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La chaleur de la Terre

28 février 1984 Paru dans le N°80 à la page 68 ( mots)

La chaleur de la terre

Du grec « géo » (terre) et « thermos » (chaleur), le mot géothermie signifie donc littéralement « chaleur de la terre ».

La terre est en quelque sorte une « grosse chaudière » dont la température est de plus en plus élevée au fur et à mesure que l'on s’y enfonce. Les manifestations les plus évidentes et les plus spectaculaires de cette caractéristique physique sont les éruptions volcaniques, les geysers, les sources chaudes... En dehors de ces formes exceptionnelles d'activité énergétique interne, notre planète dissipe sa chaleur de façon plus régulière dans les zones stables. C’est le « flux géothermique ». Ce flux de chaleur, relativement modeste, varie de 50 à 100 kW par kilomètre carré suivant les régions.

En ce qui concerne le sous-sol, on a pu déterminer que l'augmentation de la température pouvait être évaluée à 1 °C tous les 30 mètres : c'est ce que les spécialistes appellent le « gradient géothermique ». Toutefois, cette mesure théorique n’est pas uniforme. Des études ont révélé de nombreux gradients anormaux comme en Alsace où on a relevé 10 °C pour 100 mètres. Mais des écarts plus sensibles peuvent être observés ailleurs. C’est le cas par exemple en Italie où sont connues la « tiédeur » de Padoue (15 °C/100 mètres) et l'extraordinaire « chaleur » de Larderello (100 °C/100 mètres). Ces anomalies locales peuvent résulter de structures géologiques particulières (fossés d'effondrement, proximité d'un volcan actif, intrusions récentes peu profondes).

Cela explique aussi les différences de température relevées dans les nappes : les gisements géothermiques exploitables constitués par des masses d’eau ou de vapeur sont d'une température qui varie, en effet, de 30 à 300 °C.

De ces variations découlent deux sortes d’énergies géothermiques fort différentes dans leurs manifestations et leurs utilisations : la haute et basse énergies.

La haute énergie est exploitable à partir de nappes qui contiennent des fluides à une température oscillant entre 150 et 300 °C. Ces gisements sont souvent situés dans les zones de volcanisme actif. En ces endroits à forte activité souterraine, les roches du sous-sol sont forcément très fracturées et favorisent l'infiltration rapide des eaux de pluie. Au contact d'une importante source de chaleur, ces eaux se vaporisent, créant ainsi des geysers et des réservoirs de vapeur. L’énergie ainsi stockée est appelée à « haute enthalpie » et peut être employée pour la production d’électricité par l’intermédiaire de turbines.

[Photo : Exploitation de la géothermie « Haute énergie » à Carro Prieto (Mexique).]

La basse énergie, quant à elle, peut être obtenue à partir des nappes aquifères chaudes, en particulier dans les grands bassins sédimentaires. C’est une eau dont la température est généralement inférieure à 100 °C et que l’on trouve en forant jusqu’à un ou deux kilomètres de profondeur.

Outre ces bassins sédimentaires, les fossés d'effondrement ainsi que certaines zones proches de chaînes plissées ou de massifs anciens offrent aussi des ressources géothermales naturelles à « basse enthalpie » dont le captage et l’exploitation peuvent être améliorés par des forages plus ou moins profonds.

LA GEOTHERMIE A LARDERELLO AU XIXe SIECLE

Du XIIIe au XVIe siècle, les « lagoni » (manifestations de vapeur à même le sol) furent exploités dans une vaste zone d'Italie comprise entre la ville de Volterra et les Minières de Massa Maritima, pour l’extraction du soufre. Mais à la fin du XVIIIe siècle la présence d’acide borique dans ces « lagoni » fut confirmée et on assista aux premières tentatives de son extraction par évaporation dans des chaudières en fer alimentées avec du bois.

C’est en 1827 qu'une impulsion décisive fut donnée à cette industrie lorsque François Larderel, industriel, né en 1789 à Vienne (France), utilisa pour la première fois la vapeur naturelle comme énergie thermique en substitution du bois. Pour ce faire, il construisit sur les « lagoni » une coupole en maçonnerie obligeant la vapeur à sortir par une petite ouverture de façon à lui donner une pression suffisante pour alimenter la chaudière d’évaporation.

Dès l'année suivante, les premières recherches rudimentaires de vapeur géothermique furent entreprises

[Photo : Larderello.]
[Photo : Système de sondage employé aux établissements du Comte de Larderel.]

et permirent de découvrir, grâce au développement continu des chantiers de perforation, des masses énormes de vapeur naturelle qui allaient être utilisées dans l'industrie chimique et le fonctionnement de centrales électriques de grande puissance.

En 1846, la première usine édifiée sur la zone des « lagoni » par François Larderel, fut baptisée du nom de Larderello.

LES RESSOURCES MONDIALES

De par le monde, il existe un certain nombre de sites privilégiés dont le sous-sol contient des gisements générateurs de « haute énergie ».

Ce sont généralement de véritables réservoirs de vapeur directement utilisables pour faire fonctionner les turbines des centrales électriques.

Cependant, ces gisements de vapeur sont relativement rares. On connaît ceux de Larderello (Italie), le site des geysers en Californie (États-Unis), Matsukawa (Japon) ainsi que la Nouvelle-Zélande. C’est à peu près tout.

