Si les éléments du climat artificiel reposent notamment sur la température, la ventilation et le degré hygrométrique de l’air, il est des cas d’espèce où les taux de poussière, d’ionisation, voire de degré de radioactivité doivent être pris en compte. On remarquera cependant qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre le chauffage et la ventilation, la ventilation et la climatisation ; ils s’apparentent à la même famille. Passer d’une température extérieure de 10 ° à une ambiance de travail de 19 ° c’est apporter, au climat naturel, des calories supplémentaires. Au même titre, assurer un 22 °C dans les bureaux, lorsque le mercure à l’extérieur voisine les 30 °, c’est extraire des calories ou apporter des frigories. Le fait, dans le temps et l’espace, n’est pas nouveau, seules les techniques employées le sont.
Une architecture adaptée
Est-il besoin de rappeler combien les conceptions architecturales ont joué un rôle important dans la création d’un climat de confort. Ce serait oublier la conception de la maison du Queyras illustrée par l’habitat de Saint-Véran dans les Hautes-Alpes.
Comme le souligne Jean-Louis Izard dans son ouvrage « Archibio » : « Il s’agit de l’exemple type d’utilisation différente des espaces intérieurs selon les saisons, de gestion optimale des espaces et des chaleurs “gratuites”, d’intelligence d’une architecture faite de surplombs et d’avancées de toits qui permettent le fonctionnement de la ferme et du village, malgré la présence de la neige et de l’altitude ».
Ce serait oublier aussi la conception de la maison patricienne romaine et l’expression de l’architecture arabe, ses patios et ses moucharabiehs lesquels, entre autres, « filtrent le rayonnement solaire, diminuent la pression du vent tout en assurant une bonne ventilation ».
Nul doute que la conception architecturale et le choix des matériaux de construction participent à la quête d’un bon équilibre thermique.
Nul doute aussi que le développement de l’habitat urbain et des multiples fonctions qu’il génère limite les solutions naturelles dans la recherche du confort.
Une demande soutenue
Dès lors, l’appel à la technique s’impose. On constate d’ailleurs que la climatisation, dans la recherche d’un confort pour l’habitat, est relativement limitée dans le Sud de la France et qu’elle apparaît au Nord de la Loire, un peu comme un luxe. Mais elle est plus importante en Grande-Bretagne qu’en France ! Par contre, le taux de croissance de la climatisation (un taux à deux chiffres) s’exprime dans le tertiaire (bureaux, commerces) dans le cadre de l’immobilier existant (à aménager ou des projets retenus, et ce principalement dans un environnement urbain). C’est ainsi que d’ici à 15 ans, le marché de la climatisation dans Paris, par l’évolution essentielle du parc tertiaire est estimé à 930 MW frigorifiques. (Il faut une puissance frigorifique de 1,5 MW environ pour assurer la climatisation de 25 000 m² de bureaux). Il apparaît que la majeure partie des besoins exprimés concerne l’amélioration des conditions de travail, avec la création d’un climat artificiel où l’on joue sur le mariage de la température et de l’hygrométrie et une régulation conduite pièce par pièce.
Au-delà des dispositions architecturales de l’enceinte à climatiser, on rappellera le principe qui préside à la réalisation des circuits frigorifiques, que ceux-ci soient à absorption ou à compression. Le passage d’un fluide de l’état liquide à l’état gazeux ne peut s’effectuer, à une certaine température, que si l’on apporte au liquide une quantité de chaleur déterminée. À contrario, le fluide gazeux redeviendra liquide si on lui retire la même quantité de chaleur qu’il a fallu lui fournir pour le rendre gazeux. C’est ce phénomène qui est utilisé dans les circuits frigorifiques. Dans l’évaporateur se produit le passage de l’état liquide à l’état gazeux avec absorption de chaleur ou production de froid ; dans le condensateur se produit le passage de l’état gazeux à l’état liquide avec dégagement de chaleur.
Les fluides frigorigènes utilisés servent à effectuer un transfert entre les deux parties du circuit. Il s’agit quelquefois d’ammoniac, mais le plus souvent de réfrigérants chloro-fluorocarbones (CFC ou HCFC).
À signaler que l’énergie nécessaire au passage de l’état gazeux...
[Photo : Le Forum des Halles, chauffé, réfrigéré par Climespace.]
à l'état liquide peut être fournie sous forme de compression d’origine électrique ou sous forme de chaleur provenant, par exemple, de centrales d'incinération d’ordures ménagères.
Climatisation et environnement
La production de frigories, quelles que soient les techniques employées, comme toute production industrielle, génère des nuisances dont l'impact sur l'environnement doit être maîtrisé.
L'évacuation de la chaleur implique la mise en place de tours de refroidissement généralement installées sur le toit des immeubles. Certes, elles peuvent être prises en compte par l’équipe architecturale lorsque la climatisation est programmée dans le projet de construction. Elles sont souvent autant de « verrues » rapportées lorsque le circuit de climatisation est aménagé alors que le bâti a été réalisé.
