La directive européenne de 1975 fixe ainsi la qualité bactériologique des eaux de baignade :
- concentration en coliformes totaux : nombre guide < 500/100 ml, valeur impérative < 12 000/100 ml ;
- concentration en coliformes fécaux : nombre guide ≤ 1 000/100 ml, valeur impérative ≤ 2 000/100 ml.
La directive d'octobre 1979 impose que la production de coquillages destinés à la consommation humaine ait lieu dans des eaux de qualité telle que moins de 300 coliformes fécaux/100 ml soient retrouvés dans 80 % des analyses de broyat de chair et de liquide intervalvaire des coquillages.
On peut observer que ces directives ne font pas référence à la qualité des effluents traités et rejetés, mais s'intéressent uniquement aux résultats finaux (niveau de pollution des eaux de baignade intégrant les phénomènes de dilution des effluents après rejet ; niveau de pollution des coquillages intégrant les phénomènes de concentration de la pollution par ces organismes filtreurs) ; aussi les concepteurs d'installation ont-ils généralement proposé l'utilisation du chlore comme procédé de désinfection des effluents avant rejet en zone littorale. Ce procédé permet en effet d’obtenir de façon relativement économique un abattement des coliformes fécaux de 3 à 4 unités logarithmiques (soit un effluent rejeté contenant 1 000 coliformes/100 ml) et, en conséquence, de satisfaire à la directive sur les eaux de baignade.
[Photo : Station d'épuration de Saint-Michel-Grèves (on voit à l'arrière-plan la colonne d'ozonation).]
La chloration présente cependant un certain nombre de désavantages qui sont liés à la chimie du chlore et, plus généralement, à la chimie des dérivés halogénés : ainsi le chlore injecté (sous forme de chlore gazeux ou d’eau de Javel) réagit avec l'ammoniaque dont la concentration peut varier de 5 à 60 mg N/l en sortie de traitement d'épuration (selon le procédé utilisé), pour former des chloramines. Ces composés, et plus particulièrement la monochloramine, présentent un effet germicide environ 50 fois moins efficace que l'acide hypochloreux ; de ce fait, il est nécessaire de maintenir un résiduel de chlore total de l’ordre de 2,5 mg/l pendant trente minutes au moins, pour atteindre l’effet désinfectant désiré.
Par ailleurs, les chloramines présentent une toxicité importante vis-à-vis de la faune et de la flore pour de faibles concentrations (effets inhibiteurs ou létaux observés sur des poissons, pour des concentrations variant de 0,05 à 5 mg/l ; toxicité aiguë ou chronique observée en milieu marin vis-à-vis de nombreuses espèces, pour des concentrations de 9,5 à 13 µg/l).
Enfin, le chlore réagit rapidement avec les matières organiques pour former des dérivés chlorés. S'il a été démontré que la chloration ne conduit pas à la formation de trihalométhanes (composés organochlorés volatils suspectés d'être cancérigènes) en quantité importante du fait de la compétition existant entre la consommation de chlore par l'ammoniaque et l'oxydation des matières organiques, des composés organochlorés lourds sont néanmoins formés. La toxicité de ces composés est très mal connue, mais leur structure s'apparente à celle des pesticides organochlorés dont la présence dans le milieu est indésirable.
Si l'on s’intéresse à la qualité de l'effluent rejeté après désinfection (tant sur le plan des sous-produits organiques formés, que sur le plan des risques de toxicité liés à la présence d’un résiduel d’oxydant), il semble donc raisonnable de rechercher des procédés de substitution à la chloration. Hormis le brome qui présente des désavantages similaires au chlore, les désinfectants utilisables sont le dioxyde de chlore, l’ozone, le rayonnement ultraviolet.
Le dioxyde de chlore, obtenu par réaction du chlorite de sodium sur de l’acide chlorhydrique ou du chlore gazeux, est un agent désinfectant plus efficace que le chlore, et il ne conduit pas à la formation de chloramines. Aux concentrations habituellement utilisées (présence d’un résiduel de 1,5 à 2 mg/l pendant 15 à 20 minutes), ce réactif n’est pas toxique. Cependant, les chlorites issus de la réduction du dioxyde de chlore sont suspectés de toxicité à faible dose ; de même, la formation de quinones stables par oxydation de certains composés organiques pose des problèmes.
