J.-P. LESBROS
Ingénieur Principal
Chef du Service Production
SOCIÉTÉ DES EAUX DE MARSEILLE
HISTORIQUE
L'agglomération marseillaise est alimentée en eau depuis 1849 par le canal de Marseille. D’une longueur de 83 km, cet ouvrage, qui transporte les eaux en provenance de la Durance, est exploité par la SOCIÉTÉ DES EAUX DE MARSEILLE dans le cadre d'un contrat de concession qui la lie à la ville de MARSEILLE.
Le canal de Marseille fait l'objet d'une surveillance très attentive : deux fois par an, il est mis en chômage et d'importants travaux sont réalisés en vue de le maintenir en parfait état de conservation. Dans son état actuel, il peut véhiculer 17 m³/s dans sa partie amont. Il est à souligner que ce canal est alimenté, après turbinage, par une centrale E.D.F. de 5,4 MW.
En 1973, une deuxième adduction de secours a été mise en service. Il s'agit de la branche de Marseille-Nord de la SOCIÉTÉ DU CANAL DE PROVENCE capable de 3,5 m³/s qui transporte les eaux du Verdon et aboutit à la réserve de VALLON-DOL. Cette réserve, qui a essentiellement pour but d’assurer la sécurité de l'alimentation en eau de Marseille, a une capacité de 3 000 000 de mètres cubes.
NOUVELLE USINE
Le canal de Marseille alimente gravitairement les deux usines de SAINTE-MARTHE et de SAINT-BARNABÉ. L’usine de SAINTE-MARTHE a été construite en 1934, celle de SAINT-BARNABÉ en 1947. Ces deux usines ont fait l'objet d'une série de travaux d’extension et de modernisation, de telle sorte que leurs capacités maximales de production ont été portées respectivement aux valeurs de 420 000 m³/j et de 105 000 m³/j. Elles étaient arrivées à saturation en 1974 et la ville avait alors besoin d'une troisième usine de traitement pour satisfaire la demande de sa population. Cette troisième usine a été construite à proximité de la réserve de VALLON-DOL qui l’alimente.
gravitairement. Elle est prévue pour une capacité de 520 000 m³/j qui sera atteinte en six étapes correspondant à des tranches de production de 1 m³/s. Une caractéristique originale de cette usine est le fait qu'elle est gérée à distance depuis l’usine de SAINTE-MARTHE qui est sous surveillance continue.
Compte tenu des importantes différences d'altitude des zones à desservir, le réseau de distribution de la ville de MARSEILLE a été divisé en cinq étages correspondant aux cotes ci-après :
- Etage 1 – 0 à 50 NGFRéservoirs d'équilibre à la cote 89 NGF
- Etage 2 – 50 à 100 NGFRéservoirs d'équilibre à la cote 126 NGF
- Etage 3 – 100 à 150 NGFRéservoirs d'équilibre à la cote 189 NGF
- Etage 4 – 150 à 225 NGFRéservoirs d'équilibre à la cote 245 NGF
- Etage 5 – Au-dessus de 225 mRéservoirs d'équilibre aux cotes variables
Les usines de SAINTE-MARTHE (115 NGF), de SAINT-BARNABE (137 NGF) et de VALLON-DOL (243 NGF) alimentent respectivement, par gravité, les étages 1, 2 et 3 ; les étages 4 et 5 sont repris en pompage à partir des étages 3 et 4.
L'alimentation de l'extension future de la ville de MARSEILLE, qui se fera surtout dans les parties hautes de la ville, sera assurée par l'usine de VALLON-DOL.
Continuant la modernisation des deux anciennes unités, la S.E.M. est actuellement en train de construire un complexe d’ozonation à SAINTE-MARTHE, la même opération étant prévue à SAINT-BARNABE en 1981.
UTILISATION ÉNERGÉTIQUE
Dès 1956, anticipant sur la politique actuelle, la S.E.M. a utilisé l'énergie disponible à l'entrée de l'usine de SAINTE-MARTHE en installant un groupe hydro-électrique que nous allons décrire ci-dessous :
Les trois feeders (une conduite en ciment diamètre 800 mm, une conduite type Bonna diamètre 1 000 mm, et une conduite type Sentab diamètre 1 200 mm) qui alimentent en eau l’usine de SAINTE-MARTHE à partir de la branche-mère du canal permettent de disposer d'une chute brute de 29 mètres à l’entrée du décanteur.
Il était tentant d’utiliser cette chute et un groupe hydro-électrique fut installé en 1956. La totalité du courant produit est vendue à l'E.D.F., l’usine rachetant l’énergie, essentiellement variable, qu'elle consomme. Le transport de courant est assuré par un câble de 3 x 60 mm², long de 4 km, reliant l’usine au poste E.D.F. de la Belle-de-Mai.
On s'est trouvé devant les mêmes problèmes et les mêmes difficultés que les constructeurs de centrales hydro-électriques avec, en plus, un problème particulier : placée entre le canal, qui, à l'aval de la prise, coule plein bord, et la station qui doit être alimentée sans interruption, la turbine doit laisser passer un débit réglable indépendamment de la charge de la génératrice. Si cette dernière disjoncte, il faut évidemment isoler la turbine, en évitant le coup de bélier sur les conduites forcées et rétablir l’alimentation directe de la station assez rapidement pour éviter un débordement du canal.
