La gestion de nos déchets représente un challenge important pour une gestion durable de notre environnement. Qu'ils soient inertes, organiques ou toxiques, il s'agit de mettre en ?uvre les stratégies de gestion les mieux adaptées. La digestion anaérobie apporte une réponse pertinente dans ce domaine.
,Directeur de Recherche, LBE INRA
On distingue trois grandes classes de déchets : les déchets municipaux, les déchets industriels et enfin les déchets de l’agriculture, de l’élevage et de l’agroalimentaire.
Les déchets municipaux (ménagers et assimilés) sont ceux qui sont collectés par les communes. En France, ce sont 41,4 millions de tonnes qui ont été éliminées en 1998, notamment des ordures ménagères, des boues de stations d’assainissement, des encombrants...
Les traitements appliqués sont le tri (8,6 %), l’incinération avec récupération énergétique (21,2 %), l’incinération sans valorisation énergétique (5,1 %), le compostage (7 %), la digestion anaérobie (0,2 %), la mise en décharge de classe 2 (57,8 %) et la fabrication de combustibles (0,1 %) (Ademe, 2000). Le taux d’humidité des ordures ménagères (OM) est de 35 % en moyenne avec des variations de 25 à 45 %. Elles ont un pouvoir calorifique inférieur (PCI) de 7 829 kJ/kg, ce qui correspond à 150 litres de fuel. Leur den-
La densité est de 0,15 à 0,20 tonne/m³ lorsqu'elles sont dans des sacs ou des poubelles et de 0,4 à 0,6 tonne/m³ lorsqu'elles sont compactées.
La nature de ces déchets, et notamment leur teneur en matière organique et en eau sont des critères importants sur le choix des technologies de transformation et de traitement. Les déchets biodégradables représentent 50 à 60 % de la masse brute des O.M.
Les traitements biologiques par des communautés microbiennes sont fort intéressants. On distingue deux grandes voies qui sont le compostage et la digestion anaérobie.
Si en France, le compostage se situe largement en tête de par la quantité de déchets traitée, la digestion anaérobie des déchets (la fraction organique des ordures ménagères – FOOM) intéresse de plus en plus les décideurs, car cette filière a des atouts :
- * Elle traite des déchets fortement chargés en eau ;
- * Elle élimine une grande partie de la matière entrante dans le digesteur ;
- * Elle produit de l’énergie sous forme de biogaz ;
- * Elle est réalisée dans des systèmes fermés ;
- * Elle génère un compost qui conserve en grande partie le potentiel fertilisant de la matière de départ.
De nos jours, la digestion anaérobie est largement appliquée aux effluents notamment industriels. Elle l'est aussi pour les déchets municipaux (ordures ménagères, boues de stations d’épuration), déchets agricoles et industriels, que cela soit en substrat unique ou en co-substrat.
Nous aborderons ici la méthanisation de la Fraction Organique des Ordures Ménagères (FOOM) et la digestion anaérobie des boues de stations d’épuration urbaines qui représentent un potentiel important sur le marché du traitement des déchets.
La digestion anaérobie
La digestion anaérobie (ou encore méthanisation) est la transformation de la matière organique en biogaz (principalement méthane et gaz carbonique) par une communauté microbienne qui fonctionne en anaérobiose.
Cette transformation très répandue dans la nature se retrouve dans les marais, dans les intestins d’animaux, d’insectes... et de manière très générale lors du stockage de la matière organique en absence d’oxygène.
Le flux de la matière est représenté sur la figure 1.
La première étape est l’hydrolyse et l’acidogenèse qui conduit à la production d’acides gras volatils (AGV) d’hydrogène et de gaz carbonique.
La seconde étape est l’acétogenèse réalisée par des bactéries acétogènes productrices obligées d’hydrogène (dites « OHPA ») et des bactéries homoacétogènes. La dernière étape, la méthanogenèse, est réalisée par des bactéries méthanogènes classées dans les archées. Les micro-organismes qui dégradent l’acétate en méthane et gaz carbonique sont dits « acétoclastes » et ceux qui réduisent le gaz carbonique avec l’hydrogène sont dits « hydrogénophiles ».
