Les traitements de désinfection de l’eau par rayonnement ultraviolet (253,7 nm) sont connus depuis plusieurs décennies. L’efficacité de leur action sur la destruction des micro-organismes répond à des lois physiques précises qui demandent à être appliquées de la façon la plus rigoureuse possible.
Cette technique a cependant pris un certain temps à s’imposer pour plusieurs raisons :
- routine de la chloration,
- limite de capacité des équipements,
- absence de rémanence du traitement,
- équipements sous-dimensionnés (donc partiellement inefficaces),
- insuffisance de connaissances sur la perméabilité de l’eau aux UV, et imprécision des observations effectuées sur la variation de ce facteur au cours du temps,
- difficulté de mesurer l’efficacité du traitement en continu.
L’objet de cet article est de décrire les différents paramètres qui expliquent l’intérêt que présente l’emploi du rayonnement UV aussi bien pour le traitement de l’eau de consommation que pour celui de l’eau de procédé dans les industries agro-alimentaires.
Les traitements de désinfection de l’eau
Les changements de l’environnement
La spécialisation des fournisseurs
Au milieu des années 80, on a vu apparaître de nombreux types de générateurs à ultraviolets ; mais, au fur et à mesure que les conditions techniques d’installation se sont précisées et que les exigences des clients en termes de qualité et de sécurité sont devenues plus draconiennes, l’essentiel du marché s’est concentré autour de quelques sociétés internationales couvrant le marché mondial, très spécialisées dans les techniques de désinfection, de pasteurisation et de stérilisation des liquides alimentaires et maîtrisant parfaitement les exigences hygiéniques des produits destinés à l’alimentation humaine.
La définition du matériel, sa mise en place et son entretien sont toujours réalisés sous le contrôle de son constructeur. Sur nos récentes installations, nous avons ainsi mis en place un système contrôlant le remplacement régulier des lampes par l’utilisateur.
La connaissance de la variation de la qualité de l’eau au cours du temps
Certains acteurs du suivi de la distribution de l’eau en France ont commencé à analyser systématiquement les eaux sur le plan de la perméabilité aux UV. On dispose ainsi maintenant d’informations de plus en plus précises sur la variation de la perméabilité des eaux aux UV, permettant aux constructeurs d’intégrer ces paramètres dans la définition de leurs matériels. On notera en particulier le travail considérable effectué à cet égard par la DRASS et les DDASS, DDA, DDE de la région Rhône-Alpes et les efforts qu’elles ont menés en faveur de la désinfection par UV.
Les inconvénients des technologies concurrentes
L’ultraviolet séduit par la simplicité de son système de fonctionnement et d’entretien, par comparaison avec des techniques comme l’ozonation, qui apparaissent plus coûteuses et plus complexes ; c’est pourquoi l’ozonation est rarement appliquée dans le seul but de la désinfection des eaux.
En ce qui concerne la chloration et les autres systèmes chimiques, on constate l’aversion grandissante des consommateurs et surtout des milieux médicaux envers ces technologies, en raison des goûts désagréables qu’ils occasionnent et des risques pour la santé liés à la formation de substances nocives.
La nécessité de disposer de réseaux sains pour distribuer une eau de qualité
On reproche inlassablement aux UV de ne pas entraîner d’effet rémanent, et qu’en cas de repollution de l'eau dans le réseau, on introduira des agents pathogènes. L'injection de produits chimiques devait résoudre ce problème, mais l'on s'est rendu compte que l'effet rémanent des solutions chimiques est lui aussi aléatoire, et diminue dans le temps, ce qui provoque l’apparition de souches résistantes aux substances chimiques, et qu’enfin les produits dérivés introduits en trop grande quantité interdisent de toute façon l'utilisation de l'eau pour la consommation humaine.
Les systèmes chimiques donnaient la possibilité de continuer à utiliser des réseaux pollués sans être tenus de procéder à des travaux de réfection. Les exigences des consommateurs conduisent à améliorer les réseaux de distribution et à les maintenir dans un état sanitaire correct empêchant la repollution de l'eau. Cela implique le nettoyage régulier et efficace du réseau, notamment pour prévenir l’apparition de dépôts sur les canalisations.
Les constructeurs recommandent d’ailleurs de procéder à un nettoyage énergique des réseaux avant la mise en route d’un traitement de l’eau par UV.
