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La déshydratation mécanique des boues de stations d'épuration et le nouveau filtre à bandes Pressdeg

27 octobre 1977 Paru dans le N°19 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Philippe-villemonte-de-la CLERGERIE et Guy HERVÉ

Les boues produites par les stations d’épuration constituent un sous-produit encombrant. En effet, ces boues contiennent de 98 à 96 % d’eau, ce qui revient à dire que 20 à 40 kg de matières sèches occupent un volume de 1 m³. Leur évacuation suppose une réduction de volume par déshydratation. Le procédé classique par filtration sur lits de séchage en sable nécessite des surfaces importantes et son efficacité est liée aux conditions atmosphériques ; ces dernières années ont donc vu se développer des techniques de déshydratation mécanique destinées tout particulièrement aux stations de grande puis de plus modeste importance.

CENTRIFUGATION ET FILTRATION

Les deux procédés de déshydratation mécanique des boues de stations d’épuration sont la centrifugation et la filtration.

La centrifugation permet d’obtenir, en fonction du type de boues, des siccités de 15 à 30 %, soit une teneur en matière sèche de 150 à 300 kg par m³, avec un rendement d’extraction très satisfaisant. Cette technique permet de traiter de nombreux types de boues ; c’est son principal avantage. Elle est également rapide de mise en œuvre et ne demande pas de gros frais de génie civil. Par contre, l’usure inévitable de la vis transporteuse ainsi que des autres pièces d’entraînement mécanique constitue l’inconvénient majeur de ce procédé.

La filtration est de loin la méthode la plus utilisée. Elle découle du principe même du lit de séchage qui permet une filtration naturelle de l’eau interstitielle à travers les matériaux filtrants. Deux techniques de filtration sont utilisées : la filtration sous vide et la filtration sous pression.

La filtration sous vide met en œuvre un filtre à tambour avec généralement une sortie de toile permettant un lavage permanent du médium filtrant. Ce type d’installation robuste donne des siccités élevées de 25 à 40 % mais nécessite un entretien très important et une forte consommation d’énergie électrique.

La filtration sous pression a été mise en œuvre à l’origine sur des stations de grande capacité en utilisant des pressions supérieures à 10 bars. Cette filtration sous forte pression permet d’atteindre des siccités élevées de 30 à 45 %. Toutefois, les filtres à haute pression (filtres-presses) sont à fonctionnement discontinu sans lavage automatique. Par ailleurs, le rendement d’extraction diminue au-delà d’une siccité limite. Enfin, le prix de ces installations restreint leur champ d’utilisation.

LA FILTRATION SUR BANDE

Ces principaux inconvénients ont amené les constructeurs à mettre au point des filtres sous faible pression à lavage et déballastage automatique. Ce sont les filtres à bande. Ces filtres fonctionnent à des pressions inférieures à 5 bars, permettent un égouttage avant la mise en pression et surtout sont entièrement automatisés. Les rendements en siccité sont moins élevés, entre 15 et 30 %, mais les coûts d’investissement et d’exploitation sont nettement plus faibles et ce type de procédé correspond mieux aux stations de moyenne importance.

La filtration sur bande s’effectue en deux temps :

  • — tout d’abord un drainage de la boue, auparavant floculée par conditionnement chimique, ce drainage s’effectuant sur une toile d’égouttage ;
  • — ensuite, un pressage de la boue par l’action de rouleaux qui permettent l’essorage puis le cisaillement du gâteau.

Les principaux avantages de la filtration sur bande sont les suivants :

  • — intérêt de l’égouttage avant la mise en pression ;
  • — automaticité de la machine en ce qui concerne le lavage des toiles et le déballastage en continu ;
  • — facilité de l’accrochage du gâteau sur la bande étant donné sa disposition horizontale ;
  • — coûts d’investissement et d’exploitation moins élevés que dans la filtration sous vide ou à forte pression ;
  • — faible consommation d’énergie ;
  • — simplicité et robustesse du système permettant, sur des machines comme le PRESSDEC, une surveillance aisée grâce à une construction non compacte.

Les inconvénients par rapport aux autres procédés sont :

  • — rendement en siccité plus faible ;
  • — influence de la tenue de la boue à la pression, qui peut amener non seulement un colmatage des toiles mais égale

ment un fluage latéral ou une mauvaise répartition sur la bande, limitant ainsi la pression que l'on souhaiterait appliquer.

