L'usine de Ranc est le type même de la minicentrale moderne, dont la conception et l'équipement permettent une parfaite intégration au site ainsi qu'un fonctionnement entièrement automatique. Bien entendu, dans ce domaine particulier, l’apport de notre technologie et singulièrement celle des hydrogénérateurs submersibles a constitué un facteur déterminant.
Nous tenterons dans ce court article de fournir quelques éléments sur les points essentiels suivants :
- — étude du site et hydrologie,
- — aménagement hydro-électrique,
- — pilotage et automatismes,
- — surveillance des hydrogénérateurs.
Étude du site, hydrologie
Le site
La minicentrale occupe l’emplacement d’une ancienne scierie, dont l’implantation remonte au XIXᵉ siècle.
Grâce au concept submersible adopté pour les hydrogénérateurs, la modernisation et le renforcement des ouvrages de prise d’eau et de production ont pu être réalisés dans le respect intégral de l’environnement. Comme pour tout projet de ce genre, une étude de faisabilité a été réalisée préalablement au montage du dossier de demande. Elle indiquait si l’avant-projet était techniquement possible, juridiquement envisageable et financièrement rentable. Un de ses éléments essentiels est l’étude d’hydrologie qui permet d’évaluer les débits turbinables à chaque période de l’année, le prix de vente de l’énergie étant en effet très bas durant l’été.
[Photo : La Loire à Ranc.]
Données hydrologiques
Au droit de Ranc, le bassin versant de la Loire présente une superficie de 3 254 km². L’existence de deux stations de jaugeage à Chadrac et à Bas-en-Basset a permis d’établir les données hydrologiques suivantes :
ANNEE |
D.C.E. |
D.C.M. |
D. MAXI |
MODULE |
1971 |
3,5 |
136,8 |
283,1 |
30,6 |
1972 |
5,1 |
95,6 |
127,9 |
27,0 |
1973 |
4,9 |
72,8 |
522,0 |
24,9 |
1974 |
2,9 |
84,6 |
124,3 |
26,8 |
1975 |
6,0 |
77,2 |
151,5 |
27,5 |
1976 |
3,9 |
188,2 |
676,5 |
28,6 |
1977 |
7,6 |
151,5 |
341,9 |
43,0 |
1978 |
3,7 |
138,2 |
245,6 |
31,6 |
1979 |
4,1 |
76,7 |
252,2 |
28,3 |
1980 |
4,5 |
81,6 |
566,2 |
32,7 |
D.C.E. : (355) Débit critique d’étiage : débit dépassé 355 j/an
D.C.M. : Débit critique maximum : débit dépassé 10 j/an
D.MAXI : Débit maximum annuel
MODULE : Débit dépassé 180 j/an
L’autorisation d’exploitation a été accordée sur les bases suivantes :
- — débit d’équipement : 26 m³/s
- — débit réservé, été/hiver : 4,6 m³/s
- — déversoir rive gauche : 3,0 m³/s
- — déversoir rive droite : 1,3 m³/s
- — passe à poissons : 0,3 m³/s
La hauteur de chute brute varie de 4,50 m à 5,50 m et la centrale est arrêtée du 1ᵉʳ juillet au 30 septembre (figure 1).
[Photo : Fig. 1 — Hydrologie moyenne du site de Ranc.]
[Photo : Le barrage et l’échelle à poissons.]
Aménagement hydro-électrique
L'usine comprend :
— un barrage en diagonale à enrochement et enrobage béton, au travers de la Loire (seuil : 477,0 N.G.F.), équipé d'une passe à poissons, de deux déversoirs latéraux et d'une vanne de décharge ;
— un canal d’amenée, d’une longueur de 400 m environ, en béton à plaques préfabriquées, dont la prise d’eau est équipée d'un dégrillage grossier (esp. 150 mm) et isolable par batardeau ;
— l'usine hydraulique, équipée d’un dégrilleur automatique et comprenant 3 chambres d'eau, indépendantes, avec aspirateur coudé, module hydraulique et vanne tubulaire d’isolement.
[Photo : Le canal d'amenée. À droite, le bâtiment de l’ancienne scierie.]
« Une scie à eau se compose d‘un hangar au bord d’un ruisseau... C'est une roue mise en mouvement par le ruisseau qui fait aller le double mécanisme : celui de la scie qui monte et descend, et celui qui pousse doucement la pièce de bois vers la scie... » (Stendhal — Le Rouge et le Noir).
Les bâtiments de l’ancienne scierie ont été rénovés, puis aménagés. Ils abritent au premier étage (hors crues) à la cote 482 (N.G.F.), l'équipement électrique de puissance, un poste élévateur de tension (660/20 000 V) de 1 250 kVA, les armoires électriques basse tension, les équipements de surveillance et les automatismes gérant les hydrogénérateurs et la minicentrale, le dispositif de commande hydraulique du système Kaplan et celui des vannes tubulaires.
[Photo : L’un des groupes submersibles et la vanne tubulaire d’isolement.]