D'aucuns ont pensé au refroidissement sur rivière ou au forage souterrain. On ne fait que déplacer l’impact des nuisances avec des systèmes toujours onéreux.
Enfin la production frigorifique elle-même est classée au titre de l’environnement, notamment par l’importance de l'alimentation en énergie électrique, le cycle à fréon et son impact sinon sur la couche d’ozone, tout au moins sur l'effet de serre. À ce sujet, la conférence de Londres du 29 juin 1990 a décidé pour 1995 l’abaissement du niveau de consommation des CFC à 50 % de celui de 1986 et une interdiction totale de leur consommation en l’an 2000. Autant de mesures qui imposent le remplacement des fluides existants et la modification des systèmes de production.
Enfin on ne peut oublier que l’apport de frigories doit être accompagné d’une ventilation et d’une filtration de l'air ambiant et du maintien de son degré hygrométrique. Autant de précautions qui impliquent une qualité irréprochable des installations et des intervenants.
[Image : Schéma d’une installation de production d’énergie frigorifique de distribution de chaleur.]
Les réseaux urbains de climatisation
Jusqu’ici en France la production de froid était presque exclusivement réalisée soit par des appareils individuels, soit au niveau d’un bâtiment ou d’un groupe de bâtiments.
Climespace propose la distribution de l’énergie frigorifique à l’échelon urbain avec centralisation de l’unité de production. Il s'agit de distribuer le froid sous forme « d’eau glacée » produite dans une centrale et transportée par un réseau souterrain jusqu’aux bâtiments à climatiser.
Sur une superficie de 1000 à 2000 m² plusieurs groupes frigorifiques produisent l'eau glacée à 5 °C.
Une centrale de 30 MW permet de satisfaire la climatisation de 500 000 m² de bureaux environ. Le réseau de distribution est constitué d’une artère aller pour l'eau à 5 °C et d’une artère retour (eau 12 à 15 °C) faite de tuyaux calorifuges qui passent par les égouts ou des galeries techniques aménagées à cet effet. Des postes de livraison, par échange chez les usagers, transfèrent l’énergie frigorifique du réseau au circuit intérieur de distribution sans interférence ni contact avec ce dernier.
Le réseau urbain de climatisation s’inscrit dans une politique globale d’économie de l’énergie et de respect de l’environnement. La production centralisée du froid permet une moindre utilisation des fluides frigorigènes. Là où 20 centrales de bâtiment de 1,5 MW chacune assurent la climatisation de 500 000 m² de bureaux, la consommation de fluides CFC s’élève à 9000 kg. Avec une seule centrale de 30 MW de puissance, cette consommation est de 6000 kg et son contrôle est plus facile.
Parallèlement, la production centralisée efface naturellement les panaches au sommet des immeubles climatisés, les tours de refroidissement sur les terrasses des immeubles et les nuisances acoustiques engendrées par les machines tournantes. Elle permet une meilleure gestion de l’énergie par la diminution des pointes de consommation et des variations de charge. Cette production de froid permet l’utilisation d’énergie de substitution ou de récupération comme celle émanant de l’incinération des ordures ménagères.
Enfin, au plan de l'utilisation de l’espace, les gains de surface sont spectaculaires. Pour reprendre la comparaison entre 20 centrales de 1,5 MW et une centrale de 30 MW de puissance, il faut savoir en effet que chacune des premières commande une surface de 200 m², alors que la centrale de 30 MW exige une surface de 2000 m².
Climespace et la Ville de Paris
Le Conseil de Paris a confié, le 19 novembre 1990, à Climespace la distribution d’énergie frigorifique sur le territoire de la capitale.
Il est vrai que depuis 1978, la Cofreth, maison-mère de Climespace, filiale du Groupe Lyonnaise des Eaux-Dumez, assure la production de la chaleur, du froid et du courant de secours dans l'ensemble du Forum des Halles, à partir d’une centrale implantée dans ce dernier. Le musée du Grand-Louvre a été rattaché à cette unité de production pour la totalité de ses besoins en énergie frigorifique. Toujours du Forum des Halles, Climespace va développer un réseau qui desservira le secteur ouest alentour, jusqu'à la place du Marché Saint-Honoré. Il empruntera les égouts des rues Française, Etienne-Marcel, des Petits-Champs, Danièle-Casanova et de l'avenue de l’Opéra. Pourront s’y raccorder, les grands ensembles tertiaires et administratifs.
Dans le projet de la zone d’aménagement Paris-Seine-Rive-Gauche, un réseau de climatisation a été intégré dans les études d’aménagement.
Ce secteur doit accueillir 900 000 m² de bureaux, des activités et commerces, et la Bibliothèque de France (250 000 m²). L'eau glacée sera distribuée par l’intermédiaire d’un réseau cheminant dans des galeries techniques.
Les centrales de production frigorifique seront implantées dans l’usine CPCU de Bercy et à Ivry.
À moyen terme, des développements seront prévus également dans le secteur Opéra-Madeleine et le 7e arrondissement.