Les conditions physico-chimiques qui permettent la réalisation de la digestion anaérobie sont les suivantes :
- * pH voisin de la neutralité 6,5 à 8,5 ;
- * des potentiels d’oxydo-réduction très bas de –300 à –400 mV ;
- * des gammes de températures qui peuvent être variées :
- - Thermophile (de 45 à 65 °C) avec un optimum vers 55 °C ;
- - Mésophile (25 à 45 °C) avec un optimum de 37 °C ;
- - Psychrophile (5 à 25 °C).
De nombreux micro-nutriments sont nécessaires pour le bon fonctionnement des réactions biologiques qui mettent en œuvre des micro-organismes. Cela va des molécules organiques à des métaux indispensables comme co-facteurs vitaminiques (le nickel, le magnésium, le calcium, le sodium, le barium, le cobalt, le molybdène...). Ces éléments sont généralement présents dans les matières à méthaniser car elles sont issues de matériaux biologiques.
Le rapport DCO/N/P accep-
table est 600/7/1 (Mata Alvarez, 2002).
La teneur en eau est un paramètre important pour l’activité microbienne. On distingue deux types de fermentation en fonction de ce critère :
- * La fermentation est dite « humide » lorsque la teneur en matière sèche est inférieure à 20 % ;
- * La fermentation est dite « sèche » lorsque la teneur est entre 20 et 50 %.
Elles peuvent être réalisées à des températures mésophiles (35 à 40 °C) ou thermophiles (aux alentours de 55 °C). Les technologies sont basées sur la mise en œuvre de procédés à une étape ou deux étapes. Pour ces derniers, on a une première étape d’hydrolyse et d’acidogénèse suivie par une étape de méthanogénèse.
De Baere (2000) a réalisé une étude sur la digestion des déchets en Europe (les digesteurs qui ont été retenus sont ceux qui sont soit en fonctionnement, soit en construction de 1990 à 2000 et qui traitent au moins 10 % de déchets solides municipaux avec un minimum de 3 000 t/an).
Il a identifié 53 unités ayant ces critères avec une capacité totale de traitement de 1 037 000 t/an de déchets solides en 2000. La capacité moyenne est de 20 000 t/an (De Baere 2000). Fin 2002, cette capacité passera à 1 648 000 t/an soit une augmentation de 60 % sur les deux dernières années avec 14 digesteurs supplémentaires (De Baere 2001). L’évolution des capacités de traitement des digesteurs est reportée sur la figure 2.
La plupart des digesteurs ont été construits en Allemagne, puisque ce pays en compte trente à lui seul. Certains pays, comme la Suisse, ont des digesteurs avec une capacité moyenne de 8 700 t/an alors que la Belgique, la Hollande et la France ont des capacités de 30 000 à 50 000 t/an. La tendance est quand même d’avoir des digesteurs de plus en plus gros.
Le tri à la source (effectué par la population ou suite à des ramassages ciblés) est un facteur très important dans le développement de la digestion anaérobie des déchets. Il conduit à la sélection de déchets facilement fermentescibles appelés « bio-déchets » et de « déchets gris » (ou mixtes) qui représentent le reste mais qui sont encore riches en matière méthanisable.
L’évolution de la capacité de traitement de ces deux déchets est reportée sur la figure 3. En 2000 :
- * la digestion anaérobie mésophile représentait 63 % de la capacité totale et la thermophilie 37 % ;
- * la digestion anaérobie mésophile est appliquée à 63 % de la capacité totale, alors que la thermophilie est appliquée à 37 % seulement ;
- * 54 % de la capacité totale sont traitées par fermentation sèche et 46 % en fermentation humide ;
- * la capacité de traitement en deux étapes représente seulement 10,6 % de la capacité totale.
La mise en œuvre de ces digesteurs se fait principalement en continu. Certaines technologies mettent en œuvre des fermentations en discontinu.
La digestion anaérobie à deux phases ne s'est pas réellement implantée (probablement à cause des coûts d’investissement, plus élevés) et reste cantonnée aux petites capacités.
Certains procédés peuvent être exploités sous différentes stratégies : de températures (mésophiles ou thermophiles), de teneur en matière sèche, ou encore être intégrés dans des filières à une ou deux étapes.
