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La chloration des effluents de la station d'épuration d'Abbeville

30 avril 1990 Paru dans le N°136 à la page 49 ( mots)
Rédigé par : René ALEXANDRE et François MOCQUART

De nombreuses études ont mis l'accent sur la pollution du littoral français ; elles ont fait ressortir l'importance de la responsabilité des rejets d'eaux usées dans l'évolution de ce phénomène.

Des mesures ont été prises ou sont en préparation le long des côtes et des rivières pour améliorer la qualité finale de ces effluents. Dans ce cadre, l'étude des cartes mentionnant la qualité des plages montre à quel point la baie de Somme est concernée par ce problème, et de nombreux investissements ont été engagés pour y remédier, notamment au Crotoy et à Saint-Valéry-sur-Somme, les améliorations portant à la fois sur les propriétés physicochimiques des rejets et sur leur qualité bactériologique.

[Photo : Régulation du chlore par vanne modulante.]
[Photo : Vue générale de la station d'épuration.]

Après les traitements classiques tels que décantation primaire, traitement secondaire avec aération biologique, il est de plus en plus fréquent de pratiquer la désinfection par oxydants.

À défaut d'utiliser l'ozone, qui est le moyen le plus « propre » de réaliser cette étape, le chlore gazeux ou l'eau de Javel restent les solutions les moins onéreuses à utiliser dans les petites unités.

L'objet de cet article est de décrire la mise en œuvre de la chloration gazeuse qui est pratiquée pour désinfecter les eaux usées de la station d'épuration d'Abbeville, auxquelles la Somme sert d'exutoire.

La station

Cette usine, d'une capacité de 40 000 équivalents-habitants, construite en 1972, a été conçue pour traiter 6 000 m³ d'effluents par jour ; elle doit faire face à un régime quotidien très fluctuant : son débit horaire s'inscrit en effet entre 100 m³/h en période creuse nocturne, et 600 m³/h en période de pointe (en raison de fortes précipitations).

De plus, la qualité des eaux brutes est très variable, puisque la station peut recevoir momentanément des effluents en provenance de rejets industriels qui font monter très rapidement la charge.

La filière de traitement se compose d'un ouvrage de prétraitement doté d'un dégrillage, d'un dessablage, d'un déshuilage, puis d'un décanteur primaire circulaire, d'une cuve d'aération, d'un clarificateur et du bassin de chloration (figure 1). La DBO₅ journalière est en moyenne de 2 570 kg et le poids des MES atteint 2 960 kg.

C'est dans ce contexte qu'il a été décidé d'effectuer une chloration en traitement tertiaire, traitement qui n'est toutefois utilisé qu'en période estivale, puisque c'est pendant cette saison que les développements bactériens sont accentués par la chaleur, et au moment

[Photo : Chloromètre placé sur un tank à chlore.]
[Photo : Fig. 1 : Plan schématique de la station.]
[Photo : Fig. 2 : Schéma du dispositif de chloration.]

ou les plages proches de l'estuaire de la Somme sont les plus fréquentées.

Le traitement

Le taux moyen pratiqué est de 5 à 7 mg de chlore par litre d'effluents. Le chlore est injecté à l'entrée du bassin tertiaire sous forme d'eau surchlorée.

L'effluent traité progresse dans un bassin de contact à cloisonnements successifs d'un volume de 200 m³. Selon le débit horaire, le temps de contact y varie donc de 20 minutes à 2 heures.

Un échantillon de l'effluent est prélevé en fin de traitement pour analyse et une mesure de débit instantané est effectuée pour permettre de procéder à une régulation automatique de l'opération.

Mise en œuvre

Sur les bases ci-dessus, la consommation journalière moyenne de chlore ressort à 30/50 kg à partir d'un tank à chlore d'une capacité d'une tonne, situé dans un local indépendant, qui alimente l'installation.

Le dispositif de chloration comporte un chloromètre sous vide de 10 kg/h connecté à un débitmètre et à une vanne modulant le débit puis à un hydro-éjecteur, suivant les dispositions de la figure 2. Une particularité du dispositif consiste à employer la force motrice de l'eau fournie par une pompe de recirculation des eaux traitées. À cet effet, on utilise un Venturi fonctionnant à basse pression, capable de répondre aux besoins en chlore les plus importants, et dont le diamètre est conçu pour laisser passer, le cas échéant, de petites impuretés usuelles telles que pépins ou grains. Une autre pompe fournit les 50 l/h nécessaires aux besoins de la sonde d'analyse.

