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La biofiltration des effluents de l'industrie papetière

30 septembre 1992 Paru dans le N°157 à la page 46 ( mots)
Rédigé par : Jean-claude JACQUART

L’industrie papetière utilise pour ses diverses fabrications des quantités d’eau importantes. En fonction des qualités de pâtes ou de papiers produits, les caractéristiques des eaux résiduaires rejetées sont très différentes, et il est difficile de comparer les effluents rejetés par telle usine de pâte, ou par telle unité de fabrication de papiers spéciaux ou de papiers à usage domestique.

Certaines fabrications comportant notamment l'utilisation majoritaire de pâte neuve requièrent de grandes quantités d'eau et rejettent de ce fait des volumes importants d’effluents, avec des concentrations faibles en pollution dissoute (figure 1) ; il convient donc d’étudier les technologies à appliquer, afin de rejeter dans le milieu récepteur des effluents répondant aux normes en vigueur.

A cet effet, l’épuration biologique aérobie intervient avec efficacité en fin de chaîne de traitement (figure 2) suivant un procédé à choisir en fonction de la qualité de rejet imposée et du type d’effluent en cause :

- le lit bactérien utilisé seul procure un rendement d’élimination de la DBO5 de 60 à 70 % et nécessite un décanteur secondaire pour éliminer les MES ;

- les boues activées constituent le procédé classique et autorisent des rendements de 90 à 98 % de la DBO5 ; cependant, elles exigent de grandes surfaces et des décanteurs secondaires adaptés aux fluctuations hydrauliques. Ce procédé est mal adapté aux effluents dilués (DBO5 < 80 mg/l) ;

- le Biofor permet des rendements jusqu’à 70 % de la DBO5 avec des effluents d’entrée comportant moins de 200 mg/l en DBO5 et ne nécessite pas de décantation secondaire. Cette technologie s’applique plus particulièrement aux effluents dont la DBO5 est supérieure à 300 mg/l et lorsque l’on recherche des rendements d’épuration très élevés (90 à 99 % en DBO5 et MES comprises entre 5 et 30 mg/l), ce qui est le cas le plus général. Elle fait l'objet des développements qui suivent.

[Photo : Schéma du traitement des effluents provenant d’une papeterie et comportant l’utilisation majoritaire de pâte neuve.]
[Photo : Schéma de principe des divers traitements biologiques aérobies.]
[Photo : Principe du Biofor.]

La biofiltration : le procédé Biofor

Les processus classiques de traitement d’eaux résiduaires en vue d’éliminer les pollutions carbonées et azotées sont réalisés par voie biologique aérobie dans les bassins de boues activées. Au sein de ceux-ci la biomasse entre en contact avec l'effluent, qui, une fois épuré, est séparé des boues dans un clarificateur de plus ou moins grandes dimensions. Ces processus sont fiables et éprouvés mais exigent des ouvrages importants, tolérant mal de brutales variations de charge. Le traitement biologique aérobie peut cependant être réalisé dans des réacteurs de dimensions plus restreintes, donc avec des temps de séjour plus faibles et des temps de réponse plus courts, sous trois conditions :

- maintenir une concentration suffisante de biomasse active dans le réacteur ;

- disposer d’un système d’aération fiable et performant, pour satisfaire les besoins en oxygène du milieu ;

- maîtriser, par une procédure adaptée, la biomasse en excès.

D’autre part, l’utilisation d’un matériau support granulaire de taille appropriée induit un effet de filtration mécanique permettant la rétention des matières en suspension et donc de s’affranchir du clarificateur secondaire.

Les procédés à cultures fixées cumulent ainsi les avantages d'une maturation rapide, donc une grande souplesse vis-à-vis des charges appliquées, couplée avec un phénomène de filtre permettant, à charge égale, d’importants gains de place. Fonctionnant sur ce principe, le Biofor constitue donc un réacteur biologique aérobie, à biomasse fixée sur un matériau support spécifique monocouche en lit fixe immergé à flux ascendant d’air et d'eau (figure 3).

