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L'utilisation du dioxyde de carbone dans le traitement des eaux potables

30 septembre 1985 Paru dans le N°94 à la page 41 ( mots)
Rédigé par : E. COUDERT et F. DAMEZ

Les eaux naturelles contiennent le plus souvent du gaz carbonique, soit sous forme libre, soit sous forme combinée (carbonates et bicarbonates) :

CO₂ total  
CO₂ libre      CO₂ combiné  
CO₂ agressif CO₂ équilibrant CO₂ des bicarbonates CO₂ des carbonates  

L'équilibre carbonique de l'eau, c'est-à-dire l'équilibre entre le dioxyde de carbone, les carbonates et les bicarbonates est un élément essentiel pour ce qui concerne l'agressivité de l'eau vis-à-vis des matériaux constituant les canalisations du réseau de distribution :

CO₂ + CO₂Ca ⇌ (CO₃)₂CaO

Le CO₂ est faiblement soluble dans l'eau en contact avec l'air : 0,70 mg/l à 10 °C et 0,53 mg/l à 20 °C à la pression atmosphérique. Cette solubilité augmente rapidement avec la pression, ce qui explique que les eaux souterraines peuvent contenir des quantités beaucoup plus importantes de CO₂ (atteignant parfois quelques dizaines de mg/l). Lorsque l'eau est ramenée à la pression atmosphérique, le dégagement du CO₂ en sursaturation est lent. Il peut être accéléré par agitation de l'eau, pulvérisation de l'eau dans l'air, barbotage d'air dans l'eau, etc. Le dioxyde de carbone peut également être « neutralisé » par percolation de l'eau sur des lits filtrants de matériaux alcalino-terreux, ou par addition à l'eau d'une base, la chaux en général.

L'équilibre carbonique, et plus particulièrement l'équilibre calco-carbonique dans les eaux de distribution publique a donné lieu à de très nombreuses études : Langelier, Franquin, Tillemans, Hallopeau et Dubin, etc. Le problème le plus fréquemment rencontré est celui de l'élimination du CO₂ agressif ou de sa transformation en bicarbonate. Cependant, on trouve aussi des eaux dans lesquelles il est souhaitable d’ajouter du CO₂, soit pour augmenter la minéralisation (traitement de reminéralisation), soit pour abaisser le pH.

Nous examinerons dans une première partie les traitements qui nécessitent une addition de dioxyde de carbone : reminéralisation, décarbonatation, acidification, puis dans une seconde partie la mise en œuvre du CO₂ : fabrication, stockage, vaporisation, dissolution.

[Photo : Pour empêcher la corrosion par l'eau transportée, il est nécessaire de créer une couche protectrice de carbonate de calcium (cliché C.G.E.).]

TRAITEMENTS NÉCESSITANT UNE ADDITION DE DIOXYDE DE CARBONE

Reminéralisation

Pour empêcher la corrosion des canalisations par l'eau transportée, il est nécessaire de créer une couche protectrice de carbonate de calcium (figure 1). Cette couche ne peut se former que si la minéralisation de l'eau est suffisante, c'est-à-dire si, en pratique, le TH et le TAC sont supérieurs à 8° pour les eaux ayant de faibles teneurs en sulfates et en chlorures, et à 12° lorsque la salinité est plus élevée. Or, il n'est pas rare de rencontrer dans les régions granitiques des eaux très douces dont le TH et le TAC sont très inférieurs à ces valeurs. C'est le cas, en particulier, pour la France, de la Bretagne et du Massif Central. Enfin, les eaux issues des glaciers (stations de sports d’hiver) sont pratiquement déminéralisées.