Ce problème a été résolu d'une façon très simple : le choix d'un groupe à faible vitesse de rotation
(600 t/mn) suffisamment robuste pour supporter sans danger pendant cinq minutes la vitesse d’embalement (1 230 t/mn). On dispose, dans ces conditions, de tout le temps nécessaire pour isoler la turbine sans risquer le coup de bélier. L’ouverture de l’alimentation directe de la station, assurée par vannes motorisées, est plus rapide que la fermeture de la vanne isolant la turbine et l’on n’a pas à craindre de débordement du canal ; l’augmentation très brève du débit est sans effet sur le fonctionnement de la station.
CARACTÉRISTIQUES DE L’INSTALLATION
Nous donnerons rapidement les principales caractéristiques de cette installation.
La turbine est une turbine Francis, de fabrication « Jeumont » sous licence « Riva » (Milan), à roue en acier coulé et bâche spirale en acier soudé, calculée pour fournir 460 kW pour un débit de 3 000 l/s sous une chute de 20 mètres et une contre-pression de 3 mètres, avec un rendement de 78 %.
La génératrice est du type asynchrone triphasée 5 500 V, à rotor à cage, de 590 kW de puissance nominale excitée par le réseau. À la puissance de 440 kW, son rendement est de 95,8 % et son facteur de puissance 0,85. Turbine et génératrice sont montées sur le même arbre vertical et supportées par une butée Mitchell refroidie par eau.
La turbine est située entre une vanne papillon de 1 100 mm à étanchéité caoutchouc sur métal à l’amont et une vanne batardeau de 4 m dont l’étanchéité est assurée par un boudin de caoutchouc à l’aval.
La vanne papillon est maintenue ouverte par un vérin à huile ; un contrepoids la referme dès que l’un quelconque des dispositifs de protection du groupe stoppe l’électro-pompe fournissant la pression d’huile.
Le diffuseur de la turbine est en béton armé ; il a été exécuté, en sous-œuvre du bâtiment d’usine, autour d’un coffrage préfabriqué en tôle d’acier de 6 mm.
La génératrice est couplée sur le réseau par fermeture d’un disjoncteur Solenarc 7 kV/340 A commandée par une dynamo tachymétrique dès que le groupe approche de la vitesse de synchronisme.
Le débit turbiné est réglé par le distributeur de la turbine commandé par un dispositif à huile sous pression.
L’énergie électrique produite est déphasée par deux batteries de condensateurs de 240 kVAR chacune montées en parallèle et livrée à l’E.D.F. avec un facteur de puissance de 0,8 « en avant ».
SÉCURITÉ ET CONTRÔLE
Le groupe est protégé par un ensemble de sécurité agissant soit sur le distributeur de la turbine, soit sur la vanne papillon de garde. Le distributeur se ferme en cas d’échauffement de la butée Mitchell ou des paliers-guides. La vanne papillon se ferme et le disjoncteur s’ouvre en cas d’incident d’origine électrique (surintensités, défauts de tension ou de vitesse, défauts d’isolement, retour de courant) et survitesse.
La commande du groupe est reportée au pupitre général de l’usine. L’indication et l’enregistrement du débit turbiné et de la puissance électrique fournie sont reportés sur le tableau général des enregistreurs face au pupitre de commande.
Cette installation délivre actuellement environ 3 600 000 kWh/an au réseau E.D.F.
PROJET FUTUR
Par ailleurs, la S.E.M. étudie actuellement l’installation d’un complexe dit de La Batarelle qui comportera une station de turbinage dont la réalisation débutera dès 1980.
Elle fonctionnera selon le principe suivant :
L’usine de VALLON-DOL alimente actuellement le réseau d’étage 3 (Pz 200 NGF) qui servira dans le futur, outre ses fonctions actuelles, au transit des débits d’apport vers les réseaux d’étages 1 et 2.
Le complexe de La Batarelle constituera le trait d’union entre l’usine de VALLON-DOL et l’étage 3. Il devra remplir deux fonctions différentes :
1° Fonction de brise charge :
Il conviendra de dissiper l’énergie correspondant à la différence entre le plan piézométrique de l’eau produite à VALLON-DOL et celui de l’étage 3 (40 m environ). Cette charge sera brisée à l’aide de deux turbines capables de transiter chacune 2 250 l/s ; l’énergie récupérée sera vendue à E.D.F.
Une seule unité de turbinage sera installée dans un premier temps ; l’installation de la deuxième devrait se situer vers 1990.
Au début de la première phase, le groupe installé turbinera environ 900 l/s, soit 40 % du débit nominal.
2° Fonction de réserve de l’étage 3 :
En première étape, deux cuves de 6 500 m³ de capacité unitaire seront construites et les emplacements prévus pour deux autres cuves de 6 500 m³ chacune, également.
L’équipement sera constitué par deux turbines Francis entraînant chacune un alternateur de 850 kW - 5,5 kV (vitesse de rotation : 765 t/min), munies d’un dissipateur d’énergie de secours monté en by-pass.
En première phase, on espère ainsi produire dès 1981 environ 3 000 000 kWh/an qui seront livrés au réseau E.D.F.
La gestion de ce complexe sera assurée, comme l’ensemble du réseau, par le contrôle centralisé qui vient d’être mis en service.
CONCLUSIONS
Poursuivant une action entreprise il y a près de quarante ans, la S.E.M. s’efforce d’améliorer et de gérer, de la façon la plus rationnelle, les installations qui lui ont été confiées par la ville de Marseille. Dans la conjoncture actuelle, l’un de ses objectifs consiste, en particulier, à faire fonctionner ces installations avec le minimum d’énergie et même de fournir au réseau E.D.F. celle susceptible d’être récupérée.