La maîtrise des installations de traitement par UV
Performances des lampes
Les lampes à basse pression de mercure se sont peu à peu imposées, surtout en raison du prix élevé des lampes à haute pression, dont le rendement germicide est beaucoup plus faible.
Pour notre part, nous nous sommes associés à l'un des plus grands constructeurs de lampes pour étudier une nouvelle génération de générateurs UV, aux puissances germicides démultipliées. Leur puissance électrique est passée de 30 à 115 W, et leur longueur a été portée de 80 cm à 120 cm ; leur diamètre est également passé de 32 à 44 mm. On a ainsi augmenté les surfaces d'émission, ce qui est particulièrement avantageux, surtout dans le cas de traitements d’eaux moins perméables aux rayons UV. Enfin, le rendement des lampes s’est accru, passant de 30 % à 36 % (rapport entre leur puissance germicide et leur puissance électrique).
Le maintien de l’intensité germicide de la lampe au cours du temps est en progression, grâce à un nouveau revêtement intérieur, qui freine les dépôts métalliques responsables de l’usure : on atteint ainsi 80 % du rendement d'origine après 8 000 heures de fonctionnement. De même, on obtient un allongement de la durée des lampes (garanties pour un an de fonctionnement, soit plus de 9 000 h).
Maîtrise du dimensionnement des lampes
Principe de la désinfection.
Les rayons UV, d’une longueur d’onde proche de 254 nm, appliqués en quantité suffisante détériorent l'ADN et l’ARN des micro-organismes, ce qui inhibe leurs possibilités de reproduction ou entraîne leur mort.
La dose UV est exprimée, par unité de surface de liquide irradiée, en µWs/cm² ou J/m². En France, la conception des dispositifs de désinfection des eaux destinées à la consommation humaine doit permettre d’obtenir une dose d’exposition supérieure en tout point de la chambre d'irradiation à 25 000 µWs/cm² ou 250 J/m² (circulaire du 19 janvier 1987).
Le dimensionnement d'une installation de désinfection par UV
D'après la loi de Bert-Lambert, la dose D qui mesure l’efficacité de la désinfection par UV s’obtient par la formule :
D = (P/S) × e^(-Kx) × T
L’énergie minimale requise dépend :
- • de la puissance germicide de la source UV, liée aux caractéristiques mêmes de la lampe,
- • de la surface réceptrice,
- • du coefficient d’absorption des UV dans le liquide à traiter,
- • de l’épaisseur de la lame d’eau,
- • du temps d’exposition de l’eau aux radiations.
Le traitement de désinfection est efficace dans la mesure où la dose distribuée en tout point du courant d’eau traversant l’appareil de désinfection est suffisante pour inactiver les germes.
Influence de la qualité de l'eau
La qualité de l’eau peut affecter la propagation des rayons UV, dont l’efficacité germicide diminue en fonction de la distance des germes à la source UV, le milieu aqueux absorbant les photons. L’augmentation de la teneur en matière organique, de la coloration ou de la turbidité contribue ainsi à augmenter la valeur du coefficient d’absorption. L’installation d’une désinfection UV ne doit donc s’envisager qu’après mesure de la perméabilité d’un échantillon d’eau aux UV. L’appareil est dimensionné après les résultats de cette opération, de manière à garantir une dose d’exposition supérieure en tout point à 25 000 microWs/cm².
Une eau chargée est ainsi traitée avec des appareils composés d’un nombre important de générateurs UV, afin d’obtenir une épaisseur de lame d’eau relativement faible.
Équipements — Adaptation aux contraintes
L’eau circule dans une chambre de traitement cylindrique, où elle est irradiée par un ou plusieurs générateurs à vapeur de mercure de basse pression.
Les générateurs sont isolés du contact de l’eau par une gaine isothermique en silice pure, perméable aux rayons UV de 253,7 nm, dispositif qui permet d’assurer la constance du traitement, quelle que soit la température de l’eau.
Ces gaines simplifient considérablement le changement des lampes : il suffit de dévisser les capots de protection des gaines, d’enlever la connexion électrique et d’extraire la lampe par l’une de ses extrémités ; l’appareil n’a donc pas à être vidangé ni démonté. Les chambres de traitement, réalisées en acier inoxydable ou en acier traité, assurent une bonne réflexion des radiations.