Pour assurer la reminéralisation, plusieurs procédés sont envisageables :

1. Les ions bicarbonates sont introduits sous forme de bicarbonate de sodium, les ions calcium sous forme d'un sel fort de calcium, sulfate ou chlorure. Cette filière est d'une exploitation simple pour des stations de faible importance. Elle peut présenter des inconvénients, sur le plan chimique, puisqu’elle augmente la teneur en sodium (pour laquelle le niveau guide NG et la concentration maximale admissible sont respectivement fixés par la Communauté Européenne à 20 ppm et 175 ppm) et surtout les teneurs en sulfates ou en

chlorures (NG 25, et CMA pour l'ion SO₄, 250 ppm) qui présentent des risques pour la corrosion.

Pour des installations plus importantes, la mise en œuvre du bicarbonate de soude et du sel de calcium nécessite la réalisation de silos et de dispositifs de dosage plus complexes.

Le prix de revient de ce traitement est relativement élevé : il faut utiliser par degré, 16,8 g/m³ de bicarbonate et 11,1 g/m³ de chlorure de calcium ou 13,6 g/m³ de sulfate de calcium.

2. Le CO₂ est introduit sous forme de solution aqueuse (eau de Seltz) ; le calcium est introduit sous forme de chaux (lait de chaux ou eau de chaux). De nombreuses usines de production d'eau potable aux U.S.A. utilisent cette filière. En Europe, on peut citer les villes d'Eupen en Belgique (80 000 m³/j), de Limoges (65 000 m³/j), de Rennes (Usines de Villejean 75 000 m³/j), de la presqu'île guérandaise (60 000 m³/j) (figure 2).

Dans le premier cas, la reminéralisation est effectuée sur l'eau brute avant clarification. À Limoges et à Rennes, la reminéralisation est effectuée sur l'eau traitée après ozonation.

De nombreuses installations de moindre importance utilisent également ce procédé. Parmi elles les usines de traitement de la Roche-sur-Yon (10 000 m³/j), de Saint-Didier-en-Velay (2 000 m³/j), du Syndicat du Dadou (5 000 m³/j), du Syndicat du Brandon (5 000 m³/j), de La Courtine (9 500 m³/j).

Les quantités de CO₂ et CaO sont respectivement de 8,8 g/m³ et 5,6 g/m³ et par degré de TAC à corriger, ce qui conduit à des taux de 50 à 60 g/m³.

3. Dans un troisième procédé le CO₂ est également ajouté sous forme de solution aqueuse mais l'eau sursaturée en CO₂ est ensuite filtrée sur un matériau alcalinoterreux (Acticalmag, Magnag, Neutralite). Ce procédé est en particulier utilisé dans la station de sports d'hiver d'Isola 2000 (2 000 m³/j).

[Photo : Fig. 2. – À l'usine Villejean de Rennes (75 000 m³/j), la reminéralisation est effectuée sur l'eau traitée après ozonation (cliché C.G.E.).]
[Photo : Fig. 3. – Une bonne floculation de l'eau nécessite la détermination de la nature de la dose optimale du réactif coagulant : vanne de régulation pour le dosage du floculant (doc. S.C.B.P.E.).]

Décarbonatation

La diminution du TH d'une eau peut être obtenue par transformation du bicarbonate de calcium soluble en carbonate de calcium insoluble par addition de chaux suivant la réaction :

Ca(OH)₂ + Ca(HCO₃)₂ → 2 CaCO₃ + 2 H₂O

La chaux agit également sur le bicarbonate de magnésium suivant la formule :

2 Ca(OH)₂ + Mg(HCO₃)₂ → 2 CaCO₃ + Mg(OH)₂ + 2 H₂O

Ces réactions sont lentes en l'absence d'une masse de cristaux de CaCO₃ déjà précipitée. On utilise, par conséquent, pour ce traitement, soit des décanteurs à recirculation de boues, soit une masse catalysante constituée de grains de marbre ou de sable de dimensions comprises entre 0,2 et 1 mm. Ces traitements sont suivis d'une filtration pour éliminer le carbonate de calcium résiduel qui confère à l'eau un caractère incrustant. Il peut y avoir intérêt à ajouter à l'eau décantée du CO₂ pour retransformer une partie du carbonate en bicarbonate, de façon à diminuer la vitesse de colmatage des bassins filtrants et même à éviter le colmatage qui peut être irréversible.

