L’élimination des boues produites par les stations d’épuration est, à l’heure actuelle, un problème majeur auquel il est de plus en plus difficile de trouver une solution. En effet, les directives européennes, appliquées en droit français, conduisent à augmenter les quantités de boues produites chaque année, par le traitement, à terme, de tous les effluents urbains. Ainsi, les quantités de boues produites en France seront-elles doublées d’ici dix ans.
Les moyens disponibles pour éliminer ces boues sont peu nombreux, et l’un d’entre eux est appelé à disparaître à terme : il s’agit des décharges.
- • Actuellement, en effet, environ 40 % des boues produites sont éliminées par ce moyen. À l’horizon 2002, il ne sera plus possible d’y avoir recours, puisque les décharges ne pourront accueillir que des déchets dits « ultimes ».
- • La valorisation agricole représente la même quantité (environ 40 %), mais des normes de plus en plus strictes régissent ce mode d’élimination, tant sur la qualité des boues que sur les particularités des sols d’accueil.
- • L’incinération spécifique des boues représente actuellement 20 % du tonnage, mais cette solution, assez coûteuse en termes d’investissement et d’exploitation, est réservée aux grosses capacités de traitement.
Consciente de la difficulté croissante qu’éprouvent les exploitants de station d’épuration pour éliminer les boues qu’ils produisent, la société Degrémont s’est intéressée à un procédé nouveau de co-incinération de ces boues avec les ordures ménagères.
L’idée d’utiliser l’énergie générée par l’incinération des ordures pour brûler les boues n’est pas nouvelle, mais rares sont les installations et procédés permettant d’éliminer une quantité importante de boues, et de les traiter efficacement et économiquement, sans modifier en rien les conditions d’exploitation de l’usine.
À la fin des années 80, la Société Monégasque d’Assainissement, exploitant des fours d’incinération de la principauté de Monaco, s’est vue confier l’incinération des boues de la station d’épuration voisine. Aucune des techniques existantes ne paraissant satisfaisante, un nouveau procédé a été développé : l’Incinération Combinée des boues d’épuration à 850 °C par injection directe dans la chambre de combustion, baptisé IC 850 ; le premier four a été équipé en 1990, les deux autres l’année suivante. Depuis, toutes les boues produites par la station d’épuration sont incinérées par ce moyen, à l’entière satisfaction de l’exploitant et de l’État monégasque qui a financé l’opération.
Développé par un exploitant d’usine d’incinération, dans sa propre unité, ce procédé a aujourd’hui fait ses preuves : c’est un moyen économique et performant de traiter les boues d’épuration, et il peut être appliqué à de nombreuses installations d’incinération.
Prochainement, la Communauté Urbaine de Bordeaux équipera un de ses fours de IC 850 pour incinérer les boues de la station d’épuration de Clos de Hilde.
[Photo : Fig. 1 – Injection des boues dans un four par le procédé IC 850.]
Performances
Ce procédé permet d’incinérer jusqu’à environ 25 % de boues d’épuration d’eaux résiduaires urbaines en plus du tonnage nominal en ordures ménagères de l’usine, qui reste inchangé. Le fonctionnement de l’usine n’est pas modifié. Ce pourcentage est fonction des caractéristiques propres des boues (siccité, taux de matières organiques…) ainsi que du Pouvoir Calorifique Inférieur des ordures ménagères.
Les boues à incinérer doivent être pâteuses, et d’une siccité comprise entre 15 et 40 %. Elles peuvent être issues de traitements biologiques ou physicochimiques, et peuvent avoir été déshydratées par filtres à bande, centrifugeuses ou filtres-presses.
Le procédé IC 850 permet en outre de faire l’économie d’un traitement tertiaire des boues d’épuration : par exemple, un conditionnement à la chaux devient inutile, puisque l’eau liée grâce à l’ajout de chaux est de toute façon libérée à 850 °C. La chaux ne constitue, vis-à-vis de l’incinération, qu’un ajout de matières minérales, donc incombustibles.
Ce procédé ne modifie pas le fonctionnement de la majorité des fours existants ou à construire, puisque la combustion des boues ne dégage que très peu de chaleur. La quantité de fumées n’est que très peu augmentée, tant par la combustion des matières organiques que par la vapeur d’eau produite. La composition des fumées varie peu : les installations de récupération de chaleur éventuelles, et les traitements de fumées ne sont donc pas à modifier lors de l’installation du procédé.
En outre, la quantité d’ordures incinérables n’est pas modifiée, et le procédé est entièrement automatique. Les problèmes d’odeurs, qui ont été la cause de nombreux échecs, sont éliminés, puisque le système est entièrement hermétique.
Les analyses effectuées par l’Apave sur les mâchefers et sur les fumées ont montré que la co-incinération des boues provenant du traitement des eaux résiduaires urbaines n’entraînait aucune répercussion sur la qualité des résidus.