Ces remarques ont pu être faites dès la mise en service en 1973 des premiers appareils du type « FLOCPRESS » par la Société DEGREMONT, et ont motivé la recherche d’améliorations de la part des constructeurs.

C'est ainsi que DEGREMONT a pu mettre au point en 1976 une version améliorée, présentée sur le marché sous la désignation « PRESSDEG ». L’appareil a évolué aussi bien en ce qui concerne sa conception que sa réalisation.

D'aspect beaucoup moins compact, donc d'accès et de surveillance plus faciles, le PRESSDEG bénéficie des améliorations suivantes :

  • — phase de drainage améliorée permettant d'obtenir avant la mise en pression une siccité pouvant atteindre 10 %;
  • — emploi de deux toiles pour la mise en pression ;
  • — des points de pressage multidirectionnels plus nombreux obtenus par la mise en place de nouveaux rouleaux ;
  • — axe de vérins pneumatiques à pression réglable et stabilisée ;
  • — construction renforcée au niveau de l'ossature et des différents éléments mécaniques.

DESCRIPTION DU PRESSDEG

Le premier PRESSDEG a été installé à Tournan-en-Brie sur une station d'épuration de 15 000 eq/hab. en août 1976.

Ce PRESSDEG, type 762 (2 m de largeur de bande), déshydrate les boues provenant du digesteur secondaire, qui sont conditionnées préalablement à leur introduction sur le filtre.

Leur conditionnement est assuré au moyen de polymères de synthèse (polyélectrolytes cationiques) et l'équipement de flocculation comprend :

  • — 2 bacs de préparation de 1 500 l chacun où la préparation du floculant en solution est assurée au moyen d'un disperseur. Chaque bac est équipé d'un agitateur pour assurer une mise en solution convenable du polymère ;
  • — 1 dispositif de sécurité pour l'arrêt de l'installation cuves vides.

POSTE DE FLOCULATION

[Photo : FLOCPRESS type 71 installé en 1973 à la station d'épuration des eaux résiduaires de la ville de Chantilly (Oise).]
[Photo : PRESSDEG type 762 installé en service à la station d'épuration des eaux résiduaires de la ville de Tournan-en-Brie (Seine-et-Marne).]
[Photo : Schéma de traitement des boues – Station d'épuration de Tournan-en-Brie.]

— une pompe doseuse aspirant dans l’un ou l’autre bac. On pourrait ainsi injecter deux réactifs différents si cela s’avérait nécessaire,

— une arrivée complémentaire d’eau de dilution assurée à travers un débitmètre pour favoriser une bonne dispersion du floculant,

— enfin, à l’entrée de l’appareil de filtration, un floculateur pour le mélange de boues-polymères, bac muni d’un agitateur à variateur de vitesse.

Le poste de floculation.

L’appareil de filtration proprement dit se compose de deux toiles tournant autour de tambours à axes horizontaux. La première toile permet l’égouttage de la boue jusqu’au grand tambour central d’entraînement.

La seconde toile permet à partir de ce tambour l’enserrement du gâteau de boue entre les deux toiles. L’essorage est alors assuré par la toile filtrante inférieure grâce à l’action simultanée de la tension donnée à celle-ci par des vérins pneumatiques et de la pression exercée sur la toile supérieure par 4 rouleaux presseurs. Le filtre fait 2 m de largeur de bande, ce qui lui permet de traiter environ 200 à 250 kg de M.S./h. L’alimentation du filtre est faite au moyen d’une pompe volumétrique à vis excentrée dont le débit peut varier de 2,7 à 9 m³/h. Le débit couramment admis est d’environ 8,5 m³/h.

FONCTIONNEMENT DU PRESSDEG

La boue est introduite avec le floculant dans le floculateur (2) équipé d’un agitateur vertical à vitesse variable et se déverse sur la première toile dans la zone d’égouttage horizontale (3).

Dans cette première partie du parcours, les boues sont hersées et légèrement compactées pour améliorer l’égouttage et former le gâteau. Cette disposition a pour but d’assurer une meilleure évacuation du liquide interstitiel dont une partie a toujours tendance à se maintenir en surface et traverse difficilement le lit de boues dans un drainage libre.

