Société Aquafrance
Les performances obtenues dans la déminéralisation des eaux par un système à échangeurs d’ions sont directement liées à deux facteurs : d'une part, la qualité de la résine échangeuse d’ions utilisée, et, d’autre part, la technologie de mise en œuvre des résines.
Les développements technologiques ont été relativement peu nombreux dans ce secteur au cours des vingt dernières années où les progrès les plus marquants ont concerné l'échange d'ions en continu et la régénération à contrecourant (rappelons que la régénération à contrecourant permet l'obtention d'une eau de haute qualité tout en ne nécessitant que des faibles doses de réactifs).
Les premiers essais de régénération à contrecourant ont repris les grandes lignes de l'échange d’ions conventionnel dit « équicourant », où le cycle d’épuisement s’opère du haut vers le bas ; la régénération à contrecourant s’opérait alors en flux ascendant. Afin d’éviter le décompactage des résines, divers types de compactages ont été mis en œuvre en utilisant des systèmes pneumatiques ou hydrauliques ou des corps inertes introduits au moment de la régénération et évacués ensuite.
Les derniers développements des techniques mises en œuvre ont débouché sur les échangeurs à lits compactés de type DHP (Déionisation Hautes Performances). En outre, des résines hypercalibrées de type Monosphère (1) sont apparues très récemment. Elles offrent des performances nettement améliorées et bouleversent le concept traditionnel des échangeurs d'ions.
Les échangeurs DHP à lits compactés
On peut voir sur la figure 1, le principe des échangeurs à lits compactés ; on y remarque qu'un échangeur monochambre est équipé de deux plateaux porte-crépines délimitant la chambre cylindrique où les résines seront installées.
La différence essentielle par rapport à un échangeur équicourant est que la résine occupe pratiquement tout le volume qui lui est affecté.
La résine active est placée en partie basse de l’échangeur ; 150 à 200 mm de résine inerte flottante sont placés en partie haute là où s’exerce la poussée des résines lors du flux ascendant (production ou régénération suivant le procédé adopté).
Le volume libre situé entre les résines (active et inerte) est limité au minimum acceptable en fonction du volume maximum atteint par la résine active, soit en pratique de 50 à 60 mm.
Les échangeurs DHP existent en version « monochambre » pour recevoir généralement une résine de fonction forte, ou en version « double chambre » permettant de recevoir les fonctions faible et forte d'une même famille de résine, réalisant ainsi un chaînage régénérable en série de la fonction forte vers la fonction faible.
Deux types de procédés — décrits ci-après — sont mis en œuvre dans les échangeurs DHP (figure 2) :
- — le procédé à flux inverse,
- — le procédé Upcore (1).
Le procédé à flux inverse
Dans ce système, la production s’opère en flux ascendant et la régénération en flux inverse descendant. Pendant la production, les résines sont bloquées contre le plateau supérieur, ce qui nécessite une vitesse de passage suf-
(1) Upcore et Monosphère sont des marques déposées de Dow Chemical Company.
suffisamment élevée afin d’éviter des fluidisations parasites. Ce procédé est bien adapté pour les petites et moyennes installations.
Une application particulière du procédé à flux inverse est celle des unités compactes Aquadion Plus (figure 3) qui traitent des débits compris entre 1 et 16 m³/h. De conception très simple, elles mettent en œuvre des matériaux composites, du PVC et de l’acier inoxydable pour les châssis de pré-assemblage. Le séquentiel y est géré par un automate programmable.
Les deux unités récemment installées à l’hôpital Charles-Foix d’Ivry (chaînage : cation fort — anion fort) traitent une eau de salinité 6 éq à un débit unitaire de 8 m³/h.
Avec des taux de régénération en acide chlorhydrique et en soude caustique de l’ordre de 50 g/l on obtient une conductivité de 1 à 0,3 µS/cm et une teneur en silice résiduelle de l’ordre de 15 à 20 ppb.
Le procédé Upcore et les résines Monosphère
Le procédé Upcore s’applique à des débits moyens et importants. La saturation s’opère à courant descendant tout comme dans un échangeur équicourant et la régénération contrecourant s’opère à flux ascendant. Contrairement au procédé à flux inversé l’arrêt de la production ne nécessite pas de recyclage, ce qui sur les grosses unités est particulièrement intéressant.