Le procédé
IC 850 est un procédé d’injection directe des boues d’épuration pâteuses dans la chambre de combustion d’un four à ordures ménagères. Les boues sont réparties par une chambre de distribution dans un grand nombre d’injecteurs (entre 12 et 24 par four en général) placés de manière régulière sur toute la largeur du four. Ces injecteurs traversent les protections thermiques de la chambre de combustion, et les écrans de la chaudière si le four est de type four-chaudière. Les boues sont filées dans des injecteurs, sur toute la largeur de la grille et transformées en « chipolatas » d’un diamètre d’environ 22 mm. Ces boudins sèchent au cours de leur formation, puis se détachent sous leur propre poids, et tombent sur la grille pour être mélangés et incinérés avec les ordures ménagères.
Le diamètre des « chipolatas » est une donnée importante : en effet, s’il était trop important, les boues seraient cuites en surface, mais le cœur resterait intact, et le taux d’imbrûlés dans les mâchefers augmenterait considérablement. Avec un diamètre trop faible, il n’y aurait pas de formation de boudins : la siccité des boues ferait varier la distance de projection jusqu’à atteindre la paroi opposée, ce qui pourrait détériorer les réfractaires.
Les boues sont réparties en continu sur toute la largeur de la grille, ce qui favorise une combustion complète de toutes leurs matières organiques.
Dans le cadre de l’installation du procédé, il est nécessaire de prévoir les équipements suivants :
Circuit des boues
Il est indispensable de prévoir un stockage des boues provenant des stations d’épuration, pour permettre d’injecter de manière stable et continue les boues dans le four. Ce stockage peut être prévu en bennes ou en fosse, mais il doit de toute façon être équipé de matériel de dévoiûtage et de reprise, puisque les boues pâteuses ne s’écoulent pas gravitairement. Ce lieu étant le seul endroit où les boues sont en contact avec l’atmosphère, il doit donc être couvert, ou mieux, ventilé. L’air de balayage peut être repris et envoyé pour combustion dans le four.
Les boues sont ensuite reprises par des pompes à piston à haute pression, pour vaincre les pertes de charge très importantes qui se produisent dans les canalisations.
[Photo : Fig. 2 – Modules d’injection IC 850.]
Injecteurs IC 850®
Les boues sortant des pompes à piston sont convoyées vers le four par une canalisation sous pression. Les injecteurs sont placés en ligne, et sont alimentés par une chambre de distribution. De forme cylindrique, ils comportent, du côté de la chambre de combustion, un embout conique en fonte au chrome leur permettant de résister aux températures élevées.
Pour remédier au problème de bouchage des injecteurs (séchage éventuel des boues dans l’injecteur, corps étranger...), chaque injecteur est muni d’un vérin pneumatique de ringardage. Sa tige incolmatable permet de pousser, si nécessaire, le bouchon dans le four. Cette procédure de ringardage automatique est déclenchée par une mesure de pression dans la chambre de distribution. Elle s’effectue sans interruption de l’injection des boues.
Lors de l’arrêt de l’injection de boues par l’exploitant, une procédure automatique de nettoyage complet des injecteurs à l’air et à l’eau est déclenchée. Cette séquence laisse entièrement propre tous les éléments de l’injecteur pour permettre son redémarrage ultérieur.
Périphériques
Il est nécessaire de prévoir un petit groupe de production d’air sous pression (actionnant les vérins de ringardage) et un autre de production d’eau sous pression (lavage des injecteurs).
Une armoire de contrôle est intégrée, pour gérer les procédures automatiques. Les informations importantes peuvent être renvoyées en salle de contrôle : taux de remplissage du stockage, débit de la pompe...
Les avantages du procédé
Les avantages de ce procédé sont nombreux, parmi lesquels on peut citer :
- • l’incinération de quantités de boues importantes sans modification du tonnage d’ordures,
- • l’incinération de toutes les boues résiduaires urbaines d’une siccité comprise entre 15 et 40 %,
- • la souplesse de fonctionnement, qui permet de traiter simultanément des boues hétérogènes de provenances diverses,
- • de faibles modifications des conditions de fonctionnement de l’usine,
- • une consommation de vapeur nulle (ou faible sur certains fours très spécifiques),
- • un montage aisé sur la majorité des types d’incinérateurs,
- • le faible encombrement des appareils,
- • une répartition des boues à incinérer sur toute la largeur du foyer,
- • le calibrage des boues pour obtenir une combustion complète des matières organiques,
- • l’herméticité du système, éliminant tous les problèmes d’odeurs et de salissures,
- • une exploitation extrêmement aisée, puisque l’action de l’exploitant se limite à fixer le débit d’injection et à prévoir de simples contrôles durant les rondes,
- • l’automatisation complète du système,
- • un investissement modéré,
- • des coûts d’exploitation faibles.
Conclusion
Le procédé IC 850 constitue donc une réponse simple et peu coûteuse au problème de l’élimination des boues résiduaires urbaines. C’est une solution originale et sans égal sur le plan technique, qui permet de simplifier l’exploitation des stations d’épuration et de rentabiliser les fours d’incinération des ordures ménagères.
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