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L'utilisation du bioxyde de chlore dans le traitement des eaux potables

30 avril 1991 Paru dans le N°145 à la page 60 ( mots)
Rédigé par : Marcel DORE, Michel POUILLOT et Marin DERNAT

Marcel DORE *, Michel POUILLOT ** et Marin DERNAT **

[Photo : Fig. 1 : Désinfection par le bioxyde de chlore (inactivation à 99 %). Efficacité comparée de ClO2, HClO et ClO− sur le poliovirus de type 1 (8).]

Dans le domaine du traitement des eaux de consommation, l’utilisation d’un agent oxydant est toujours requise et sa mise en œuvre peut se faire en une seule étape de désinfection, dans le cas d’une eau souterraine de bonne qualité, ou en trois étapes (préoxydation, oxydation intermédiaire et désinfection) dans les cas les plus difficiles de traitement d’eaux de surface de qualité médiocre.

Pour une utilisation dans le domaine des eaux potables, un oxydant doit répondre à un certain nombre de critères ; il doit avoir en particulier : un pouvoir oxydant et/ou désinfectant aussi élevé que possible, un réducteur conjugué non gênant ou facile à éliminer et une aptitude aussi faible que possible à générer des composés toxiques par des réactions secondaires ou parasites.

Quant à la place de l’oxydant dans la filière de traitement, elle répond généralement à des objectifs précis.

Dans la préoxydation, les objectifs sont souvent multiples et les principaux sont :

* l’oxydation de composés minéraux (NH4+, Fe2+, Mn2+),

* l’élimination des goûts, des odeurs, de la couleur et l’amélioration des qualités organoleptiques de l’eau traitée,

* la modification de structure de la matière organique et/ou la dégradation de micropolluants organiques,

* l’assistance à la coagulation-floculation.

Dans l’oxydation intermédiaire, l’objectif est le plus souvent l’augmentation de la biodégradabilité de la matière organique et cette étape est généralement couplée avec une filtration sur charbon actif.

Enfin, en désinfection, l’objectif est évidemment l’abattement des germes mais également le maintien d’un résiduel de désinfectant capable d’assurer la protection microbiologique de l’eau pendant son transport dans le réseau de distribution.

Les oxydants chimiques les plus couramment utilisés sont le chlore, le bioxyde de chlore et l’ozone. Le chlore a constitué pendant très longtemps l’oxydant universel ; toutefois, sa mise en œuvre en préoxydation conduit très souvent dans le traitement des eaux de surface à la formation de composés organohalogénés dont l’existence a été révélée par la mise en évidence des trihalométhanes (THM) en 1974. De ce fait, sans condamner le chlore qui conserve des propriétés désinfectantes intéressantes à cause de son pouvoir rémanent, il est certain que les autres oxydants, le bioxyde de chlore et l’ozone, connaissent un regain d’intérêt depuis quelques années.

Le bioxyde de chlore possède un certain nombre de propriétés caractéristiques et nous nous proposons de montrer dans cet exposé l’usage qui peut être fait de ces propriétés dans le domaine du traitement des eaux de consommation. Après un examen détaillé des propriétés fondamentales du bioxyde de chlore, nous passerons en revue quelques applications concrètes de cet oxydant ainsi que les perspectives de son utilisation.

Place du bioxyde de chlore dans le traitement des eaux de consommation

Propriétés fondamentales (1) et (2)

Le bioxyde de chlore ClO2 est un oxydant stable dans l’eau et à l’obscurité. Pour des valeurs de pH voisines de la neutralité, il ne subit pas de réaction d’hydrolyse. Cette réaction d’hydrolyse n’a lieu qu’en milieu basique

* Laboratoire de Chimie de l’Eau et des Nuisances — École Supérieure d’Ingénieurs de Poitiers (ESIP).

** ATOCHEM — Centre d’Application de Levallois-Perret.

et n’est totale que pour des valeurs de pH supérieures à 11 ; elle conduit alors à la libération de chlorite et de chlorate :

2 ClO₂ + 2 OH⁻ → ClO₂⁻ + ClO₃⁻ + H₂O

Sur le plan de la structure, le bioxyde de chlore est un radical et son réducteur conjugué est l’anion chlorite ClO₂⁻.