Un traitement de ce type a été mis en service à l'usine de Sablé (15 000 m³/j). La consommation de CO₂ est d'environ 10 g/m³.

Ajustement du pH de floculation

Une bonne floculation de l'eau nécessite la détermination de la nature et de la dose optimale de réactif

coagulant. La valeur du pH de floculation est également un élément important (figure 3).

Le réactif coagulant est toujours un sel métallique d’acide fort : sulfate ou chlorure d'une part, aluminium ou fer d’autre part. Ce réactif relativement acide abaisse le pH de l'eau dans laquelle il est introduit, d’autant plus, bien entendu, que les doses à mettre en œuvre sont plus fortes. Il est donc souvent nécessaire, en particulier pour des eaux peu minéralisées, de remonter le pH après introduction du coagulant, d'une part pour assurer une meilleure floculation et donc une meilleure qualité d'eau traitée, d'autre part pour éviter que les ouvrages de décantation et de filtration ne soient soumis à l'agressivité de l'eau à traiter. Ainsi est-on fréquemment amené à ajouter à l'eau avant floculation-décantation un réactif basique, en général de la chaux sous forme d'eau de chaux, plus rarement une solution de soude ou de carbonate de soude. L'inverse peut aussi se produire, quoique plus exceptionnellement. Lorsque le pH de l’eau, après introduction du réactif coagulant, reste supérieur au pH optimum pour le traitement, soit que le pH de l'eau brute soit particulièrement élevé, soit que le taux normal de coagulant à mettre en œuvre soit faible. Il peut s’ensuivre soit une mauvaise floculation et par conséquent une turbidité résiduelle sur l'eau filtrée, soit un taux résiduel trop élevé de l'ion métallique. Ce dernier phénomène peut présenter un danger du point de vue sanitaire dans le cas où le coagulant utilisé est un sel d’aluminium. En effet, à un pH supérieur à 8,1, l'hydroxyde d’aluminium Al(OH)₃ se redissout et l'eau distribuée peut comporter des teneurs en ion aluminium supérieures au niveau guide (50 μg/l) voire à la concentration maximale admissible (200 μg/l). Dans ce cas il est nécessaire d'ajouter à l'eau, simultanément avec l'introduction du réactif coagulant, un réactif acide qui peut être une solution d'acide chlorhydrique, sulfurique ou carbonique.

Le gaz carbonique peut être utilisé en même temps à d’autres fins, par exemple l'acidification de solution ou de suspension de réactifs de traitement, l'inertage de silos de stockage de réactifs pulvérulents, etc. Le taux de CO₂ à mettre en œuvre est plus faible que dans le cas de la reminéralisation : par exemple pour abaisser sur l'eau de Seine le pH de 8,7 à 7,8, le taux de CO₂ à appliquer est de 12 à 15 g/m³. Une telle installation d'acidification par le CO₂ a été mise en service dans le courant de l'année 1983 à l'usine Edmond Pepin (Choisy-le-Roi) du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux.

UTILISATIONS SECONDAIRES DU DIOXYDE DE CARBONE

Dans les utilisations précédentes, le gaz carbonique est un réactif ajouté à l'eau en cours de traitement. Le CO₂ peut également être employé pour la mise en œuvre d’autres réactifs.

[Photo : Fig. 4 — Pour faire face à la pollution permanente ou accidentelle, les filières modernes de traitement comportent une injection de charbon actif pulvérulent dans l'eau brute ; vue aérienne de l'usine de Méry-sur-Oise (doc. S.C.B.P.E.)]

Mise en œuvre du C.A.P.