L’écoulement de l’eau à travers la chambre d’irradiation est assuré en régime turbulent, ce qui apporte une sécurité supplémentaire au niveau de la désinfection, par le fait que les zones de passage hydraulique préférentiel sont inexistantes. Par ailleurs, le balayage des gaines et le brassage des matières en suspension limitent leur encrassement et celui des parois de la chambre.
Toutefois, la formule de Beer-Lambert n’est pas d’un usage aisé dans le calcul des générateurs à lampes multiples. La législation a cependant simplifié le problème en imposant d’obtenir la dose prescrite en tous points de la chambre de réaction, en fonction des considérations suivantes :
- • les bactéries se situent à la même distance des lampes pendant tout leur transfert dans l’appareil, dans la position la plus défavorable ;
- • toutes les bactéries restent dans l’appareil pendant un temps identique, sans que l’on puisse constater d’hétérogénéité dans leur vitesse de circulation. Cette hypothèse peut être acceptée, puisque nous sommes en régime turbulent.
Malgré cette simplification, le constructeur doit se livrer à de nombreux calculs pour déterminer les points les plus défavorables et les doses perçues en ces points, en additionnant la dose reçue en un point par l’action simultanée de toutes les lampes.
La méthode de calcul figurant en encadré montre la complexité du calcul des doses, qui doit être informatisé par le constructeur, ce qui exige des organismes de contrôle qu’ils mettent en œuvre des méthodes de calcul performantes pour vérifier les doses annoncées.
Enfin, rappelons que la législation prend d’énormes marges de sécurité concernant les doses à appliquer pour la désinfection. Il suffit en effet de 10 000 microWs/cm² pour détruire les bactéries (avec une efficacité de 4 en unités logarithmiques). D’autre part, les microbes se déplacent de façon désordonnée dans les chambres de réaction, et ne se trouvent donc pas toujours au point le plus défavorable, mais beaucoup plus près de l’émetteur. Il faudrait calculer le déplacement de la bactérie avec la dose ainsi perçue par unité de temps : on peut considérer qu’en moyenne la bactérie se trouve à environ 2/3 de la distance la plus défavorable dans un réacteur à un générateur unique.
Le constructeur et le consommateur ne peuvent que se féliciter de la marge de sécurité imposée, qui permet de faire face à des diminutions de perméabilité des eaux au cours du temps.
On notera aussi que l’appareil étant dimensionné pour un débit maximum, il faut s’assurer que ce débit ne sera jamais dépassé, en posant des limitateurs de débit.
L’accroissement de la puissance des lampes, la maîtrise des calculs des dimensions des générateurs, la connaissance de la mécanique de circulation des fluides, ont permis au traitement par ultraviolets de s’imposer dans des réseaux de traitement d’eau de plus en plus importants : de 1 m³/h, on est passé progressivement à 10, 20, 50, 100 à 400 m³/h, et les plus importantes unités en fonctionnement se situent aujourd’hui à 1 200 m³/h.
Notre propre gamme de générateurs UV s’échelonne maintenant de 150 l/h à 400 m³/h, avec des appareils comportant 9 lampes de 115 Watts.
Surveillance en continu de l’efficacité du traitement
Nous avons vu la difficulté de la surveillance de la qualité du traitement par UV, dont l’efficacité ne peut être contrôlée que par le suivi des paramètres physiques qui le déterminent. À cet effet, l’Acticontrôle, récemment mis au point, indique en permanence la dose perçue au point le plus défavorable, en tenant compte de l’ensemble des paramètres qui l’influencent ; son automate enregistre le rayonnement UV reçu au point critique, la consommation électrique de chaque générateur et le débit de l’eau traitée. La dose ainsi calculée peut être enregistrée en continu. L’appareil permet ainsi de piloter un système d’alarme, de réguler le débit de l’eau et de procéder au lavage automatique de l’installation.
Conclusion
Les nombreuses installations en service démontrent, s’il était besoin, la qualité, la simplicité, la modicité et l’efficacité du traitement par rayonnement UV. Leur évolution est marquée par la réalisation d’unités de plus en plus développées. L’avenir réside dans la recherche d’une synergie entre les différentes technologies en présence (traitements chimiques, filtration, décantation). Nos premières expériences prouvent qu’en ce domaine « 1 + 1 » est nettement supérieur à « 2 ».
L’avenir réside aussi dans l’utilisation des UV pour les autres produits : eaux de rejets, eaux usées, saumures et liquides alimentaires dès que la législation le permettra.