Le bioxyde de chlore est préparé sur le site d’utilisation, et généralement en France par action du chlore sur le chlorite de sodium, la réaction principale étant la suivante :

2 NaClO₂ + Cl₂ → 2 ClO₂ + 2 NaCl

Le réducteur conjugué du bioxyde de chlore, l’ion chlorite et les chlorates formés dans certaines conditions sont responsables, en raison de leur toxicité potentielle, d’une certaine restriction dans l’utilisation du bioxyde de chlore en traitement des eaux de consommation (3 à 7). Certains organismes comme l’EPA (Environmental Protection Agency) préconisent une concentration totale en ClO₂, ClO₂⁻ et ClO₃⁻ inférieure à 1 mg l⁻¹.

Propriétés bactéricides

Le bioxyde de chlore présente un bon pouvoir bactéricide, virulicide et sporicide et constitue un réactif intéressant pour la désinfection des eaux potables et pour l’inhibition de la croissance algale. Le graphique de la figure 1 rapporte la place du bioxyde de chlore par rapport à l’acide hypochloreux et l’hypochlorite dans l’inactivation du polyvirus de type 1.

En raison de sa stabilité, le bioxyde de chlore présente une activité constante en fonction du pH dans la gamme de pH caractéristique des eaux à potabiliser.

Réactivité vis-à-vis de la pollution inorganique (1)

Oxydation du fer et du manganèse

Compte tenu des valeurs des potentiels Redox des couples Fe³⁺/Fe²⁺ et MnO₄⁻/Mn²⁺ en milieu neutre, comparées à celle du couple ClO₃⁻/ClO₂⁻ (E° = 0,95 V) :

Fe³⁺ + 1 e⁻ = Fe²⁺ E° = 0,77 V
MnO₄⁻ + 4 H⁺ + 2 e⁻ = Mn²⁺ + 2 H₂O E° = 1,21 V
soit E°₇ = 0,37 V à pH = 7

Les ions Fe²⁺ et Mn²⁺ sont oxydables par le bioxyde de chlore avec précipitation d’hydroxyde ferrique et de bioxyde de manganèse.

ClO₂ + Fe²⁺ + 3 H₂O → Fe(OH)₃ + ClO₂⁻
2 ClO₂ + Mn²⁺ + 2 H₂O → 2 ClO₂⁻ + MnO₂ + 4 H⁺

Les consommations théoriques de ClO₂ sont de 1,2 mg par mg de Fe²⁺ et de 2,45 mg par mg de Mn²⁺ et les vitesses de réaction sont grandes, plus grandes que les vitesses d’oxydation par le chlore. L’oxydation du fer et du manganèse constitue l’une des applications importantes du bioxyde de chlore dans le traitement des eaux potables, comme nous le verrons ultérieurement.

Oxydation des halogénures

Dans cette série, seuls les iodures sont facilement oxydés par le bioxyde de chlore selon la réaction :

ClO₂ + 2 I⁻ → I₂ + 2 ClO₂⁻

Cette réaction est mise en œuvre dans le dosage des mélanges de composés oxygénés du chlore et notamment lorsque nous établissons des bilans de générateurs. Les bromures et a fortiori les chlorures ne sont pas oxydés, tout au moins à l’obscurité. Notons que l’acide hypochloreux est un oxydant plus fort que le bioxyde de chlore, ce qui explique la formation de chlorate :

2 ClO₂ + HClO + H₂O → 2 ClO₃⁻ + 3 H⁺ + Cl⁻

Oxydation des nitrites

Les nitrites sont rapidement oxydés en nitrates par le bioxyde de chlore :

2 ClO₂ + NO₂⁻ + H₂O → 2 ClO₂⁻ + NO₃⁻ + 2 H⁺

Remarque : Le bioxyde de chlore ne réagit pas sur l’azote ammoniacal.