Les performances de cet appareil reposent sur les critères suivants :

- un matériau adapté (la Biolite),

- un système d’aération efficace,

- un cocourant ascendant d’air et d'eau,

- un procédé de lavage bien optimisé.

Un matériau adapté

La Biolite, silico-aluminate expansé, insensible aux attaques des agents extérieurs, présente des caractéristiques optimales de densité, dureté, attrition et porosité.

Densité : nécessairement proche de 1, car il faut minimiser les dépenses d’énergie lors des lavages ;

Dureté : le matériau doit garder constantes ses caractéristiques de forme et de diamètre ;

Attrition : un matériau friable s’auto-abrase lors des lavages, ce qui entraînerait des pertes coûteuses et inutiles ;

Porosité : les bactéries se développent préférentiellement dans les sites protégés et donc dans les micropores externes du matériau.

En fonction des caractéristiques de l’eau brute et du niveau de rejet souhaité, la Biolite existe en deux tailles effectives standardisées : 2,7 et 3,5 mm. Après expérimentation, la hauteur optimale de matériau a été fixée à 3 m.

Avec ces matériaux, les conditions de mise en œuvre du procédé autorisent une perte de charge du matériau encrassé d’environ 0,5 m de colonne d’eau par mètre de hauteur du garnissage.

Un système d’aération efficace

L’aération est fournie à la base du réacteur par un ensemble Oxazur, constitué d’une membrane perforée souple, incolmatable et résistante, à haut rendement de transfert.

Un réseau suffisant permet d’assurer une répartition uniforme de l’air distribué, à raison de 4 à 15 Nm³/m² de surface de filtre et par heure. En considérant l’excellent rendement de transfert d’oxygène mesuré en cours de traitement (25 %), la capacité d’oxygénation peut varier, selon la quantité d’air injecté, de 0,3 à 1,1 kg d’oxygène par m³ de filtre et par heure.

L’air nécessaire n’est donc insufflé qu’en fonction de la demande en oxygène du milieu, ce qui entraîne de substantielles économies d’énergie.

Un cocourant ascendant

Cette disposition a été retenue en raison d’avantages marqués :

• homogénéité de la rétention des matières en suspension ;

• permanence d’une bonne répartition des fluides, sans poches d’air, ni embolies, ni passages préférentiels durant tout le cycle ;

• rendement élevé d’oxygénation, car il ne se produit pas de coalescence des bulles, et leur rapport optimal surface/volume est conservé.

L’encrassement homogène du filtre permet une grande vitesse de transit, laquelle n’est possible qu’avec un fonctionnement ascendant des fluides, ce qui favorise un regroupement des éléments les plus fins en zone haute, sans colmatage immédiat du système. De plus, la fixation des MeS sur toute la hauteur de garnissage autorise des durées nettement accrues du cycle de traitement et donc des gains d’énergie ainsi qu’une diminution du rapport eaux de lavages/eaux traitées (en quantités).

[Photo : Traitement des effluents des papeteries Guérimand-Voiron.]
[Photo : Traitement appliqué aux effluents des papeteries Julius Glatz (Allemagne).]

En raison du principe même du fonctionnement de l’appareil en courant ascendant, la pression au sein du matériau ne peut être que positive, et donc facilite l’expansion. En effet, la perte de charge se cumule avec la charge hydraulique et élimine le risque de poches de gaz entraînant des colmatages localisés. Ceux-ci, qui entraînent une accélération locale du transit, au détriment du temps de séjour moyen, sont nuisibles au traitement épuratoire.

La charge hydraulique, mesurée en m³/m²/h, plus simplement appelée vitesse de traitement (en m/h), se situe entre 2 et 10 m/h en fonction de la qualité de l’eau brute, du temps de contact, de la température, de la rétention recherchée des matières en suspension et du type de traitement imposé (pollution carbonée ou azotée).

