C'est ainsi qu’en période de basse charge, soit six à sept mois par an, les tarifs sont très incitatifs et permettent un temps de retour sur les amortissements de deux à quatre années (4 000 heures/an de fonctionnement), ce que fait ressortir le tableau comparatif ci-dessous des coûts de production de une tonne de vapeur :
Énergie |
Quantité nécessaire |
Prix |
Coût par tonne de vapeur |
Fuel n° 2 |
85 kg |
2 000 F/tonne |
170 F |
Charbon |
120 kg |
600 F/tonne |
72 F |
Gaz |
86,84 Nm³ |
1,44 F/m³ |
125 F |
Électricité* |
666 kW |
0,17 F/kW |
113 F |
* Rendement thermique : 98 %.
Il en résulte que l’augmentation du parc de chaudières électriques s’effectue à un rythme soutenu de 60 à 70 unités par an, soit pour 1985 : 800 à 900 MW, les principaux constructeurs étant les suivants :
• chaudières à jets multiples : Stein, Sulzer, Parent ;
• chaudières à électrodes : Alfa Laval, Sulzer, Lardet, Babcock.
Le problème majeur est la qualité de l’eau : c’est en étroite collaboration avec les principaux constructeurs et avec E.D.F. que Degrémont a développé, en tant que traiteur d’eau, une gamme complète de produits et une technique de mise en œuvre répondant aux spécifications des chaudières électriques, qui se classent suivant trois types principaux :
— chaudière à jet (Stein) : figure 1 ;
— chaudière à jet (Sulzer) : figure 2 ;
— chaudières à électrodes (Alfa Laval) : figure 3.
Les principales recommandations des constructeurs sont dans l’ensemble très voisines de celles concernant les chaudières conventionnelles :
• la production d’une eau alimentaire parfaitement dégazée ;
• le maintien de la conductivité de l’eau de chaudière dans une plage restreinte.
La première règle à observer est le respect et le maintien des normes fixées par le constructeur de la chaudière électrique.
[Photo : Coupe schématique d’une chaudière à jet Stein. 1. Vanne de vidange. – 2. Dégagement pour démontage de la pompe. – 3. Pompe de circulation. – 4. Vanne papillon de régulation. – 5. Cellule de mesure de conductivité. – 6. Isolation. – 7. Enveloppe métallique. – 8. Soupape de sécurité. – 9. Protection haute tension. – 10. Panneau porte-câbles haute tension. – 11. Dégagement requis pour démontage du panier porte-ajutages. – 12. Tige conductrice. – 13. Isolateurs. – 14. Vanne de régulation de pression basse. – 15. Sortie de vapeur. – 16. Vanne d’arrêt. – 17. Écrans d’isolateurs. – 18. Électrode/plaque-cible. – 19. Panier porte-ajutages. – 20. Contre-électrode. – 21. Indicateur de contrôle de niveau d’eau. – 22. Purge de surface. – 23. Résistance de préchauffage. – 24. Arrivée d’eau d’alimentation.]
[Photo : Fig. 2 — Coupe schématique d'une chaudière à jet Sulzer. 1. Tige de passage de courant avec nervures. 3. Électrode. 4. Plaque de tuyères. 5. Contre-électrode. 6. Entraînement de réglage de la course. 7. Servomoteur. 8. Porte-tuyères. 9. Relais-temps. 10. Capot de réglage. 11. Pompe de circulation. 12. Moteur de la pompe.]
Parmi les incidents de marche, nous avons pu relever les problèmes suivants liés ou non à la chimie de l'eau :
• déclenchement en arrêt de la chaudière dû à une eau non conforme ;
• production d'oxygène ou d'hydrogène variable selon les cas ;
• formation de mousse ;
• début de détérioration des isolateurs ;
• risques potentiels d'amorçage d'arc en chaudière ;
• corrosion en chaudières et des circuits de retour ;
• salissures par le phénomène d'érosion ;
• etc.
CONTROLE DE LA QUALITÉ DE L'EAU
L’examen des différentes exigences des constructeurs de chaudières électriques, ainsi que les expériences acquises dans ce domaine, nous ont amené à définir par ordre de priorité les quatre objectifs de traitements suivants :
— la conductivité ;
— l'oxygène ;
— la protection contre la corrosion ;
— la déconcentration et le transport des éléments.
Nous les examinerons ci-après.
La conductivité
La conductivité d'une solution est reliée linéairement aux concentrations des ions en solution et ce transport d'électricité est fonction de la migration de ces ions. Une première approche des chaudiéristes avait été de concentrer les ions OH⁻, très mobiles, mais qui en contrepartie peuvent engendrer des inconvénients bien connus (fragilité caustique, corrosion, moussage, etc.). Nous préconisons de préférence une conductivité stable, se rapprochant d’un milieu tampon.
Potentiel d’oxydoréduction et conductivité sont ajustés par un seul et même complexe à base de sulfites. La conductivité limite est réglée au moyen d’une purge automatique dont la valeur de consigne est donnée par conductimétrie.
[Photo : Fig. 3 — Coupe schématique d'une chaudière à électrodes Alfa-Laval.]
[Photo : Fig. 4. – Teneur en O₂ dans la vapeur en fonction du taux de vaporisation.]
L'oxygène et la protection des circuits retours de condensats
Les études et les observations ont démontré que les chaudières électriques à jets multiples produisent une vapeur saturée de bonne qualité contenant en proportions très variables de l’oxygène et de l’hydrogène en fonction de la conception de la chaudière et des conditions d’exploitation. La figure 4 donne notamment la teneur en O₂ en fonction du taux de vaporisation.