Réactivité du bioxyde de chlore sur les matières organiques

Vis-à-vis des composés organiques, le bioxyde de chlore présente un certain nombre de propriétés caractéristiques :

– sa réactivité est importante vis-à-vis d’un nombre limité de structures parmi lesquelles : les amines tertiaires et secondaires non protonées, les composés organosulfurés, les cycles aromatiques activés. La figure 2 rapporte la réactivité relative de différentes molécules en termes de constante de vitesse d’ordre 2. – le bioxyde de chlore n’est pas un agent de chloration ; il ne conduit pas directement à la formation de composés organochlorés et de trihalométhanes en particulier. Cependant, une chloration indirecte peut avoir lieu ; elle résulte de l’action de l’acide hypochloreux libéré dans le milieu par action de ClO₂ sur diverses structures de type phénolique en particulier (10) et (11). La figure 3 …

[Photo : Fig. 2 : Échelle de réactivité de ClO₂ sur diverses structures organiques. k∞₂ = constante du 2ᵉ ordre (v = k∞₂ [ClO₂] [produit]) (9).]
[Photo : Fig. 3 : Schéma général d’action de ClO₂ sur la matière organique et les réactions secondaires induites (1).]

résume la réactivité du bioxyde de chlore sur les matières organiques et explique la formation indirecte de composés organochlorés et organobromés.

Le bioxyde de chlore est un bon oxydant des précurseurs de trihalométhanes (THM) (12) et (13). L’abattement du potentiel de formation des composés organochlorés augmente avec le taux de traitement comme le montrent les évolutions des THM et des acides dichloro et trichloro acétiques (DCA et TCA) obtenus avec une eau de retenue (figure 4).

En conclusion, le bioxyde de chlore est un réactif oxydant qui présente des propriétés caractéristiques susceptibles d’être mises en valeur dans le traitement des eaux de consommation :

  • c’est un bon désinfectant dont les propriétés sont stables en fonction du pH,
  • c’est un bon oxydant du fer et de manganèse,
  • ce n’est pas un agent de chloration et, de plus, il oxyde les sites précurseurs de composés organohalogénés,
  • il n’oxyde pas l’ammoniaque et les bromures.

Dans la deuxième partie de cet exposé, nous allons examiner, dans un certain nombre de cas, l’application de ces propriétés à la résolution de problèmes dans le domaine du traitement des eaux de consommation.

Emploi du bioxyde de chlore dans le traitement des eaux de consommation

Un inventaire, réalisé auprès des distributeurs d’eau au cours du 2ᵉ semestre de l’année 1989, met en évidence une utilisation diversifiée du bioxyde de chlore ; il ressort de cet inventaire que, en plus de la désinfection, les principales utilisations sont relatives à l’abattement des goûts et des odeurs, l’élimination du fer et du manganèse et la substitution du chlore pour réduire la formation des trihalométhanes.

La réduction des goûts et des odeurs

L’utilisation du bioxyde de chlore pour la réduction des goûts et des odeurs et éventuellement de la couleur est réalisée aussi bien sur des eaux de retenues que sur des eaux de rivière.

En ce qui concerne les eaux de retenues, nous citerons à titre d’exemple l’usine de Mouillatou à Tarare (14) sur laquelle le chlore utilisé en désinfection a été remplacé par le bioxyde de chlore. Les résultats obtenus montrent qu’avec un résiduel en ClO₂ de 0,05 mg l⁻¹ tous les problèmes de goûts ont été supprimés. Dans le même ordre d’idées, nous citerons l’usine de la Sorme à Montceau (14) sur laquelle on a remplacé le chlore utilisé en préoxydation du manganèse par le bioxyde de chlore tandis que le chlore est conservé comme oxydant final pour la désinfection et pour l’élimination de l’ammoniaque. De cette substitution, il résulte une amélioration des qualités organoleptiques de l’eau traitée.

Pour les eaux de rivière, l’usine Lachaud de Vals-les-Bains et le syndicat du Tanargue (15) utilisent le bioxyde de chlore pour l’élimination des goûts, de la couleur et pour ses propriétés algicides.

