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La biodécontamination de l'eau par le rayonnement ultraviolet

28 avril 1989 Paru dans le N°127 à la page 48 ( mots)
Rédigé par : J. TRAYNARD et Y. BEAUDRY

Avant de parvenir à son point d’utilisation, une eau de distribution peut être contaminée (effet de fuites, interconnexions entre canalisations, reflux, bras morts, interventions sur les conduites, etc.) ; or, l'eau utilisée dans certaines industries (pharmaceutique, agro-alimentaire, électronique), l’eau à usage médical (lavage chirurgical des mains, rinçages de matériel, ...) ainsi que l'eau destinée à la consommation humaine, doivent répondre à des normes de qualité sévères.

Nous traiterons dans cet article d’un procédé permettant d’obtenir une eau compatible avec les exigences précédentes : le traitement de l'eau par rayonnement ultraviolet.

Le rayonnement ultraviolet

Les radiations électromagnétiques comprises entre les rayons X et la couleur violette du spectre visible correspondent au rayonnement ultraviolet (figure 1).

Le spectre des UV (~ 100 nm > 400 nm) se subdivise en plusieurs bandes :

  • — UVA : (400 à 315 nm), provoquent le brunissement de la peau ; faible pouvoir bactéricide ;
  • — UVB : (315 à 280 nm), production de vitamine D, antirachitique ; pouvoir bactéricide moyen ;
  • — UVC : (280 à 200 nm) : fort pouvoir bactéricide avec un effet maximum pour la longueur d’onde de 253,7 nm ;
  • — UV très lointains (< 200 nm) : formation d’ozone. Les rayons de longueur d’onde inférieure à 185 nm sont absorbés par la plupart des substances, y compris l’air.
[Figure : Figure 1]

Obtention des radiations UV

Le rayonnement ultraviolet, de longueur d’onde égale à 253,7 nm, s’obtient le plus souvent par les lampes à vapeur de mercure à basse pression ; dans ces conditions, le mercure émet des raies spectrales de faible longueur d’onde (185 nm et 253,7 nm). Des verres spéciaux sont utilisés afin d’éviter la production d’ozone créée par l’émission de la raie 185 nm.

À haute pression, un faible pourcentage des ultraviolets émis correspond aux radiations qui nous intéressent.

Dispositif de traitement UV

Un des systèmes les plus couramment employés est celui utilisé pour l’expérimentation décrite ultérieurement. Le dispositif se compose d’un générateur ultraviolet contenu dans un tube isothermique en quartz, le tout intégré dans une chambre de traitement. L’épaisseur d’eau qui s’écoule en régime turbulent entre la chambre de traitement et le tube de quartz est, pour l’appareil mis en œuvre, de 3 mm.

[Figure : Schéma d’un lavabo LS 60 en fonctionnement normal]

Mécanisme d'action du rayonnement ultraviolet sur les micro-organismes

Dose d'inactivation

L'absorption de la longueur d’onde (253,7 nm) peut altérer la membrane de la cellule et induire des modifications au niveau des acides nucléiques, inhibant ainsi la formation de reproduction.

Une certaine dose (D) d’énergie est nécessaire à l'obtention d'un pourcentage correct d'inactivation des germes ; cette dose, exprimée en (µWs/cm²), est égale au produit de l’intensité (I) reçue par le micro-organisme par le temps (t) d'exposition de ce germe au rayonnement : D = I (µW/cm²) × t (s).

La circulaire n° 52 du 19 janvier 1987 relative à la « désinfection des eaux destinées à la consommation humaine par les rayons ultraviolets » stipule que la dose d'exposition dans les dispositifs de désinfection doit atteindre au moins 25 000 µWs/cm² ; en effet, la plupart des bactéries soumises à une telle dose sont inactivées.

Les doses d'énergie nécessaires à l'inactivation de 99,99 % des micro-organismes varient selon les auteurs : pour Escherichia coli : de 6 600 à 9 000 µWs/cm² ; pour Staphylococcus aureus : de 6 600 à 7 800 µWs/cm².

Expérimentation

Nous avons, dans cette deuxième partie, vérifié l’efficacité du rayonnement en présence de l'eau contaminée d’un « lavabo » muni d’une chambre de traitement UV.

L'appareil de base est constitué d’un

[Photo : LS 60 : dispositif expérimental]

Lavabo aseptique monobloc type LS 60, de notre fabrication, équipé d'une chambre de traitement UV et d’un dispositif d’aseptisation des conduites (figure 2).

Dans ce dispositif expérimental (figure 3), l’eau à traiter est contenue dans le lavabo ; par une pompe fixée à l'intérieur du bac, elle est acheminée dans la chambre de traitement à l’ultraviolet. Elle s’écoule ensuite par le robinet placé pour l'expérience sur la partie haute du lavabo ; les prises d’essai s’effectuent à ce niveau. Après traitement, l’eau est collectée à l'aide d'un entonnoir et évacuée.

L'appareil peut fournir un débit de 60 l/h. Le régulateur de pression est réglé de façon à maintenir ce flux pendant chaque essai.

Les méthodes

Préparation de l’eau expérimentale

Elle est préparée par dilution d’une suspension mère (~10⁶/ml), de façon à obtenir une concentration finale de l’ordre de 10⁴/ml, teneur cent fois plus importante que la concentration bactérienne d'une eau brute devant subir des traitements poussés pour être potabilisée.

