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La digestion anaérobie des boues de stations d'épuration recevant une large contribution d'effluents industriels : les digesteurs de la station des cinq Ponts à Cholet

30 janvier 2008 Paru dans le N°308 à la page 60 ( mots)
Rédigé par : Philippe COUTANT, Patricia CAMACHO et Louis CHATENET

L'épuration des eaux usées de l'agglomération choletaise, dont la collecte est assurée par un réseau d'assainissement partiellement unitaire, traite une pollution d'origine domestique et industrielle ; cette dernière étant constituée, pour l'essentiel, des rejets de l'industrie agroalimentaire soit trois abattoirs, deux unités de transformation de viande et une fabrique de boisson sans alcool de la zone industrielle Nord de Cholet. Les effluents industriels représentent 5,7 % du flux de pollution entrante en MES sur la station.

Patricia Camacho, Suez Environnement CIRSEE Philippe Coutant, Communauté d'Agglomération du Choletais Louis Chatenet, Lyonnaise des Eaux

L'épuration des eaux usées de l'agglomération choletaise, dont la collecte est assurée par un réseau d'assainissement partiellement unitaire, traite une pollution d'origine domestique et industrielle ; cette dernière étant constituée, pour l'essentiel, des rejets de l'industrie agroalimentaire – soit trois abattoirs, deux unités de transformation de viande et une fabrique de boisson sans alcool de la zone industrielle Nord de Cholet. Les effluents industriels représentent 5,7 % du flux de pollution entrante en MES sur la station.

Dans un souci d'améliorer la qualité des eaux de la Moine, la station d'épuration des cinq Ponts a été conçue pour répondre aux principales lignes directrices du contexte réglementaire français (décret 94-465 du 3 juin 1994, arrêtés du 22 décembre 1994 relatifs à l'assainissement des eaux usées urbaines, complétés par les recommandations du Ministère de l'Environnement publiées le 12 mai 1995) définies comme suit :

  • une approche globale de la réduction des pollutions prenant en compte le couple « réseau/station »,
  • la prise en compte du temps de pluie, dans une démarche progressive, pragmatique et financièrement acceptable,
  • la fiabilité des fonctionnements des équipements de transfert et de traitement des effluents.

L'intégration des ouvrages en amont de la station d'épuration et de la station elle-même dans leur environnement a fait l'objet d'une attention particulière : l'ensemble des équipements bruyants sont installés dans des locaux insonorisés ;

Tableau 1 : Seuils limites des rejets gazeux

H₂S < 50 µg/m³
Dérivés soufrés totaux < 50 µg/m³
NH₃ < 1 mg/m³
Dérivés azotés totaux < 100 µg/m³
  • * les sources potentielles d'odeurs sont regroupées, confinées et désodorisées avec un traitement limitant les rejets gazeux aux seuils limites rappelés dans le tableau 1 ;
  • * les haies bocagères existantes sont conservées et mises en valeur ;
  • * une mare existante est aménagée.

Pour donner une valeur pédagogique, la Communauté d’Agglomération du Choletais a souhaité la mise en place d'un circuit de visite destiné au public scolaire.

Pour réduire l'incidence directe de la surcharge du réseau d'assainissement par temps de pluie sur le milieu naturel et assurer un traitement des effluents compatible avec les objectifs de qualité, des actions structurantes ont été définies comme suit :

  • * réduction de la charge polluante industrielle, par obligation faite à chaque industrie de s'équiper d'un dispositif de pré-épuration physico-chimique ;
  • * déconnexion des 3 abattoirs du réseau d'assainissement communal grâce à la mise en place d'une conduite spécifique d'acheminement des effluents industriels pré-épurés vers le poste de transfert de Saint-Antoine ;
  • * construction de bassins de stockage-dépollution sur le réseau d'assainissement unitaire et sur le site de la station d'épuration, en vue d'intercepter, puis de traiter les surdébits consécutifs aux événements pluvieux les plus fréquents ;
  • * valorisation des boues par voie d'épandage en agriculture.

La capacité de la station d’épuration des cinq Ponts correspond à 116 000 Equivalent-Habitants pour le traitement de l'eau et de 190 000 Equivalent-Habitants pour le traitement des boues (réception des boues industrielles). Les caractéristiques des eaux brutes entrée station sont rappelées dans le tableau 2.

Les normes de rejet sont rappelées dans le tableau 3 :

Tableau 2 : Caractéristiques des eaux brutes entrantes sur la station des cinq Ponts

Paramètres
Débit temps sec :16 000 m³/j
DCO :16 950 kg/j
DBO₅ :6 950 kg/j
MES :9 600 kg/j
Azote :1 300 kg/j
Phosphore :265 kg/j

Tableau 3 : Normes de rejet demandées sur la station des cinq Ponts

Paramètres
DCO :90 mg/l
DBO₅ :25 mg/l
MES :30 mg/l
Azote (NGL) :10 mg/l
Phosphore (Pt) :1 mg/l

Le synoptique, présenté figure 1, illustre l'implantation et la composition de la station d'épuration des cinq Ponts dont :

  • * le poste de transfert des eaux usées à Saint-Antoine, d'une capacité de 2 075 m³/h ;
  • * la filière eau avec :
    • * un prétraitement dégrillage, dessablage, déshuilage et décantation primaire lamellaire ;
    • * un bassin tampon de 4 500 m³ divisé en 2 compartiments pour le temps sec et le temps de pluie ;
    • * un traitement biologique suivant le principe des boues activées avec deux bassins de 11 850 m³ chacun et deux clarificateurs de 43,50 m de diamètre ;
  • * la filière boues avec :
    • * un épaississeur des boues primaires ;
    • * un flottateur pour les boues biologiques ;
    • * une bâche de mélange où les boues industrielles sont mélangées aux boues primaires et boues biologiques épaissies ;
    • * deux digesteurs anaérobies en parallèle ;
    • * deux centrifugeuses en parallèle ;
    • * deux silos de stockage des boues déshydratées en parallèle.