Élimination du fer et du manganèse

L’élimination du fer et du manganèse est réalisée avec succès sur des eaux de retenues et nous citerons l’usine de Beaufort avec un taux de traitement de 1 à 2 g m⁻³ et l’usine de Landal avec un taux de traitement qui peut atteindre 3 g m⁻³ (16).

Pour les eaux de rivière, l’usine de Pontous à Villeneuve-sur-Lot (17) utilise le bioxyde de chlore pour l’élimination du fer et du manganèse avec des taux de traitement qui varient de 0,6 à 0,9 mg l⁻¹ suivant les saisons. Cette déferrisation-démanganisation est accompagnée d’une élimination des goûts.

De la même façon, pour les eaux de la centrale de Drezet (18), pour des concentrations en fer de 0,15 à 0,65 mg l⁻¹ et jusqu’à 0,3 mg l⁻¹ en manganèse, une préoxydation par ClO₂ à un taux de traitement de 3,2 mg l⁻¹ permet d’obtenir moins de 0,07 mg l⁻¹ de fer et moins de 0,04 mg l⁻¹ de manganèse.

Réduction des trihalométhanes

Nous avons vu que le bioxyde de chlore n’est pas un agent de chloration et qu’il ne conduit pas directement à la formation de THM. Un exemple typique est donné par l’usine de Chamboux (19) où le bioxyde de chlore est utilisé en préoxydation et en désinfection ; les résultats obtenus sont rapportés dans le tableau I.

Ces résultats montrent donc que, malgré un potentiel de formation des THM très important, le traitement de cette eau au bioxyde de chlore comme seul oxydant conduit à une formation tout à fait négligeable de chloroforme et de composés organohalogénés. En contrepartie, les traitements de préoxydation mixtes chlore-bioxyde de chlore ont pour conséquence la formation de concentrations relativement importantes de trihalométhanes comme le montrent les résultats rassemblés dans le tableau II.

Ces essais montrent donc que, pour un mélange Cl₂ — ClO₂ en préoxydation, on obtient des concentrations importantes en THM.

En résumé, le bioxyde de chlore est utilisé à différents niveaux et en particulier : en préoxydation seulement, en désinfection seulement, ou en combinaison avec le chlore en préoxydation.

[Photo : Fig. 4 – Préoxydation d’une eau de retenue par ClO₂ : abattement des précurseurs de THM, TCA et DCA et évolution de la demande en chlore (12). Préoxydation : 24 h ; post-chloration : 72 h ; [Cl₂]ₜ = 50 mg l⁻¹.]

Tableau I

Traitement d’une eau de surface (Usine de Chamboux) par le bioxyde de chlore en préoxydation (τ = 2,9 mg l⁻¹) et en désinfection (τ = 0,9 mg l⁻¹) (19)

ParamètresEau bruteEau traitée
Oxyd. K MnO₄ (mg l⁻¹)8,061,8
COT (mg l⁻¹)7,43,7
Couleur59
CHCl₃ (µg l⁻¹)783*0
CHBrCl₂ (µg l⁻¹)61*0
CHBr₂Cl (µg l⁻¹)15*0

Perspectives d’utilisation du bioxyde de chlore dans le traitement des eaux de consommation

Le problème majeur posé par l’utilisation du bioxyde de chlore dans le traitement des eaux de consommation est incontestablement la formation de chlorite et de petites quantités de chlorates. Au plan quantitatif, on peut considérer que la formation de chlorite représente jusqu’à 0,6 à 0,7 mg par mg de bioxyde de chlore consommé et le caractère potentiellement toxique des chlorites et des chlorates conduit à une limitation des

Tableau II

Essais de traitements d’eaux de surface par un mélange Cl₂–ClO₂ en préoxydation et par une combinaison O₃–Cl₂ en désinfection (EB : Eau brute ; ET : Eau traitée) (19)