Nota : La digestion anaérobie des déchets se fait naturellement dans les centres d’enfouissements techniques (décharges). C’est une stratégie très développée aux États-Unis qui transforment les décharges en réacteurs biologiques intensifs, dans lesquels la recirculation des lixiviats permet d’humidifier la masse de déchets et de raccourcir la durée de vie de la décharge à 5 ou 6 ans. Cet aspect n’est pas abordé ici.
Technologies à une étape de la méthanisation en continu
Le schéma de principe de la filière est représenté sur la figure 4.
La méthanisation nécessite des pré-traitements plus ou moins poussés en fonction de la qualité des déchets. Ils consistent en des opérations de broyage, de tri (pulpeurs, tris volumiques, densitométriques, magnétiques…), de mélange et d’hydratation avant introduction dans le digesteur.
Après fermentation, le digestat résiduel subit un séchage partiel. La matière solide est envoyée en compostage alors que les liquides sont en partie recyclés et envoyés dans la station d’épuration. La valorisation
du biogaz se fait par une utilisation sur le site et/ou sa vente après transformation (en électricité, vapeur...). Certaines filières intègrent parfois des traitements thermiques (souvent 1 h à 70 °C) qui servent au pré-traitement ou à l’hygiénisation de la matière. Les performances des digesteurs dépendent avant tout de la composition du substrat.
Par exemple, le rendement en méthane varie de 170 à 320 Nm³/t de matières volatiles (MV) apportées entre l’été et l’hiver. Ceci conduit à des taux de réduction de la matière de 40 à 75 % des MV (Saint-Joly et al., 2000). Ceci est dû en partie au fait que l’on a plus de déchets verts en été (avec de la lignine qui empêche l’accès de la matière aux enzymes).
Les temps de séjour des déchets dans les digesteurs varient de 15 à 50 jours en fonction des caractéristiques des substrats et des technologies employées.
Méthanisation en fermentation « humide »
Ce sont des fermentations à caractère mélangé (les fermentations sèches ayant un caractère plutôt piston). Comme les fermentations humides ont tendance à former trois couches, avec au-dessus les flottants et en dessous les lourds, les agitations qui sont mises en place créent une boucle. Le tri est donc essentiel ici et doit être particulièrement poussé lorsque les intrants sont, par exemple, des ordures ménagères brutes.
Les systèmes d’agitation peuvent être mécaniques avec ou sans agitateur latéral (Entec CSTR digester) ou réalisés par l’introduction de biogaz (procédé Linde). Ils sont représentés sur la figure 5.
Les productions de biogaz sont généralement comprises entre 150 et 300 Nm³/t de MV entrante.
La charge volumique du digesteur (kg de MV/m³ de réacteur et par jour) est un paramètre important pour caractériser son fonctionnement. En fermentation humide et thermophile, Pavan et al. (1999) rapportent des valeurs de 9,7 kg de MV/m³/j sur des FOOM triés mécaniquement. Ces auteurs obtiennent 6 kg de MV/m³/j avec des biodéchets triés à la source. En industriel, on se situe entre 4 et 9 kg de MV/m³/j.
La dilution par l’eau permet de mieux maîtriser des problèmes d’inhibition qui peuvent apparaître comme, par exemple, le maintien d’une concentration d’ammoniac au-dessous de 3 g/l produit.
Dranco traite des matières en thermophilie entre 20 et 50 % de MS, Kompogas (en thermophilie aussi) a une teneur en MS d’environ 23 % et de 30 % environ pour Valorga (qui a construit des digesteurs principalement mésophiles).
La capacité de traitement d’un digesteur Kompogas est limitée à 20 à 25 000 t/an, alors que pour les deux autres, le dimensionnement de l’unité peut être ajusté en fonction des quantités à traiter.
Les rendements de production de méthane sont similaires à ceux observés en fermentation humide. Les volumes de réacteur sont néanmoins deux à trois fois plus petits.
Les charges organiques, rapportées dans la littérature, varient de 4 à 15 kg de MV/m³ de réacteur par jour.
Les rendements de production de biogaz sont de 90 à 150 Nm³/t de déchets frais, ce qui conduit à 210 à 300 Nm³ de CH₄/t de matières volatiles. Leurs taux de réduction sont de 50 à 70 % (Vandevivere et al., 2002). Cette stratégie conduit aussi à apporter dix fois moins d’eau dans le digesteur contrairement aux systèmes humides (une centaine de litres au lieu de 1 m³/tonne de déchets).
