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À la découverte des châteaux d’eau en Pays d’Artois (2e partie)

24 octobre 2025 Paru dans le N°485 à la page 1 ( mots)
Rédigé par : François PHILIPPS

Poursuivons, de manière simplifiée et thématique, le balayage des architectures et fresques de réservoirs dans notre paysage visuel, sur une thématique patrimoniale et esthétique.

USAGES ET FINALITÉS VARIÉS

Figure 1. Réservoirs d’Arras – Cité Nature et Arras – Aire de camping-cars (62). 

Outre les usages eau potable, nombre d'ouvrages ont été construits sur des sites industriels réaffectés pour nombre d'entre eux à des fonctions symboliques et décoratives lors des arrêts d'activités et reconversions (Figure 1). 

C'est donc comme « totems » indicateurs que les anciens châteaux d’eau de Maxei et de Tricart ont été conservés et rénovés pour les sites actuels de Cité Nature et de l'aire communautaire de camping-cars, au centre-ville d’Arras. C’est dans cette catégorie que l'on trouve le plus souvent des ouvrages métalliques. 

La possibilité qu’offrent les châteaux d’eau de stocker de grandes quantités d’eau permet à certains types d’établissements une autonomie et une sécurité complémentaire (hôpitaux, casernes de pompiers, sites militaires...).

Figure 2a. Réservoir de Mareuil / CUA (62). 


DE LA COULEUR ET DES FRESQUES GÉANTES !

À Mareuil (Figure 2a), c'est l'artiste coloriste Régine Devillard, originaire de Barastre, qui a peint ce réservoir (800 m³) en totalité ; à noter le thème bucolique, champêtre mettant en exergue la nature et la ruralité.

Pour Saint-Laurent-Blangy (Figure 2b), la réalisation de peinture décorative pour Art-Fresque en 2021-2022 sur cet ouvrage double (1500 m³ bas et haut service) est visible le long de la rocade nord-est RD950. Le texte et le logo (qui représente le beffroi d’Arras stylisé) s'étirent sur près de 8 mètres sur deux côtés. Les lettres les plus hautes mesurent 1,90 m !

Quant à Arras-Hippodrome (Figure 2c), c'est l'atelier Adeline spécialisé en peintures monumentales, décors peints sur ouvrages d'art et en trompe-l'œil, qui a conçu le décor en adéquation directe avec la vocation équestre du site. Cet édifice imposant possède deux cuves superposées (750 m³ très haut et 2250 m³ haut service).

Figure 2b. Réservoir de Saint-LaurentBlangy / CUA (62).

À Bullecourt (Figure 2d) en Sud-Artois, le graphisme est un commémoratif du 100ᵉ anniversaire de la Première Guerre mondiale sur cet ouvrage (réservoir de 180 m³).

MISE EN LUMIÈRE NOCTURNE

Admirons le réservoir récent (mis en service en 2019) de Bully-les-Mines dans le bassin minier lensois visible depuis l’autoroute A26 (Figure 3a) ; ce château d'eau, bâti sur un réservoir cylindrique composé de deux volumes d'eau séparés de 40 m de haut et de 4000 m³ de capacité, est devenu un véritable repère dans le paysage. 

Il est mis en lumière par un jeu de LED révélant la matière, les anneaux métalliques ainsi que la cuve intérieure.Déplaçons-nous en Normandie à Hérouville-Saint-Clair dans le Calvados (Figure 3b). Bâti en 1968, cet ouvrage de 52 m de haut présente trois cuves métalliques élancées de 500 m³ (hauteur de 21 m pour 6,5 m de diamètre). Les cuves de l’ouvrage sont peintes de trois nuances de bleu (ciel, myosotis, roi), les piliers quant à eux sont de nuances de gris, et la partie inférieure des passerelles et des réservoirs est peinte en rouge.

Figure 2c. Réservoir d’Arras-Hippodrome / CUA (62).

Il est mis en valeur par l’éclairage sous-jacent (réalisation concept Citéval). Le château d’eau a obtenu par ailleurs le label « Patrimoine du XXᵉ siècle » en 2007.

AUTRES USAGES : DÉRIVÉS OU PLUS INSOLITES ?

Les ouvrages en activité peuvent être utilisés aussi, très souvent, à la place de pylônes, comme supports d’antennes de radiotéléphonie mobile – d’autant plus avec la multiplication des opérateurs, du déploiement de la 4G puis de la 5G... Un zoom (Figures 4a et 4b) permet de visualiser les équipements sur la coupole supérieure des réservoirs de Sainte-Catherine-lès-Arras (400 m³) et Beaurains (450 m³).