Paramètres Noyalo BVO Vannes-ouest
EB ET EB ET EB ET
Oxyd. KMnO₄ (mg l⁻¹) 13,4 2,5 6,4 1,9 8,9 1,7
COT (mg l⁻¹) 10,8 4,1 5,5 2,4 7,6 3,1
Couleur 13 5 4,7 5 6,0 4
Préoxyd. (mg l⁻¹)
  ClO₂ 1,7 0,40 1,9
  O₃ 3,4 0,36 4,2
Désinf. (mg l⁻¹)
  Cl₂ 0,75 1,6
  O₃ 1,4 2,2 2,8
CHCl₃ (µg l⁻¹) 1 287 1 155 957,2 859 1 110,2 1 116
CHBrCl₂ (µg l⁻¹) 108,6 43,6 76,9 32,7 108,2 36,4
CHBr₂Cl (µg l⁻¹) 25,6 9,9 12,9 6,4 27,6 6,3

eaux de traitement : 1 mg l⁻¹ au plus pour la somme ClO₂, ClO₂⁻, ClO₃⁻ selon l’EPA. Il est évident qu’un taux de traitement aussi bas n’est pas gênant pour l’utilisation de ClO₂ en désinfection mais qu’il constitue un handicap réel pour sa mise en œuvre en préoxydation à moins qu’il existe une possibilité d’éliminer ou de transformer les chlorites dans la chaîne de traitement.

En fait, quelques études réalisées au cours de ces dernières années ont montré que le charbon actif en poudre ou en grains pouvait potentiellement retenir ou transformer les ions chlorites.

Élimination des ions chlorites sur charbon actif en poudre (CAP)

Les taux de traitement au bioxyde de chlore utilisés en préoxydation sont souvent compris entre 1 et 2 mg l⁻¹ et peuvent quelquefois atteindre des valeurs comprises entre 2 et 5 mg l⁻¹. L’utilisation du charbon actif en poudre dans les décanteurs à lit de boues peut donc constituer une première barrière pour les chlorites ; en effet, comme le montrent les valeurs du tableau III, l’élimination des chlorites sur le charbon actif en poudre est relativement rapide et dépend de la concentration en CAP.

Notons toutefois que la présence de chlorure dans l’eau induit une inhibition de la rétention des chlorites comme le montrent les valeurs du tableau IV.

Au niveau de l’interprétation du phénomène, on constate que les ions chlorites sont réduits en chlorures (20) et que la réaction est d’ordre 2 (ordre 1 par rapport au chlorite et ordre 1 par rapport au charbon actif) ce qui correspond à une réaction et à une expression de vitesse de la forme :

ClO₂⁻ + CA* → produits
d[ClO₂⁻]/dt = k₂ [ClO₂⁻] [CA*]

Ce type d’expression traduit le fait que certains sites du charbon actif sont réactifs avec les ions chlorites ; on peut penser que des fonctions du type anhydrides organiques ou lactones, présentes sur le charbon actif, pourraient jouer un certain rôle dans cette réduction.

*Seuls certains sites sont actifs.

Notons que, dans la pratique, l’excès de charbon actif en poudre dans le clarificateur par rapport aux ions chlorites est tel que la réaction apparaît probablement comme une réaction de pseudo premier ordre.

Tableau III

Élimination des chlorites sur CAP : vitesse d’élimination en fonction de la concentration en charbon actif ([ClO₂⁻]₀ = 1 mg l⁻¹ dans l’eau distillée) (20)

t (s) Concentration en CAP (mg/l)
100 200 300 400 500
0 1 1 1 1 1
60 0,48
150 0,54 0,18
300 0,76 0,58 0,33 0,30 0,04
600 0,65 0,41 0,19 0,08
750 0,05
900 0,55 0,26 0,08 0,03
1 200 0,48 0,18 0,05
1 500 0,42 0,13 0,02
1 800 0,37 0,09