Technologies à deux étapes de la méthanisation continue
Comme indiqué précédemment, la séparation des phases est assez peu appliquée pour traiter les déchets ménagers (10 % de la capacité totale de traitement des déchets, De Baere 2000).
L’avantage des systèmes à deux étapes réside dans une meilleure stabilité (comme pour les effluents) mais ils induisent des investissements plus importants que les systèmes mono-étapes. Cette approche peut se justifier lorsque le gisement conduit à l’introduction d’une grande variabilité dans la fermentescibilité des déchets. (Néanmoins le caractère piston des fermentations sèches minimise ce problème en « séquestrant » la matière).
Elles consistent en deux stratégies possibles :
- * Hydrolyse et acidification partielle de la matière dans le premier réacteur avant son introduction dans le second digesteur de méthanisation ;
- * Hydrolyse et acidification de la matière dans le premier réacteur (production de lixiviat) avec introduction de la phase liquide uniquement dans le second digesteur.
Elles sont représentées en (1) et (2) sur la figure 8. Si dans le premier cas on a deux réacteurs traitant de la matière solide, dans le second cas, le réacteur de méthanisation peut être un système appliqué au traitement des effluents.
La première stratégie consiste à mettre en
Œuvre des couplages de fermentation « humides/humides » (procédé Schwarting-Uhde) ou « sèches/sèches » (procédé BRV) en thermophilie ou mésophilie.
La phase d’hydrolyse et d’acidogénèse peut être réalisée en anaérobiose ou en introduisant de l’oxygène, car la perte de matière organique soluble due à la formation de biomasse est largement compensée par une acidogénèse plus rapide (procédé BRV).
Les charges appliquées sont du même ordre de grandeur que pour les stratégies en une étape. Par exemple, elles sont de 8 kg MV/m³/j pour le procédé BRV à Heppenheim et de 6 kg MV/m³/j pour le procédé Schwarting-Uhde (Trösch et Niemann, 1999).
La seconde stratégie consiste donc à produire un lixiviat de déchets et de l’envoyer dans un digesteur traitant des effluents. Le système de rétention des micro-organismes peut être un système à décantation (si des particules passent dans le second digesteur) ou à cellules fixées (filtre anaérobie) si les particules sont bien retenues dans le premier réacteur.
L’effluent sortant du réacteur de méthanisation peut être renvoyé dans le réacteur d’acidogénèse pour remonter le pH et se recharger en matière organique.
Le procédé BTA illustre cette stratégie. C’est un procédé « humide/humide » en mésophilie qui réalise l’hydrolyse et l’acidification dans un réacteur mélangé. Après séparation de la liqueur mixte, le lixiviat est envoyé dans un filtre anaérobie avant de retourner vers l’acidogénèse.
Du point de vue performance, on retrouve industriellement des temps de séjour bas dans le réacteur d’acidogénèse et des charges organiques qui sont celles des réacteurs traitant des effluents dans la partie méthanogénèse avec des charges de 10 à 15 kg DCO/m³ de réacteur/j.
Technologie de la méthanisation en discontinu
C’est une fermentation « solide » qui se réalise à 30-40 % de matière sèche.
Cette stratégie consiste à réaliser des digestions anaérobies en une étape dans des cellules fermées qui reçoivent un lixiviat afin d’activer les réactions biologiques (figure 9). L’inoculation peut se faire avant la mise en cellule par un mélange avec un digestat ou par recirculation d’un lixiviat d’une cellule en activité. Ce procédé n’a pas encore eu une très grande application industrielle. C’est une technique qui est peu coûteuse en investissement mais qui demande une gestion rigoureuse pour éviter les problèmes de mélange de méthane avec l’air lors du chargement et du déchargement des cellules.
Les applications industrielles sont encore très peu nombreuses mais on peut citer le procédé Biocel (société ARCADIS) et le procédé BEKON (appliqué notamment sur déchets agricoles).