Parfois, la Direction de la protection civile, en lien avec le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), se sert de châteaux d’eau comme vigies et tours de guet, notamment pour la détection des incendies de forêts – par exemple, dans les Landes, la Sologne... La Figure 4c montre la vue imprenable depuis le dôme du réservoir d’Arras-Méaulens, dominant à 45 m le quartier en dessous et les voies de circulations convergeant vers la place de Tchécoslovaquie.

Figure 2d. Réservoir de Bullecourt / Noreade (62).

Les ouvrages inactifs peuvent être utilisés et reconvertis tels le restaurant panoramique tournant à 42 m d’altitude, unique en France à Palavas-les-Flots en Languedoc-Roussillon, ou une crêperie perchée sur un château d’eau à 50 m de haut à Ploudalmézeau, dans le Finistère.

Des locaux de bureaux ou d’habitations atypiques (voir des exemples dans la bibliographie sommaire), voire comme murs d'escalade en parcours sportif (par exemple, Haussimont en Champagne) ! Nombre de ces ouvrages patrimoniaux font d’ailleurs à ce jour l'objet de classement au titre de l’inventaire des monuments historiques.

RÉNOVATIONS… TRANSFORMATIONS

Outre les travaux d'entretien réguliers, des rénovations d’étanchéité intérieure-extérieure avec remise en peinture sont réalisées pour maintenir l'intégrité de l’édifice ; à titre d’exemple, la rénovation du château d'eau de Beaumetz-lès-Loges de 450 m³ (Figure 5a) en 2005-2006.

Des opérations plus spectaculaires peuvent être engagées sur des châteaux d'eau pour en modifier les performances (capacité, hauteur…) ; la Figure 5b montre la surélévation, en 1995, du réservoir du CEA « Le Ripault » à Monts en Touraine, des travaux réalisés notamment grâce à la maîtrise de la précontrainte, l'utilisation de vérins hydrauliques (type levage de culées de ponts) et de bétons spéciaux.

Figure 3a. Réservoir de Bully-les-Mines / CALL (62).  

Figure 3b. Réservoir de Hérouville-SaintClair (14).


SUJETS DE TABLEAUX

Enfin, les réservoirs s'invitent dans l'art pictural ! Le tableau réaliste intitulé « Les châteaux d'eau » de Claude Génisson (1957, Collection du Musée de la Chartreuse de Douai ; Figure 6a) – une huile sur toile de dimensions (H × L) de 65 × 81 cm – semble reprendre une étape de la construction des deux réservoirs jumeaux du site de Douai (deux fois 2 000 m³), situés rue Guynemer, en rive gauche de la Scarpe, dans le Nord.

Figure 4a. Réservoir de Beaurains / CUA (62). 
Figure 4b. Réservoir de Sainte-Catherine / CUA (62). 
Figure 4c. Vue plongeante depuis le dôme du réservoir d’Arras-Méaulens (62). 
Figure 5a. Rénovation avant-après du réservoir de Beaumetz-les-Loges / CUA (62). 
Figure 5b. Surélévation du réservoir CEA de Monts (37).
Figure 6a. Peinture de Claude Génisson – «Les châteaux d’eau» 1957.
Figure 6b. Peinture anonyme – réservoir de Caen (14).
Figure 6c. Anne-Laure Dubrulle-Bastide – le château d’eau de Sélestat (67).

Une gouache au teint pastel (anonyme, 1962 et 12 × 20 cm ; Figure 6b) représente « le réservoir de La Guérinière à Caen » dans le Calvados, le site comprenant alors le château d'eau en totalité, avec les sols et les constructions qui devaient abriter des bureaux et un marché couvert. L'ouvrage est resté partiellement inachevé. L'anneau est à l'état brut et la surface du marché couvert est partiellement occupée.

Sur la plateforme ArtStation, dédiée aux artistes numériques, le réservoir de Sélestat dans le Bas-Rhin, bâti en 1903 dans un style néo-roman – il ressemble par sa construction à un beffroi ! – est mis en valeur d'une manière très colorée et flashy par Anne-Laure Dubrulle-Bastide (Figure 6c).

Je remercie sincèrement pour leur accord de l'usage des images d’ouvrages sur leurs collectivités, la Communauté Urbaine d’Arras, la ville de Cambrai et Noreade (SIDEN) notamment. Une partie des images proviennent de ma photothèque personnelle accumulée ces vingt dernières années.