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La distribution de l'eau dans les stations de montagne mise en fonctionnement

30 mai 1980 Paru dans le N°45 à la page 71 ( mots)

L'expérience de la Lyonnaise des Eaux en matière de distribution d'eau en montagne a accompagné l'essor qu'ont connu, ces dernières années, les stations de sports d'hiver et, plus généralement, les activités touristiques en montagne.

L'eau et l'assainissement d'Avoriaz lui étaient affermés en 1969, la distribution d'eau de Chamonix en 1971 ; les eaux des Menuires lui étaient concédées en 1970, concession prolongée en 1972 pour Val Thorens qui sortait à peine de terre ; c'est son extension considérable qui a nécessité l'usine de traitement qui vient d'entrer en service. Dans les Pyrénées Orientales, la commune de Font-Romeu lui affermait son service des eaux en 1974. En Maurienne, le syndicat des eaux de l'Arvon était affermé en 1976, alimentant les stations du Corbier de la Toussuire dont le réseau intérieur a été confié à la Lyonnaise en 1978. Enfin, la Société des Eaux d'Uvernet, filiale de la Lyonnaise des Eaux, s'est vu confier en 1969 l'affermage du réseau de PRA-LOUP, dans la vallée de l'Ubaye.

Sans parler des aléas de la conjoncture économique qui peuvent peser lourdement sur les énormes investissements en immeubles, voies, réseaux et remontées mécaniques, la conception, la construction et la gestion hydraulique en haute altitude sont, comme l'ensemble de la station, influencées par les facteurs propres à la montagne : relief, enneigement, froid et, surtout le caractère saisonnier des activités touristiques.

Comme toutes les agglomérations à population saisonnière touristique, la plupart des stations de sports d'hiver n'ont guère de soucis d'eau potable huit mois sur douze. Tout le problème réside en fait dans l'importance démesurée de la pointe saisonnière de consommation par rapport à la période creuse et dans la parfaite concordance de l'affluence la plus forte avec la plus grande disette d'eau et avec la période de froid.

Dans une autre saison et sous un autre climat, cette situation n'est pas tellement différente de celle des stations balnéaires, mais il s'y ajoute toutes les difficultés dues à la montagne.

La fréquentation des stations de sports d'hiver est liée aux dates des vacances scolaires et à l'ensoleillement. On constate d'abord à Noël, puis à Mardi-Gras, des pointes croissantes qui atteignent leur sommet aux vacances de Pâques.

L'activité estivale est généralement faible et ne cause aucune difficulté de distribution d'eau, sauf à Chamonix où le tourisme d'été amène une pointe de population double de celle d'hiver et où le caractère urbain de l'agglomération accroît les problèmes.

Bien que la pluviosité augmente avec l'altitude, au-dessus de 1 500 mètres et de décembre à mai, les précipitations arrivent au sol sous forme de neige. La fusion des glaciers est presque nulle, les sources très basses ou taries et, au fond des torrents, ne coule plus qu'un filet d'eau sous une épaisse carapace de glace.

Selon le Bureau de la Recherche Géologique et Minière, la fusion lente du manteau nival au contact du sol ne produit qu'un rapport journalier d'environ un millimètre d'eau sur l'ensemble de la surface enneigée. De plus, la superficie des bassins versants est inversement proportionnelle à l'altitude, ce fait s'ajoutant aux précédents pour diminuer les ressources en eau depuis octobre, jusqu'au point le plus bas de l'étiage, lequel aux altitudes de 1 800 à 2 000 mètres, se situe selon les années entre le 15 mars et le 15 avril. La remontée des débits est simplement conditionnée par une élévation de la température ambiante pendant plusieurs jours consécutifs provoquant une fonte accélérée de la neige.

Les sources des moraines et des éboulis subsistent faiblement tout l'hiver et sont très influencées par la météorologie et notamment par la pluviosité d'automne qui, à elle seule, peut faire varier les débits d'étiage du simple au double.

[Photo : Réserve collinaire de Chavanette, Avoriaz – Vue d'hélicoptère]

En altitude, les recherches en eau profonde sont assez décevantes en raison du bouleversement des structures géologiques. Aussi, l’équipement d'une station se fait généralement à partir de sources existantes, puis à partir des captages sur torrents, enfin au moyen de lacs collinaires, naturels ou artificiels, rarement à partir de nappes d’alluvions.

Notons que la fusion artificielle de la neige n'est pas envisagée pour l'alimentation en eau, à cause du prix de revient et surtout de l'incommodité du procédé exigeant des volumes de neige plus de dix fois supérieurs au volume d'eau à produire.

La période où les débits disponibles décroissants risquent d’être inférieurs à la consommation d'eau croissante ne dure que quelques semaines et cette situation oblige le promoteur, la collectivité ou le concessionnaire à faire des investissements parfois énormes pour réaliser une alimentation d’appoint utile seulement pendant une très courte période. C'est le cas d'Avoriaz et de Flaine où, toutes ressources d'eau épuisées, il a fallu construire des retenues collinaires artificielles au prix de multiples difficultés pour aménager des cuvettes dans un relief à forte pente et surtout pour les rendre étanches. D'autres stations auront tôt ou tard à faire appel à ce procédé.

