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La déphosphatation sur filtre à sable à lavage continu

30 mai 1994 Paru dans le N°173 à la page 32 ( mots)
Rédigé par : Philippe MOUROUX

Les directives européennes imposent de plus en plus de traiter l'azote et le phosphore. Le traitement tertiaire du phosphore peut être réalisé de manière simple et efficace sur un filtre à sable à lavage continu. Ce type de filtre permet de traiter les concentrations élevées en matières en suspension. La coagulation du phosphore peut ainsi s'effectuer en ligne directement sur l'appareil. Cette technique, très simple et ne nécessitant aucune pièce tournante, est très courante dans les pays du nord de l'Europe. Une première installation vient d'être réalisée en Bretagne.

Les nouvelles normes de rejet imposent en zone sensible des traitements complémentaires pour lutter contre l’eutrophisation et protéger les ressources en eau potable. Les traitements de l’azote et du phosphore font partie des techniques qui sont de plus en plus appliquées pour satisfaire aux directives européennes et à la loi sur l’eau du 3 janvier 1992. On sait qu’une bonne part du phosphore peut être enlevée par précipitation primaire ou par coprécipitation sur le traitement biologique ; ces techniques permettent d’abattre 80 % du phosphore (niveau PT1). Le résiduel de phosphore peut être éliminé par filtration sur sable après le décanteur secondaire (niveau PT2 – P < 1 mg/l). Sur cet étage de filtration, le phosphore est coagulé par le sulfate d’alumine (plus rarement par le chlorure ferrique). Cette coagulation entraîne une augmentation des matières en suspension avant traitement, atteignant classiquement 40 à 60 mg/l de MES, voire 100 mg/l (figure 1).

La filtration sur sable à lavage continu est particulièrement adaptée à la déphosphatation finale car elle permet de floculer en ligne et elle est plus performante qu’une filtration classique quand les concentrations en MES sont élevées. De nombreuses unités de cette nature existent en Europe. Une première installation vient d’être réalisée en France sur le littoral, à Theix, près de Vannes.

La technique mise en jeu comporte un mouvement permanent du sable qui se traduit par un renouvellement continu de la portion de lit filtrant située directement au niveau de l’arrivée des effluents, ce qui permet deux modes de fonctionnement pratiquement impossibles à réaliser avec des filtres à sable conventionnels :

  • filtration mécanique d’effluents très chargés (jusqu’à 0,8 g/l) ce qui, habituellement, conduit à multiplier de façon inacceptable les cycles de décolmatage ;
  • filtration/contact (avec floculation réalisée directement dans l’appareil), laquelle, dans les filtres traditionnels, conduit à un colmatage très rapide du lit au niveau de l’alimentation et oblige là encore à multiplier les cycles de décolmatage.
[Photo : Schéma d’une station aération prolongée avec déphosphatation tertiaire]

C’est donc dans ces deux cas précis d’application que le filtre continu montre une supériorité incontestable.

A noter également que la construction et la conduite de l’appareil sont très simples par comparaison avec les filtres à sable classiques : par exemple, puisqu’il n’existe pas de lavage à contre-courant du lit filtrant, il y a suppression de la pompe de lavage, du bassin de stockage des eaux de lavage et du système d’automatisation.

Le filtre se présente sous la forme d'une cuve cylindro-conique, dans laquelle les débits traités peuvent atteindre environ 50 m³/h par unité. Dans le cas de débits plus élevés, on peut en placer plusieurs en parallèle ou utiliser une conception modulaire à partir d’éléments insérés dans une structure bétonnée de forme multi-hexagonale (figure 2).

[Photo : Vue éclatée d’une structure bétonnée.]

Principe de la filtration à lavage continu

Le filtre à sable à lavage continu est représenté schématiquement sur la figure 3.