Détermination du titre bactérien de l'eau expérimentale N’

Un prélèvement est effectué dans le bac au début et à la fin de l'essai.

Essai proprement dit

Neuf prélèvements sont effectués au cours de chaque essai. L'indice de prélèvement correspond au nombre de litres ou de minutes écoulés (Q = 60 l/h) depuis le début de l’essai.

Milieux de culture

D’une façon générale, les milieux de culture utilisés sont spécifiques à chaque souche étudiée (tableau I).

Méthodes d’ensemencement

La méthode retenue est celle de l’inclusion (1 ml de la suspension est déposé au fond d'une boîte de Pétri, puis recouvert de gélose en surfusion), excepté pour l’ensemencement des Staphylococcus sur Baird Parker ; dans ce cas, la méthode de filtration sur membranes est plus adaptée.

Résultats

Les résultats des essais d'emploi des UV figurent sur le tableau I (dans lequel les contaminants aériens ne sont pas pris en compte).

Commentaires

Les résultats de ces essais sont positifs ; l'appareil mis en œuvre assure parfaitement la biodécontamination de l'eau expérimentale.

Il nous a paru important de faire la synthèse de ce dispositif sur les points suivants :

[Photo : Appareil à usage industriel, type C28A, d’un débit horaire de 35 m³/h]

— domaine d’activité : il intervient sur la pollution biologique par inactivation des micro-organismes, dans un champ d’activité étendu ;

— limite d’efficacité inhérente au dispositif : puissance de la lampe, épaisseur de la lame d’eau irradiée, temps d’exposition ;

Tableau I

Essai N° 01 04 02 05 03
Souches Escherichia coli Streptococcus faecalis Staphylococcus aureus
Gélose utilisée Drigalski Gélose de dénombrement + azide de sodium Baird-Parker
N’observé (C/ml) (1)Au début de l’essai 1,6 × 10⁴ 1,1 × 10⁴ 1,9 × 10⁴ 1,4 × 10⁴ 0,9 × 10⁴
N’observé (C/ml) (1)À la fin de l’essai 2,6 × 10³ 0,8 × 10³ 2,1 × 10³ 1,3 × 10³ 0,6 × 10⁴
Prélèvements effectués pendant le fonctionnement du dispositif
N₀ 0 0 0 0 0
N₅ 0 0 0 0 0
N₁₀ 0 0 0 0 0
N₁₃ 0 0 0 0 0
N₁₈ 0 0 0 0 0
N₂₃ 0 0 0 0 0
N₂₈ 0 0 0 0 0
N₃₃ 0 0 0 0 0

(1) N’ est le titre bactérien de l’eau expérimentale.

°C : dans le milieu spécifique utilisé (gélose ordinaire additionnée d’azide de sodium) les streptocoques se développent moins rapidement que dans un milieu ordinaire ; les colonies restent toujours petites et il est quelquefois difficile de discerner une colonie d’un défaut de la gélose (microbulle, cristallisation…). Toutefois, la réduction du titre bactérien est toujours supérieure à 99,9 % et l’on reste dans le domaine de la décontamination.

  • — limite d'efficacité inhérente à la qualité de l'eau : turbidité, concentration en fer ferrique, en matières organiques ;
  • — adaptabilité : il nécessite l'intervention d'un personnel compétent ;
  • — maintenance : elle nécessite l'intervention d'un personnel compétent et surtout responsable (nettoyage régulier du tube quartz, changement des tubes UV) ;
  • — entretien facile par injection d'un produit désinfectant (Hyconium B), grâce au dispositif d’aseptisation des conduites ;
  • — coût d'exploitation : faible. La durée de vie d'un générateur est d’environ un an.

Cette étude a été menée sur un appareil à usage médical muni d'une chambre de traitement par UV et desservant un débit de 60 l/heure. Les résultats des essais montrent l'efficacité de ce dispositif pour la biodécontamination de l’eau.

Une expérimentation du même type, effectuée sur nos appareils à usage industriel (figure 4), donnerait des résultats identiques du fait qu'ils sont composés, selon le même principe, d'un nombre de générateurs UV proportionnel au débit d’eau à traiter. Les lampes germicides, disposées en faisceaux dans la chambre de traitement, permettent, dans un encombrement réduit, de décontaminer jusqu’à 40 m³/h d'eau par appareil (figure 4).

Ces stérilisateurs sont utilisés dans le domaine hospitalier, dans diverses industries (pharmaceutique, agro-alimentaire, électronique, chimique).

Dans les collectivités locales, les UV sont un procédé de choix pour la potabilisation car, tout en assurant la biodécontamination de l’eau, ils n’altèrent pas ses caractéristiques organoleptiques et ne font pas varier sa minéralisation.

BIBLIOGRAPHIE

  1. 1 - Mlle ESCALLIER et J. MAURIN (présentation faite par M. LEPINE) extrait du Bulletin de l’Académie nationale de médecine (1968, tome 152, n° 23, pp. 377-389) : « Inactivation du virus poliomyélitique par les rayons ultraviolets au moyen d'un appareil de série ».
  2. 2 - Mlle ESCALLIER et J. MAURIN (présentation faite par M. LEPINE) extrait du Bulletin de l'Académie nationale de médecine (1970, tome 154, n° 21-22, pp. 517-533) : « Transmission dans l'eau de l’énergie germicide des rayons ultraviolets. Application du traitement des eaux potables ».
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