Après cette zone d’égouttage, le gâteau se trouve pris entre les 2 toiles tournant en synchronisme sur un tambour perforé (4) où il est soumis à la pression due à la tension des toiles complétée par l’action des 4 rouleaux presseurs. Les 2 toiles passent ensuite entre une série de rouleaux de renvoi dont le petit diamètre augmente la pression d’essorage en même temps qu’un effet de cisaillement rompt la structure pour la déshydratation finale.

Enfin, les 2 toiles se séparent et le gâteau est dégagé par 2 racloirs (7) pour évacuation sur une bande transporteuse.

Les éléments de réglage suivants permettent d’adapter facilement le fonctionnement du filtre aux caractéristiques des boues :

— tension des 2 toiles en fil synthétique par 4 vérins pneumatiques à pression réglable (1), deux vérins par toile,

— effort de pressage des 4 rouleaux (8) sur le tambour par d’autres vérins pneumatiques à pression réglable,

— mécanisme d’entraînement des 2 toiles à vitesse variable (9).

[Photo : Filtre à bande « PRESSDEG » - coupe schématique.]

Le guidage des toiles est assuré par un dispositif électrique commandant le déplacement latéral de celles-ci lorsqu’une déviation est détectée (5).

Chacune des 2 toiles est lavée en continu, au moyen de pulvérisateurs d’eau sous pression, au passage dans une enceinte (6) ceci pour éviter les projections et collecter les eaux de lavage vers la partie basse du filtre.

Enfin, des sécurités provoquent l’arrêt instantané du filtre en cas de :

— déviation anormale des toiles,

— manque d’air comprimé.

[Photo : Filtre à bande « PRESSDEG » - introduction de la boue en zone d’égouttage.]
[Photo : Filtre à bande « PRESSDEG » - zone d’égouttage et pressage de la boue.]
[Photo : Déseoupse en continu.]
[Photo : Groupe hydrophore et armoire de commande de l'ensemble de l'installation.]

Notons que l'installation comporte également un groupe hydrophore s'alimentant sur un puits existant dans l'enceinte de la station donnant un débit de 30 m³/h sous 4 bars. Les besoins en eau sont d'environ 20 m³/h.

CHOIX DU POLYMÈRE

Préalablement à la mise en service du PRESSDEG à Tournan-en-Brie en août 1976, une campagne d'essais destinée au choix du polymère a été effectuée avec le concours de la Direction des Recherches de DEGREMONT, à la fois en laboratoire au Centre de Recherches et en semi-industriel sur la station elle-même.

Au stade du laboratoire, 19 polymères de marques différentes ont été testés sur la boue prélevée à la sortie des digesteurs de Tournan-en-Brie.

En conclusion de ces essais de sélection, 4 polymères ont été retenus pour être expérimentés en semi-industriel sur la station elle-même.

BASF 9228 a donné, pour une dose d'emploi inférieure à 7 kg/t MS, un assez bon décollement de la bande presseuse donc des rendements de séparation convenables de 85 à 90 % pour des siccités de l'ordre de 20 %.

CONDITIONS DE MARCHE

Après l'ensemble des essais effectués à Tournan-en-Brie, les conditions de marche suivantes ont été adoptées depuis septembre 1976 :

CARACTÉRISTIQUES DE LA STATION D'ÉPURATION DE TOURNAN-EN-BRIE

Constructeur : S.G.E.A.

Procédé : boues activées à moyenne charge pour la 1ʳᵉ tranche : 1948 — boues activées à forte charge pour la 2ᵉ tranche : 1968.

Capacité : 3 700 hab.-équiv. en 48, portée à 15 000 équiv. hab. en 68.

Débit maxi traité par jour : 1 725 m³.

Charge polluante maxi : 900 kg DBO/jour.

Volume décanteur primaire : 175 m³.

Volume des 2 bassins d'aération : 411 m³ (195 + 216).

Puissances installées : 3 surpresseurs 59 ch.

Volume des clarificateurs : 265 m³.

Traitement des boues par digestion anaérobie.

Volume du digesteur primaire : 840 m³.

Volume du digesteur secondaire : 300 m³.