Acidification de la barbotine

Pour faire face à la pollution permanente ou accidentnelle, les filières modernes de traitement comportent une injection de charbon actif pulvérulent (C.A.P.) dans l'eau brute. Le taux de charbon peut varier entre 5 ppm et 100 ppm (figure 4). La plupart des charbons utilisés contiennent du carbonate de calcium insoluble. Si l'eau traitée, utilisée pour la préparation de la « barbotine » est sensiblement à l'équilibre et d'une minéralisation moyenne ou forte, le mélange du C.A.P. rendra la suspension incrustante et risquera de provoquer l'obstruction des canalisations. Il est donc nécessaire d'acidifier l'eau pour transformer les carbonates insolubles en bicarbonates solubles. Cette acidification peut être réalisée par injection d'acide sulfurique ou de CO₂. Les trois usines du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les eaux ont opté pour ce second procédé qui est en service depuis de nombreuses années. Suivant le type de charbon et les caractéristiques de l'eau, la dose de CO₂ à mettre en œuvre peut varier de 30 à 120 g de CO₂ par kg de charbon. Rapporté au m³ d'eau brute à traiter, le taux de CO₂ appliqué est ainsi compris théoriquement entre moins d’1 g/m³ et environ 10 g/m³ (conjonction d'une pollution exceptionnelle et de caractéristiques défavorables du mélange eau-charbon). En fait, à l'usine de Choisy-le-Roi, le taux moyen appliqué au cours de ces cinq dernières années a été de 0,5 g/m³.

[Photo : À l'usine de traitement de Choisy-le-Roi (800 000 m³/j), le charbon actif en poudre est stocké en silos métalliques (doc. S.C.B.P.E.).]

Mise en œuvre du C.A.P.

Inertage des silos de stockage

Pour faire face aux risques graves de pollution accidentelle, et compte tenu d'une part des taux importants de C.A.P. qu'il faut alors injecter dans l'eau brute (jusqu'à 100 g/m³), d'autre part des capacités de traitement des usines de la banlieue parisienne (600 000 m³/j pour Neuilly-sur-Marne, 800 000 m³/j pour Choisy-le-Roi), il est nécessaire de stocker le C.A.P. en silos métalliques. L'usine de Choisy-le-Roi comporte actuellement cinq silos de 90 t et l'usine de Neuilly-sur-Marne trois silos de 120 t (figure 5).

Bien que, fort heureusement, les silos de charbon actif pulvérulent n'aient jamais subi d'accident, le risque d'explosion n'est pas absolument nul et il importe de prendre toutes les précautions nécessaires. Celles-ci consistent essentiellement en une mesure en continu de la température et de la pression au sein de la masse du charbon, ainsi que de la teneur en monoxyde de carbone dans l'atmosphère du ciel de silo. En cas d'élévation anormale de l'un de ces critères, un inertage du charbon actif serait opéré au moyen de gaz carbonique.

Dans un premier temps, celui-ci serait injecté en phase gazeuse à la base du silo, à un débit d’environ 100 à 150 kg/h, c'est-à-dire entre 800 et 1 200 Nm³/mn ; c'est l'inertage doux. Une telle installation est déjà réalisée à l'usine de Méry-sur-Oise (deux silos de 90 t).

Au cas où la température, la pression ou la teneur en CO continueraient à augmenter, il est alors prévu d'injecter massivement du CO₂ en phase liquide, en ciel de silo ; celui-ci agira alors, d'une part par son caractère inerte, et d'autre part par abaissement rapide de la température dû à la vaporisation. C'est l'inertage « dur » installé parallèlement à l'inertage doux, sur les stockages de C.A.P. de Choisy-le-Roi et de Neuilly-sur-Marne.

Traitement du filtrat de filtre-presse

Les filières de traitement d'eau permettent d'extraire de l'eau brute les matières en suspension contenues dans celle-ci de façon à obtenir une eau potable conforme aux normes.