Le procédé Biocel installé à Lelystad (en 1997) en Hollande traite 35 000 t/an de biodéchets triés à la source dans 14 cellules de 720 m³ avec 480 m³ de déchets mélangés à un inoculum. La température est de 35-40 °C et la fermentation dure 21 jours. Les charges appliquées sont de 4,5 kg MV/m³/j. Comme pour les autres techniques, les résidus solides sont ensuite compostés et une tonne de biodéchets conduit notamment à 70 kg de biogaz, 30 kg de perdu en post-traitement aérobie, 350 kg d’eau (dont 230 en eau usée), 50 kg de résidu non recyclable et enfin 500 kg de compost (Brummeler, 1999).
La méthanisation des boues de stations d’épuration urbaines
Les boues de stations d’épuration urbaines représentent le second important volet de l’élimination des déchets municipaux.
On observe trois origines de type de boues : les boues de traitement primaire, les boues de traitement biologique et les boues de traitement physico-chimique.
Dans la Communauté Européenne plus la Suisse, la production de boues d’épuration urbaines s’élève à 7,7 millions de tonnes de MS. Elle est du même ordre de grandeur que celle des pays nord-américains, USA et Canada (8,2 millions de tonnes). Cette quantité est en pleine évolution avec l’augmentation du nombre de stations d’épuration, leurs performances plus élevées et le traitement de l’azote et du phosphore. En France, on produit 8 500 000 t/an de boues (exprimé en matière sèche) et on prévoit 11 000 000 t/an en 2005.
La digestion anaérobie des boues est relativement ancienne puisqu’en 1895 la ville d’Exeter au Royaume-Uni valorise le biogaz produit pour l’éclairage urbain (Agence de l’eau A.G., Solagro, 2001).
En Europe, on compte 1 500 installations de digestion anaérobie de boues qui produisent l’équivalent de 800 000 tep/an. Cette filière traite 60 % des quantités produites (ADEME et al., 2001).
En France, 30 % des boues de stations d’épuration
…rations urbaines sont méthanisées (soit les boues produites pour 20 millions d’habitants). Le traitement par digestion anaérobie permet l’élimination de 14 % de la matière (calculé en considérant une production nationale de 850 000 t/an de MS et un taux d’élimination de 40 %). Le reste part en épandage (51 %), 21 % sont mis en décharge, 12 % sont incinérés et 2 % sont compostés (avec des palettes broyées par exemple).
La méthanisation des boues a divers avantages comme :
- • la réduction de 40 à 50 % des quantités de boues à traiter ;
- • l’élimination importante des nuisances olfactives ;
- • la production d’un digestat pratiquement stabilisé, débarrassé en grande partie de ses germes pathogènes (bactéries, virus, parasites) ;
- • la réduction de la teneur en composés organiques volatils ;
- • un meilleur séchage des boues résiduelles ;
- • la production d’énergie sous forme de biogaz.
L’intégration de la digestion anaérobie dans le circuit du traitement de l’eau d'une station d’épuration urbaine en boues activées est représentée sur la figure 10.
Technologies appliquées à la méthanisation des boues
Il existe plusieurs formes de digesteurs à boues, qui peuvent être conçus pour servir de stockage de gaz. En général, on distingue quatre types de digesteurs qui sont représentés sur la figure 11.
En Allemagne, les formes ovoïdes sont fréquentes. Au Royaume-Uni et en Scandinavie, ce sont plutôt les digesteurs de type cylindrique qui sont implantés, et le type continental en France. Ces derniers sont caractérisés par un rapport hauteur/diamètre de 1 et un fond conique pour évacuer les sédiments.
Le brassage des digesteurs se fait principalement par recirculation du biogaz qui est injecté par des cannes au fond du réacteur ou par des turbines installées dans le digesteur. Parfois, on trouve une recirculation de matière par des pompes externes. Le débit recommandé est de 1 m³/h et par m² de surface de digesteur. Le brassage peut être aussi mécanique par hélices immergées.
Une partie de l’énergie produite sert à chauffer le digesteur. Le chauffage est réalisé par une recirculation des boues dans un échangeur souvent alimenté par de l'eau chaude, provenant soit d’une chaudière soit du système de refroidissement d’un moteur (cogénération). On peut avoir aussi un chauffage par immersion d’un échangeur dans le digesteur.