L’eau brute arrive par le sommet de l'appareil (A), puis est distribuée dans le lit de sable par un répartiteur symétrique (B). Elle remonte au travers de la couche filtrante (C) qui retient les particules solides. Le liquide clarifié sort de la couche de sable et franchit un déversoir (D) avant de sortir du filtre (E). Dans la partie inférieure, un air-lift, fonctionnant par injection d’une faible quantité d’air dans un tube vertical (F), aspire eau, sable et particules solides. Pendant son ascension, le mélange entraîné subit un brassage très intense qui assure le nettoyage mécanique des grains de sable. Au sommet de l'air-lift (G), l’air s’évacue et le mélange eau, sable et particules solides se déverse dans le compartiment de séparation (I). Le niveau fixe du déversoir (D) du filtrat est supérieur à celui réglable (J) du compartiment de séparation (I). Cette différence de charge crée un courant ascendant de filtrat dans la chambre de lavage (H). Le débit de ce courant est réglé par la position du déversoir (J), de façon telle que la vitesse ascensionnelle de l'eau soit supérieure à la vitesse de décantation des impuretés (fines et légères), mais inférieure à celle de décantation des grains de sable (plus gros et plus lourds). Le sable peut donc traverser la chambre de lavage (H), s’y nettoyer à contre-courant et retomber sur la couche filtrante. Par contre, les impuretés de plus faible densité sont entraînées par-dessus le déversoir réglable (J) vers la sortie de purge (K).

[Photo : Vue en perspective d’un filtre à sable continu.]

Tableau I

Exemple de l'usine de Himmerfjärden (sud de Stockholm)

Entrée du filtre à sable (mg/l)
MES5
P. Total0,50 à 0,85
Produits ajoutés
Sulfate d'aluminium (g/m³)70 à 80
MES après floculation (mg/l)40 à 60
Sortie du filtre à sable (mg/l)
MES0,30
P. Total0,05 à 0,30

Les exemples en Europe

Dans les pays du Nord de l’Europe, la législation concernant le phosphore est en place depuis une dizaine d’années et les normes de rejet sont souvent inférieures à 0,5 mg/l en P total.

La technique de filtration-contact sur sable y est très répandue ; le coagulant ou le floculant est injecté dans un mélangeur statique installé sur la tuyauterie d’alimentation du filtre.

Pour laisser un temps de contact suffisant, on utilise des filtres disposant d’une hauteur de lit de sable plus importante (1,5 m ou 2 m de hauteur utile).

Suède

Les résultats constatés à la sortie des traitements tertiaires d’eaux usées urbaines donnent des valeurs en phosphore inférieures à 0,3 mg/l. Parallèlement au traitement du phosphore, la qualité des rejets est nettement améliorée, notamment sur les matières en suspension, comme on le voit sur le tableau I (usine de Himmerfjärden).

Les performances de quatre autres stations sont également très satisfaisantes en matière de déphosphatation après épuration biologique et filtration-contact (tableau II).

La station d'Hobro (Danemark)

La technique de filtration à lavage continu a été choisie à Hobro après une période de tests qui a permis, entre autres, de faire varier la vitesse de passage sur le filtre de 7 à 13 m/h.

La solution retenue par Krüger, consultant de la municipalité, s’est portée sur une surface totale de 120 m² permettant de traiter jusqu’à 1 500 m³/h en période de pluie, soit une vitesse de percolation de 12,5 m/h (tableau III).

Tableau II

Résultats du traitement tertiaire d’eaux usées urbaines par filtration-contact après épuration biologique (Suède).

Lieu Vitesse de filtration (m/h) moyenne et maximale (type de réactif) Qualité requise (mg/l) Résultats obtenus (mg/l)
DBO5 P total DBO5 P total
Borgholm 5-10 (alun) 15 0,5 2-3 0,1-0,2
Grisslehamn 5-10 (alun) 15 0,5 1-3 0,15
Messingen 5-10 (alun) 15 0,5 1-3 0,1
Lövsta 10-20 (FeCl₃) 60 % réd. 0,3 > 90 % réd. < 0,3

Tableau III

Données techniques de la station d’Hobro (Danemark).

Paramètre Condition Valeur
Vitesse de percolation (m/h) Temps sec 6,25
Temps de pluie 12,5
Débit (m³/h) Temps sec 750
Temps de pluie 1 500
MES contractuel (mg/l) Entrée 50 à 75
Sortie 10
P total contractuel (mg/l) Entrée 2 à 4
Sortie < 0,5
[Photo : Hobro – Réduction des MES.]
[Photo : Hobro – Réduction de la teneur en phosphore.]