Les matières en suspension se retrouvent dans les purges ou les vidanges des décanteurs et dans les eaux de lavage des filtres, mélangées aux sous-produits de la coagulation. Jusqu'à ces dernières années, ces boues étaient rejetées directement dans le milieu naturel et contribuaient donc, bien que généralement pour une très faible part, à la pollution de celui-ci. Plusieurs réalisations entreprises depuis quelques années ont pour but de déshydrater partiellement ces boues, de façon à pouvoir les stocker en décharges et ne rejeter dans le milieu naturel qu'un effluent non polluant.

Une des filières mises en œuvre consiste à les concentrer dans des épaississeurs, puis à filtrer la boue épaissie dans des filtres-presses. Pour augmenter les performances de la filtration, il est nécessaire d’ajouter aux boues un adjuvant, très généralement de la chaux ; dans ces conditions, le filtrat présente un pH d'environ 12 et ne peut donc être rejeté directement dans le milieu naturel. Son mélange avec les boues non épaissies ne suffirait pas à obtenir un pH inférieur à 9 de la surverse des épaississeurs (figure 6).

Il est donc nécessaire de l'acidifier au préalable. Les usines de Choisy-le-Roi et de Neuilly-sur-Marne vont très prochainement être équipées d'une installation d'acidification du filtrat par CO₂. La consommation journalière moyenne de CO₂ sera d’environ une tonne par usine.

Mise en œuvre d'eau de javel

Acidification de l'eau de dilution

Les solutions commerciales d'hypochlorite de sodium (eau de javel) présentent un pH supérieur à 8.

[Photo : Station de traitement des boues de l'usine de Choisy-le-Roi (doc. S.C.B.P.E.).]

Leur mélange de l'eau moyennement ou fortement minéralisée, en vue de leur dilution, provoque la formation de dépôts de carbonate de calcium qui peuvent obstruer les tuyauteries de distribution.

Dans les stations de faible importance, la dilution est effectuée avant le dosage et la solution diluée décantée dans un bac pendant un temps suffisant pour assurer le dépôt intégral de carbonate de calcium. La solution diluée peut être reprise au-dessus de ce dépôt pour être dosée et injectée. Deux cuves sont installées et servent alternativement à la préparation et à la distribution.

Dans les usines plus importantes, la dilution doit être effectuée en continu car les dimensions des cuves deviennent prohibitives, ce qui oblige à utiliser une eau de dilution, préalablement adoucie ou acidifiée (figure 7).

L'acidification peut être opérée à l'aide d'acide sulfurique, chlorhydrique ou carbonique.

FABRICATION DU GAZ CARBONIQUE

Le gaz naturel, à forte teneur en CO₂, émerge souvent avec des sources d'eau mais il arrive aussi que des forages pétroliers mettent à jour des gisements profonds. Le gaz naturel est fréquemment mélangé à des composés sulfurés et à des hydrocarbures qui nécessitent un traitement de purification plus ou moins complexe.

Gaz carbonique de fermentation

Sous l'influence de levures (celle de la bière par exemple) la fermentation alcoolique réalise principalement la décomposition du glucose en alcool éthylique et gaz carbonique. Elle s'accompagne de formation d'alcools supérieurs (propylique, isobutylique et isoamylique), de glycérol (2 à 5 %), d'acide succinique (1 %). Les alcools complémentaires peuvent donner lieu à des formations d'aldéhydes et de cétones. Un traitement de purification du gaz carbonique est donc nécessaire.

Gaz carbonique de décomposition

Les carbonates, sous l'influence d'un acide fort ou de la chaleur se décomposent en gaz carbonique et en oxyde ou sel métallique. C'est le cas, notamment dans les fours à chaux où le CO₂ s'échappe, dilué dans les gaz de combustion.