Le Biofor est adapté à des eaux peu chargées, mais peut également traiter des eaux contenant jusqu’à 400 mg/l de DCO₅ et 200 mg/l de MeS, dans le cadre de l’élimination de la pollution carbonée. Les rendements atteignent 80 % sur la DBO₅ et les MeS et 90 % sur l’azote ammoniacal en traitement tertiaire.

La capacité de rétention en fin de cycle, qui est fonction de la granulométrie du matériau utilisé, varie de 4 à 7 kg de MeS/m³ de Biolite ; la production de boues oscille entre 1 et 1,4 kg de MS/kg DBO₅ éliminée.

Un lavage adapté

L’optimisation du procédé et de la séquence de lavage est particulièrement importante pour minimiser les consommations énergétiques, ainsi que les quantités d’air injectées et d’eau de lavage.

Le lavage doit être suffisamment efficace pour prolonger au maximum la durée des cycles d’épuration, mais aussi pour conserver le matériau et une fraction de la biomasse nécessaire au redémarrage rapide du bioréacteur.

La procédure optimum employée sur tous les Biofor alterne des phases de vidange, détassage, lavage et rinçage, ce qui permet d’obtenir à chaque fois un biofiltre possédant exactement les caractéristiques du procédé de départ, la phase de maturation étant très courte.

L’eau nécessaire aux lavages est de l’eau traitée, convenablement stockée dans une bâche spécialement prévue à cet effet à la sortie du réacteur. Les eaux sales sont également stockées, puis graduellement renvoyées en tête de la station pour être traitées par le système de prétraitement des eaux brutes, ce qui entraîne la suppression du décanteur secondaire. Ces eaux représentent, par lavage, un volume d’environ 7 à 10 m³/m² de filtre et elles se maintiennent à des concentrations inférieures à 600 mg/l en MeS.

Les durées de cycles, supérieures à 24 h, permettent d’opérer des lavages nocturnes, et donc en période creuse du tarif d’EDF.

Un avantage supplémentaire du système Biofor tient dans son aspect modulaire, l’effluent à traiter pouvant être réparti, en fonction de son débit ou de sa concentration, entre un ou plusieurs pour obtenir aisément des résultats constants. L’entretien de l’oxygénation en période de non-alimentation est minimum (ou nul), en fonction des prévisions d'utilisation ultérieure, rapprochées ou non. Un filtre non aéré durant une longue période ne nécessite d’ailleurs qu'un lavage préalable, avant sa remise en service.

Applications industrielles

Le nombre de Biofor actuellement en service s’élève à 40, dont 10 concernent des applications dans l'industrie : 8 papeteries, une mégisserie et une production vinicole. À titre d’exemple, les figures 3 et 4 explicitent les modalités des traitements appliqués d’une part dans les papeteries de Guérimand-Voiron dans l'Isère, et d’autre part dans les papeteries allemandes Julius-Gratz.

Conclusion

Le procédé Biofor est une technique qui s’est avérée compétitive dans les principaux cas suivants :

  • * en présence d’effluents dilués, où dans les procédés classiques, lorsque les pertes en biomasse lors d’afflux hydrauliques sont supérieures aux boues produites, lorsqu’il se produit « un lessivage » très préjudiciable au traitement épuratoire ;
  • * si la couverture de l’installation est impérative, en fonction du climat, des nuisances causées aux riverains, ou des conditions d’environnement contraignantes ;
  • * lorsque les effluents sont très chargés, effet de filtre pouvant permettre d’obtenir une eau dont la teneur en MES est inférieure à 15 mg/l ;
  • * équipement d’une station compacte, où l’espace disponible est réduit par suite de contraintes locales ou de la nécessité de réserver des extensions ultérieures ;
  • * automatisation poussée des installations, entraînant l'emploi d’un personnel réduit, non spécialiste en biologie.

Le système Biofor est donc particulièrement opérationnel, compte tenu de ses performances techniques, auxquelles s’ajoute l’avantage économique portant sur les économies énergétiques qu’il procure aux exploitants de stations d’épuration.

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