La régénération ascendante est précédée d’une phase de compactage par pistonnage à grand débit ; la régénération s’opère ensuite à une vitesse plus faible, ce qui a pour effet de conserver les résines compactées pendant toute la durée de l’injection et du déplacement du réactif.
Le compactage, qui est la première séquence de tout cycle de régénération, permet également l’évacuation des suspensions et fines de résines présentes à l’intérieur du lit de résines.
Les performances obtenues avec des résines classiques de granulométrie UG (Upflow Grade) sont comparables à celles obtenues par le procédé à flux inversé.
Le système permet en outre la mise en œuvre de hauteurs de couche de résine de l’ordre de 3 mètres ; il offre également la possibilité d’utiliser la nouvelle génération de résines Monosphère (1). Les résines Monosphère présentent une répartition granulométrique uniforme de l’ordre de 500 microns en moyenne, ce qui permet une augmentation importante de l’échange (rappelons que la vitesse d’échange est proportionnelle à l’inverse du carré du rayon de la bille élémentaire de résine).
On constate simultanément une accélération de la cinétique d’échange et la diminution des pertes de charge. Il est ainsi possible de concevoir des unités de concept plus ambitieux :
- — augmentation de la capacité d’échange et des charges volumiques et hydrauliques,
- — diminution des quantités de réactifs mises en jeu,
- — amélioration des performances.
L’installation Upcore réalisée en 1988 pour la société Climadef à Paris-La Défense est équipée de résines Monosphère Cation et Anion (figure 4).
On y traite une eau brute ayant la composition suivante :
- — dureté totale (TH) : 6,20 éq
- — alcalinité (TAC) : 5,00 éq
- — titre d’acides forts (SAF) : 2,14 éq
- — silice : 0,15 éq
Elle comprend 2 chaînes primaires d’une capacité unitaire de 45 m³/h constituées comme suit :
- — deux échangeurs cationiques (diamètre 1 200 mm) chargés de 2 100 l de résine active (Monosphère Cation) et 200 l de résine inerte,
- — un éliminateur de CO₂ (diamètre 1 300 mm),
- — deux échangeurs anioniques (diamètre 1 100 mm) chargés de 1 500 l de résine active (Monosphère Anion) et 180 l de résine inerte,
- — une tour de déminage de 2 100 l de capacité utile.
Un échangeur à lits mélangés complète l’installation.
Les échangeurs primaires sont régénérés à l’acide chlorhydrique et à la soude caustique à raison de 50 g/l de résine. L’automatisme est géré par un automate programmable.
Au démarrage de l’installation et dès le premier cycle, les performances contractuelles ont été atteintes (1 µS/cm et 30 ppb de silice). Les performances maximales ont été obtenues dès le quatrième cycle et ont été conservées ensuite, à savoir : conductivité : 0,3 à 0,1 µS/cm ; silice résiduelle : 10 ppb.
Après neuf mois de fonctionnement, les pertes de charge n’ont pas évolué et il n’a été pratiqué ni nettoyage ni définage des résines.
Applications
Les applications de la déionisation haute performance en matière de traitement des eaux s’appliquent entre autres aux cas suivants :
- — adoucissement d’eaux industrielles ou potables,
- — déminéralisation totale,
- — élimination des nitrates et des sulfates dans l’eau potable.
Le procédé Upcore permet également le reconditionnement d’échangeurs de types équicourant ou contrecourant à contre-pression en échangeurs à lits compactés.
Cette opération permet d’obtenir suivant les cas des accroissements de performances de l’ordre de 20 à 50 %.
Conclusion
Les échangeurs DHP permettent la mise en œuvre de procédés à lits compactés des types à flux inverse ou Upcore en simplifiant notablement les chaînages employés.
Les performances obtenues aujourd’hui par une chaîne DHP cation/anion sont comparables à celles obtenues il y a une dizaine d’années avec une installation comportant 4 échangeurs et un lit mélangé de finition.
On s’achemine aujourd’hui vers les échangeurs de nouvelle génération (petits diamètres, hautes couches de résines), vers une diminution du volume de résines mises en jeu et par suite une diminution de la consommation de réactifs et du volume des éluats.