Les ultraviolets générés par des lampes à vapeur de mercure sont également germicides, la dose moyenne généralement appliquée étant de 100 mWs/cm². Ce procédé n'induit pas d’effet lié à un quelconque résiduel ; il présente cependant l'inconvénient majeur d’être très sensible à toute dégradation de la qualité de l’effluent (matières en suspension, couleur) qui induira une absorption du rayonnement UV au détriment de l’effet germicide. Par ailleurs, malgré les systèmes de nettoyage des lampes proposés sur le marché, il semble difficile d’éviter un arrêt séquentiel de l’installation pour un nettoyage par voie chimique, nettoyage beau-
… coup plus efficace. Enfin, la durée de vie des lampes est généralement de 7 000 heures, ce qui impose, pour une installation fonctionnant en continu, un renouvellement annuel.
L’ozone est reconnu pour son très large spectre d'action germicide, tant au niveau bactérien, que viral et amibien. Produit sur le site par passage d’un gaz contenant de l’oxygène au travers d’une effluve électrique, les taux de traitement appliqués varient de 6 à 12 mg O₃/l, en fonction de la qualité de l’effluent. Ces taux permettent de maintenir un résiduel d’ozone dissous de l’ordre de 0,2 mg/l dans le dernier compartiment de la colonne de contact assurant le transfert de l’ozone de la phase gazeuse dans la phase aqueuse. Ces colonnes sont de plus en plus souvent conçues de façon à assurer un temps de séjour global de l’effluent dans celles-ci de 15 minutes.
L’ozone étant particulièrement réactif vis-à-vis d’un grand nombre de matières organiques, la désinfection s’accompagne d'une amélioration de la qualité de l’effluent (abattement de la DCO de l’ordre de 20 % pour les effluents urbains, abattement de la couleur pouvant atteindre 90 %). On assiste par ailleurs à une oxygénation importante de l’effluent. Sur le plan des sous-produits d’oxydation formés lors de la désinfection, les études-pilotes que nous avons réalisées sur une station d’épuration utilisant un chenal d’oxydation prolongée nous ont permis de faire les principales observations suivantes :
- — la majorité des composés éthyléniques et aromatiques présents dans l’effluent sont oxydés avec formation d’aldéhydes, de cétones et d’acides à courtes chaînes ;
- — les acides gras insaturés, composés d’origine biologique, sont oxydés en acides gras saturés ;
- — une augmentation de la concentration en acides aminés libres et en monosaccharides après ozonation indique une oxydation partielle des protéines, peptides et polyoses présents dans l’effluent.
Enfin, les tests de toxicité effectués parallèlement sur des poissons et des algues n’ont pas permis de mettre en évidence l’induction d’une quelconque toxicité.
Ainsi, si l’on veut à l’avenir continuer à désinfecter les effluents rejetés dans des zones sensibles telles que les zones littorales, afin de limiter les risques de pollution bactériologique et virale sans induire des nuisances secondaires (formation de composés indésirables ou toxiques) liées à l’étape de désinfection elle-même, il semble raisonnable de se tourner vers des procédés de substitution à la chloration. Étant donné les technologies existantes, et dans l’état actuel des connaissances de la chimie des oxydants de substitution, l’ozonation semble être le procédé à retenir.
Il faut cependant noter que l’effet désinfectant recherché dans des conditions économiquement acceptables ne pourra être atteint qu’après optimisation de l’ensemble des étapes d’épuration situées en amont de la désinfection (ceci étant d’ailleurs valable, quel que soit le procédé de désinfection utilisé).
BIBLIOGRAPHIE
- — Désinfection des eaux résiduaires. H. Paillard, J. Sibony. Océanis, vol. 12, fasc. 6, 1986.
- — « Changes in the Chemical Nature of a Biologically Treated Waste Water during Disinfection by Ozone ». B. Legube et coll. O.S.E., vol. 9, 1987.
- — Emerging Issues in Effluent Disinfection Workshop. Water Pollution Control Federation Disinfection Committee, 60th Annual Conference of W.P.C.F., Philadelphia (U.S.A.), octobre 1987.
[Publicité : Panorama des Technologies 1988]