme on l’a dit plus haut, la température est maintenue aux environs de 35 °C, grâce au chauffage des parois du réacteur, pour conserver une fermentation mésophile.
Quand la fermentation est terminée on évacue les jus se trouvant au fond du réacteur pour les stocker en vue de l’arrosage initial des charges suivantes.
Performances du système
Les résultats obtenus par le processus de fermentation aérobie suivi d’une fermentation anaérobie sont les suivants :
- réduction du volume de la matière traitée ;
- transformation de la matière en produits facilement assimilables dans la terre. La paille, bien qu'incomplètement transformée, est fortement imbibée d'eau et se désagrège facilement. Enfouie dans la terre lors des labours elle est rapidement assimilée ;
- la production de gaz constitue une ressource intéressante. Les essais de traitement de différentes matières ont montré que ce procédé permettrait de digérer des substances très diverses telles que : fumier de cheval pailleux, herbe, fumier mélangé à des boues de station d’épuration, fumier bovin, ordures ménagères.
À titre d’exemple mentionnons que sur du fumier de cheval on a obtenu les productions spécifiques de gaz suivantes (en m³ de gaz par m³ de réacteur) :
— durant les deux premières semaines .... 1,3 m³/m³ — durant les trois premières semaines .... 1,1 — moyenne sur quatre semaines .......... 1
La production de gaz sur quatre semaines correspond alors à 0,45 m³ de gaz par kg de matière organique introduite dans le réacteur (y compris la paille).
Ce même fumier de cheval mélangé à des boues de station d’épuration a fourni durant les deux premières semaines 1,5 m³ de gaz par m³ de réacteur.
Ces chiffres sont particulièrement intéressants si l’on tient compte du fait que l'on ne consomme pas de gaz pour le chauffage du produit introduit dans le digesteur, ce chauffage étant assuré par la préfermentation aérobie.
CONCLUSION
- Elle permet une stérilisation efficace des boues qui doivent être évacuées vers l’agriculture.
- Elle augmente la sécurité de fonctionnement des digesteurs en rehaussant le pH des boues fraîches.
- Le volume des ouvrages de digestion peut être sensiblement diminué.
- Enfin, elle produit du biogaz qui représente une source d’énergie exploitable.
Bibliographie
Office fédéral de la protection de l'environnement. Vergleichende Pilotversuche in der ARA Altenrhein.
Forschungsinstitut für Wassertechnologie.
Prof. Böhnke : Dual digestion system.
Brevet CH 6033-83.