Sur un autre plan, on a relevé des champs de géopression au Mexique. Ce sont des aquifères dont la pression est très supérieure à la pression hydrostatique. Ils sont constitués par un mélange de méthane et d’eau à haute pression et à haute température. Ces gisements très particuliers permettent à la fois la récupération du méthane, de l’énergie mécanique et de l’énergie thermique. Toutefois, leur localisation connue se limite actuellement au golfe du Mexique.

Comme on le voit, les possibilités géothermiques en « haute énergie » sont rares, puisque contenues dans des sites géologiques à caractère exceptionnel. Par contre, on trouve de la « basse énergie » pratiquement partout. Parmi les pays les plus privilégiés, on peut notamment citer l’Islande et la Hongrie où l’eau chaude affleure le sol et présente des conditions d’exploitation particulièrement favorables.

Sur la carte mondiale des ressources géothermiques, la France est relativement bien pourvue en nappes profondes d’eau chaude dont la température varie entre 30 et 100 °C.

Une récente estimation situe à 5 ou 6 millions de Tep/an les possibilités énergétiques de ces nappes. D’ailleurs, on considère que les gisements utilisables en l’an 2000 permettront d’économiser 2 M Tep/an, ce qui signifie que 800 000 équivalents-logements seront alors chauffés par la géothermie.

Pour l’essentiel, les réserves françaises exploitables sont constituées par des gisements « basse énergie ». Il s’agit au demeurant de nappes très importantes :

  • • 38 000 km² dans le Bassin Parisien ;
  • • 20 000 km² dans le Bassin Aquitain ;
  • • 7 000 km² en Alsace.

D’autre part, ces nappes présentent l’avantage d’être situées sous des zones fortement peuplées et dont les besoins en chaleur sont concentrés.

De ces trois nappes principales, la mieux connue est celle du « Dogger » (couche géologique du jurassique moyen) qui, dans le Bassin Parisien, constitue un important réservoir géothermique sous forme d’une cuvette centrée sur Meaux et où l’on trouve une température de 80 °C à 2 000 m de profondeur.

L’eau y est fortement chargée en sels minéraux divers, en hydrogène sulfuré avec présence de bactéries, donc passablement corrosive.

[Photo : Les ressources mondiales.]
[Photo : Les ressources géothermiques du Bassin Parisien. Courbes de températures disponibles au sommet des aquifères du Dogger.]

Pas cette nappe d’être utilisée pour plusieurs opérations parmi lesquelles celle de Melun, dont il faut rappeler qu’elle fut la première du genre en France.

On sait pourtant que les Romains avaient déjà découvert les bienfaits de la géothermie puisqu’ils avaient mis au point des installations de distribution d’eau de source chaude. Et pendant longtemps, toute récupération s’est limitée aux eaux chaudes de surface.

En France, depuis le démarrage de l’opération de Melun en 1969, les réalisations se sont succédées à un rythme toujours croissant, malgré les difficultés et les risques liés à ce type d’opération : tant sur le plan géologique que sur le plan économique et financier.

[Photo : Schéma général d’un « système géothermique à vapeur ».]

LES MÉTHODES DE RECHERCHES

Les méthodes qui contribuent à la reconstitution du phénomène géothermique peuvent être subdivisées en méthodes géologiques, géochimiques et géophysiques.

Méthodes géologiques

Elles permettent d’étudier les caractéristiques lithologiques, stratigraphiques et structurales, la situation hydrogéologique, les conditions volcanologiques régionales et locales, la présence et la distribution des manifestations thermales et des minéralisations.

Méthodes géochimiques

Elles s’appliquent à l’étude des échanges et équilibres géochimiques qui se produisent naturellement sous l’action des fluides chauds circulant dans le sous-sol. Elles permettent d’effectuer des observations sur le type, la nature et l’origine des manifestations thermales et des minéralisations. L’application des études géochimiques dans la recherche des fluides endogènes s’est révélée au cours de ces dernières années de plus en plus efficace. Dans la phase de prospection, elle contribue à la délimitation et à l’interprétation des anomalies géothermiques.

En plus des techniques d’analyse ordinaire, la recherche géochimique fait appel aux techniques appliquées à la connaissance des rapports isotopiques de quelques éléments (oxygène, hydrogène, carbone...) dans les fluides et dans les roches.

Méthodes géophysiques

Elles utilisent les techniques de prospection gravimétrique, magnétométrique, sismique-réflexion et sismique-réfraction, géo-électrique et géothermique. Parmi les différents types de prospection géophysique, le sondage électrique avec une méthode spécialisée a trouvé une vaste application tant en raison de son économie que de son efficacité par rapport aux profondeurs de réservoir potentiel. Dans les régions de Larderello et du Monte Amiata, en effet, le complexe essentiellement carbonaté, qui constitue le réservoir principal, se situe à des profondeurs n’excédant généralement pas 100 m. Il est caractérisé par des valeurs de résistivité (100 ohm/m) qui contrastent nettement avec celles du complexe de couverture (2-4 ohm/m).

Un type de recherche géophysique qui a été largement appliqué au cours de ces dernières années est la prospection géothermique. Elle se base sur des mesures de gradient thermique dans les forages de faible profondeur (30-50 m) et des mesures de conductibilité thermique sur des carottes extraites de ces mêmes forages. Ces mesures permettent de calculer le flux de chaleur, de comparer des zones présentant des différences lithologiques et d’avoir des indications directes sur la présence et l’intensité des anomalies géothermiques.

Le choix et la succession des méthodes à adopter varient d’un cas à l’autre, selon les conditions géologiques des zones à prospecter et les objectifs que l’on se propose.

Doc. Compagnie Générale de Chauffe.

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