Les trois hydrogénérateurs submersibles appartiennent à la gamme standard EL 7000 ; leurs caractéristiques sont résumées ci-dessous :
Nombre |
Modèle |
Hydraulique |
P. nominale |
Q. nominal |
Calage dist/hélice |
1 |
EL 7620H |
hélice |
250 kW |
6,1 m³/s |
70°/24° |
1 |
EL 7650H |
hélice |
450 kW |
9,8 m³/s |
70°/28° |
1 |
EL 7650K |
semi-Kaplan |
450 kW |
10,4 m³/s |
70°/4° à 28° |
Chaque hydrogénérateur (figure 2) repose, par son propre poids, à la base d’un module hydraulique, intégré au génie civil et raccordé à un aspirateur coudé à haut rendement. Il est alimenté « en puits déversant » et peut être isolé par une vanne tubulaire à pilotage hydraulique, asservie à la procédure de démarrage et d’arrêt de la turbine.
Il n’y a aucune superstructure ; les vannes sont totalement effacées lorsque les turbines sont arrêtées. C’était une des contraintes du projet, compte tenu des violentes crues de la Loire.
Pilotage et automatismes
Le pilotage des hydrogénérateurs est asservi à une mesure discontinue du niveau du plan d’eau en amont de l’usine. Une
[Photo : Fig. 2 — La centrale de Ranc : une centrale intégrée au site et totalement insensible aux crues.]
[Photo : Deux hydrogénérateurs submersibles Flygt avant installation. Au premier plan, le groupe EL 7650 K semi-Kaplan 450 kW — (pour 10,4 m³/s sous 5 m.)]
Sonde piézorésistive permet, par relais à seuil, de détecter trois niveaux, sur une hauteur totale de 6 cm :
— un niveau « haut » qui commande le démarrage de la turbine semi-Kaplan, puis des turbines à hélice ;
— un niveau « intermédiaire » qui règle l’augmentation d’angle des pales de la turbine semi-Kaplan (augmentation du débit variable) ;
— un niveau « bas », qui entraîne la diminution d’angle des pales de la turbine semi-Kaplan (réduction du débit variable).
L’intervalle de mesure est réglable : en général six mesures par heure suffisent à suivre les variations de débit d’apport. À l’usine de Ranc, les contraintes imposées par le débit réservé ont conduit à « moduler » la consigne, par un système P.I.D.
Les automatismes de l’usine sont assurés par quatre automates programmables A.S.E.A., fonctionnant sur des logiciels développés par nos soins.
Surveillance des hydrogénérateurs : le système C.A.S.
Chaque hydrogénérateur est livré équipé d’une unité de surveillance électronique C.A.S. (figure 3) qui permet d’effectuer les contrôles suivants :
Canal A : présence de liquide dans le logement de stator du générateur ;
Canal B : surveillance de pression d’huile dans le multiplicateur ;
Canal C : surveillance de l’échauffement du stator de la génératrice : trois sondes P.T.C. en série en tête d’enroulements (T.N.F. 155 °C) ;
Canal D : surveillance de l’échauffement du palier inférieur de la génératrice.
Par ailleurs, un capteur de vitesse, de type inductif P.N.P., contrôle la vitesse de rotation de la génératrice, détecte l’emballement et autorise le couplage de l’hydrogénérateur sur le réseau lorsque le mode de démarrage en turbine est utilisé.
[Photo : Un hydrogénérateur submersible et le système Flygt « CAS » de surveillance.]
Ranc : une centrale qui fera école
Quelques chiffres :
débit : 26,3 m³/s ;
hauteur de chute : 5 mètres ;
puissance nette : 1 058 kW ;
production moyenne annuelle : 4,6 millions de kWh (E.D.F.) dont été : 42 % — hiver 58 % ;
recette moyenne annuelle : 1,4 millions de francs ;
investissement : 7,5 millions de francs.
Le site de Ranc bénéficiait d’une conjonction favorable entre les conditions naturelles : régime de la rivière, insertion dans le site, les conditions économiques : hauteur de chute optimale, faible distance du réseau E.D.F. moyenne tension ; c’est pourquoi les avant-projets ont rapidement montré la faisabilité de l’opération.
La réalisation de l’usine, intégrant tous les apports d’une technologie de pointe, groupes hydrogénérateurs standards à très haut rendement, vannes tubulaires équilibrées, régulation et pilotage par automates, auto-surveillance de toutes les fonctions critiques, fait que cette mini-centrale représente aujourd’hui en matière de basse chute la référence à laquelle tous les professionnels se réfèrent et qui, n’en doutons point, fera école à très court terme.
REFERENCES
Serge DROZ : Les micro-centrales hydro-électriques — E.D.F. — Direction de l’équipement.
Alain DERVILLE : Bulletin ingénierie 3.87 — Flygt France.
M. LIVET : Conférence technique « Hydrologie et Réglementation » — C.E.T.E. Clermont-Ferrand.
Syndicat de producteurs autonomes Prodisege et Snapradel : Brochure « Micro-hydraulique ».
Jean-Marie HUBERT : La centrale de Ranc — Étude technico-économique — La Foncière des Hauts-de-Seine.