Élimination des ions chlorites sur charbon actif en grains

Un certain nombre d’expérimentations réalisées sur des filtres de charbon actif en grains mettent en évidence l’élimination plus ou moins quantitative des chlorites. Sur l’usine de « Old Oaken Bucket » aux U.S.A. (21) qui traite une eau douce, très colorée, à caractère acide avec des concentrations modérées en fer et en manganèse, la substitution de la préchloration par une préoxydation au bioxyde de chlore à un taux de traitement de 4,3 mg l⁻¹ a permis de réduire la concentration des THM de 275 µg l⁻¹ à moins de 20 µg l⁻¹. Une étude d’élimination des chlorites sur les colonnes de charbon actif en grains placées en série a permis une rétention de 60 à 90 % des chlorites sur la première colonne possédant une hauteur de CAG de 25 cm et un temps de rétention en lit vide de 2,2 minutes ; l’élimination est de 100 % avec la deuxième colonne (H = 45 cm et Tᵥ = 3,8 minutes) (21). Une étude semblable (22) conduite sur différents charbons avec une eau dopée en ClO₂⁻ a permis d’obtenir des résultats intéressants ; toutefois, l’efficacité diminue en fonction du temps.

En résumé, l’élimination des chlorites sur charbon actif peut constituer une possibilité d’élimination de ces ions. Elle peut être envisagée avec du charbon actif en poudre ou sur un filtre de charbon actif en grains.

Tableau IV

Élimination des chlorites sur CAP – Influence de la concentration en ions chlorures sur la réduction des chlorites ([ClO₂⁻]₀ = 1 mg l⁻¹ dans l’eau distillée) (20)

t (s) [Cl⁻] mol/l
1 10⁻² 10⁻³ 10⁻⁴ 10⁻⁵
0 1 1 1 1 1
300 0,91 0,72 0,46 0,42 0,35
600 0,79 0,56 0,32 0,22 0,20
900 0,73 0,44 0,16 0,13 0,08
1 200 0,63 0,33 0,11 0,09 0,06
1 500 0,58 0,23 0,07 0,04 0,04
1 800 0,51 0,18 0,05

Conclusion

L'utilisation du bioxyde de chlore dans le traitement des eaux de consommation présente un certain nombre d'avantages :

  • — en préoxydation, il ne conduit pas directement à la formation de THM et de composés organochlorés ; il peut même réduire la concentration des précurseurs présents dans l’eau et n’oxyde pas les bromures ;
  • — le bioxyde de chlore est un bon oxydant du fer et du manganèse ;
  • — il n’oxyde pas l’azote ammoniacal, ce qui présente l’avantage d’une réduction de consommation de l’oxydant ;
  • — en oxydation finale, c'est un bon désinfectant dont les propriétés bactéricides et virulicides sont stables dans toute la gamme des pH des eaux naturelles et dont le pouvoir rémanent est bien connu.

En contrepartie, comme tous les oxydants, il présente quelques inconvénients :

  • — il n’oxyde pas l'ammoniaque, ce qui implique une nitrification biologique ; il libère dans le milieu, à côté des chlorures, des ions chlorites dont la quantité peut aller jusqu'à 0,6—0,7 mg par mg de ClO₂ consommé.

En ce qui concerne le premier point, le problème des fuites en ammoniaque, résultant d'un dysfonctionnement de la nitrification biologique (par temps froid par exemple), peut être réglé par une post-chloration. Pour le deuxième point, il est sûr que le charbon actif présente un ensemble de propriétés qui peuvent être exploitées pour la réduction des chlorites.

Le charbon actif en poudre mis en œuvre au niveau de la clarification peut permettre une réduction sensible de la concentration en chlorite si toutefois la concentration en chlorure n’est pas trop importante. Des concentrations en chlorure supérieures à 100 mg l⁻¹ peuvent déjà poser des problèmes de compétitivité. En ce qui concerne le charbon actif en grains, les résultats actuellement disponibles ne permettent pas d’avoir une idée précise des possibilités de cet absorbant, d’autant plus que le pouvoir d’élimination des chlorites varie avec la nature du charbon mais également avec la présence ou non de matières organiques fixées sur le charbon. Sur ces deux points, des recherches complémentaires sont nécessaires pour comprendre le mécanisme de réduction des chlorites et pouvoir ainsi agir sur le choix du charbon et sur son exploitation dans l’usine de traitement.

Article extrait d’une communication présentée le 27 septembre 1990 aux Journées Informations Eau, à Poitiers.

1 à 22 : La bibliographie sera fournie par les auteurs aux lecteurs intéressés.

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