Gaz carbonique d'oxydation ou combustion

Le CO₂ peut être obtenu en brûlant des combustibles, solides, liquides ou gazeux. Il s'échappe dans les fumées, mélangé à un excès d'air et à de l'azote. Par ailleurs, certaines synthèses (de l'ammoniaque, du méthanol...) utilisent comme matière première des hydrocarbures et nécessitent une séparation du gaz carbonique produit. Cette séparation, effectuée par absorption dans des solutions alcalines régénérables, libère des quantités très importantes de gaz carbonique assez pur.

Le traitement d'affinage du gaz carbonique comporte une désulfuration (lavage au carbonate de soude et éventuellement au permanganate de potassium), une dessiccation pour éviter la formation d'hydrates solides à basse température (gel de silice, alumine activée, tamis moléculaire), une élimination des odeurs par filtration sur charbon actif.

E.D.F., pour l'utilisation du CO₂ dans les centrales nucléaires, impose des normes sévères :

— teneur en CO₂ supérieure à 99,5 %;

— teneur en argon < 1 ppm;

— teneur en azote et oxygène < 20 ppm.

Le gaz carbonique est ensuite liquéfié soit à haute pression, après compression du gaz en trois ou quatre étages, soit à basse pression (entre 15 et 25 bars) et à une température comprise entre –12 °C et –30 °C. Ce dernier procédé, plus récent, permet d'obtenir un CO₂ plus pur.

Le CO₂ est stocké, en phase liquide, à basse température, entre –15 °C et –30 °C, dans des réservoirs dont la capacité peut atteindre 1 500 tonnes.

MISE EN ŒUVRE DU CO₂ DANS LES USINES DE TRAITEMENT D'EAU

Stockage du CO₂

Si la consommation est faible, le CO₂ est stocké en phase liquide, sous haute pression, à la température ambiante, soit dans des bouteilles cylindriques dont la capacité est comprise entre 5 et 30 kg, soit dans des

[Photo : Fig. 7. - Usine de Neuilly-sur-Marne - Noisy-le-Grand (SCEPB) : pompe doseuse pour le dosage de l'eau de javel.]
[Photo : Schéma général d'une installation de mise en œuvre de CO₂ 1. stockage du CO₂ en phase liquide. 2. évaporateur. 3. poste de détente primaire de 20 bars à 6 bars. 4. débitmètre. 5. vanne à commande manuelle ou assistée qui permet le réglage du débit de CO₂ gazeux. 6. poste de détente secondaire de 6 bars à la pression d'utilisation. 7. clapet anti-retour. 8. injecteur de CO₂.]

Quelques caractéristiques du CO₂

Poids volumique sous forme gazeuse aux conditions normales : 1,98 kg/m³. Sous forme liquide à –20 °C et 20 bars. La phase liquide existe entre –56,6 °C et +31,1 °C pour une pression supérieure à 5,18 bars. Point triple : –56,6 °C – 5,18 bars. Température de sublimation à une pression atmosphérique.

Bonbonnes sphériques d'une capacité de 300 kg. Ces capacités, en acier, sont construites pour supporter une pression de 165 bars, pression atteinte à 50 °C, le taux de remplissage étant de 1 kg de CO₂ pour 1,34 litre. Elles sont éprouvées par le Service des Mines à 250 bars. Elles peuvent être équipées pour fournir soit du gaz, soit du liquide (bouteilles à tube plongeur).

Le soutirage horaire maximum en phase gazeuse est égal au dixième de la capacité stockée. Le gaz doit être réchauffé à environ 60 °C afin que soit évité le givrage dans les détendeurs avant utilisation. En cas de soutirage en phase liquide, la vaporisation est réalisée dans des évaporateurs, qui seront décrits ci-après. Si la consommation est plus importante, le stockage est réalisé dans des réservoirs calorifugés, à pression moins élevée (15 à 20 bars) et à basse température (–30 °C à –20 °C).