Pour éviter le colmatage à la crépine d'aspiration, une partie de l'eau pompée assure le nettoyage automatique du tamis protégeant la crépine.

La cellule d'analyse contient un couple d'électrodes, l'une périphérique en cuivre, l'autre centrale en platine. L'électrode en cuivre est nettoyée en permanence par des particules de corindon qui polissent sa surface intérieure active.

Afin de permettre la mesure du chlore total, l'échantillon est « préparé » en amont de la cellule par deux pompes doseuses à faible débit, l'une pour doser une solution tampon à pH 4 et l'autre pour réaliser une solution permettant de mesurer le chlore combiné en diverses chloramines.

Le signal linéaire de débit d'eau à traiter (envoyé en 4-20 mA par un débitmètre à bulles) ainsi que le signal de mesure du chlore total (exprimé en 0-20 mA par l'analyseur) sont reçus par le régulateur.

La régulation

Le régulateur à microprocesseur agit sur la vanne modulante au moyen de ses sorties à trois paliers.

Cette régulation se fait sur deux niveaux :

- l'un, directement proportionnel au débit de l'eau brute ;

- l'autre, qui modifie de façon tempérée le dosage de base, lorsque la variation de la qualité de l'eau brute modifie le résiduel final contenu dans l'eau traitée.

[Photo : Fig. 3 : Courbe de variation du résiduel de chlore.]
[Photo : Fig. 4 : Concentration en germes du rejet de la station.]

L'utilisation de ce régulateur de nouvelle génération permet :

• d'améliorer la précision du dosage en linéarisant la vanne modulante sur sa plage de fonctionnement ; en effet, il n'est pas rare de constater un écart de linéarité atteignant 8 % au centre de la courbe de débit, ce qui est compensé par une correction en 11 points entre 0 à 100 % du dosage ;

• de dialoguer dans une logique simple : pour mieux s'adapter aux contraintes de site les plus diverses, le régulateur possède en mémoire une série d'éléments de structure dont les valeurs sont fonction du type de régulation et des signaux reçus ou émis. Il intègre également les valeurs de paramètres correspondant au traitement appliqué, compte tenu des dimensions des ouvrages, des dosages et des débits minima et maxima ;

• d'apporter une flexibilité à la conduite du procédé, en jouant sur les temps d'inertie des bassins de contact et en optimisant les paramètres de la régulation. Les constantes Kp (coefficient d'action proportionnel), Tn (temps d'action intégrale), Tv (temps d'action dérivé) sont ainsi déterminées par une expérience ponctuelle simple, qui consiste, après une période d'injection de chlore fixe et de résiduel stable, à augmenter arbitrairement le taux d'injection (par

exemple de 20 %) ; à partir de cet instant T = 0, on trace la courbe de variation du résiduel jusqu’à ce que celui-ci soit de nouveau stabilisé (figure 3). On en déduit Tu (temps mort) et Tg (temps de réponse), Ks (coefficient de transfert) et les trois paramètres de fonctionnement par les relations suivantes que l'on intègre dans le régulateur :

Kp = 0,8 Tg/Tu.Ks  
Tn ≈ Tu  
Tv ≈ 0,4 Tu  

Le bon fonctionnement de la station de chloration est contrôlé à la fois par le personnel en poste et par les services sanitaires : l'analyseur de chlore total est vérifié une fois par semaine en comparant les valeurs affichées à celles obtenues par la méthode colorimétrique (avec gellules DPD 4).

La conduite du procédé (débit d’eau et résiduel de chlore) est enregistrée sur

[Photo : Enregistrement du résiduel de chlore sur une semaine (en moyenne 20 %, soit 2 mg/l).]

bande, sous forme de sinusoïdes qui en pratique s’écartent peu du point de consigne, malgré des fluctuations importantes de la qualité de l'eau brute (figure 4).

Les résultats d’abattements de germes totaux et fécaux du rejet de la station établis par les services sanitaires sont mentionnés dans la figure 5, pour l'examen de laquelle il faut noter que la chloration était permanente du 15 juillet au 20 septembre, date après laquelle elle avait été arrêtée.

La production de chloramines, inéluctable, est toutefois minorée, car les automatismes permettent d’éviter les surcroîts de chlore. Enfin, ce qui n'est pas négligeable, l'injection modulée en permanence en fonction des critères de qualité et de quantité conduit à des économies substantielles de réactifs.

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