La station est équipée de 24 modules de 5 m² et a été mise en service en 1989. Les concentrations en P résiduel sont comprises entre 0,15 et 0,3 mg/l. La coagulation s’effectue au chlorure ferrique et la hauteur utile du lit de sable est de 1,5 m. Les résultats des tests (figures 4 et 5) montrent que le niveau de sortie en MES reste en dessous de 20 mg/l (niveau f).

La station de Lüttenbrode (Allemagne)

La législation allemande fixe les niveaux de P total résiduel en fonction de la taille des villes :

– jusqu’à 100 000 eq.h : P total ≤ 2 mg/l

– au-dessus de 100 000 eq.h : P total ≤ 1 mg/l

C’est le plus souvent le chiffre de 0,5 mg/l qui est demandé aux constructeurs.

L’ensemble de filtration comprend quatre cellules en béton de 40 m² chacune, soit au total 120 m² (tableau IV).

Tableau IV

Données techniques de la station de Lüttenbrode (Allemagne).

Paramètre Valeur
Débit moyen (m³/h) 840
Débit maxi (m³/h) 1 300
Surface de filtration (m²) 120 (4 × 40)
Hauteur de lit de sable (m) 2
MES entrée (mg/l) 60
MES sortie (mg/l) < 5
P entrée (mg/l) 7
P sortie (mg/l) < 0,5

La station de Meilen (Suisse)

C’est la proximité du lac de Zürich qui a poussé l’administration suisse à demander un traitement tertiaire performant du phosphore à la station de Meilen. Les conditions sont rendues difficiles par l’importante dilution des eaux à traiter ; c’est la raison pour laquelle la coagulation au chlorure ferrique est associée à une floculation au polymère (tableau V).

Le phosphore résiduel est inférieur à 0,2 mg/l ; en revanche, la vitesse de percolation a pu être poussée à 15 m/h, sur le débit de pointe de 1 800 m³/h (figure 6).

Tableau V

Données techniques de la station de Meilen (Suisse).

Paramètre Valeur
Débit de pointe (m³/h) 1 800
Surface de filtration (m²) 120 (4 cellules de 30)
MES entrée (mg/l) 20
MES sortie (mg/l) 10
Phosphore entrée (mg/l) 1,5
Phosphore sortie (mg/l) 0,2

La station de Theix (France)

La station de Theix, en Bretagne, est la première de ce type en France. La SAUR y a dimensionné le traitement tertiaire de manière à obtenir moins de 2 mg/l de P résiduel (tableau VI).

Deux filtres de 5 m² chacun ont été installés à la sortie du décanteur secondaire pour traiter un débit moyen de 86 m³/h.

Les premiers résultats obtenus montrent un abattement qui peut atteindre 0,3 mg/l en P, nettement supérieur à celui qui était escompté (figure 7).

Tableau VI

Données techniques de la station de Theix (Bretagne).

Concentration en mg/l

Paramètre Valeur
Débit moyen (m³/h) 86
DBO5 entrée 30
DBO5 sortie 15
DCO entrée 90
DCO sortie 50
MES entrée 30
MES sortie 10
Phosphore entrée 15
Phosphore sortie 2
[Photo : Fig. 6 : Station de Meilen.]

Conclusion

La technique de déphosphatation tertiaire sur lit de sable à lavage continu permet de répondre avec une marge de sécurité aux demandes de traitement du phosphore les plus poussées. Il s'agit d'un traitement physico-chimique et la taille des flocs ainsi formés permet d'assurer sans risque que la filtration sur sable sera efficace.

Le lavage en continu du sable permet de faire fonctionner ces filtres dans des conditions qui seraient limites pour des filtres traditionnels.

Enfin, les contraintes d'exploitation sont particulièrement faibles : pas de machine tournante, ni de vanne automatique, et floculation amont limitée à un échangeur statique.

[Photo : Fig. 7 : Station de Theix.]

Cette application permet de compléter les domaines d'utilisation de la filtration à lavage continu qui a déjà fait ses preuves depuis plus de 15 ans dans le traitement d'eaux de procédés, les traitements tertiaires et le recyclage.

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