La capacité de ces réservoirs est comprise entre 2,5 et 50 t. Ils sont refroidis au moyen de groupes frigorifiques au fréon, asservis à la pression du CO₂ gazeux à la partie supérieure du réservoir. Un serpentin assure, en partie haute du réservoir, la circulation du fréon, qui effectue la liquéfaction d'une partie du CO₂ gazeux. La puissance de ces groupes frigorifiques est peu importante (0,75 à 1,5 kW).

Vaporisation du CO₂ liquide

Il existe plusieurs types d’évaporateurs :

Évaporateurs à résistance chauffante

Le serpentin véhiculant l'anhydride carbonique est noyé dans un bloc d’aluminium chauffé au moyen de résistances électriques. Les capacités sont comprises entre 30 et 120 kg/h. La température du CO₂ gazeux à la sortie de l'appareil est d’environ 60 °C, ce qui supprime les risques de givrage dans les détendeurs situés à l'aval.

Évaporateurs à thermoplongeurs

À partir de 120 kg/h et jusqu’à 500 kg/h pour le matériel standard, les évaporateurs sont constitués par des « bains-marie ». Les serpentins de CO₂ sont plongés dans de l'eau déminéralisée maintenue à une température d’environ 60 °C au moyen de thermoplongeurs.

Dans les deux cas, la consommation d’énergie électrique est d’environ 100 Wh par kg de CO₂.

Échangeurs multitubulaires

Au-delà de 500 kg/h, et actuellement jusqu’à 3 t/h, un échangeur multitubulaire assure l'apport de calories pour la vaporisation du CO₂ liquide par circulation d'eau chaude ou de vapeur.

Dissolution du CO₂

Le CO₂ est peu soluble dans l'eau sous atmosphère d'air car la pression partielle du CO₂ dans l’air est faible (0,0003 bar) : 0,7 mg/l à +10 °C, 0,53 mg/l à +20 °C. Par contre, sous une atmosphère de CO₂, la quantité de CO₂ dissoute sera environ 3 000 fois plus importante (pour la même pression). Par exemple, pour une pression de 1 bar, un litre d'eau pourra dissoudre 2,3 g de CO₂ à +10 °C et 1,89 g à +20 °C.

Dans l'injecteur, le gaz carbonique est amené à l'intérieur d'un tube poreux autour duquel circule l'eau de dissolution. Cette dissolution n'est pas instantanée et il est nécessaire d’assurer un temps de séjour dans la tuyauterie d’eau acidulée d’au moins 7 secondes entre l'injecteur et le point d’injection. Pour assurer une bonne dissolution, il est également nécessaire que la vitesse de circulation de l'eau acidulée soit comprise entre 1 et 3 m/s.

En conclusion, nous avons voulu dans le présent article signaler un certain nombre d'utilisations du dioxyde de carbone dans le traitement de l'eau. Certaines sont très récentes et la liste présentée n’est pas exhaustive. En effet, le gaz carbonique est un produit d'utilisation relativement facile et peu onéreux. C'est pourquoi d'autres applications sont, sans doute, envisageables.

BIBLIOGRAPHIE

1. Hallopeau (J.). Les équilibres carboniques dans les eaux. Terres et Eaux, 4ᵉ trim. 1960 ; 1ᵉʳ trim. 1961.

2. Legrand (L.), Poirier (G.), Leroy (P.). Les équilibres carboniques et l'équilibre calco-carboniques dans les eaux naturelles. Paris, Eyrolles, 1981.

3. Dubuc (Y.), Desjardins (R.), Brière (F.), Piron (D.), Lafrance (P.). Calcul de l'équilibre calco-carbonique de l'eau potable : comparaison de deux méthodes informatisées. Sciences et Techniques de l'Eau, vol. 16, n° 4, novembre 1983, p. 331-335.

4. Rigouard (A.), Micheau (P.). L'utilisation des gaz dans le traitement de l'eau. L'Eau, l'industrie, les Nuisances, n° 90, mars 1985, p. 43-48.

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