L’origine de l’oxygène et de l’hydrogène est due essentiellement à une électrolyse de l'eau, système oxydo-réducteur où l’eau peut être oxydée selon la réaction suivante :
2 H₂O → O₂ + 4 H⁺ + 4 e⁻
Il est à noter que cette réaction électrochimique est réalisable à partir d'un certain potentiel et dans un milieu suffisamment alcalin.
Les traitements conventionnels étant nettement insuffisants pour acquérir une protection contre l’oxygène, nous avons mis au point une approche spécifique à ce problème qui doit comporter dans le meilleur des cas les actions suivantes :
- réduction quasi instantanée de l’oxygène par un traitement réducteur d’oxygène organique puissant et réagissant extrêmement rapidement ;
- passivation des surfaces métalliques par la formation rapide d’une couche protectrice d’oxyde ferrique protecteur Fe₃O₄. Cette protection se caractérise par un aspect des surfaces métalliques de couleur brun-noir (figure 5).
Pour répondre à cette approche spécifique des chaudières électriques, un programme de recherche particulier a permis d’aboutir à la sélection d’un nouveau réducteur d’oxygène organique volatil : le Complexe B 120.
Cette nouvelle formulation présente l’avantage d’être plus réactive que l’hydrate d’hydrazine catalysé et de présenter beaucoup moins de risques du point de vue de la toxicité, comme le montre la comparaison suivante :
dose létale 50 sur le rat : Hydrazine : 60 mg/kg — B 120 : 23 g/kg
La protection contre la corrosion
Protection de la chaudière
Lié au principe même de la chaudière électrique où le problème de la charge calorifique sur tubes écrans ne se pose pas et en raison de la température de l’eau de chaudière (en moyenne inférieure de 3 °C à celle de la vapeur saturée), le problème des dépôts incrustants et de la silice est minime. Il n'est donc plus nécessaire, comme dans le cas des chaudières conventionnelles, de respecter les normes classiques : rapports Silice et TAC, PO₄Na₃ et soude, etc. Néanmoins, les conditions de protection contre la corrosion sont maintenues impérativement ; après étude de chaque cas un programme complet visera à se rapprocher le plus près possible des recommandations des constructeurs relatives aux caractéristiques des eaux de chaudière, à savoir :
Éléments | Chaudières à jets | Chaudières à électrodes |
Dureté | 0 - 1 °F | 0 - 1 °F |
pH | 10 - 11 | 9,5 - 10,5 |
TAC | 20 - 35 °F | 50 °F |
Oxygène | 0 | 0 |
Fer | ≤ 2 mg/l | < 5 mg/l |
Conductivité | 500 à 2 100 μS/cm | 70 à 90 μS/cm |
SiO₂ | < 100 mg/l | < 5 mg/l |
Protection du circuit vapeur et retour
Les chaudières électriques produisent de la vapeur contenant de l’oxygène et de l’hydrogène dans des proportions variables.
[Photo : Fig. 5. — Courbes de solubilité de l’oxygène dans l’eau pure.]
La première action sera de vérifier et d’installer sur le réseau de distribution de la vapeur des purgeurs thermostatiques permettant l’évacuation automatique des gaz ou des incondensables. En fonction de l’utilisation de la vapeur, de la présence ou non de turbine, des métaux rencontrés, de la géométrie des ouvrages, on recherchera également :
- • soit à réduire en totalité l’oxygène dans les cas de faibles teneurs (O₂ < 3 ppm) ;
- • soit à réaliser une passivation des surfaces, le pH d’inhibition étant maintenu dans chaque cas supérieur à 9 au moyen d’amines neutralisantes.
La déconcentration et le transport des éléments
Les sels apportés par l’eau alimentaire étant relativement constants, la conductivité de l’eau de chaudière est fonction de la concentration en sels résultant de l’évaporation de l’eau. Il est donc indispensable de moduler la teneur en sels dissous par un système de déconcentration automatique en relation avec la mesure de la conductivité en chaudière :
a) le taux de purges sera inférieur, ou voisin, de 1 % de la vaporisation :
% purge = (μS de l’eau alimentaire / μS de l’eau de chaudière) × 100
b) la déconcentration sera automatique et modulée.
Le transport des éléments, notion élémentaire sur la chaudière conventionnelle, s’appliquera également sur les chaudières électriques ; le principe est simple : tous les éléments (Ca++, SiO₂, fer, cuivre, etc.) qui entrent en chaudière doivent être présents à 100 % dans la purge de déconcentration.
Les dispersants organiques ont pris une place importante depuis quelques années dans les chaudières traditionnelles où ils assurent à la fois une meilleure protection des surfaces et une bonne dispersion des insolubles ; ils ont tout à fait leur place en chaudière électrique.
CONCLUSION
La collaboration étroite de l’E.D.F., de l’APAVE, des constructeurs de chaudières et de notre société a permis, tant au niveau de la recherche que de l’exploitation, de mettre au point une technique spécifique de conditionnement des eaux de chaudières électriques.
La mise au point d’une nouvelle formule organique réductrice d’oxygène est un résultat très important dans le domaine du conditionnement des eaux de chaudière.
À l’occasion d’un problème soulevé par le nouveau développement de l’énergie électrique, une nouvelle façon d’envisager le traitement chimique des eaux de chaudières est née et le domaine traditionnel du conditionnement des eaux de chaudières en bénéficiera.
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