Les consommations spécifiques sont relativement faibles en stations de sports d’hiver, 150 à 200 l par jour et par lit. C’est très peu, comparé aux besoins d'une ville. Le mode de vie, complètement orienté vers les loisirs, en est la cause, joint à l'absence d'activité industrielle.

En raison de leur bref parcours dans des terrains peu ou pas du tout solubles, les eaux de haute altitude ont des caractères physiques et chimiques assez semblables (tableau ci-dessous). Elles se distinguent par une faible minéralisation et une certaine agressivité. Certaines sources jaillissant à proximité de La Plagne et de Tignes sont impropres à la consommation du fait de la teneur de leurs eaux en sulfates ; mais cet inconvénient est limité aux massifs recélant du gypse.

Composition physique et chimique de quelques eaux de montagne.

Contrairement à l’opinion courante, la qualité des eaux n’est pas toujours parfaite en montagne, malgré leur limpidité, leur fraîcheur et leur saveur agréable. En effet, s’agissant presque toujours d'eau superficielle à circulation très rapide et sans une longue filtration naturelle, elles sont très sensibles en été à la pollution des troupeaux et des alpages et surtout à celle des escouades de promeneurs et alpinistes.

Si les traitements physiques, décantation, filtration, neutralisation sont rarement nécessaires, une stérilisation s'impose, généralement au chlore. Ces eaux étant très froides et très pauvres en matières organiques, ce procédé ne donne pratiquement pas de goût.

Qu’il s’agisse de captages, de lacs collinaires ou de réservoirs, il faut prévoir l’accès aux chambres de manœuvre même sous une couche de neige de 5 à 6 mètres d’épaisseur.

[Photo : Sécheresse, remplissage – Réserve de Chavanette, Avoriaz]
[Photo : ALBERTVILLE. — Centre S.L.E.E. en hiver.]

Sauf exceptions, les réseaux sont gravitaires et les pressions de service atteignent vite des valeurs élevées à cause du relief. Toutes les installations doivent être soigneusement protégées du froid, soit par un enfouissement profond, ou par un calorifugeage, soit par chauffage électrique.

Les réservoirs sont enterrés et ne risquent pas de geler à cause de leur masse importante, hormis une mince pellicule en surface.

Au début, la mode était aux tuyaux d’acier mais ce matériau d'emploi délicat, au revêtement de protection trop fragile, trop sensible à la corrosion tend à être remplacé par la fonte ductile, aussi résistante, plus facile à poser et à réparer.

Bien que cela ne soit pas une obligation, il est préférable de disposer les vannes de sectionnement et de branchements dans des regards accessibles, calorifugés, soigneusement repérés et balisés.

La solution la mieux adaptée aux réseaux des stations de haute altitude est celle des galeries techniques rassemblant dans un même conduit visitable et chauffé les divers réseaux hydrauliques et électriques. Le coût de premier établissement est très élevé mais quelle sécurité et quelle facilité d'entretien !

Intervient aussi le fait que le lancement d'une station est une opération aléatoire dont le succès n'est pas certain, aussi les promoteurs hésitent-ils à se lancer d'emblée dans des dépenses trop importantes d'équipement.

Le problème le plus grave auquel il faut faire face est le risque de congélation du réseau et des branchements. La meilleure des protections thermiques est réalisée par une bonne couche de neige, malheureusement souvent tardive, surtout à basse altitude et absente sur les chaussées déneigées.

La profondeur d'enfouissement des tuyaux doit être supérieure à 1,50 m vers 1 000 mètres d’altitude pour atteindre 2,20 m et plus vers 2 000 mètres, mais cette protection n'est pas toujours suffisante si la température initiale de l'eau est trop basse. Au-dessus de 1 800 m d'altitude la température de l'eau au point de captage est généralement inférieure à 1 °C.

Aussi est-il parfois nécessaire de mettre en place un système de réchauffage électrique de l’eau pour éviter la congélation totale des conduites. Un poste de réchauffage et de circulation forcée a été ainsi installé au centre du réseau de Val Thorens selon les techniques en usage en Sibérie et dans le Grand Nord Canadien et qui consistent à réunir en un point central toutes les conduites maillées et à forcer l’eau préalablement réchauffée à circuler sans arrêt. Sur les antennes sans possibilité de bouclage, il faut prévoir des écoulements anti-gel, d’où perte d'eau.

Si le coût de construction d'une telle installation est comparable à celui d’une petite station de pompage, les quantités d’énergie employées sont importantes et le prix de revient du réchauffage est de l'ordre de 1,40 F par mètre cube pour une élévation de température de 2 °C. Le réchauffage doit débuter dès l’apparition du froid, vers le 15 novembre, et se poursuivre jusqu’à fin mars.

S'il s'agit de stations de haute altitude, le fonctionnement du réseau ne présente guère de difficultés à la belle saison, les abonnés étant généralement absents.

La pointe estivale est plus sensible en basse altitude car elle amène une recrudescence d'activité exigeant un personnel plus nombreux.