Caractéristiques de mise en œuvre
En sortie des décanteurs, les boues subissent généralement un épaississement qui les amène entre 2 et 6 % de matières sèches qui contiennent 40 à 70 % de MV.
Un pré-traitement thermique peut être réalisé avant méthanisation. Appliquée depuis 1995 sur plusieurs stations de toutes tailles en Europe, l’hydrolyse thermique consiste à chauffer les boues préalablement déshydratées à 15 % de siccité, sous pression à 150 °C. Ceci permet d'augmenter le taux d’abattement de la matière et réduit les volumes des digesteurs (Agence de l'eau A.G., Solagro, 2001).
La méthanisation peut être réalisée en une ou deux étapes.
Dans les digesteurs à une étape, les boues sont méthanisées dans des systèmes agités, à des températures mésophiles ou thermophiles avec des temps de séjour de 3 à 4 semaines. La teneur en matière sèche est de 20 à 30 g/l dans les digesteurs (voire jusqu’à 80 g/l parfois).
La charge volumique appliquée est de quelques kilogrammes de MV/m³ de réacteur par jour avec des temps de séjour de 15 à 25 jours. En « moyenne charge », on se situe à des charges de 0,8 à 1,2 kg de MV/m³ de réacteur/jour et les temps de séjour sont relativement grands. En « fortes charges », on peut appliquer des charges de 2 à 5 kg de MV/m³ de réacteur par jour.
La production de biogaz est de 140 à 220 m³/t de MS introduite. Le taux de réduction est de 41 % en moyenne pour des boues…
mixtes et de 20 % pour des boues d’aération prolongée.
La digestion thermophile, permet une meilleure hygiénisation des boues. Elle est de plus en plus pratiquée en Europe.
Les digestions en deux étapes réalisées avec une phase acidogène thermophile suivie par une phase méthanogène mésophile ont un temps de séjour dans le premier réacteur de 3 à 4 jours et de 10 à 15 jours dans le second. En Allemagne, une dizaine d'installations (de 14 000 à 1,6 million d’équivalents habitants) fonctionne en deux étapes, une thermophile (2 à 3 j de TSH à 50-55 °C) et une étape mésophile (12 à 15 j de TSH à 37 °C). Le taux de réduction des matières volatiles est augmenté de 25 % par rapport à un système à une seule étape (Agence de l'eau A.G., Solagro, 2001).
Dans certains pays comme la Belgique, l’Irlande, le Portugal, on trouve des digesteurs psychrophiles qui fonctionnent à des températures de 12 °C, sans récupération d’énergie.
Le compostage aérobie est un concurrent direct de la méthanisation. Cette dernière ne représente que 5 % des capacités totales de compostage de la FOOM en Europe. La Suisse notamment traite actuellement 25 % de ses ordures ménagères en digestion anaérobie.
Il faut considérer que la digestion anaérobie des déchets ménagers peut aussi s'intégrer dans d'autres filières de traitement, comme c'est le cas pour les eaux usées municipales, en générant des acides gras volatils pour compenser le manque de matière nécessaire à l’élimination de l’azote et du phosphore par voie biologique (Cecchi et al., 1994).
La production d’énergie et la conservation des éléments fertilisants sont des atouts importants de cette filière. L’obsession de se diriger vers des énergies renouvelables est porteuse de développement. Celui-ci dépend aussi des décisions politiques (comme la fixation du prix de ces énergies). Pourtant, cette filière permet de traiter, dans des conditions environnementales bien maîtrisées, des quantités de déchets variées en composition.
Le marché des digesteurs traitant de petites capacités se fait jour (de moins de 3 000 t/an de capacité). Ceci conduit à une remise en question fondamentale des stratégies appliquées jusqu'ici pour faire face à ce défi économique. On verra ressortir certainement des technologies déjà anciennes pour les moderniser mais il sera nécessaire d’en concevoir de nouvelles qui pourront intégrer les législations actuelles.
Dans cette gamme de capacité, les coûts d'investissement liés à l'exploitation du biogaz représentent un challenge car ils constituent une fraction importante de l’investissement global.
L’auteur remercie l’association RE.C.O.R.D (Lyon, France) et les industriels qui la composent pour leur participation à cette étude.