Charges appliquées

— Charge volumique du bassin d'aération 1ʳᵉ tranche : 1,15 kg DBO/m³.

— Charge volumique du bassin d'aération 2ᵉ tranche : 3,12 kg DBO/m³.

— Charge volumique du digesteur primaire : 0,94 kg MV/m³/jour.

— Charge volumique des 2 digesteurs : 0,69 kg MV/m³/jour.

— Temps de séjour total des boues : 56 jours (37 dans le digesteur primaire + 19 dans le digesteur secondaire).

Charges reçues actuellement par la station

— Débit : 1 000 m³/jour, avec des pointes de 100 m³/h.

— Charge polluante : 400 kg de DBO/jour avec des pointes de 66 kg de DBO/h.

Nature des effluents

a) origine urbaine,

b) origine industrielle (avec pointes de DBO atteignant 1 000 mg/litre) en provenance de deux centres industriels :

— Abattoirs municipaux,

— Usine de fabrication de boissons mousseuses (Compagnie française des Grands Vins).

— Charge volumique sur les bassins : 0,97 kg DBO/m³/j.

— Charge massique (à 2,5 g/l de MV) : 0,39 kg DBO/kg MV/j.

— Charge volumique du digesteur primaire : 0,43 kg MV/m³/j.

— Temps de séjour total des boues : 95 jours.

— Production de boues fraîches par jour : 480 kg MS/j.

— Polymère : BASF 9228 (ou CF 901) — consommation de 4,5 kg/t MS, préparé à une concentration de 3 g/l. Toutefois, BASF ayant orienté différemment sa fabrication, c'est le CF 900 qui est dorénavant utilisé pour des résultats sensiblement analogues. D'autres essais de floculants seront envisagés en fonction de l'évolution éventuelle de la boue ainsi que de celle des produits disponibles sur le marché.

— Débit pompe doseuse : maxi 400 à 410 l/h.

— débit pompe à boues : 8,5 m³/h, ce débit pouvant varier en fonction de la concentration de la boue qui se situe entre 20 et 30 g/l et qui devrait s'élever dès que les conditions de digestion auront pu être améliorées.

— pression essorage : entre 1,5 et 2 bars. — tension toile : entre 2,5 et 3 bars. — vitesse toile : entre 1,10 et 1,6 m/mn.

Les conditions d'exploitation sont actuellement les suivantes :

— rendement Matières Sèches (MS) : 100 à 120 kg/MS/m/h avec un rendement d’extraction de 90 % environ, — siccité : entre 20 et 25 % selon la qualité de la digestion des boues, — concentration filtrat : environ 1 g/l, — main-d'œuvre : 4,2 h par tonne de MS, — énergie : 42 kW/t MS (chauffage du local en hiver exclu), — floculants : 4,5 kg/t MS, — eau : 52 m³/t MS, — enlèvement des boues résiduelles : 4 à 5 m³/t MS.

L'installation de déshydratation des boues ne fonctionne que 2 ou 3 jours par semaine, et actuellement, après un an de fonctionnement, aucun problème majeur n'est apparu sur l'appareil lui-même. Seules quelques améliorations ayant trait aux commodités de l'exploitation (mobilité de la bande transporteuse, pose de bavettes, changement de place des herses) ont été apportées par la Société DEGREMONT qui, régulièrement, fait visiter cette installation-pilote à des spécialistes venus du monde entier.

CONCLUSION

Ce procédé — encore nouveau — de la déshydratation des boues de stations d'épuration par filtration sur bande presseuse vient de connaître un sérieux progrès par le transfert du « FLOCPRESS » au « PRESSDEG », après l'expérience acquise sur quelques années de service des « FLOCPRESS ».

Les avantages essentiels : accessibilité, robustesse, sécurité, automaticité (aux stades du lavage et du débâtissage), joints à un prix de revient amélioré (investissement + coût de traitement) permettent au PRESSDEG de s'imposer progressivement à la zone des stations d’épuration de moyenne importance (10 000 à 30 000 équivalents-habitants).

D'autre part, le rendement de siccité de la boue permet d'envisager une généralisation progressive à la destination des boues aux applications agricoles.

P. VILLEMONTE DE LA CLERGERIE – G. HERVE.

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