La station est conçue de telle sorte que les prétraitements et le traitement biologique soient effectués sur deux files identiques et parallèles dimensionnées pour recevoir chacune la moitié de la charge polluante et limiter les conséquences de l'arrêt momentané d'un des ouvrages (respect de la fiabilité prescrite par les normes européennes).

Après épaississement, les boues primaires, biologiques et industrielles sont dégradées dans deux digesteurs anaérobies pendant 21 jours, puis déshydratées par centrifugation. La digestion des boues entraîne la production de biogaz qui est réutilisé pour réchauffer les boues et les bâtiments d’exploitation. Les boues déshydratées sont alors stockées dans deux silos, d'une capacité totale équivalente à 9 mois de production et utilisées en épandage agricole.

Dans ce document, nous nous focaliserons sur les performances de traitement des deux digesteurs anaérobies fonctionnant en parallèle (figure 2).

L’alimentation des deux digesteurs anaérobies (en plus de MES) se présente comme suit :

  • * 60 % de boues primaires ;
  • * 14 % de boues industrielles ;
[Photo : Figure 1 : Synoptique de la station des cinq Ponts.]
  • • 26 % de boues biologiques.

Chaque digesteur est suivi séparément. L’exploitation des données opérationnelles nous a conduit à considérer que les deux digesteurs fonctionnaient dans des conditions très similaires. Aussi, les résultats présentés ultérieurement correspondent à un bilan moyen établi à partir du fonctionnement des deux digesteurs.

Les flux entrants de boues mixtes (boues primaires, boues biologiques et industrielles) et les flux de boues digérées présentés dans le tableau ci-dessous correspondent aux flux moyens de matière sur une année complète d’exploitation (tableau 4).

Tableau 4 : Flux massiques moyens entrée/sortie des digesteurs sur l’année 2005

Entrée – Boues primaires
 MS (kg/j) : 5 060
 Q (m³/j) : 123,3
Entrée – Boues biologiques
 MS (kg/j) : 2 233
 Q (m³/j) : 69,5
Entrée – Boues industrielles
 MS (kg/j) : 1 186
 Q (m³/j) : 28,9
Boues mélangées
 MS (kg/j) : 8 479
 MV (kg/j) : 6 200
 Q (m³/j) : 221,6
 MV (% MS) : 73,1
Boues digérées
 MS (kg/j) : 5 519
 MV (kg/j) : 3 306
 Q (m³/j) : 221,6
 MV (% MS) : 59,9

Ces flux nous permettent :

  • • de valider la bonne adéquation entre les flux de boues primaires, de boues biologiques et de boues industrielles et le flux de boues mixtes en amont du digesteur ;
  • • de déterminer les performances de traitement par digestion anaérobie sur cette même période.

Le tableau 5 synthétise les principaux paramètres en termes de conditions opératoires et de performances des deux digesteurs de la station d’épuration des cinq Ponts.

[Photo : Figure 2 : Vue d’un des deux digesteurs de la station des cinq Ponts]

Tableau 5 : Synthèse des conditions opératoires et des performances des deux digesteurs anaérobies de la station des cinq Ponts sur l’année 2005

 ratio boue primaire alimentation digesteur (% MES) : 59,5 %
 ratio boue biologique alimentation digesteur (% MES) : 26,4 %
 ratio boue industrielle alimentation digesteur (% MES) : 14,1 %
 pH boue digérée : 7,2
 Température boue digérée (°C) : consigne 35 °C
 TAC (mg/l CaCO₃) : 3 100
 AGV (mg/l CH₃CO₂H) : 140
 Ratio AGV/TAC : 0,05
 Biogaz produit (Nm³/tonne MV éliminée) : 1 194
 Composition du biogaz : 70 % CH₄ / 30 % CO₂
 Charge massique appliquée (kg MV/m³·j) : 1,13 ± 0,09
 Temps de séjour des boues (jours) : 24
 Rendement MS (%) : 35
 Rendement MV (%) : 45

*Calcul du rendement à partir des données cumulées

La présence des boues industrielles (majoritairement des boues d’abattoirs) ne perturbe en rien le fonctionnement de ces digesteurs mésophiles. Les performances d’élimination des boues (MS 34 %) et de la matière organique (MV 44 %) sont en parfaite adéquation avec les données de la littérature, soit de l’ordre de 45 – 50 % sur les matières organiques. Quant au taux de conversion de la matière organique en biogaz (1 194 Nm³/t MV éliminée), ce dernier correspond au taux de conversion de la littérature, soit 1 000 Nm³/t MV éliminée.

L’investissement global de cet ouvrage est estimé à 23,93 millions d’euros et donne à la Communauté d’Agglomération du Choletais un outil capable, jusqu’à 2020, d’assurer la protection de la qualité des eaux de la Moine, selon des normes très sévères intégrant la fragilité de cette petite rivière.

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