Dès qu’arrive l’hiver, il faut disposer de montagnards résistants, bons skieurs, doublés de gens de

[Photo : Visite d'un captage en hiver.]

Métier au caractère bien trempé. Le citadin ne peut, tant qu'il ne l'a pas éprouvé lui-même, imaginer ce qu'est une tempête en montagne. Le moindre incident banal se produisant sur le réseau à ce moment prend un caractère inquiétant car rien n'est facile dans la tourmente.

Même par beau temps, détecter une fuite, retrouver des vannes sous plusieurs mètres de neige, ouvrir une fouille dans le sol gelé ou transporter du matériel à dos d’homme, en raquettes ou à skis, constituent déjà des épreuves que le vent et le froid peuvent rendre extrêmement pénibles.

En altitude, les travaux sont toujours délicats à réaliser ; même à la belle saison, les difficultés techniques, la rareté des entreprises intéressées par ces travaux, la brièveté de la bonne période, de mai à novembre, exigent souvent que soient accomplis des tours de force techniques.

Les sports d’hiver et le tourisme ont bien changé les conditions de vie en montagne. Mais, en tout état de cause, leur développement repose sur la présence de l'eau.

Apportant l'eau dans des conditions parfois très difficiles, à ces nouveaux centres d'animation et d'activités que sont les stations de montagne, la Lyonnaise des Eaux a conscience de participer, avec fierté, au mouvement de revitalisation qui touche les régions où elles sont implantées.

MISE EN FONCTIONNEMENTDE LA STATION DE TRAITEMENTD’EAU POTABLE DE VAL THORENS

LYONNAISE DES EAUX

La station de production d'eau potable de Val Thorens vient d’être mise en fonctionnement. Cette station — la plus haute d'Europe — transforme les eaux de fonte des neiges, dont l'aspect laiteux est peu engageant, en eau potable de qualité destinée à l'alimentation de l’agglomération de Val Thorens.

L’ALIMENTATION EN EAU DE VAL THORENS

L’alimentation en eau potable de Val Thorens s’effectue à partir de deux groupes de captage bien distincts :

• Les captages d’été qui recueillent des eaux de source abondantes, claires et pures, filtrées par un transit plus ou moins long dans les roches en place ou les massifs d'éboulis. Ces captages sont utilisables de juin à décembre sans traitement particulier sinon une légère désinfection préventive.

En hiver, ces sources se tarissent totalement car les aires d'infiltration sont « colmatées » par la neige et le gel profond du sol (jusqu’à 1,50 m) bloque toute circulation. Il faut alors avoir recours à d'autres ressources.

• Les captages d’hiver qui recueillent les très rares eaux de surface encore à l’état liquide dans ces sites d’altitude où la température nocturne descend fréquemment à moins 20 °C… d'où l’abondance de glace et la rareté de l'eau.

Ces eaux de surface sont bien entendu plus vulnérables aux différentes pollutions humaines, d’autant qu’en cette période, même les sites les plus reculés sont fréquentés par de nombreux skieurs.

D'autre part, ces eaux de surface se troublent de façon naturelle dès la première fonte des neiges (mars-avril). Elles se chargent de très fines particules colloïdales appelées « farine glaciaire » qui donnent à ces eaux une apparence laiteuse peu incitatrice à la consommation et préjudiciable au bon fonctionnement des installations de distribution d'eau froide et surtout d’eau chaude. À cette époque de l'année, les captages d'été ne sont pas encore productifs. Il y a donc un double problème à résoudre : protéger les eaux d’hiver d’une pollution humaine accidentelle et supprimer le trouble qui apparaît dès le mois de mars afin de « faire le lien » avec les captages d’été qui ne sont mis en place que vers la

[Photo : La station de traitement de VAL THORENS.]

Fin de mai.

C'est dans ce double objectif qu’a été réalisée la station de traitement des eaux de Val Thorens.

QUELQUES CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES DE LA STATION

La station de traitement est implantée à 2 400 m d'altitude ; elle est constituée d'un bâtiment semi-enterré haut de cinq mètres, long de dix-sept et large de sept.

Elle renferme les installations suivantes :

  • stockage en distribution des réactifs de traitement,
  • coagulation sur filtres bi-couches (anthracite et sable),
  • correction de l'acidité par filtration sur neutralité,
  • désinfection au chlore gazeux,
  • pompes et appareillages électriques destinés à la régulation et au contrôle de l'ensemble ainsi qu’au refoulement de l'eau purifiée vers le réservoir de distribution de 1 000 m³ situé au voisinage de la station.

Cet ensemble peut traiter actuellement 850 m³ par jour, le bâtiment étant prévu pour abriter une deuxième tranche d'équipement capable de doubler ce débit.

L'initiative de la construction de cette station revient à la municipalité de Saint-Martin-de-Belleville, soucieuse de satisfaire les besoins de la population par des équipements publics de qualité. Elle a confié la maîtrise de l’ouvrage à la Société Lyonnaise des Eaux en mai 1979 qui a passé commande de l’installation à la Société Degrémont en août.

Les premiers essais se sont déroulés dès la fin novembre, soit à peine quatre mois après la commande.

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